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LIVRES

 

 

 

 

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LES SERMONS DE WESLEY (1)


PRESENTATION          

PRINCIPAUX OUVRAGES UTILISES

PREFACE DE JOHN WESLEY

Sermon 1 :       LE SALUT PAR LA FOI

Sermon 2 :       LE PRESQUE CHRETIEN

Sermon 3 :       REVEILLE-TOI, TOI QUI DORS

Sermon 4 :       LE CHRISTIANISME SCRIPTURAIRE

Sermon 5 :       LA JUSTIFICATION PAR LA FOI

Sermon 6 :       LA JUSTICE DE LA FOI

Sermon 7 :       LE CHEMIN DU ROYAUME

Sermon 8 :       LES PREMIERS FRUITS DE L’ESPRIT

Sermon 9 :       L’ESPRIT DE SERVITUDE ET L’ESPRIT D’ADOPTION

Sermon 10 :     LE TEMOIGNAGE DE L’ESPRIT (1er DISCOURS)

Sermon 11 :     LE TEMOIGNAGE DE L’ESPRIT (2e DISCOURS)

Sermon 12 :     LE TEMOIGNAGE DE NOTRE ESPRIT

Sermon 13 :     LE PECHE DANS LES CROYANTS

Sermon 14 :     LA REPENTANCE CHEZ LES CROYANTS

Sermon 15 :     LES GRANDES ASSISES

Sermon 16 :     LES MOYENS DE GRACE

Sermon 17 :     LA CIRCONCISION DU CŒUR

Sermon 18 :     LES MARQUES DE LA NOUVELLE NAISSANCE

Sermon 19 :     LE GRAND PRIVILEGE DE CEUX QUI SONT NÉS DE DIEU

Sermon 20 :     L'ÉTERNEL NOTRE JUSTICE


PRÉSENTATION 

John Wesley (1703-1791)

Prédicateur infatigable. Il parcourt plus de 360 000 km, la plupart du temps à cheval, et prononce plus de 40 000 sermons.

Ces cinquante-trois sermons de Wesley, forment, avec ses Notes sur le Nouveau-Testament, la base doctrinale des Eglises méthodistes.

Nous nous sommes efforcé de reproduire aussi fidèlement que possible le texte original, sans nous permettre jamais de retoucher ou d'abréger notre auteur. Wesley est assez grand pour que ses traducteurs respectent absolument son texte, même lorsqu'ils pourraient penser autrement que lui sur certains points secondaires.

 

Si nous en jugeons par l'édification que nous avons puisée dans ces discours en les préparant pour l'édition, il nous est permis d'espérer que ceux qui les liront y apprendront, non seulement à vénérer la mémoire du grand serviteur de Dieu qui les a écrits, et à mieux comprendre la puissance du réveil religieux dont il a été l'instrument, mais aussi à chercher à faire revivre en eux et à propager autour d'eux, ce christianisme biblique qui sauva l'Angleterre au dix-huitième siècle et qui pourrait être le moyen de la régénération de la France, à cette fin du dix-neuvième siècle.


PRINCIPAUX OUVRAGES UTILISES

LE SERMON SUR LA MONTAGNE expliqué dans une série de discours par Jean Wesley Librairie Evangélique 49 rue d’Amsterdam Paris 1857

SERMONS CHOISIS Sermons Choisis de Wesley Publications Méthodistes 5 rue du Champ de Mars Bruxelle 1858

LA VOIE DU SALUT Sermons par Wesley Librairie Evangélique 49 rue d’Amsterdam Paris 1858

SERMONS par Jean Wesley Traduction nouvelle. Tome 2 Librairie Evangelique 4 rue de Roquépine Paris 1888

Edition numérique © Yves PETRAKIAN Juillet 2003  Tous droits réservés.

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Préface de Wesley, publiée sans changement dans chaque édition de ses sermons entre 1746 et 1787.

 

Les sermons qui suivent contiennent la substance de ce que j'ai prêché, ces huit ou neuf dernières années. Pendant cette période, j'ai fréquemment parlé en public sur les divers sujets traités dans ce recueil, et je ne sache pas qu'il y ait un seul des points de doctrine, abordés habituellement par moi en public, qui ne soit ici exposé au lecteur chrétien, incidemment, sinon toujours à fond. Tout homme sérieux qui parcourra ces pages, verra donc, avec une entière clarté, quelles sont les doctrines que je professe et que j'enseigne comme les bases essentielles de la vraie religion.

Mais je sens vivement que l'exposition que j'offre ici de ces doctrines est loin d'être ce que certaines personnes pourraient attendre. Je ne les ai pas revêtues d'une forme élaborée, élégante ou oratoire. Eussé-je eu le désir ou le dessein de le faire, que je n'en aurais pas eu le loisir. Mais à la vérité ce dessein est, pour le moment, fort éloigné de ma pensée ; j'écris maintenant, et je parle habituellement, ad populum, aux masses, à ceux qui n'ont aucun goût pour la rhétorique, et qui ne la comprendraient même pas, mais qui n'en sont pas moins compétents pour juger des vérités qui leur apportent le bonheur présent et à venir. Je dis ceci pour éviter aux lecteurs curieux la peine de chercher dans ces sermons ce qu'ils n'y trouveraient pas.

C'est aux gens simples que j'essaie de dire la vérité toute simple. Je m'abstiens donc, de propos délibéré, de toute délicate spéculation philosophique, de toute argumentation compliquée et embrouillée, et, autant que possible, de tout appareil d'érudition, sauf quelquefois en citant le texte original de l'Ecriture. Je m'efforce d'écarter tous les mots qui ne sont pas faciles à entendre, tous ceux qui ne sont pas d'usage commun, et en particulier ces termes techniques que l'on rencontre si fréquemment dans les traités de théologie, ces modes de parler si familiers aux hommes de science, mais qui font l'effet d'une langue inconnue aux gens du commun peuple. Je ne suis pourtant pas sûr de m'en être toujours préservé moi-même, tant il est naturel d'imaginer qu'un mot qui nous est familier doit l'être à tout le monde.

En fait, mon dessein est, en quelque sorte, d'oublier tout ce que j'ai lu dans ma vie, ou du moins de parler comme si je n'avais jamais lu un seul auteur, ancien ou moderne, à l'exception des auteurs inspirés. Je suis persuadé que, d'une part, en laissant simplement mes propres pensées se dérouler, sans m'embarrasser de celles des autres hommes, je pourrai plus clairement exprimer les sentiments de mon cœur ; et, d'autre part, j'aborderai avec un esprit plus libre de préjugés et de préventions les vérités toutes nues de l'Évangile, soit pour mon propre usage, soit pour les présenter à autrui.

Je ne crains pas d'ouvrir ici mon cœur, dans ses plus secrètes pensées, aux hommes de raison et de conscience. J'ai compris que je suis une créature d'un jour, traversant la vie comme la flèche fend l'air. Je suis un esprit venu de Dieu, et qui retourne à Dieu, planant sur le vaste abîme, jusqu'à ce que, dans quelques moments, je disparaisse et je tombe dans l'immuable éternité ! J'ai besoin de connaître une chose, le chemin qui mène au ciel, et le moyen de débarquer heureusement sur cette plage bénie. Dieu lui-même a daigné nous enseigner ce chemin ; il est descendu du ciel pour cela ; il a écrit dans un livre ce qui en est. Oh ! donnez-moi ce livre ! A tout prix, donnez-moi le livre de Dieu ! Je le possède ; dans ses pages est contenue la science qui me suffit. Que je sois homo unius libri (l'homme d'un seul livre.) ! Ici je suis éloigné des routes bruyantes où passent les hommes. Je m'assieds seul, en la présence de Dieu. Devant lui, j'ouvre et je lis son livre, en vue d'y trouver le chemin du ciel. Ai-je quelque doute sur le sens de ce que je lis ? Quelque chose me paraît-il obscur ou compliqué ? J'élève mon cœur vers le Père des lumières : « Seigneur, n'as-tu pas dit : Si quelqu'un manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu ? » Tu la donnes libéralement et sans reproches. Tu as dit : « Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra ». Je veux la faire, fais-la moi connaître ». Je me mets alors à chercher et à examiner les passages parallèles de l'Ecriture, « comparant les choses spirituelles aux spirituelles ». J'y médite avec toute l'attention et toute l'intensité dont mon esprit est capable. Si quelque doute persiste, je consulte ceux qui sont expérimentés dans les choses de Dieu, et les écrits, dans lesquels, quoique morts, ils parlent encore. Et ce que j'ai appris je l'enseigne.

J'ai conséquemment mis, dans les sermons qui suivent, ce que j'ai trouvé dans la Bible concernant le chemin du ciel, dans le dessein de distinguer ce chemin de Dieu de ceux que les hommes ont inventés. J'ai essayé de décrire la religion véritable, scripturaire, expérimentale, de façon à ne rien omettre de ce qui en fait réellement partie, et aussi à ne rien y ajouter. Je désire spécialement par là, d'abord, éloigner du formalisme, qui a presque banni de ce monde la vraie religion, ceux qui se sont mis en route pour le royaume des cieux, mais qui, ayant peu d'expérience des choses de Dieu, risquent plus aisément de se laisser détourner ; je veux, en second lieu, mettre sur leurs gardes ceux qui connaissent la religion du cœur et la foi agissante par la charité, de peur qu'il ne leur arrive un jour d'annuler la loi par la foi et de tomber dans les pièges du diable.

D'après le conseil de quelques-uns de mes amis, j'ai introduit dans ce recueil trois sermons de moi-même et un de mon frère (Il s'agit des sermons sur le Salut par la foi, Presque chrétien et le Christianisme scripturaire, qui forment les trois premiers du recueil la Voie du Salut, et du sermon Réveille toi, toi qui dors, qui est en tête du présent recueil.), prêchés devant l'Université d'Oxford. Mon plan exigeait des discours sur ces sujets, et j'ai donné la préférence à ceux-ci sur d'autres composés plus récemment, parce qu'ils répondent victorieusement à l'accusation qui nous a été fréquemment lancée, d'avoir changé de doctrine et de ne plus prêcher ce que nous prêchions autrefois. Tout homme réfléchi pourra se rendre compte de ce qui en est, en comparant ces sermons anciens aux antres plus récents.

Plusieurs penseront peut-être que, moi qui veux enseigner les autres j'ai dévié du droit chemin. Cela est très possible, mais j'ai la confiance que, si je me trompe, mon esprit est ouvert à la conviction, et que je désire sincèrement être redressé. Je dis à Dieu et à l'homme : « Enseigne-moi ce que je ne sais pas ».

Etes-vous persuadé que vous y voyez plus clair que moi ? Il se peut que vous ayez raison. Traitez-moi donc comme vous voudriez être traité vous-mêmes, si nous étions vous à ma place et moi à la vôtre. Montrez-moi une meilleure voie que celle que j'ai suivie, mais montrez-la moi par la seule autorité de l'Écriture. Et si je m'attarde dans la voie où j'ai accoutumé, de marcher, et si j'ai de la peine à la quitter, marchez à mon côté, prenez-moi par la main et conduisez-vous avec moi avec un peu de bienveillance. Ne vous étonnez pas si je vous prie de ne pas me malmener pour m'obliger à hâter le pas ; je risquerais alors de ne plus avancer du tout, moi qui, en faisant de mon mieux, n'avance que lentement et faiblement. Ne puis-je pas vous demander aussi de ne pas m'injurier pour me ramener au bon chemin ? A supposer que je fusse en plein dans l'erreur, je doute que ce fût le moyen de me ramener. Cela me ferait plutôt m'éloigner de vous et de la vérité, si vous l'avez.

Et puis, si vous vous fâchez, je pourrais me fâcher aussi, et ce ne serait pas là le moyen de trouver la vérité. Si une fois la colère s'en mêle, (comme dit quelque, part Homère), cette fumée troublera si bien les yeux de nos âmes que je ne verrai plus rien distinctement. Pour l'amour de Dieu, s'il est possible, évitons de nous provoquer à l'irritation. N'allumons pas ce feu de l'enfer les uns chez les autres, et, s'il est allumé, ne l'excitons pas. Quand même, à la lueur sinistre de ce feu, nous pourrions discerner la vérité, n'y aurait-il pas plus à perdre qu'à gagner ? Car combien est préférable l'amour, même mêlé à des opinions fausses, à la vérité elle-même sans l'amour ! Nous pouvons mourir en ignorant bien des vérités, et être néanmoins portés dans le sein d'Abraham. Mais si nous mourons sans amour, à quoi nous servira la connaissance ? Elle nous sera aussi peu utile qu'elle l'est au diable et à ses anges !

Que le Dieu d'amour nous préserve d'en faire jamais l'épreuve ! Qu'il nous prépare pour la connaissance de toute vérité, en remplissant nos cœurs de tout son amour, et de toute joie et paix en croyant !


Ephésiens 2,8

1738, prêché devant l'Université d'Oxford

 

« Vous êtes sauvés par grâce par la foi ». (Eph 2 : 8)

 

Toutes les bénédictions que Dieu a répandues sur l'homme viennent de sa pure grâce, de sa bonté ou de sa faveur ; faveur libre, non méritée, complètement gratuite ; l'homme n'ayant aucun droit au plus petit des bienfaits du Seigneur. Ce fut la grâce gratuite qui forma « l'homme de la poudre de la terre et souffla en lui une âme vivante  » ; ce fut elle qui grava sur cette âme l'image de Dieu et « mit toutes choses sous ses pieds ». La même libre grâce nous continue aujourd'hui la vie, la respiration et toutes choses ; car quoi que ce soit que nous soyons, que nous ayons ou que nous fassions, rien en nous ne peut mériter la plus petite faveur des mains de Dieu. C'est toi, ô Dieu ! qui as fait toutes nos œuvres en nous. Elles sont donc autant de preuves de plus d'une miséricorde, et toute justice qui peut se trouver en l'homme est aussi un don de Dieu.

Par quel moyen ou l'homme pécheur expiera-t-il donc le moindre de ses péchés ? Par ses œuvres ? Non : fussent-elles aussi nombreuses et aussi saintes que possible, elles ne sont pas à lui, elles sont à Dieu, mais en réalité elles sont toutes impures et pleines de péché, de sorte que chacune d'elles a besoin d'une nouvelle expiation. Il ne croît que des fruits mauvais sur un mauvais arbre ; or son cœur est entièrement corrompu et abominable, puisqu'il est « privé de la gloire de Dieu », de cette glorieuse justice gravée au commencement sur son âme, d'après l'image de son auguste Créateur. N'ayant ainsi rien à faire valoir, ni justice ni œuvres, sa bouche est fermée devant Dieu.

Si donc les hommes pêcheurs trouvent grâce auprès de Dieu, il y a là de la part du Seigneur grâce sur grâce ; s'il consent encore à répandre sur nous de nouvelles bénédictions, même la plus grande des bénédictions, le salut, que pouvons-nous dire à cela, sinon : « Grâces soient rendues à Dieu de son don ineffable ? » Oui, il en est ainsi : « Dieu fait éclater son amour envers nous, en ce que, lorsque nous n'étions que pécheurs, Christ est mort pour nous sauver ». « Vous êtes sauvés par grâce par la foi ». La grâce est la source du salut, la foi en est la condition.

Maintenant, afin que nous ne soyons point privés de la grâce de Dieu, il nous importe d'examiner avec soin, premièrement : quelle est la foi par laquelle nous sommes sauvés ; secondement : quel est le salut obtenu par la foi ; troisièmement : de quelle manière nous pouvons répondre à quelques objections qu'on présente contre la doctrine du salut par la foi.

 

I

Quelle est la foi par laquelle nous sommes sauvés ? C'est la première question que nous allons examiner. Et d'abord, ce n'est pas simplement la foi du païen. Dieu exige d'un païen qu'il croie que Dieu « est, qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent » soigneusement, et qu'il veut qu'on le cherche en le glorifiant comme Dieu, en lui rendant grâces pour toutes choses, et en pratiquant assidûment la vertu morale, la justice, la miséricorde et la vérité envers le prochain. Le Grec, le Romain, le Scythe même et l'Indien étaient sans excuse s'ils ne croyaient pas tout cela ; savoir, l'existence et les attributs de Dieu, un état futur de récompenses et de punitions et la nature obligatoire de la vertu. Croire ces choses, c'est avoir la foi du païen seulement.

En second lieu, ce n'est pas la foi du démon, quoique celle-ci aille beaucoup plus loin que la foi du païen, car le diable croit non seulement qu'il y a un Dieu sage et puissant, bon pour récompenser, et juste pour punir ; mais il croit aussi que Jésus est le Fils de Dieu, le Christ, le Sauveur du monde. C'est ce qu'il déclare dans ces paroles expresses : « Je sais qui tu es ; tu es le saint de Dieu » (Lu 4 : 34). Et nous ne pouvons douter que cet esprit malheureux ne croie à toutes les paroles sorties de la bouche du Saint, et même à tout ce qui a été écrit par les hommes inspirés, à deux desquels il a été forcé de rendre ce glorieux témoignage :

« Ces hommes sont des serviteurs du Dieu très-haut, et ils vous annoncent la voie du salut ». Le grand ennemi de Dieu et de l'homme croit donc, et tremble en croyant que Dieu a été manifesté en chair, qu'il mettra « tous ses ennemis sous ses pieds », et que « toute l'Ecriture est divinement inspirée  » ; sa foi va jusque-là.

La foi, en troisième lieu, par laquelle nous sommes sauvés, dans le sens qui sera expliqué plus loin, n'est pas cette foi qu'avaient les apôtres eux-mêmes tandis que Christ était sur la terre, quoiqu'ils crussent assez fermement en lui pour « tout quitter et le suivre  » ; quoiqu'ils eussent alors le pouvoir d'opérer des miracles, de « guérir toutes sortes de maladies et toutes sortes d'infirmités  » ; bien qu'ils eussent même « puissance, et autorité sur tous les démons », et, ce qui est plus encore, qu'ils fussent envoyés par leur Maître pour prêcher le royaume de Dieu.

Quelle est donc la foi par laquelle nous sommes sauvés ? On peut répondre d'abord, en général, c'est la foi en Christ ; Christ, et Dieu par Christ en sont les objets. Ce caractère la distingue assez de la foi des païens anciens ou modernes. Et ce qui la distingue parfaitement de la foi des démons, c'est qu'elle n'est pas une simple croyance rationnelle, spéculative, un assentiment à la vérité, froid et sans vie, une série d'idées dans la tête ; mais aussi une disposition du cœur. Car ainsi parle L'Ecriture : « On croit du cœur pour obtenir la justice  » ; et encore : « Si tu confesses le Seigneur Jésus de ta bouche, et que tu croies dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé ».

Et cette foi est différente de celle qu'avaient les apôtres eux mêmes tandis que Notre-Seigneur était sur la terre, en ce qu'elle reconnaît la nécessité et la vertu propitiatoire de la mort de Jésus ainsi que l'efficace de sa résurrection. Elle reconnaît sa mort comme l'unique moyen suffisant pour racheter l'homme de la mort éternelle, et sa résurrection comme notre restauration à la vie et à l'immortalité, puisqu'il « a été livré pour nos offenses et qu'il est ressuscité pour notre justification ». la foi chrétienne, donc, n'est pas seulement un assentiment donné à tout l'Evangile de Christ c'est aussi une pleine confiance dans le sang de Christ, un repos de l'âme sur les mérites de sa vie, de sa mort et de sa résurrection ; un recours à lui comme étant notre sacrifice expiatoire et notre vie, comme s'étant donné pour nous et comme virant en nous, et partant, c'est recevoir Christ, s'appuyer sur lui, s'unir et s'attacher à lui comme à notre « sagesse, justice, sanctification et rédemption », en un mot, comme à notre salut.

 

II

Quel est ce salut obtenu par la foi ? C'est le second point à expliquer.

Et, avant tout, quoi que ce soit qu'implique d'ailleurs ce salut, c'est un salut présent, c'est quelque chose que l'on peut obtenir, bien plus, que possèdent actuellement sur la terre ceux qui ont la foi dont nous venons de parler.

L'apôtre dit aux fidèles d'Ephèse (et en le leur disant, il le dit aux fidèles de tous les âges) : « Vous êtes sauvés par la foi », et non, vous serez sauvés, quoique cela aussi soit vrai.

Vous êtes sauvés, pour tout dire en un mot, du péché. Voilà la délivrance qui s'obtient par la foi ; c'est ce grand salut annoncé par l'ange avant que Dieu fit venir son premier-né dans le monde : « Tu lui donneras, dit-il, le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés ». Il n'y a aucune limite ou restriction à ce salut, ni ici ni ailleurs, dans l'Écriture sainte. Il sauvera son peuple, ou, comme il est dit dans un autre endroit : « Tous ceux qui croient eu lui », de tous leurs péchés, de leur péché originel et actuel, passé et présent ; des péchés « de la chair et de l'esprit ». Par la foi en Jésus, ils sont délivrés et de la culpabilité et de la puissance du péché.

Vous êtes sauvés, d'abord, de la culpabilité de tout péché passé. Car, d'un côté, puisque tout le monde est coupable devant Dieu et qui, s'il voulait prendre garde aux iniquités, nul homme ne subsisterait ; puisque la loi ne donne que la connaissance et nullement la délivrance du péché, de sorte que « personne ne sera, justifié devant Dieu par les œuvres de la loi  » ; de l'autre côté, « la justice de Dieu qui est par la foi en Jésus-Christ a été manifestée en tous ceux qui croient », et ils sont maintenant « justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ, que Dieu avait destiné, pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang, afin de faire paraître sa justice par le pardon des péchés commis auparavant ». Christ a enlevé « la malédiction de la loi, ayant été fait malédiction pour nous. — Il a effacé l'obligation qui était contre nous, et il l'a entièrement annulée en l'attachant à la croix. — Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui » croient « en Jésus-Christ ».

Et étant délivrés de la culpabilité, ils le sont aussi de la crainte ; non de la crainte filiale d'offenser Dieu, mais de toute crainte servile, et qui cause de la peine ; de la crainte de la punition méritée, de la colère de Dieu, qu'ils ne considèrent plus comme un maître sévère, mais comme un père indulgent. Ils n'ont point « reçu un esprit de servitude, mais l'esprit d'adoption, par lequel ils crient : Abba, c'est-à-dire, Père ; c'est ce même Esprit qui rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu ». Ils sont aussi délivrés de la crainte, mais non de la possibilité de perdre la grâce, et d'être privés des grandes et précieuses promesses de Dieu. Ainsi ils ont « la paix avec Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Ils se réjouissent « dans l'espérance de la gloire de Dieu. L'amour de Dieu est répandu dans leurs cœurs par le Saint-Esprit qui leur a été donné » ; et par là ils sont persuadés (persuasion qui n'a pas en tous temps une égale force, et qui peut-être même n'existe pas toujours), ils sont persuadés, dis-je, que ni la mort ni la vie, ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni les choses élevées, ni les choses basses, ni aucune autre créature, ne les pourra séparer de l'amour que Dieu leur a montré en Jésus-Christ Notre-Seigneur ».

De plus, par cette foi ils sont délivrés de la puissance du péché, aussi bien que de sa culpabilité. C'est ce que déclare l'apôtre : « Vous savez que Jésus-Christ a paru pour ôter nos péchés, et qu'il n'y a point de péché en lui. Quiconque demeure en lui ne pèche point. Mes petits enfants, que personne ne vous séduise, celui qui fait le péché est du diable. Quiconque croit est né de Dieu ; et celui qui est né de Dieu ne fait point le parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu (1Jn 3 : 5-9)  ». Et encore : « Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche point ; mais celui qui est né de Dieu se conserve soi-même, et le malin ne le touche point (1Jn 5 : 18)  ».

Celui qui, par la foi, est né de Dieu, ne pèche point.

1° Il ne commet pas de péché habituel ; car tout péché d'habitude est un péché dominant ; mais le péché ne peut régner chez un homme qui croit.

2° Il ne commet point de péché volontaire ; car sa volonté, aussi longtemps qu'il demeure dans la foi, est entièrement opposée à tout péché et l'abhorre comme un poison mortel.

3° Il ne pèche par aucun désir coupable ; car il désire sans cesse de faire la volonté sainte et parfaite de Dieu, et par sa grâce il étouffe, dès son apparition, toute tendance à des désirs mauvais.

4° Il ne pèche point par infirmité, soit en parole, soit en acte, soit en pensée, car ses infirmités n'ont pas le consentement de sa volonté, condition sans laquelle elles ne sont pas à proprement parler des péchés.

Ainsi, « celui qui est né de Dieu ne commet point le péché  » ; et quoiqu'il ne puisse point dire qu'il n'a pas péché, néanmoins « il ne pèche point » actuellement.

C'est là le salut reçu par la foi même dans ce monde ; c'est, ce qui est souvent exprimé par le mot de justification, la délivrance du péché et de ses conséquences. La justification prise dans le sens le plus large comprend la délivrance de la culpabilité et de la peine du péché, par le sacrifice de Christ actuellement appliqué à l'âme du pécheur qui croit maintenant en Lui, et la délivrance de l'empire du péché par Christ qui est formé dans son cœur, de telle manière que celui qui est ainsi justifié, ou sauvé par la foi, est vraiment né de nouveau. Ill est né de nouveau de l'Esprit, né à une vie nouvelle « cachée avec Christ en Dieu ». Et comme un enfant nouveau-né, il reçoit avec joie « le lait pur de la parole » et il « croît par son moyen », dans la force de l'Eternel son Dieu ; il va de foi en foi, de grâce en grâce, jusqu'à ce qu'enfin, il atteigne « à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ ».

 

III

La première objection que l'on fait ordinairement à cette doctrine, c'est que prêcher le salut, ou la justification par la foi seule, c'est prêcher contre la sainteté et les bonnes œuvres. On pourrait se borner à y faire cette courte réponse : Il en serait ainsi si nous parlions, comme le font quelques-uns, d'une foi séparée de ces choses ; mais nous parlons, au contraire, d'une foi fertile en toutes sortes de bonnes œuvres et en toute sainteté.

Mais il peut être utile d'examiner plus au long cette objection, surtout puisqu'elle n'est pas nouvelle, car elle est aussi vieille que les temps de saint de saint Paul, où l'on demandait déjà : « N'anéantissons-nous pas la loi par la foi ? » Nous répondons, premièrement, que tous ceux qui ne prêchent pas la foi, anéantissent évidemment la loi, soit d'une manière directe et grossière, par des limites et des commentaires qui en rongent tout l'esprit, soit indirectement en n'indiquant pas les seuls moyens qui nous rendent capables de l'accomplir ; tandis que, en second lieu, « nous établissons la loi », à la fois, en montrant toute son étendue et son sens spirituel, et en appelant tous les hommes à venir au Père par le chemin vivant, savoir par Christ, par lequel « la justice de la loi » peut être « accomplie en eux ». Ajoutons que tout en ne se confiant qu'au sang de Christ, les croyants pratiquent sans exception les ordonnances qu'il a instituées et font toutes « les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour qu'ils y marchent  » ; enfin ils possèdent et manifestent toutes les dispositions saintes et célestes, ils ont les mêmes sentiments qui étaient en Jésus-Christ.

Mais la prédication de cette foi ne pousse-t-elle pas les hommes à l'orgueil ? Nous répondons : accidentellement cela est possible. C'est pourquoi il faut instamment avertir tout croyant par ces paroles du grand Apôtre : Les premières « branches ont été retranchées à cause de leur incrédulité, et toi, tu subsistes par la foi : ne t'élève point par orgueil, mais crains. Si Dieu n'a point épargné les branches naturelles, prends garde qu'il ne t'épargne pas non plus. Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu ; sa sévérité à l'égard de ceux qui sont tombés, et sa bonté envers toi, pourvu que tu persévères dans cette bonté, autrement tu seras aussi retranché ». Et, en persévérant dans la bonté de Dieu, le chrétien se rappellera ces mots de saint Paul, qui prévoyait cette même objection et y répondait : « Où est donc le sujet de se glorifier ? Il est exclu. Par quelle loi ? Par la loi des œuvres. Non, mais par la loi de la foi (Ro 3 : 27)  ». Si l'homme était justifié par ses œuvres, il aurait de quoi se glorifier ; mais il n'y a aucun sujet de gloire pour « celui qui n'a point travaillé, mais qui croit en celui qui justifie le pécheur (Ro 4 : 5)  ».

Tel est encore le but des paroles qui précèdent et suivent le texte : « Dieu, qui est riche en miséricorde..., lorsque nous étions morts dans nos fautes, nous a vivifiés ensemble avec Christ, par la grâce duquel vous êtes sauvés ;... afin qu'il fit connaître, dans les siècles à venir, les immenses richesses de sa grâce, par la bonté dont il a usé envers nous en Jésus-Christ. Car vous êtes sauvés par grâce, par la foi, et cela ne vient point de vous (Eph 2 : 4-8)  ». Ni votre foi, ni votre salut ne vient de vous : « C'est un don de Dieu  » ; un don libre, non mérité ; tant la foi par laquelle vous êtes sauvés, que le salut qu'il y attache selon son bon plaisir et par pure miséricorde. Votre foi est un premier bienfait de sa grâce, le salut que vous obtenez par la foi en est un autre. « Ce n'est point par les œuvres afin que personne ne se glorifie », car toutes nos œuvres, toute notre justice, avant de croire, loin de mériter la foi, n'étaient dignes que de la condamnation ; par conséquent, lorsque la foi nous est donnée, ce n'est point à cause de nos œuvres. Et le salut aussi n'est point par les œuvres accomplies quand nous croyons ; car alors c'est Dieu qui opère en nous ; et partant la rémunération qu'il nous accorde pour ce qu'il opère lui-même, ne fait que relever les richesses de sa miséricorde et nous ôte tout sujet de nous glorifier.

Dire ainsi que la miséricorde de Dieu justifie ou sauve gratuitement par la foi seule, n'est-ce pas, cependant, encourager les hommes à vivre dans le péché ? Oui, il se peut que cette doctrine ait cet effet ; il est même certain qu'elle l'aura. Plusieurs « demeureront dans le péché afin que la grâce abonde », mais leur sang sera sur leur tête. La bonté de Dieu aurait dû les porter à la repentance, et c'est ce qu'elle fera pour ceux qui ont le cœur sincère. Quand ceux-ci savent qu'il « y a pardon par devers Dieu », ils crient à. lui avec force, ils lui demandent qu'il veuille aussi effacer leurs péchés, par la foi en Jésus ; et s'ils l'implorent instamment, sans se lasser, s'ils le cherchent par tous les moyens qu'il a établis ; s'ils refusent toute consolation jusqu'à ce qu'il vienne ; « il viendra et ne tardera point ». Et il peut faire une grande ouvre en peu de temps. De nombreux exemples rapportés dans les Actes des Apôtres, attestent que Dieu a opéré cette foi dans le cœur des hommes avec la rapidité de l'éclair qui tombe du ciel. Ainsi à la même heure où Paul et Silas commencèrent « à annoncer la parole du Seigneur » au geôlier, il se repentit, crut et fut baptisé ; ainsi trois mille personnes qui se repentirent et crurent le jour de la Pentecôte, à la première prédication de saint Pierre, furent baptisées par lui le même jour ; et, Dieu en soit béni, il y a maintenant bien des preuves vivantes qu'il est encore « puissant pour sauver ».

Cependant, contre la même vérité, envisagée à un autre point de vue, on présente une objection tout-à-fait opposée ; on dit que c'est pousser les hommes au désespoir que de soutenir qu'ils ne peuvent être sauvés par tout ce qu'il leur est possible de faire. Oui, au désespoir de gagner le salut par leurs propres œuvres, par leurs mérites ou leur justice propre ; et il est nécessaire que cela arrive, car nul ne peut se confier aux mérites de Christ avant d'avoir complètement renoncé aux siens. Celui qui « cherche à établir sa propre justice », ne peut recevoir la justice de Dieu. La justice de la foi ne peut lui être donnée aussi longtemps qu'il se confie en celle qui vient de la loi.

Mais, dit-on, cette doctrine est peu consolante. Ah ! le diable a parlé, comme sa nature le veut, c'est-à-dire sans vérité et sans honte, quand il a osé suggérer aux hommes cette pensée. — C'est la seule doctrine consolante ; oui, elle est toute pleine de consolation pour tout pécheur qui s'est perdu et qui se condamne lui-même. « Quiconque croit en lui ne sera point confus ». Celui qui est le Seigneur de tous est riche en miséricorde « pour tous ceux qui l'invoquent  » ; — voilà une consolation aussi élevée que le ciel, et plus forte que la mort ! Quoi ! miséricorde pour tous ! pour Zachée, l'exacteur public ? pour Marie-Magdeleine, la prostituée ? Il me semble entendre dire à quelqu'un : Alors moi, moi aussi, je puis espérer de trouver grâce ! — Oui, tu le peux, ô affligé que personne n'a consolé ! Dieu ne repoussera point ta prière.

Que sais-tu ? peut-être à l'heure qui va sonner te dira-t-il : « Prends courage, tes péchés te sont pardonnés », — tellement pardonnés qu'ils ne règneront plus sur toi ; et que le Saint-Esprit rendra témoignage à ton esprit que tu es enfant de Dieu. Ô bonnes nouvelles, nouvelles de grande joie, envoyées à tous les peuples ! « ô vous tous qui êtes altérés, venez aux eaux ; venez, achetez sans argent et sans aucun prix ». Quels que soient vos péchés, fussent-ils rouges « comme le cramoisi », fussent-ils plus nombreux que les cheveux de votre tête, — retournez à l'Éternel et il aura pitié de vous, et à notre Dieu, car il pardonne abondamment.

Quand on ne peut plus rien objecter, on nous dit simplement, que le salut par la foi ne devrait pas être prêché, comme doctrine première, ou du moins ne devrait pas être prêché à tous. Mais que dit le Saint-Esprit ? « Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ ». Ainsi donc, le fondement de toute notre prédication est et doit être : « Quiconque croit en lui sera sauvé  » ; c'est là ce qui en doit, faire le premier sujet. — Bien, mais il ne faut pas prêcher cette doctrine à tous tes hommes. – A qui donc ne devons-nous point la prêcher ? qui devons-nous excepter ? Les pauvres ? — Mais ils ont un droit tout particulier à ce qu'on leur prêche l'Évangile. — Les ignorants ? — Dès le commencement, Dieu a révélé ces choses aux hommes illettrés et ignorants. — Les jeunes gens ? —Nullement. Sur toutes choses, « laissez-les venir et Christ, et ne les en empêchez point ». — Les pécheurs ? — Moins que personne. Il est « venu appeler à la repentance, non les justes, mais les pécheurs ». Eh bien ! s'il nous faut excepter quelqu'un, ce doivent être les riches, les savants, les hommes estimés et moraux ; et il est vrai qu'ils ne se dispensent que trop souvent d'écouter cette doctrine. Mais, quoi qu'il en soit, nous devons annoncer la parole de Notre Seigneur. Car voici la, teneur de notre commission.

« Allez, prêchez l'Évangile à toute créature ». S'il est des hommes qui, à leur perdition, tordent cet Évangile, dans son entier ou dans quelqu'une de ses parties, il faudra qu'ils portent leur propre fardeau. Mais quant à, nous, comme l'Éternel est vivant, nous dirons ce que notre Die nous dira.

Dans ces temps surtout, nous répèterons : Vous êtes sauvés, par grâce, par la foi. Jamais il ne fut plus nécessaire qu'aujourd'hui de maintenir cette doctrine, seule elle peut efficacement empêcher les erreurs de Rome de se propager parmi nous. Attaquer une à une toutes ces erreurs, c'est à n'en pas finir ; mais le salut par la foi les frappe à la racine ; elles tombent toutes à la fois, dès que cette, doctrine est établie. Ce fut cette doctrine que l'Église anglicane appelle avec tant de raison, le rocher et le fondement de la religion chrétienne, qui chassa le papisme de l'Angleterre, et seule elle l'en tiendra éloigné. Nulle autre chose ne réprimera cette immoralité qui a envahi notre pays comme un fleuve. Pouvez-vous mettre à sec l'océan goutte à goutte ? Alors vous pourrez nous réformer de nos vices particuliers par des raisonnements propres à nous en détourner. Mais que « la justice qui vient de Dieu par la foi » soit proclamée, et comme par une digue puissante, les vagues orgueilleuses de la dépravation seront refoulées. C'est le seul moyen de fermer la bouche à ceux « qui mettent leur gloire dans ce qui est leur confusion », et qui ouvertement « renient le Seigneur qui les a rachetés ». Ils peuvent parler de la loi en termes aussi sublimes que l'homme dans le cœur duquel Dieu l'a écrite. A les entendre discourir sur ce sujet, ou serait disposé à penser qu'il ne sont pas loin du royaume de Dieu ; mais conduisez-les de la loi à l'Évangile ; commencez par la justice de la foi, par « Christ, qui est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient », et ceux qui tout à l'heure paraissaient presque, sinon tout-à-fait chrétiens, restent convaincus de n'être que des fils de perdition, — d'être aussi éloignés de la vie et du salut (Dieu veuille leur être miséricordieux !) que les profondeurs de l'enfer des hauteurs du ciel.

C'est là ce qui fait rugir l'adversaire toutes les fois que le salut par la foi est publié au monde ; c'est ce qui le poussa à remuer la terre et l'enfer, pour faire mettre à mort ceux qui le prêchèrent les premiers ; — et sachant que la foi seule peut renverser les bases de son royaume, c'est pour cela qu'il réunit toutes ses forces et mit en jeu tous ses artifices de mensonge et de calomnie, afin d'effrayer Luther et de l'empêcher de remettre au jour cette doctrine. Et il n'y a là rien d'étonnant, car, ainsi que le remarque ce serviteur de Dieu : « Un homme orgueilleux, fort et tout armé, ne serait- il pas transporté de rage, si un petit enfant venait, un roseau à la main, le défier et l'arrêter  » ; surtout s'il était certain que, ce petit enfant dût le renverser et le fouler aux pieds ? — Oui, Seigneur Jésus, c'est ainsi que ta force s'est toujours « accomplie dans la faiblesse ». Va donc, petit enfant qui crois en Lui, et sa « droite t'apprendra des choses merveilleuses ! » Quoique tu sois sans force et faible comme un nouveau-né, l'homme fort ne pourra tenir devant toi. Tu auras le dessus sur lui ; tu pourras le dompter, le renverser et le fouler à tes pieds. Tu iras de conquête en conquête, sous la direction du grand Capitaine de ton salut, jusqu'à ce que tous tes ennemis soient détruits, et que « la mort soit engloutie dans la victoire ».

Or, grâces à Dieu, qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ », à qui comme au Père et au Saint-Esprit, soient « louange, gloire, sagesse, actions de grâce, honneur, puissance, et force, aux siècles des siècles ». AMEN.

 


Actes des Apôtres 26,28

1741, prêché devant l'Université d'Oxford

 

« Il s'en faut peu que tu ne me persuades d'être chrétien ». (Act 26 : 28)

 

Ils sont nombreux, ceux qui vont jusque-là. Depuis que la religion chrétienne est dans le monde, il y a toujours eu bien des gens, en tout temps et en tout pays, qui ont été « presque persuadés d'être chrétiens ». Mais puisqu'il ne sert de rien, devant Dieu, de n'aller que jusque-là, il nous importe fort de considérer :

1° ce qu'impliquent ces mots : être presque chrétien ;

2° ce que c'est que d'être tout-à-fait chrétien.

 

I

1. Être presque chrétien suppose d'abord l'honnêteté païenne. Personne, sans doute, ne contestera ceci ; d'autant que, par cette honnêteté, je n'entends pas seulement celle que recommandaient les philosophes païens dans leurs écrits, mais celle que les païens ordinaires attendaient les uns des autres, et que plusieurs d'entre eux pratiquaient. Par les règles de cette honnêteté ils apprenaient qu'il ne faut point être injuste ; qu'il ne faut, ni par brigandage, ni par larcin, ravir le bien d'autrui ; qu'il ne faut ni opprimer les pauvres, ni user d'extorsion envers personne ; qu'il ne faut frauder ou tromper en quoi que ce soit, ni les riches ni les pauvres ; qu'il ne faut frustrer personne de son droit, ni autant que possible, rien devoir à personne.

Les païens ordinaires reconnaissaient encore, qu'il faut, en quelque mesure, respecter la vérité aussi bien que la justice. En conséquence, ils n'avaient pas seulement en abomination le parjure qui prend Dieu à témoin pour mentir, mais encore quiconque était connu pour calomnier, pour accuser faussement. Et même ils n'estimaient guère plus le menteur en général, le tenant pour la honte du genre humain et la peste de la société.

Enfin il y avait une sorte d'amour et d'assistance qu'ils attendaient les uns des autres ; savoir, toute l'assistance que chacun peut donner sans préjudice pour lui-même. Et par là ils n'entendaient pas seulement ces petits services qui ne coûtent ni dépense ni travail, mais ils y comprenaient le devoir de nourrir ceux qui ont faim, de couvrir ceux qui sont nus, quand on a surabondance de nourriture et de vêtements, et, en général, de donner à tous ceux qui ont besoin ce dont on n'a pas besoin soi-même. C'est jusque-là qu'allait l'honnêteté païenne la plus commune, premier trait du caractère presque chrétien.

 

2. Un second trait du caractère presque chrétien c'est d'avoir la forme de la piété, de cette piété que prescrit l'Évangile de Christ ; c'est d'avoir les dehors d'un vrai chrétien. Celui qui est presque chrétien ne fait donc rien de ce que l'Évangile condamne ; il ne prend pas le nom de Dieu en vain ; il bénit au lieu de maudire ; « il ne jure du tout point, mais sa parole est oui — oui, non — non ». Il ne profane le jour du Seigneur ni ne souffre qu'il soit profané, même par qui est dans ses portes ». Il évite, non seulement tout adultère, toute fornication, toute impureté dans ses actes, mais toute parole, tout regard qui pourrait y tendre directement ou indirectement ; il évite toute parole inutile, s'abstenant non seulement de détraction, de médisance, de rapports, de mauvais discours, mais encore « de paroles folles et de plaisanteries », - sorte d'amabilité dont le moraliste païen faisait une vertu, — en un mot de toute conversation qui ne peut servir à l'édification et qui, par cela même, « contriste le saint Esprit de Dieu par lequel nous avons été scellés pour le jour de la rédemption ». Il s'abstient « du vin où il y a de la dissolution », des orgies et de la gourmandise. Il évite, de tout son pouvoir, les débats et les contestations, faisant toujours ses efforts pour vivre en paix avec tous les hommes. Et si on lui fait tort, il ne se venge point, ni ne rend le mal pour le mal. Il n'est ni médisant, ni criailleur et ne se moque ni des défauts ni des infirmités d'autrui. Il n'offense, il n'afflige volontairement personne, mais, en toutes choses, il agit et parle d'après cette simple règle : Ne faites point à autrui ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait.

Et, en faisant du bien, il ne se borne pas à des actes de bonté au rabais et faciles à accomplir, mais il travaille et souffre pour le profit de plusieurs, afin qu'il puisse au moins servir à quelques-uns. Nonobstant la fatigue ou la peine, « il fait selon son pouvoir, tout ce qu'il a occasion de faire » et cela pour amis et pour ennemis, pour les méchants comme pour les bons ; car n'étant pas « paresseux à s'employer pour autrui », il fait, suivant l'occasion, du bien, toute sorte de bien à tous, et à leurs âmes comme à leurs corps. Il reprend les méchants, instruit les ignorants, affermit ceux qui chancellent, stimule les bons et console les affligés. Il travaille à réveiller ceux qui dorment et à conduire ceux que Dieu a réveillés à « la source ouverte pour le péché et la souillure », afin qu'ils s'y lavent et qu'ils soient nettoyés, — et, ceux qui sont sauvés par la foi, il les encourage à honorer l'Évangile de Christ en toutes choses.

Celui qui a la forme de la piété met aussi à profit, en toute occasion, tous les moyens de grâce. Il fréquente assidûment la maison de Dieu, et, en cela, il ne fait point comme quelques-uns qui viennent, en la présence du Très-Haut, chargés d'or et d'habits précieux, ou tout au moins du costume le plus vain, et qui, par leurs salutations hors de saison ou par la gaîté impertinente de leur maintien, montrent qu'ils ne prétendent pas plus à la forme qu'à la force de la piété. Plût à Dieu qu'il n'y en eût pas, même parmi nous, qui tombent sous la même condamnation, qui viennent dans cette maison, peut-être, les regards distraits, ou avec tous les signes de la plus inattentive et la plus insouciante indifférence, bien qu'ils aient l'air parfois de demander à Di eu qu'il bénisse leur dévotion ; qui donnent pendant le service solennel ou se tiennent dans la posture la plus convenable au sommeil ; qui causent entre eux ou regardent ça et là, inoccupés, comme s'ils supposaient que Dieu dort. Ah ! pour celui-là ne leur reprochez pas la forme de la piété ! Non ! celui qui l'a, cette forme, se comporte avec sérieux, avec attention, pendant tout ce saint service ; surtout, quand il s'approche de la table du Seigneur, ce n'est pas d'un air léger et insouciant, omis son air, ses gestes, toute sa manière d'être n'expriment que ce cri : « O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur ! »

A cela, si nous ajoutons la pratique constante du culte domestique par ceux qui sont chefs de famille ; la mise à part de certains moments pour la prière secrète, enfin le sérieux dans la conduite journalière ; —cette régularité dans la pratique de la religion extérieure constitue pour celui qui s'y livre la forme de la piété. Pour être presque chrétien, il n'a plus besoin que d'une chose, et c'est la sincérité.

 

3. Par sincérité j'entends un principe réel, intime de religion, duquel découlent les actes extérieurs. Et, vraiment, si ce principe nous manque, nous n'avons pas même l'honnêteté païenne, pas même assez pour répondre aux exigences d'un poète païen et épicurien. Car, dans ses bons moments ce pauvre malheureux pouvait rendre témoignage que :

Les bons fuient le mal par amour du bien,

Mais les méchants par crainte du châtiment.

(Oderunt peccare boni, virtutis amore,

Oderunt peccare mali formidius poenae.)

Et si un homme ne s'abstient de mal faire que pour éviter le châtiment : « Tu échapperas aux corbeaux »,

(Non pasces in cruce corvos.) lui dit ironiquement le païen (voici « tu as ta récompense ! » ) Mais il refuse, lui aussi, de tenir pour vertu païenne ce genre d'innocence. Si c'est donc par un motif semblable, — pour éviter des châtiments, ou la perte de ses amis, de ses gains, de sa réputation etc., qu'un homme s'abstient du mal, qu'il accomplit même toute sorte de bien et qu'il fait usage de tous les moyens de grâce, nous ne pouvons dire, avec quelque vérité, que cet homme soit presque chrétien. S'il n'a pas de meilleur mobile dans le cœur, il n'est tout bonnement qu'un hypocrite.

Il faut donc, pour être presque chrétien, être sincère : avoir un dessein réel de servir Dieu, un désir cordial de faire sa volonté. L'homme presque chrétien se propose sincèrement de plaire à Dieu en toutes choses, dans toute sa conduite, dans toutes ses actions, dans tout ce qu'il fait et dans tout ce qu'il s'abstient de faire. Ce dessein règle l'ensemble de sa vie. Et c'est le mobile qui le dirige, soit qu'il fasse le bien ou qu'il s'abstienne du mal, ou qu'il use des moyens de grâce ordonnés de Dieu.

Mais ici on dira sans doute : Peut-il y avoir au monde un homme qui en vienne à ce point et qui ne soit encore que presque chrétien ? Que faut-il donc de plus pour être tout-à-fait chrétien ? — A la première question, je réponds : Oui, il est possible d'aller jusque-là tout en n'étant que presque chrétien, et c'est ce que j'apprends, non seulement des oracles de Dieu, mais encore du sûr témoignage de l'expérience.

Frères, je puis vous parler en ceci avec grande assurance. Et « pardonnez-moi ce tort » si je déclare ma propre folie sur le toit des maisons pour l'amour de vous et de l'Evangile ; souffrez donc, que je parle librement de moi-même comme s'il s'agissait d'un autre. Je consens à être abaissé pour que vous soyez élevés, et même à, être encore plus avili pour la gloire de mon Seigneur.

J'ai vécu plusieurs années allant jusque-là, comme plusieurs ici présents peuvent en rendre témoignage mettant tous mes soins à éviter le mal et à garder ma conscience pure de toute offense ; rachetant le temps, saisissant toute occasion de faire à tous les hommes toute sorte de bien ; profitant avec soin et assiduité de tous les moyens de grâce publics et privés, cherchant à me conduire, en tout temps et en tout lieu, d'une manière réglée et sérieuse, et faisant tout cela (Dieu devant qui je suis m'en est témoin !) en sincérité ; ayant l'intention sincère de servir Dieu, le désir vrai de faire sa volonté en toutes choses, de plaire à Celui qui m'avait appelé à « combattre le bon combat et à remporter la vie éternelle ». Néanmoins, ma propre conscience m'en rend témoignage par le Saint-Esprit, — je n'étais pendant tout ce temps que presque chrétien.

A la seconde question : Que faut-il de plus pour être tout-à-fait chrétien ? Je réponds :

 

II

Pour être tout-à-fait chrétien, il faut :

1° l'amour de Dieu. Car ainsi dit sa Parole : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toutes tes forces. « Cet amour est un amour qui prend pour lui tout le cœur, qui s'empare de toutes les affections, qui remplit toute la capacité de l'âme et qui en emploie toutes les facultés dans toute leur étendue.

Si quelqu'un aime ainsi le Seigneur son Dieu, « son esprit se réjouit continuellement en Dieu, son Sauveur ». Ses délices sont dans le Seigneur, son Seigneur, son Tout, à qui il rend grâces pour toutes choses. « C'est vers son nom et vers son souvenir que tend le désir de son âme ». Son cœur ne cesse de s'écrier :

« Quel autre que toi ai-je au ciel ? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Que désirerait-il, en effet, hors de Dieu ? Le monde, ou les choses du monde ? Mais il est « crucifié au monde et le monde lui est crucifié ». Il est crucifié à la convoitise de la chair, à la convoitise des yeux et à l'orgueil de la vie ». Oui, il est mort à toute espèce d'orgueil. Car « l'amour ne s'enfle point  » ; mais celui qui, demeurant dans l'amour, « demeure en Dieu et Dieu en lui », est moins que rien à ses propres yeux.

2° Pour être tout-à-fait chrétien, il faut l'amour du prochain, car Notre Seigneur dit encore dans le même texte : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si quelqu'un dit : mais qui est mon prochain ? je lui répondrai : Tout habitant du monde, tout enfant de celui qui est « le Père des esprits, de toute chair ». Il n'y a pas même d'exception à faire pour nos ennemis, pas même pour les ennemis de Dieu et de leurs propres âmes. Mais, ceux-là aussi, tout chrétien les aime comme lui-même et « comme Christ nous a aimés ». Si quelqu'un veut en savoir davantage sur cet amour, qu'il considère la description qu'en fait saint Paul « La charité est patiente et pleine de bonté. Elle n'est point envieuse. Elle n'est point insolente. Elle ne s'enfle point d'orgueil  » ; mais elle fait de celui qui aime l'humble serviteur de tous. « La charité n'est point malhonnête », loin de là, celui qui aime se fait « tout à tous ». « Elle ne cherche point son intérêt », mais seulement le bien des autres afin qu'ils soient sauvés. « La charité ne s'aigrit point ». Elle exclut la colère ; car celui qui a de la colère manque d'amour. « Elle ne soupçonne point le mal. Elle ne se réjouit point de l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité. Elle excuse tout ; elle croit tout ; elle espère tout ; elle supporte tout ».

3° Pour être tout-à-fait chrétien, il faut une troisième chose qu'on peut considérer à part quoiqu'en réalité elle soit inséparable des précédentes, et c'est le fondement de tout, c'est la foi. Et que de merveilles sont dites d'elles dans tous les oracles de Dieu ! Quiconque croit, dit le disciple bien-aimé, est né de Dieu. « A tous ceux qui l'ont reçu, il leur a donné le droit d'être faits enfants de Dieu ; savoir, à ceux qui croient en son nom ». - « La victoire par laquelle le monde est vaincu, c'est notre foi ». Notre Seigneur lui-même le déclare : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle et il ne viendra point en condamnation, mais il est passé de la mort à la vie ».

Mais ici que personne ne s'abuse. « Il faut bien le remarquer : la foi qui ne produit point la repentance, l'amour et toute bonne œuvre, loin d'être cette foi véritable et vivante, n'est qu'une foi morte et diabolique. Car les démons croient eux-mêmes que Christ naquit d'une vierge, qu'il fit toutes sortes de miracles, se déclarant véritablement Dieu ; que pour l'amour de nous il souffrit la mort la plus cruelle, afin de nous racheter de l'éternelle mort ; qu'il ressuscita le troisième jour, qu'il monta aux cieux, qu'il s'assit à la droite du Père et qu'il en reviendra, à la fin du monde, pour juger les' vivants et les morts. Les démons croient ces articles de notre foi ; ils croient, de même tout ce qui est écrit dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament. Et pourtant avec toute cette foi, ils ne sont toujours que des démons. Faute d'avoir la vraie foi chrétienne, ils demeurent dans leur état condamnable ! »

« La véritable foi chrétienne (pour employer encore les paroles de l'Église anglicane - Homélie sur le salut de l'homme), ce n'est pas seulement d'admettre l'Écriture et nos articles de foi, mais c'est avoir la ferme assurance d'être sauvé par Christ de l'éternelle damnation. C'est la ferme confiance qu'un homme a en Dieu, que, par les mérites de Christ, ses péchés lui sont pardonnés et qu'il a retrouvé la faveur de Dieu. De cette foi naît un cœur plein d'amour pour obéir à ses commandements ».

Quiconque donc a cette foi qui (par la vertu de Dieu demeurant en nous) purifie le cœur d'orgueil, de colère, de convoitises, de toute injustice, de toute souillure de la chair et de l'esprit ; qui le remplit, pour Dieu et pour tous les hommes d'un amour plus fort que la mort, d'un amour qui fait les œuvres de Dieu, qui se glorifie de se sacrifier et d'être sacrifié pour tous les hommes, et qui endure avec joie, non seulement l'opprobre de Christ, la moquerie, le mépris et la haine des hommes, mais tout ce que la sagesse de Dieu peut permettre à la malice du monde ou de l'enfer de lui infliger : qui a cette foi ainsi agissante par l'amour, est véritablement et entièrement chrétien et non pas seulement presque chrétien.

Mais où sont les témoins vivants de ces choses ? — Frères, je vous en conjure, comme en la présence de ce Dieu devant qui « le sépulcre et le gouffre sont à découvert, combien plus les cœurs des enfants des hommes  » ; que chacun de vous se demande à lui-même : Suis-je de ce nombre ? Vais-je aussi loin dans la pratique de la justice, de la miséricorde, de la vérité, que l'exigeait déjà l'honnêteté païenne ? Et s'il en est ainsi, ai-je les dehors d'un chrétien, la forme de la piété ? M’abstiens-je du mal, de tout ce que condamnent les Écritures de Dieu ? Fais-je selon mon pouvoir tout ce que j'ai l'occasion de faire ? Profité-je, en tout temps, avec sérieux, de tous les moyens de grâce ? Et fais-je tout cela, avec l'intention, le désir sincère de plaire à Dieu en toute chose ?

N'êtes-vous pas convaincus, plusieurs d'entre vous, que vous n'êtes jamais allés,jusque-là ; que vous n'êtes pas même presque chrétien ; que vous n'avez point atteint même la règle de l'honnêteté païenne, ou du moins la forme de la piété chrétienne ? Bien moins encore êtes-vous sincères devant Dieu et désireux de lui plaire en toutes choses. Jamais vous n'allâtes jusqu'à vouloir consacrer toutes vos paroles, vos œuvres, votre activité, vos études, vos plaisirs, à sa gloire. Vous n'eûtes même jamais la volonté ou le désir que tout ce que vous faites, étant fait au nom du Seigneur Jésus, fût un sacrifice spirituel agréable à Dieu par Christ.

Mais, à supposer que vous ayez ces intentions ; les bonnes intentions et les bons désirs font-ils le chrétien ? Non, sans doute, à moins qu'ils ne soient mis à effet. L'enfer, a dit quelqu'un, est pavé de bonnes intentions. Ainsi donc la question des questions demeure : L'amour de Dieu est-il répandu dans votre cœur ? Pouvez-vous lui dire : Mon Dieu et mon Tout ? Ne désirez-vous sur la terre que Lui ? Êtes-vous heureux en Dieu ? Est-il votre gloire, vos délices, votre couronne ? Et ayant gravé dans votre cœur ce commandement : « Que celui qui aime Dieu aime aussi son frère », aimez-vous votre prochain comme vous-même ? Aimez-vous tous les hommes, même vos ennemis, même les ennemis de Dieu, comme votre propre âme, comme Christ vous a aimés ? Mais crois-tu que Christ t'a aimé et qu'il s'est donné pour toi ? As-tu la foi en son sang ? Crois-tu que l'Agneau de Dieu a ôté tes péchés et les a jetés, comme une pierre, au fond de la mer ? qu'il a effacé l'obligation qui était contre toi et qu'il l'a annulée, la clouant à sa croix ? As-tu réellement la rédemption par son sang, la rémission de tes péchés ? Et son Esprit rend-il témoignage avec. ton esprit que tu es enfant de Dieu ?

Or, Dieu le sait, Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ qui est en cet instant au milieu de nous, — si quelqu'un meurt sans cette foi et sans cet amour, il eût mieux valu pour lui de n'être jamais né.

Réveille-toi donc, toi qui dors, et invoque ton Dieu !

Cherche-le au temps qu'on le trouve. Ne le laisse point aller qu'il n'ait fait « passer devant toi toute sa bonté » et qu'il n'ait « crié devant toi le nom de l'Éternel l'Eternel, le Dieu fort, pitoyable, miséricordieux, tardif à colère, abondant en miséricorde et en vérité, gardant en mille générations sa miséricorde, ôtant l'iniquité, le crime et le péché ». Que personne ne te persuade, par de vains discours, de manquer ce prix de ta vocation céleste. Mais crie jour et nuit à Celui qui, « lorsque nous étions sans aucune force », mourut pour des impies, jusqu'à ce que, sachant en qui tu as cru, tu puisses lui dire : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » aie soin de toujours prier, sans te lasser, jusqu'à ce que tu puisses, toi aussi, lever la main au ciel et dire à Celui qui vit aux siècles des siècles : « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime ».

Puissions-nous tous apprendre ainsi, par expérience, ce que c'est que d'être, non seulement presque mais tout-à-fait chrétien ! Étant justifiés gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus, puissions-nous savoir que nous avons la paix avec Dieu par Jésus-Christ, et nous réjouir dans l'espérance de la gloire de Dieu, parce que l'amour de Dieu sera répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit !


Ephésiens 5,14

1742, prêché par Charles Wesley devant l'Université d'Oxford

 

« Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclaira ». (Eph 5 : 14)

 

J'essaierai, avec l'aide de Dieu, en traitant ce texte, d'abord de décrire les dormeurs auxquels il s'adresse, — puis d'insister sur l'exhortation : « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts », — et enfin d'expliquer la promesse faite à ceux qui se réveillent et se relèvent : « Christ t'éclairera ».

 

I

Voyons d'abord qui sont les dormeurs dont il est ici question. Ce sommeil représente l'état naturel de l'homme ce profond sommeil de l'âme dans lequel le péché d'Adam a plongé tous ceux qui sont issus de lui ; cette nonchalance, cette indolence, cette stupidité, cet état d'insensibilité à l'égard de sa condition, qui est l'état de tout homme dès son entrée dans le monde et aussi longtemps que la vois de Dieu ne l'a pas réveillé.

Or, « ceux qui dorment, dorment la nuit (1Th 5 : 7)  ». L'état de nature est un état de complètes ténèbres, un état où « les ténèbres couvrent la terre et l'obscurité les peuples (Esa 60 : 2)  ». Le pauvre pécheur non réveillé peut avoir des connaissances étendues sur d'autres sujets, mais il ne se connaît pas lui-même ; et, à cet égard, « il ne contrait rien comme il faut connaître (1Co 8 : 2)  ». Il ignore qu'il est un esprit déchu, dont l'unique affaire dans ce monde est de se relever de sa chute, et de retrouver cette ressemblance divine qu'il reçut à sa création. Il ne voit point la nécessité de la seule chose nécessaire, de ce changement intérieur radical, de cette « naissance d'en haut » , que le baptême représente, et qui est le point de départ, de cette rénovation totale, de cette sanctification de l'esprit, de l'âme et du corps, « sans laquelle personne ne verra le Seigneur ! (Heb 12 : 14).

En proie à toutes les maladies, il s'imagine jouir d'une santé parfaite. Dans la misère et dans les fers, il rêve qu'il est en liberté. Il dit : Pais ! paix ! tandis que le diable, semblable à un « homme bien armé (Mat 12 : 29) », règne en maître sur son âme. Il dort et se repose, tandis que l'enfer s'émeut pour lui faire accueil, tandis que l'abîme, d'où l'on ne revient pas, tient sa gueule béante pour l'engloutir. Un feu est allumé autour de lui, et il ne s'en doute pas ; un feu le consume, et il ne s'en met pas en peine.

Celui qui dort, c'est donc (et plût à Dieu que nous le comprissions tous !) le pécheur qui se plait dans ses péchés, qui ne désire pas se relever de sa déchéance, qui entend vivre et mourir sans recouvrer la ressemblance divine ; c'est un homme qui ignore et sa maladie et le seul remède qui puisse la guérir ; c'est un homme qui n'a jamais entendu, ou jamais compris la voie de Dieu l'avertissant de « fuir la colère à venir (1Th 5 : 10) ; » c'est un homme qui ne s'est jamais vu menacé du feu de la géhenne, et n'a jamais crié dans la détresse de son âme : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? (Act 16 : 30) »

Si ce pécheur endormi n'est pas extérieurement vicieux, son sommeil n'en est que plus profond ordinairement ; soit que, tiède Laodicéen, il ne soit « ni froid ni bouillant (Apo 3 : 15) » , se bornant à être un observateur calme, raisonnable, inoffensif de la religion de ses pères ; soit que, plein de zèle et d'orthodoxie, il vive en Pharisien, « selon cette secte, la plus exacte de notre religion (Act 26 : 4) », c'est-à-dire (pour le dépeindre comme le fait l'Ecriture), essayant de se justifier lui-même et d'établir sa propre justice, comme le fondement de sa réconciliation avec Dieu.

Cet homme a « l'apparence de la piété, mais en a renié la force (2Ti 3 : 5) ; » et il lui arrive souvent de décrier la vraie piété, qu'il taxe d'extravagance et d'hypocrisie. Cependant le malheureux, dans son aveuglement, rend grâces à Dieu de ce qu'il n'est pas « comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères (Lu 18 : 11). Non, il ne fait tort à personne ; il « jeûne deux fois la semaine », il emploie tous les moyens de grâce, il est assidu à l'église et à la table sainte ; bien plus, il « donne la dîme de tout ce qu'il possède », il fait tout le bien qu'il peut. « Quant à la justice de ta loi, il est sans reproche (Phi 3 : 6)  ». Il ne lui manque, en fait de piété, que ce qui en est la force ; en fait de religion, que ce qui en est l'esprit ; en fait de christianisme, que ce qui en est la vérité et, la vie.

Mais ne savez-vous pas que, quelque haute estime qu'aient les hommes d'un tel chrétien, il est en abomination devant Dieu, et qu'il hérite de toutes les malédictions que le Fils de Dieu dénonce, hier, aujourd'hui et éternellement, contre « les Scribes et les Pharisiens hypocrites ? » Il a « nettoyé le dehors de la coupe et du plat (Mat 23 : 25) » tandis qu'au dedans il est plein de souillure. C'est avec raison que notre Seigneur le compare à « un sépulcre blanchi, qui parait beau par dehors, mais qui au dedans est plein d'ossements de morts et de toute sorte de pourriture (Mat 23 : 27)  ». Ces ossements, il est vrai ne sont plus desséchés ; des nerfs et de la chair ont crû sur eux, et la peau les couvre, mais le souffle, L'Esprit du Dieu vivant en est absent. Et « si quelqu'un n'a point l'Esprit de Christ, il n'est point à lui (Ro 8 : 9) » Vous êtes à Christ, « s'il est vrai que l'Esprit de Dieu habite en vous  » ; mais s'il n'y habite pas, Dieu sait que vous êtes dans la mort.

C'est ici un autre caractère de celui qui dort spirituellement : il est dans la mort, bien qu'il ne s'en doute pas. Il est mort à Dieu, « mort dans ses fautes et dans ses péchés (Eph 2 : 1) » car « l'affection de la chair donne la mort (Ro 8 : 6)  ». Aussi est-il écrit : « Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et, par le péché la mort, de même aussi la mort est passée sur tous les hommes » non seulement la mort physique, mais encore la mort spirituelle et éternelle. Et Dieu dit à Adam : « Au jour où tu mangeras (du fruit défendu), tu mourras (Ge 2 : 17) » non pas corporellement (à moins qu'on ne l'entende dans ce sens qu'il devint alors mortel), mais spirituellement : tu perdras la vie de ton âme, tu mourras par rapport à Dieu, tu seras séparé de lui, qui est pour toi la source unique de la vie et du bonheur.

C'est ainsi que fut rompre à l'origine l'union vitale de notre âme avec ; Dieu, de telle sorte qu'au milieu de la vie naturelle nous sommes maintenant dans la mort spirituelle. Et nous y demeurons jusqu'à ce que le second Adam devienne pour nous un Esprit vivifiant, jusqu'à ce qu'il ressuscite les morts, ceux qui sont morts dans le péché, le plaisir, les richesses ou les honneurs. Mais avant qu'une âme morte puisse revivre, elle doit écouter et « entendre la voix du Fils de Dieu (Jea 5 : 25) ; » elle doit se sentir perdue et accepter la sentence de mort qu'elle a encourue ; elle doit se reconnaître « morte en vivant (1Ti 5 : 6) », morte à Dieu et aux choses de Dieu, et aussi incapable de faire les œuvres d'un chrétien vivant qu'un corps mort l'est d'accomplir les fonctions d'un homme vivant.

Il est incontestable qu'un homme mort dans ses péchés n'a pas le sens moral exercé à discerner le bien du mal. « Ayant des yeux, il ne voit, point ; ayant des oreilles, il n'entend point (Mr 8 : 18)  ». Il ne « goûte pas et ne voit pas que le Seigneur est bon (Ps 34 : 9) » Il n'a jamais « vu Dieu (Mat 5 : 8) », ni « entendu sa voix (Ps 95 : 10) » ni « touché de ses mains » ce qui concerne « la Parole de vie (1Jn 1 : 1)  ». C'est en vain que le nom de Jésus est « comme un parfum répandu (Ca 1 : 3) », et que « ses vêtements sont parfumés de myrrhe, d'aloès et de casse (Ps 45 : 9)  ». L'âme qui dort dans la mort n'a pas de perceptions pour de tels objets, et, privée d'intelligence, elle ne comprend rien à ces choses.

Et, c'est ainsi que l'homme naturel, n'ayant pas de sens spirituels et privé de tout moyen de connaissance spirituelle, « ne comprend pas les choses qui sont de l'Esprit de Dieu (1Co 2 : 14) » et il est, même si loin de les comprendre qu' « elles lui paraissent une folie, parce que c'est spirituellement qu'on en juge » Il ne se borne pas à être absolument ignorant des choses spirituelles ; il va jusqu'à en nier l'existence, et toute sensation spirituelle est pour lui le comble de la folie. « Comment, s'écrie-t-il, ces choses se peuvent-elles faire ? (Jn 3 : 9) » Comment un homme peut-il savoir qu'il vit de la vie de Dieu ? Je réponds : De la même manière que vous savez que votre corps est actuellement vivant. La foi est la vie de l'âme, et si vous avez cette vie habitant en vous, vous n'avez pas besoin d'autre preuve de son existence que ce témoignage de l'Esprit (Ro 8 : 16), ce sentiment intime et divin, qui a plus de force et de poids que dix mille témoignages humains.

Si cet Esprit de Dieu ne rend pas maintenant témoignage à ton esprit que tu es enfant de Dieu, oh ! qu'il puisse du moins te convaincre, par sa démonstration de paissance, ô pauvre pécheur endormi, que tu es encore un enfant du démon. Oh ! que tandis que je prophétise aux ossements desséchés, il y ait « un bruit, puis un tremblement, et que ces os se rapprochent l'un de l'autre ».

Et ensuite, « viens, Esprit, viens des quatre vents, et souffle sur ces tués et qu'ils revivent ! (Eze 37 : 1-11) » Et vous, ne résistez pas au Saint-Esprit, qui est ici pour vous convaincre de péché, « parce que vous n'avez pas cru au nom du Fils unique de Dieu (Jn 3 : 18)  ».

 

II

« Réveille-toi donc, toi qui dors, et te relève d'entre les morts », Dieu t'appelle maintenant par ma bouche, esprit déchu, et il te met en demeure de te rendre compte de ton véritable état et de ce que tu as à faire ici-bas. « Qu'as-tu, dormeur ? Lève-toi et crie à ton Dieu : peut-être qu'il pensera à toi, et tu ne périras pas (Jon 1 : 6)  ». Une terrible tempête s'est déchaînée tout autour de toi, et tu enfonces dans les profondeurs de la perdition, dans l'abîme des jugements divins. Si tu veux n'y pas périr, jette-t'y toi même. Juge-toi toi-même et tu ne seras pas jugé par le Seigneur.

Réveille-toi ! réveille-toi ! Lève-toi en ce moment, de peur que le Seigneur ne te fasse « boire du vin de sa colère (Apo 14 : 10)  ». Efforce-toi de saisir le Seigneur, l'Eternel ta justice, puissant pour sauver ! Lève-toi de la poussière ! Que les menaces de Dieu, comme un tremblement de terre, te secouent. Réveille-toi et crie avec le geôlier tremblant : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? (Act 16 : 30) » Et ne sois en repos que lorsque tu croiras au Seigneur Jésus, de cette foi qui est le don de Dieu, par l'opération de son Esprit.

S'il est quelqu'un à qui je doive m'adresser plus directement qu'à tout autre, c'est précisément toi qui t'imagines que cette exhortation ne te concerne pas. J'ai un message pour toi de la part de Dieu. En son nom, je te somme de fuir la colère à venir. Ame inconvertie, vois ton image dans Pierre condamné, chargé d'une double chaîne et couché entre deux soldais dans une noire prison, dont la porte est gardée par d'autres soldats (Act 12 : 6). La nuit est déjà avancée et va faire place au matin fixé pour ton supplice. Et dans une situation aussi dangereuse, tu dors profondément, dans les bras du démon, au bord de l'abîme, dans la gueule ouverte de l'éternelle destruction !

Oh ! puisse l'ange du Seigneur s'approcher de toi, et la lumière éclairer ta prison ! Et puisses-tu sentir le choc d'une main toute-puissante qui t'arrache au sommeil, et entendre une voix te dire : « Lève-toi promptement, ceins-toi, et attache tes souliers, mets la robe et suis-moi (Act 12 : 7,8)  ».

Réveille-toi, esprit immortel, de ton rêve de félicité mondaine ! Dieu ne t'a-t-il pas créé pour lui-même ? Tu ne peux donc trouver ton repos qu'en lui. Reviens, âme errante ! vole vers ton arche. Ce monde n'est point ta patrie ; ne cherche pas à t' y construire des tabernacles. Tu es un étranger et un voyageur sur la terre, une créature d'un jour ; mais tu vas aborder bientôt à un rivage où rien ne change plus. Oh ! hâte-toi. L'éternité va commencer pour toi, une éternité de bonheur ou de misère, une éternité qui va dépendre de ce moment même.

Quel est l'état de ton âme ? si Dieu te la redemandait, tandis que je parle, serais-tu prêt pour la mort et pour le jugement ? Pourrais-tu soutenir les regards de Celui dont « les yeux sont trop purs pour voir le mal ? (Hab 1 : 13) » As-tu tes dispositions requises pour être admis à participer à « l'héritage des saints dans la lumière ? (Col 1 : 12) » As-tu « combattu le bon combat et gardé la foi ? (2Ti 4 : 7) » Es-tu en possession de la seule chose nécessaire ? As-tu recouvré l'image de Dieu, « qui consiste en une sainteté et une justice véritables ? (Eph 4 : 24) » T'es-tu dépouillé du vieil homme, et t'es-tu revêtu du nouveau ? Es-tu « revêtu du Seigneur Jésus-Christ ?

As-tu de l'huile dans ta lampe, la grâce de Dieu dans ton cœur ? Aimes-tu « le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force ? (Mr 12 : 30) » L'esprit, qui était en Jésus est-il aussi en toi ? Es-tu un vrai chrétien, c'est-à-dire une nouvelle créature ? Les choses vieilles sont-elles passées, toutes choses sont-elles devenues nouvelles ?

Es-tu « participant de la nature divine ? (2Pi 1 : 4), reconnais-tu que « Christ est en toi, à moins que tu ne sois réprouvé ? (2Co 12 : 5) » reconnais-tu que Dieu demeure en toi, et toi en Lui, « par son Esprit qu'il t'a donné ? (1Jn 3 : 24) » Ne reconnais-tu pas que « ton corps est le temple du Saint-Esprit, qui t'a été donné ? (1Co 6 : 19) » As-tu « reçu le Saint-Esprit" (Act 19 : 2) » Ou Bien cette question te surprend-elle ; et ne sais-tu pas même qu'il y ait un Saint-Esprit ?

Si ces questions t'offensent, sois assuré que tu n'es pas chrétien et, que tu n'as pas même envie de le devenir. Non, les prières mêmes deviennent un péché, et aujourd'hui même tu t'es solennellement moqué de Dieu, en lui demandant. l'inspiration de son Saint-Esprit, alors que tu ne crois pas qu'il y ait quelque chose de tel à recevoir.

Cependant, je dois, sur l'autorité de Dieu et sur celle de notre Eglise, te réitérer la question : « As-tu reçu le Saint-Esprit ? » Si tu ne l'as pas reçu, tu n'es pas encore un chrétien, car un chrétien est un homme « oint du Saint-Esprit et de puissance (Act 10 : 38)  ». Tu ne possèdes pas encore « la religion pure et sans tache (Ja 1 : 27)  ». Sais-tu bien ce que c'est que la religion ? Sais-tu que c'est une « participation à la vie divine (2Pi 1 : 4) » , la vie de Dieu dans l'âme de l'homme, « Christ en toi, l'espérance de la gloire ? (Col 1 : 27) Sais-tu que c'est le bonheur et la sainteté, le ciel commencé sur la terre, le royaume de Dieu au dedans de toi ? Sais-tu qu'elle « ne consiste pas dans le manger ni le boire » , ni rien d'extérieur, mais « dans la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit ? (Ro 14 : 17)  ». Sais-tu qu'elle est un royaume éternel établi dans ton âme une « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence » (Phi 4 : 7), une « joie ineffable et pleine de gloire ? (Gal 5 : 6)  ».

Sais-tu bien qu' « en Jésus-Christ il ne sert de rien d'être circoncis, ou de ne l'être pas, mais qu'il faut avoir la foi qui est agissante par la charité, (Gal 5 : 6) » et qu'il faut être une nouvelle créature ? Vois-tu la nécessité de ce renouvellement intérieur, de cette naissance spirituelle, de cette résurrection d'entre les morts, de cette sainteté ? Et es-tu bien convaincu que « sans la sanctification, personne ne verra Seigneur ? (Heb 12 : 14) » La recherches-tu, « l'étudiant à affermir ta vocation, et ton élection (2Pi 1 : 10) », « travaillant à ton salut avec crainte et tremblement (Phi 2 : 12) », « t'efforçant d'entrer par la porte étroite ? (Lu 13 : 24) » Es-tu sérieusement préoccupé au sujet de ton âme ? Et peux-tu dire à Celui qui sonde les cœurs : C'est après toi, mon Dieu, que je soupire ? « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je voudrais t'aimer ?

Tu espères être sauvé ; mais quelle raison peux-tu donner de l'espérance qui est en toi ? Allègueras-tu que tu n'as fait de tort à personne, ou que tu as fait beaucoup de bien ? diras-tu que tu n'es pas comme les autres hommes, que tu es sage, instruit, honnête et moralement bon, en possession de l'estime des hommes et d'une bonne réputation ? Hélas ! tout cela ne te rapprochera jamais de Dieu, tout cela est, à ses yeux, plus léger que la vanité même. Connais-tu Jésus-Christ, qu'Il a envoyé ? T'a-t-il enseigné que « nous sommes sauvés par grâce, par la foi ; que cela ne vient pas de nous, que c'est, le don de Dieu, que ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie ? (Eph 2 : 8,9)  ». As-tu reçu, comme base de toute ton espérance, « cette parole certaine, que Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ? (1Ti 1 : 15) » As-tu appris ce que signifient ces paroles : « Ce ne sont pas les justes que je suis venu appeler à la repentance, mais les pécheurs (Mat 9 : 13) « Je ne suis envoyé qu'aux brebis perdues ? (Mat 15 : 24) » Es-tu déjà (que celui qui l'entend le comprenne !) perdu, mort, condamné ? Sais-tu ce que tu mérites ? Sens-tu ce qui te manque ? Es-tu pauvre en esprit ? Cherches-tu Dieu avec larmes, en refusant, d'être consolé ? Le prodigue est-il « rentré en lui-même » , et prend-il son parti d'être considéré comme étant « hors de lui-même » par ceux qui en sont encore à se nourrir des carouges qu'il a laissées ? à vivre saintement en Jésus-Christ ? Et souffres-tu en conséquence la persécution ? Les hommes disent-ils faussement contre toi toute sorte de mal, à cause du Fils de l'homme ?

Oh ! puissent toutes ces questions vous faire entendre la voix qui ressuscite les morts, et vous faire sentir le marteau de la Parole, qui brise en pièces les rochers !

« Si vous entendez sa voix. aujourd'hui (pendant qu'il est dit : Aujourd'hui), n'endurcissez point vos cœurs (Heb 3 : 7,8,13). Et maintenant, « réveille-toi, toi qui dors » dans la mort spirituelle, de peur que tu ne t'endormes dans la mort éternelle ! Aie le sentiment de ton état de perdition, et « relève-toi d'entre les morts ». Laisse tes anciens compagnons dans le péché et dans la mort. « Sauve-toi du milieu de cette race perverse (Act 2 : 40)  ». « Sors du milieu d'eux et t'en sépare, dit le Seigneur, et ne touche point à ce qui est impur, et je te recevrai (2Co 6 : 17) »

« Et Christ t'éclairera ! »

III

C'est cette promesse que je veux enfin expliquer. Combien n'est-il pas encourageant de penser que, qui que tu sois qui obéis à l'appel de Christ, tu ne peux pas chercher en vain sa face ! Si maintenant même tu te relèves d'entre les morts, il a pris l'engagement de t'éclairer. Le Seigneur le donnera la grâce et la gloire la lumière de sa grâce ici-bas, et la lumière de sa gloire lorsque tu recevras la couronne incorruptible. « Ta lumière éclora comme l'aube du jour, et les ténèbres seront comme le midi Esa 58 : 8,10) » « Dieu, qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, répandra sa lumière dans ton cœur, pour faire briller la connaissance de sa gloire, en la présence de Jésus-Christ (2Co 4 : 6)  ». « Sur vous qui craignez le nom de l'Eternel, se lèvera le soleil de la justice, et la santé sera dans ses rayons (Mal 4 : 2)  ». Et en ce jour, il te sera dit : « Lève-toi, sois illuminée, car ta lumière est venue, et la gloire de l'Éternel s'est levée sur toi (Esa 60 : 1)  ». Car Christ se révèlera lui-même en toi, et il est la vraie lumière.

Dieu est lumière, et il se donnera lui-même à tout pécheur réveillé qui s'attend à lui. Et tu seras alors un temple du Dieu vivant, et « Christ habitera en ton cœur par la foi, et, étant enraciné et fondé dans la charité, tu pourras comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur de cet amour de Christ, qui surpasse toute connaissance (Eph 3 : 17-19)  ».

Voilà votre vocation, mes frères. Nous sommes appelés à être « une maison de Dieu en esprit », (Eph 2 : 22) et, par son Esprit habitant en nous, à être saints ici-bas, et participants de l'héritage des saints dans la lumière. Telle est l'incomparable grandeur des promesses qui nous sont données, données dès maintenant à nous qui croyons ! Car par la foi nous recevons, « non l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu », (le résumé de toutes les promesses), « afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données de Dieu (1Co 2 : 12)  ».

L'Esprit de Christ est ce grand don de Dieu qu'il a promis à l'homme, en divers temps et en plusieurs manières, et qu'il a pleinement répandu depuis que Christ a été glorifié. Il a ainsi accompli ces promesses faites aux pères : « Je mettrai mon Esprit au dedans de vous, et je ferai que vous marcherez dans mes statuts (Eze 36 : 27)  ». « Je répandrai des eaux sur celui qui est altéré, et des rivières sur la terre sèche ; je répandrai mon Esprit, sur ta postérité, et ma bénédiction sur ceux qui sortiront de toi (Esa 44 : 3)  ».

Vous pouvez tous devenir de vivants témoignages de ces choses, de la rémission des péchés et du don du Saint-Esprit. « Si tu peux croire, toutes choses sont possibles pour celui qui croit (Mr 9 : 23)  ». Qui parmi vous craint l'Eternel, et marche cependant dans les ténèbres ? Je te le demande au nom de Jésus : Crois-tu que son bras n'est pas raccourci ? qu'il est toujours puissant pour sauver ? qu' « il est le même hier, aujourd'hui et éternellement ? (Heb 13 : 8) » qu'il a maintenant. « l'autorité de pardonner les péchés sur la terre ? (Mat 9 : 6) ». « Mon fils, prends courage, tes péchés te sont pardonnés. (Mat 9 : 2)  ». Dieu, pour l'amour de Christ, t'a pardonné. Crois cela, non comme ta parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme la Parole de Dieu (1Th 2 : 13) ; » et tu es justifié gratuitement par la foi. Et c'est aussi par la foi qui est en Jésus que tu seras sanctifié, et que tu pourras attester que « Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est en son Fils (1Jn 5 : 11).

Hommes frères, laissez-moi vous parler librement, et souffrez qu'une parole d'exhortation vous soit adressée par l'un des moins estimés dans l'Église. Votre conscience vous rend témoignage par le Saint-Esprit, que ces choses sont vraies, du moins si vous avez goûté combien le Seigneur est bon. « C'est ici la vie éternelle de connaître le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ qu'il a envoyé (Jn 17 : 3)  ». Cette connaissance expérimentale est le seul vrai christianisme. Celui-là est un chrétien, qui a reçu l'Esprit de Christ, et celui-là n'est pas un chrétien qui ne l'a pas Et il n'est pas possible de l'avoir reçu sans le savoir. Car « en ce jour-là, dit Jésus (lorsqu'il viendra, vous connaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous (Jn 14 : 20)  ». C'est là cet « Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point ; mais vous le connaissez, parce qu'il demeure avec vous et qu'il sera en vous (Jn 14 : 17).

Le monde ne peut le recevoir ; il repousse même la promesse du Père, avec violence et avec blasphèmes. Mais tout esprit qui ne confesse pas cela n'est pas de Dieu. « C'est là l'esprit de l'Antéchrist, dont vous avez ouï dire qu'il viendra, et qui dès à présent est dans le monde (1Jn 4 : 4) » Celui-là est un antéchrist qui nie l'inspiration du Saint-Esprit, ou qui prétend que ce n'est pas le privilège commun de tous les croyants d'avoir l'Esprit de Dieu habitant en eux, car c'est là la bénédiction évangélique, le don par excellence, la promesse universelle, le critérium du vrai chrétien.

C'est en vain qu'on viendrait dire : « Nous ne nions pas l'aide de l'Esprit de Dieu, mais seulement cette inspiration, cette réception du Saint-Esprit, et la conscience que l'on en aurait. C'est seulement à ce sentiment intérieur de l'Esprit, à celte prétention à être dirigé par lui, ou à en être rempli, que nous refusons toute place dans une saine religion ». Oui, mais en repoussant ce seul point, c'est toute l'Ecriture que vous repoussez, toute la vérité, la promesse et le témoignage de Dieu.

Notre excellente Eglise ne connaît pas cette distinction diabolique. Elle parle simplement de « sentir l'Esprit de Christ (art. 17 de la Confession de foi de l'Eglise anglicane.) ; » d'être « poussé par le Saint-Esprit (Office pour la consécration des ministres.) », de connaître et de « sentir qu'il n'y a pas d'autre nom que celui de Jésus (Liturgie pour la visite des malades) », par lequel nous puissions recevoir la vie et le salut. Elle nous enseigne tous à demander « l'inspiration du Saint-Esprit (Liturgie de la communion.) », et d'être « remplis du Saint-Esprit (Liturgie de la confirmation.)  ». Bien plus, tous ses ministres professent d'avoir reçu le Saint-Esprit par le moyen de l'imposition des mains ; de sorte que nier l'une de ces propositions, c'est en réalité renoncer à I'Eglise anglicane, aussi bien qu'à toute la Révélation chrétienne.

Mais la sagesse de Dieu a toujours été une folie pour les hommes, et il n'est, pas surprenant que ce grand mystère de l'Evangile soit, de nos jours encore, « caché aux sages et aux intelligents (Mat 11 : 25) », comme il l'était autrefois. Il n'est pas surprenant qu'il soit presque universellement nié, tourné en ridicule et rejeté comme une pure extravagance, et que tous ceux qui osent le confesser soient traités de fous et d'enthousiastes. C'est là l'apostasie qui devait arriver, qui entraîne les hommes de tout ordre et de tout rang et qui semble avoir inondé toute la terre. « Promenez-vous par les rues de Jérusalem, et informez-vous par ses places si vous trouverez un homme (Jer 5 : 1) », un homme qui aime le Seigneur son Dieu de tout son cœur, et le serve avec toute sa force. Notre pays (pour ne parler que de lui) gémit, submergé par l'impiété. Que d'abominations de toute espèce se commettent chaque jour, et bien souvent avec impunité, par des hommes qui pèchent le front haut et se font gloire de leur infamie ! Qui pourrait énumérer les jurements, les imprécations, les blasphèmes, les paroles profanes, les mensonges, les calomnies, les médisances ; les profanations du jour du Seigneur ; les actes de gloutonnerie et d'ivrognerie ; les actes de vengeance ; les fornications, les adultères et les diverses formes d'impureté ; les fraudes, l'injustice, l'oppression, les extorsions qui, comme un déluge, couvrent notre pays ?

Et même parmi ceux qui se sont gardés purs de ces grossières abominations, que d'emportements et d'orgueil ! que d'indolence et de paresse ! que de mollesse et de sensualité ! que de luxe et d'amour exagéré du bien-être ! que d'avarice et d'ambition ! que de soif des louanges ! que d'amour du monde ! que de crainte des hommes ! Et qu'il y a peu, en même temps, de vraie religion ! Où sont, ceux qui aiment Dieu et leur prochain, comme il nous le commande ? D'un côté, se trouvent, ceux qui n'ont pas même l'apparence de la religion, et, de l'autre, ceux qui n'ont que cela ; le sépulcre ouvert, là le sépulcre blanchi. De telle sorte que quiconque voudrait examiner de prés une assemblée quelconque (sans excepter, je le crains, celles qui se réunissent dans nos églises) la trouverait composée, en partie de Sadducéens, en partie de Pharisiens ; les premiers ne s'inquiétant pas plus de la religion que s'il n'y avait « ni résurrection, ni anges, ni esprits (Act 23 : 8) ; » et les seconds faisant de la religion une pure forme, privée de vie, un ensemble d'observances ennuyeuses, sans foi véritable, sans amour pour Dieu, sans joie par le Saint-Esprit !

Plût à Dieu que je pusse faire une exception en faveur de ceux qui se trouvent ici ! « Frères, le souhait de mon cœur et la prière que je fais à Dieu pour vous, c'est que vous soyez sauvés » (Ro 10 : 1) de ce débordement d'impiété, et que ses vagues orgueilleuses s'arrêtent ici. Mais est-ce bien le cas ? Dieu sait que non, et notre conscience le sait aussi. Vous ne vous êtes pas conservés purs. Nous aussi, nous sommes corrompus et abominables ; il y en a peu qui aient de l'intelligence ; il en a peu qui adorent Dieu en esprit et en vérité. Nous aussi sommes « une génération qui n'a point soumis son cœur et dont l'esprit n'a point été fidèle au Dieu fort (Ps 78 : 8)  ». Le Seigneur nous a établis pour être « le sel de la terre ; mais si le sel perd sa saveur, il ne vaut plus rien qu'à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes (Mat 5 : 13)  ».

Or, « ne punirai-je point ces choses-là, dit l'Eternel, et mon âme ne se vengera-t-elle point, d'une telle nation ? (Jer 5 : 9) » Oui, sans doute, et nous ne savons pas s'il ne dira pas bientôt à l'épée : « Epée, frappe celle terre ». Il nous a donné beaucoup de temps pour nous repentir ; il nous donne encore cette année de délai, mais il nous avertit et nous réveille par son tonnerre. Ses jugements se promènent sur la terre, et nous avons tout lieu de nous attendre au plus sévère de tous ; peut-être viendra-t-il ôter notre chandelier de sa place, si nous ne nous repentons, et ne faisons nos premières œuvres (Apo 2 : 5) », si nous ne revenons aux principes de la Réformation, à la vérité et à la simplicité de l'Évangile. Peut-être résistons-nous maintenant au dernier effort de la grâce divine pour nous sauver. Peut-être avons-nous presque comblé la mesure de nos iniquités, en rejetant les desseins de Dieu envers nous et en repoussant ses messagers.

Ô Dieu, « souviens-toi, lorsque tu es en colère, d'avoir compassion (Hab 3 : 2)  ». Sois glorifié par notre réforme, et non par noire destruction ! Fais-nous la grâce d' « écouter la verge et celui qui l'a ordonnée (Mic 6 : 9)  ». Maintenant que tes « jugements sont sur ta terre, que les habitants de la terre apprennent la justice ! « Esa 36 : 9 » )

Mes frères, il est grand temps de nous réveiller de notre sommeil, avant que la grande trompette du Seigneur ne se fasse entendre, et que notre pays ne devienne un champ du sang. Puissions-nous « reconnaître les choses qui regardent notre paix, avant qu'elles ne soient cachées à nos yeux ! (Lu 19 : 42) » Seigneur, convertis-nous à toi, et que ta colère s'éloigne de nous. Seigneur, « regarde des cieux, et vois et visite cette vigne (Ps 80 : 15) » et fais-nous reconnaître le temps de notre visitation. « O Dieu de notre délivrance, aide-nous pour la gloire de ton nom ! Délivre-nous, pardonne-nous nos péchés, pour l'amour de ton nom ! (Ps 79 : 9) Et nous ne nous détournerons plus de toi. Rends-nous la vie, et nous invoquerons ton nom. O Eternel, Dieu des armées, ramène-nous ! Fais reluire ta face et, nous serons délivrés ! (Ps 80 : 19,20) »

« Or, à Celui qui, par la puissance qui agit, en nous, peut faire infiniment plus que ce que nous demandons et que nous pensons ; à Lui soit rendue la gloire dans l'Eglise, par Jésus-Christ, dans tous les âges, aux siècles des siècles. Amen (Eph 3 : 20,21)  ».


Actes des Apôtres 4,31

1744, prêché devant l'Université d'Oxford

 

« Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit ». (Act 4 : 31.)

 

La même expression se présente au deuxième chapitre, où nous lisons : « Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils étaient tous (les apôtres, les femmes, la mère de Jésus et ses frères) — ils étaient tous d'un accord dans un même lieu. Alors il se fit tout-à-coup un bruit du ciel, comme le bruit d'un vent qui souffle avec impétuosité. Et ils virent paraître des langues séparées, comme de feu, qui se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; et l'un des effets immédiats fut qu'ils commencèrent à parler des langues étrangères, en sorte que Parthes, Mèdes. Elamites et les autres étrangers qui se rassemblèrent dès que le bruit s'en fut répandu, les entendirent tous parler, dans leurs diverses langues, des choses magnifiques de Dieu (Act 2 : 1-6).

Dans notre chapitre, nous lisons qu'après que les apôtres et les frères eurent prié et loué Dieu, le lieu où ils étaient assemblés trembla et qu'ils furent tous remplis du Saint-Esprit ; mais nous ne trouvons point ici de signes visibles, comme dans le premier cas, et il ne nous est point dit qu'aucun des frères ait alors reçu les dons extraordinaires du Saint-Esprit, tel que le don de guérir ou d'opérer d'autres miracles, ou la prophétie, ou le discernement des esprits, ou la diversité des langues, ou le don d'interpréter les langues (1Co 12 : 9,10).

Que ces dons du Saint-Esprit fussent destinés à demeurer dans l'Église, de siècle en siècle, ou qu'ils doivent ou non lui être rendus à l'approche du rétablissement de toutes choses, ce sont des questions qu'il n'est pas nécessaire de décider. Mais il faut bien remarquer que ; même dans l'enfance de l'Église, Dieu ne les distribua qu'avec réserve. Même alors, « tous étaient-ils prophètes ? tous opéraient-ils des miracles ? toits avaient-ils le don de guérir ? tous parlaient-ils des langues ? » (1Co 12 : 28-30) Non, certes. Pas un sur mille, peut-être ; mais probablement ceux-là seuls qui enseignaient dans l'Église, et, d'entre eux seulement quelques-uns. Si donc tous furent remplis du Saint-Esprit, ce fut dans un but bien plus excellent.

C'était pour leur donner (et nul ne peut dire que ce ne soit essentiel pour tous les chrétiens dans tous les siècles) les « sentiments qui étaient en Christ » , ces fruits de l'Esprit qu'il faut avoir pour être à lui ; c'était pour les remplir « d'amour, de joie, de paix, de patience, de douceur, de bonté, de fidélité, de bénignité, de tempérance (Gal 5 : 22-24) ; » pour les rendre capables de crucifier la chair avec ses passions, désirs et convoitises, et, en vertu de ce changement au dedans, d'accomplir au dehors toute justice, de marcher comme Christ a marché lui-même dans les œuvres de la foi, dans les travaux de la charité, dans la constance de l'espérance (1Th 1 : 3).

Laissant donc les questions curieuses et inutiles touchant ces dons extraordinaires de l'Esprit, considérons de plus près les fruits ordinaires que nous savons appartenir à tous les siècles, cette grande œuvre de Dieu parmi les fils des hommes qu'on désigne sous le nom de Christianisme, non en tant qu'elle se rapporte à un ensemble d'opinions, à un système de doctrines, mais en tant qu'elle concerne le cœur et la vie des hommes. Ce christianisme, il peut nous être utile de l'envisager sous trois aspects distincts : 1° comme prenant naissance chez les individus. 2° Comme se communiquant d'homme à homme. 3° Comme couvrant la terre. — Je terminerai, 4° ces considérations par une application pratique.

 

I

Et d'abord considérons le christianisme dans sa naissance, comme commençant à exister chez les individus.

Supposez donc le cas d'un de ceux qui entendirent l'apôtre Pierre prêcher la repentance et la rémission des péchés : il est touché de componction, convaincu de péché, il se repent et il croit en Jésus. Au moyen de cette foi produite par Dieu, « vive représentation des choses qu'on espère, et démonstration de celles qu'on ne voit point (Heb 11 : 1) », il reçoit à l'instant « l'esprit d'adoption, par lequel il peut crier : Abba, Père (Ro 8 : 15) ! » Maintenant il peut, par le Saint-Esprit, appeler Jésus Seigneur (1Co 12 : 3) ; et « le Saint-Esprit lui-même rend témoignage à son esprit qu'il est enfant de Dieu (Ro 8 : 16)  ». Maintenant il peut dire en vérité : « Ce n'est pas moi qui vis, mais Christ vit en moi ; et si je vis encore dans ce corps mortel, je vis par la foi au Fils de Dieu qui m'a, aimé et qui s'est donné lui-même pour moi (Gal 2 : 20)  ».

Telle était donc réellement la foi, — une démonstration divine de l'amour de Dieu en Christ, pour lui pécheur accepté maintenant dans le Bien-aimé. Étant donc justifié par la, foi, il avait la paix avec Dieu (Ro 5 : 1), et même la paix de Dieu régnait dans son cœur (Col 3 : 15), et cette « paix, qui surpasse tout entendement (toute conception purement humaine), gardait son cœur et son esprit » de tout doute et de toute crainte, par la connaissance de Celui en qui il avait cru. Il ne pouvait plus « craindre aucun mauvais bruit, car son cœur était ferme, se confiant en l'Éternel ». Il ne craignait plus ce que l'homme pouvait lui faire, car il savait que « les cheveux mêmes de sa tête étaient comptés ». Il ne craignait plus rien de la puissance des ténèbres que Dieu brisait chaque jour sous ses pieds. Surtout il ne craignait plus la mort, il désirait, au contraire, « déloger pour être avec Christ (Phi 1 : 23) », sachant que, « par sa mort, il a détruit celui qui avait la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et délivré ceux qui, par la crainte de la mort, étaient toute leur vie assujettis à la servitude (Heb 2 : 15)  ».

C'est pourquoi son âme magnifiait le Seigneur, et son esprit se réjouissait en Dieu, son Sauveur. Il se réjouissait d'une joie ineffable en Celui qui l'avait réconcilié avec Dieu le Père et en qui il avait la rédemption par son sang, le pardon des offenses. Il se réjouissait dans ce témoignage que, l'Esprit de Dieu rendait à son esprit qu'il était enfant de Dieu. Bien plus, il se réjouissait, dans l'espérance de la gloire de Dieu, de sa glorieuse image et du renouvellement de son âme en justice et en vraie sainteté, dans l'espérance de cette couronne de gloire, de cet héritage des cieux « qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ».

L'amour de Dieu était aussi « répandu dans son cœur par le Saint-Esprit » qui lui était donné (Ro 5 : 5). Parce qu'il était fils, Dieu avait envoyé en lui l'esprit de son Fils, criant : Abba, Père (Gal 4 : 6) ; et cet amour filial croissait sans cesse par le témoignage intérieur (1Jn 5 : 10) du pardon de ses péchés, et en contemplant « l'amour que le Père nous a témoigné que nous soyons appelés ses enfants (1Jn 3 : 1)  ».

En sorte que Dieu était le désir de ses yeux, la joie de son cœur, et sa portion pour le temps et pour l'éternité.

Aimant ainsi Dieu, il ne pouvait qu'aimer ses frères, et cela « non pas en paroles seulement, mais en effet et en vérité ». « Si Dieu, disait-il, nous a ainsi aimés, nous devons ainsi nous aimer les uns les autres (Jn 4 : 11)  ». Nous devons aimer toute âme d'homme, car « les compassions de Dieu sont sur toutes ses œuvres (Ps 145 : 9)  ». Ainsi donc cet ami de Dieu embrassait, à cause de Lui,dans ses affections, tout le genre humain, sans excepter ceux qu'il n'avait jamais vus, ou ceux dont il ne savait guère qu'une chose ; savoir, qu'ils étaient « de la race de Dieu » et de ceux « pour qui Christ est mort  » ; sans excepter les méchants et les ingrats, ni surtout ses ennemis, ceux qui le haïssaient, le persécutaient ou le traitaient avec mépris à cause de son Maître. Ceux-ci avaient une place particulière dans son cœur et dans ses prières ; il les aimait comme Christ nous a aimés.

Mais la « charité ne s'enfle point d'orgueil (1Co 13 : 4) », elle humilie sur la poudre l'âme où elle habite. Aussi était-il humble de cœur, petit, méprisable et vil à ses propres yeux. Il ne cherchait ni n'acceptait la louange qui vient des hommes, mais seulement celle qui vient de Dieu. Il était doux, patient, débonnaire et facile envers tous. La fidélité et la vérité étaient « liées autour de son cou et gravées sur la table de son cœur ».

Le Saint-Esprit le rendait modéré en toutes choses, et il faisait taire son âme « comme un enfant sevré ». Il était crucifié au monde et le monde lui était crucifié. Il était au-dessus de « la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux et de l'orgueil de la vie ». Le même amour tout-puissant le préservait de colère et d'orgueil, de convoitise et de vanité, d'ambition et d'avarice et de toute affection étrangère à Jésus-Christ.

On croira. sans peine que celui qu'animait cet amour ne faisait point de mal au prochain. Il lui était impossible de blesser, le sachant et le voulant, qui que ce fût. Il était aussi loin que possible de la cruauté et de toute action injuste ou malveillante. Et il ne mettait pas moins de soin à « garder sa bouche, et l'ouverture de ses lèvres », de peur qu'il ne péchât de a langue contre la justice, la miséricorde ou la vérité. Il dépouillait tout mensonge, toute fausseté, toute fraude, et l'on ne trouvait aucun artifice dans sa bouche. Il ne médisait de personne, et jamais ses lèvres ne laissaient échapper rien de désobligeant.

Et comme il sentait profondément la vérité de cette parole : « Hors de moi vous ne pouvez rien faire », et le besoin d'être arrosé de Dieu, de moment en moment, il persévérait chaque jour dans les ordonnances de grâce que Dieu a établies comme canaux de sa bénédiction, — dans la doctrine des apôtres », —recevant cet aliment de l'âme avec toute promptitude de cœur, — « dans la fraction du pain » — qui était pour lui « la communion du corps de Christ », — « et dans les prières », et les louanges offertes à Dieu par la grande assemblée. C'est ainsi qu'il se fortifiait chaque jour dans la grâce, croissant en vertu et dans la connaissance et l'amour de Dieu.

Mais c'était peu pour lui que de ne nuire à personne. Son âme avait soif de faire du bien. Mon Père, disait-il toujours en son cœur, mon Père agit continuellement, et moi je dois agir aussi ; — mon Seigneur « allait de lieu en lieu, faisant du bien », ne marcherai-je pas sur ses traces ? C'est pourquoi, selon que l'occasion se rencontrait, s'il ne pouvait faire du bien d'un ordre supérieur, on le voyait nourrir les affamés, vêtir ceux qui étaient nus, assister les orphelins et les étrangers, visiter et secourir les malades et les prisonniers. Il donnait tous ses biens pour la nourriture des pauvres, se réjouissant de travailler ou de souffrir pour eux, et d'exercer le renoncement surtout dans les choses où il pouvait être utile aux autres. Aucun sacrifice ne lui coûtait pour eux, car il se souvenait de cette parole du Seigneur : « En tant que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, vous me les avez faites à moi-même (Mat 25 : 40)  ».

Tel était le christianisme à sa naissance. Tels étaient les chrétiens aux jours anciens. Tels étaient ceux qui, ayant entendu les menaces des principaux sacrificateurs et des sénateurs, élevèrent, tous d'un accord, leurs voix à Dieu, et furent tous remplis du Saint-Esprit. La multitude de ceux qui avaient cru n'était qu'un cœur et qu'une âme, — tant l'amour de Celui en qui ils avaient cru les pressait de s'aimer les uns les autres, — « et personne ne disait que ce qu'il possédait fût à lui en particulier, mais toutes choses étaient communes entre eux », tant il est vrai qu'ils étaient crucifiés au monde, et que ce monde leur était crucifié ! « Ils persévéraient tous dans la doctrine des apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières (Act 2 : 42). Et il y avait une grande grâce sur eux tous ; car il n'y avait personne parmi eux qui fût dans l'indigence ; parce que tous ceux qui possédaient des fonds de terre ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix aux apôtres ; et on les distribuait à chacun, selon qu'il en avait besoin (Act 4 : 31,35)  ».

 

II

Considérons, en second lieu, ce christianisme, comme se communiquant d'homme à homme, et s'étendant ainsi graduellement dans le monde. Car telle était la volonté de Dieu, qui n'allumait pas cette lumière pour la mettre sous un boisseau, mais afin qu'elle éclairât tous ceux qui étaient dans la maison ! Le Seigneur l'avait déclaré à ses premiers disciples :

« Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde », leur donnant, en même temps, ce commandement général : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux (Mat 5 : 13-16)  ».

Représentons-nous, d'ailleurs, quelques-uns de ces amis de l'humanité, voyant le monde entier plongé dans le mal : pouvons-nous croire qu'ils restassent indifférents, à cette vue, à la misère de ceux pour qui leur Seigneur était mort ? Leurs entrailles n'en seraient-elles pas émues, et leurs cœurs fondus d'angoisse ? Et pourraient-ils « rester tout le jour sans rien faire », lors même qu'il n'y aurait pas de commandement de Celui qu'ils aiment ? Ne travailleraient-ils pas, par tous les moyens possibles, à retirer du feu quelques-uns de ces tisons ? Oui, sans doute, ils n'épargneraient aucune peine pour ramener le plus possible de ces brebis égarées au Pasteur et à l'Évêque de leurs âmes (1Pi 2 : 25).

Ainsi faisaient les premiers chrétiens : ils travaillaient pendant qu'ils en avaient l'occasion à faire du bien à tous les hommes, les exhortant à fuir sans délai la colère à venir. Ils disaient : « Dieu ayant laissé passer les temps d'ignorance, annonce maintenant à tons les hommes, en tous lieux, qu'ils se repentent (Act 17 : 30) ; » ils criaient à haute voix : « Détournez vous, détournez-vous de tons vos péchés, et l'iniquité ne vous sera pas une occasion de ruine (Eze 18 : 30)  ». Ils leur parlaient « de la tempérance et de la justice  » ; — des vertus opposées à leurs péchés dominants, — « et du jugement à venir (Act 24 : 25) », de la colère de Dieu qui va se répandre sur les ouvriers d'iniquité au jour qu'il jugera le monde.

Ils parlaient à chacun selon ses besoins : aux insouciants, à ceux qui demeuraient insensibles dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, ils criaient : « Réveille-toi, toi qui dors, et te relève d'entre les morts, et Christ t'éclairera ! » Mais à ceux qui déjà réveillés du sommeil, gémissaient sons le poids de la colère divine, ils disaient : « Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste, il est la propitiation pour nos péchés  » ; — et quant à ceux qui avaient cru, ils les excitaient à la charité et aux bonnes œuvres, ils les exhortaient à y persévérer avec patience et à abonder de plus en plus en cette sainteté, « sans laquelle nul ne verra le Seigneur (Heb 12 : 14)  ».

Et leur travail n'était pas vain devant le Seigneur, sa parole avait un libre cours est était glorifiée. Mais plus elle avançait, plus elle était un objet de scandale. Le monde, en général, se scandalisait, parce qu'ils rendaient témoignage que ses œuvres étaient mauvaises (Jea 7 : 7). Les gens de plaisir se scandalisaient, non seulement de ce que ces hommes semblaient faits pour les reprendre : (Il se vante, disaient-ils, de connaître Dieu, et il s'appelle enfant du Seigneur ; sa vie n'est pas semblable à celle des autres, et ses voies sont différentes. Il s'abstient de nos voies comme d'une souillure ; il se glorifie d'avoir Dieu pour son père (Sap 2 : 13-16) ) ; — mais surtout ils se scandalisaient de ce que tant de leurs compagnons leur étaient enlevés et ne voulaient plus « courir avec eux dans les mêmes débordements de dissolution (1Pi 4 : 4)  ». Les hommes de réputation se scandalisaient de ce qu'en proportion des progrès de l'Évangile, ils baissaient dans, l'estime du peuple, en sorte que plusieurs n'étaient plus libres de leur donner des titres flatteurs, ni de rendre à l'homme l'hommage qui n'est dû qu'à Dieu. Les artisans s'assemblaient et disaient : « O hommes, vous savez que tout notre gain vient de cet ouvrage ; mais vous voyez et vous entendez que ces hommes ont persuadé et détourné un grand nombre de personnes ; tellement qu'il est à craindre que notre métier ne soit décrié (Act 19 : 25-27)  ». Mais surtout les hommes dits religieux, les saints du monde, se scandalisaient, et toujours ils étaient prêts à s'écrier : « Hommes israélites, aidez-nous ! Nous avons trouvé ces gens qui sont une peste publique et qui excitent des séditions par tout le monde (Act 24 : 5), prêchant partout contre la nation et contre ce lieu (Act 21 : 28) ! »

Ainsi le ciel s'obscurcissait de nuages et l'orage se formait. Car plus le christianisme avançait, plus ceux qui le rejetaient y voyaient de mal, et plus le nombre augmentait de ceux qui, remplis de rage contre ces perturbateurs du monde (Act 17 : 6), ne cessaient de crier : « Qu'on les ôte de la terre ! il n'est pas juste de les laisser vivre  » ; — et qui même croyaient sincèrement que « quiconque les ferait mourir rendrait service à Dieu ».

On ne manquait pas non plus de rejeter leur nom comme mauvais (Lu 6 : 22), et « partout on s'opposait à cette secte » (Act 28 : 22) Les hommes disaient contre eux toute sorte de mal, comme on avait fait pour les prophètes venus avant eux (Mat 5 : 11-12). Et ce que l'un affirmait, les autres le croyaient, en sorte que les sujets de scandale se multipliaient comme les étoiles du ciel. De là s'éleva, au temps voulu du Père, la persécution sous toutes ses formes. Les uns ne souffrirent d'abord que la honte et l'insulte ; d'autres, la perte de leurs biens ; plusieurs furent éprouvés par les opprobres et les fouets, plusieurs par les liens et par la prison ; d'autres durent résister jusqu 'au sang (Heb 10 : 34 11 : 36).

Ce fut alors que les forteresses de l'enfer furent ébranlées, et que le royaume de Dieu s'étendit toujours plus. Partout les pécheurs furent convertis des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu. Le Seigneur donnait à ses enfants « une bouche et une sagesse à laquelle leurs adversaires ne pouvaient résister  » ; et leur vie n'avait pas moins de force que leurs paroles. Ils se rendaient recommandables « comme serviteurs de Dieu, dans les afflictions, dans les nécessités, dans les maux extrêmes, dans les blessures, dans les prisons, au milieu des séditions, dans les travaux, dans les périls sur mer ou dans les déserts, dans les fatigues et les peines, dans la faim, la soif, le froid et la nudité (2Co 6 : 4)  ». Et s'il leur arrivait, après avoir soutenu le bon combat, d'être menés comme des brebis à la boucherie, et « de servir d'aspersion sur le sacrifice et l'offrande de leur foi », alors le sang de chacun d'eux trouvait une voix, et les païens avouaient que, quoique morts, ils parlaient encore.

Ainsi le christianisme se répandit sur la, terre. Mais combien l'ivraie se hâta de paraître avec le bon grain et le mystère d'iniquité d'agir concurremment au mystère de piété ! Comme Satan eut bientôt son trône, même dans le temple de Dieu ! L'Eglise s'enfuit au désert et les fidèles furent de nouveau réduits à un petit nombre parmi les fils des hommes. Ici nous entrons dans un chemin battu. La corruption toujours croissante des siècles suivants, a été, à diverses époques, amplement décrite par les témoins que Dieu s'est suscités pour montrer qu'il a bâti son Église sur le roc et que « les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle (Mat 16 : 18)  ».

 

III

Mais ne verrons-nous pas de plus grandes choses que celles-là ? — Oui ; de plus grandes qu'il n'y en a encore eu depuis la création du monde ! Satan peut-il faire que la vérité de Dieu trompe ou que ses promesses soient de nul effet ? — Mais, s'il ne le peut, le temps viendra où le christianisme, vainqueur de toute opposition, couvrira la terre. C'est le troisième point que nous nous étions proposé d'établir. Arrêtons-nous et contemplons d'avance cet étrange spectacle : un monde chrétien. Ce fut l'objet de l'exacte recherche et de la profonde méditation des prophètes (1Pi 1 : 10) ; et l'Esprit qui était en eux en rendit témoignage : « Il arrivera aux derniers jours que la maison de l'Eternel sera affermie au-dessus des montagnes et élevée par-dessus les coteaux, et tous les peuples y aborderont ! - Et ils forgeront leurs épées en hoyaux et leurs hallebardes en serpes ; une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre et ils ne s'exerceront plus à la guerre (Esa 2 : 1-4). — En ce jour-là, les nations rechercheront la racine d'Isaï, dressée pour enseigne des peuples, et son séjour ne sera que gloire. — Et il arrivera en ce jour-là que le Seigneur mettra encore la main à recouvrer les restes de son peuple : il élèvera l'enseigne pour les nations ; il rassemblera ceux d'Israël qui auront été chassés ; il recueillera des quatre coins de la terre ceux de Juda qui auront été dispersés. — Le loup habitera avec l'agneau, et le léopard gîtera avec le chevreau ; le veau, le lionceau et le bétail qu'on engraisse seront ensemble, et un enfant les conduira. On ne nuira point, on ne fera aucun dommage à personne dans toute la montagne de ma sainteté. Car la terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel, comme le fond de la mer est couvert des eaux (Esa 11 : 6-12)  ».

Tel est aussi le sens de ces paroles du grand Apôtre, qui évidemment attendent encore leur accomplissement : « Dieu a-t-il rejeté son peuple ? A Dieu ne plaise ! — Mais le salut a été donné aux Gentils par leur chute. Or, si leur chute a fait la richesse du monde, que ne fera pas la conversion de ce peuple entier ?... Car, mes frères, je ne veux pas que vous ignoriez ce mystère, que si une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, ce n'est que jusqu'à ce que la multitude des Gentils soit entrée dans l'Église. — Et ainsi tout Israël sera sauvé. (Ro 11 1 : 11,25,26) »

Supposons maintenant la plénitude des temps arrivée et les prophéties accomplies. Quelle perspective ! Tout est paix, calme et assurance à, jamais. C'en est fait du fracas des armes, du tumulte et des vêtements souillés de sang. La destruction a pris fin pour toujours. Les guerres ont cessé sur la terre. Il n'y a plus même de discorde intestine ; plus de frère qui s'élève contre son frère ; plus de ville ; ni de province divisée contre elle-même et déchirant ses propres entrailles. C'en est fait pour toujours des guerres civiles ; il ne reste personne qui détruise ou moleste son prochain. Ici plus d'oppression qui mette lors de sens le sage lui-même ; plus d'extorsion qui écrase la face des pauvres ; plus de tort ni de larcin ; plus de rapine ni d'injustice : car tous sont contents de ce qu'ils possèdent. Ainsi la justice et la paix se sont entre-baisées ; elles ont pris racine et rempli la terre ; « la vérité et germé de la terre, et la justice a regardé des cieux (Ps 85 : 10,11)  ».

Et avec la justice il y a aussi la miséricorde. La terre n'est plus remplie de cabanes de violence. Le Seigneur a détruit l'homme sanguinaire et le malicieux, l'envieux et le vindicatif. Y eût-il encore provocation, il n'y a plus personne qui rende mal pour mal ; mais il n'y a pas même de provocation ; car tous les hommes sont simples comme des colombes. Remplis de paix et de joie par la foi, unis en un seul corps par le même Esprit, ils s'aiment comme des frères : ils ne sont qu'un cœur et qu'une âme. Et nul d'entre eux ne dit que ce qu'il possède lui appartienne en propre. Il n'y a parmi eux personne dans l'indigence ; car chacun aime son prochain comme lui-même ; et ils n'ont tous qu'une règle : « tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites le-leur aussi de même On n'entend donc plus parmi eux ni paroles désobligeantes, ni débats de langue, ni contentions d'aucun genre, ni railleries, ni médisances ; mais tous ouvrent la bouche avec sagesse ; tous ils ont « la loi de débonnaireté sur les lèvres ». Mais ils sont aussi incapables de fraude ou de déguisement : leur amour est sans dissimulation ; leurs paroles sont toujours la juste expression de leurs pensées, ouvrant, pour ainsi dire, une fenêtre à leur cœur, afin que quiconque veut y regarder voie que Dieu et son amour y habitent seuls.

C'est ainsi que le Dieu tout-puissant « se revêtant de sa force et entrant dans son règne » se soumet toutes choses, et fait déborder tous les cœurs d'amour et toutes les bouches de louanges. « Heureux le peuple qui est dans cet état ! Heureux le peuple duquel l'Éternel est le Dieu (Ps 144 : 15) ! » « Lève-toi, sois illuminée, dit l'Éternel, car ta lumière est venue, et la, gloire de l'Éternel est levée sur toi. Tu as reconnu que moi, l'Éternel, je suis ton Sauveur et ton Rédempteur, le Puissant de Jacob. — Je ferai que la paix règne sur toi, que la justice te gouverne. On n'entendra plus parler de violence dans ton pays, ni de dégât ou d'oppression dans tes contrées ; mais tu appelleras tes murailles salut et tes portes louanges. Tes enfants seront tous justes ; ils posséderont éternellement la terre ; ils seront le rejeton que j'ai planté et l'ouvrage de mes mains dans lequel je serai glorifié. Tu n'auras plus le soleil pour lumière du jour, et la lueur de la lune ne t'éclairera plus ; mais l'Eternel sera pour toi une lumière éternelle, et ton Dieu sera. ta gloire, (Esa 60 1 : 16-19)  ».

 

IV

Ayant ainsi brièvement considéré le christianisme dans sa naissance, dans ses progrès, dans sa victoire, tout ce qu'il me reste à faire c'est de conclure par une application simple et pratique.

Et d'abord, je le demande, où existe maintenant un tel christianisme ? Où sont, je vous prie, les chrétiens ? Quel est le pays où les habitants sont ainsi remplis du Saint-Esprit, — n'ont tous qu'un cœur et qu'une âme, — ne peuvent laisser l'un d'entre eux dans l'indigence, mais donnent constamment à chacun selon ses besoins ? Où est le pays dont tous les habitants ont le cœur tellement rempli de l'amour de Dieu, qu'il les presse d'aimer leur prochain comme eux-mêmes, — dont tous les habitants sont revêtus des entrailles de miséricorde, d'humanité, de douceur de patience, — ne blessent, ni de fait ni en paroles, la justice, la miséricorde ou la vérité, mais font en tous points, à tous les hommes, comme ils voudraient qu'on leur fît à eux-mêmes ? De quel droit appellerions-nous chrétienne une contrée qui ne répond pas à cette description ? Ah ! ne craignons pas de l'avouer : nous n'avons encore jamais vu de pays chrétiens.

Mes frères, je vous en supplie, par les compassions de Dieu, si vous me tenez pour fou ou pour insensé, supportez-moi comme insensé. Il est nécessaire que quelqu'un vous parle avec franchise. C'est nécessaire aujourd'hui même ; car qui sait si ce temps qui nous est donné n'est pas le dernier ? Qui sait si le juste Juge ne dira point bientôt : « Ne me prie plus pour ce peuple ? Quand Noé, Daniel et Job seraient dans ce pays, ils ne délivreraient que leurs propres âmes ». Et qui usera de cette franchise, si je ne le fais ? C'est pourquoi je parlerai moi, tel que je suis. Et je vous conjure, par le Dieu vivant, de ne point fermer vos cœurs pour ne pas être bénis par mes mains.

Ne dites pas intérieurement : « Quand tu me persuaderais, tu ne me persuaderas point !  », ou, en d'autres termes : Seigneur n'envoie pas qui tu veux envoyer ! Que je meure « dans mon sang », plutôt que d'être sauvé par cet homme !

Mes frères, j'attends de meilleures choses de vous, quoique je parle ainsi. Souffrez donc que je vous le demande avec amour et dans un esprit de douceur : Est-ce ici une ville chrétienne ? y trouve-t-on le christianisme, le christianisme scripturaire ? Sommes-nous, tous ensemble, tellement remplis du Saint-Esprit, que nous en goûtions dans nos cœurs et en montrions dans notre vie les vrais fruits ? Les magistrats, les chefs des corps universitaires et leurs dépendants, pour ne rien dire des autres habitants de la ville, ne sont-ils tous qu'un cœur et qu'une âme ? L'amour de Dieu est-il répandu dans nos cœurs ? Avons-nous les mêmes sentiments qu'avait Jésus-Christ ? Notre vie est-elle conforme à la sienne ? Sommes-nous saints, dans toute notre conduite, comme celui qui nous a appelés est saint ?

Veuillez observer qu'il ne s'agit pas ici d'idées particulières ; que la question n'est pas touchant des opinions douteuses, quelles qu'elles soient, mais touchant les points fondamentaux et indubitables, s'il en est de tels, de la doctrine qui nous est commune, et que c'est à vos propres consciences, guidées par l'Écriture, que j'en appelle pour la décision. Si quelqu'un n'est pas condamné par son propre cœur, je n'ai pas à le condamner non plus.

C'est donc en la crainte comme en la présence du grand Dieu devant qui nous comparaîtrons bientôt, vous et moi, que je vous prie, vous qui avez autorité sur nous et que je révère à cause de vos fonctions, de considérer (et non comme dissimulant avec Dieu) si vous êtes remplis du Saint-Esprit ; si vous êtes de vivantes images de Celui que vous représentez parmi les hommes ? « J'ai dit, vous êtes des dieux », ainsi vous parle l'Écriture, vous magistrats et gouverneurs ; vous êtes, par office, alliés de si près au Dieu du ciel ! Vous êtes chargés, à divers degrés, de nous offrir l'image de l'Éternel notre Roi. Toutes les pensées de vos cœurs, vos dispositions, vos désirs conviennent-ils à votre haute vocation ? Toutes vos paroles sont-elles semblables à celles qui sortent de la bouche de Dieu ? Y a-t-il dans toutes vos actions de la dignité et de l'amour, — une grandeur que les paroles ne peuvent exprimer, qui ne peut procéder que d'un cœur plein de Dieu, et compatible pourtant avec le néant de « l'homme qui n'est qu'un ver et du fils de l'homme qui n'est qu'un vermisseau ? »

Et vous, hommes graves et respectables, qui êtes particulièrement appelés à former l'esprit flexible de la jeunesse, à en écarter les ombres de l'ignorance et de l'erreur, à la rendre sage à salut : Êtes-vous remplis du Saint-Esprit ; de tous ces fruits de l'Esprit que l'importance de votre charge rend si indispensables ? Votre cœur est-il tout à Dieu, plein d'amour et de zèle pour établir son règne sur la terre ? Rappelez-vous sans cesse à ceux qui sont sous vos soins que le seul but raisonnable de toutes nos études est de connaître, d'aimer et de servir le seul vrai Dieu et Jésus-Christ qu'il a envoyé ? leur inculquez-vous, jour par jour, que l'amour seul ne périt jamais (tandis que les langues et la connaissance philosophique seront anéanties) et que sans l'amour, la glus grande science n'est qu'une splendide ignorance, une pompeuse folie, un tourment d'esprit ? Tout ce que vous enseignez tend-il effectivement à l'amour de Dieu et de tout le genre humain pour l'amour de lui ? Visez-vous à ce but en tout ce que vous leur prescrivez touchant le choix, le mode et la mesure de leurs études, travaillant pour que ces jeunes soldats de Christ, quel que soit le poste qui leur tombe en partage, soient comme autant de lampes ardentes qui brillent et qui honorent l'Évangile de Christ en toutes choses ? Et, permettez encore que je le demande, déployez-vous dans cette grande œuvre toutes vos forces ? y travaillez-vous de tout votre pouvoir ? y appliquez-vous toutes les facultés de votre âme, touts les talents que Dieu vous a confiés, et cela avec toute l'énergie dont vous êtes capables ?

Qu'on ne dise pas que je parle ici comme si tous ceux qui sont sous vos soins étaient destinés pour le ministère ; non, je ne parle que comme s'ils étaient chrétiens. Mais quel exemple reçoivent-ils de nous qui, dans les divers grades universitaires, jouissons de la bénéficence de nos ancêtres, particulièrement de ceux d'entre nous qui sont de quelque rang ? Frères, êtes-vous remplis des fruits de l'Esprit, d'humilité, de renoncement, de sérieux, de gravité, de patience, de douceur, de sobriété, de tempérance, et vous appliquez-vous constamment et sans relâche à faire du bien, en toute façon, à tous les hommes, à subvenir à leurs besoins temporels, à amener leurs âmes à la vraie connaissance et à l'amour de Dieu ? Est-ce là le caractère général des gradués des collèges ? Je crains bien que non. Mais plutôt l'orgueil, la fierté, l'impatience, la mauvaise humeur, la paresse et l'indolence, la gourmandise et la sensualité, ou même une inutilité proverbiale, plutôt, dis-je, tous ces vices ne nous sont-ils pas reprochés, et pas toujours peut-être, par nos ennemis, ni sans fondement ? Oh que Dieu veuille ôter de dessus nous cet opprobre et que le souvenir même en soit effacé pour jamais ! Plusieurs de nous sont plus immédiatement consacrés à Dieu, appelés au service des chose saintes. Eh bien ! sommes-nous « les modèles des autres, en paroles, en action, en charité, en esprit, en foi, en pureté (1Ti 4 : 12) ? » Ces mots, sainteté à l'Éternel, sont-ils écrits sur nos fronts et dans nos cœurs ? Par quels motifs sommes-nous entrés dans ce ministère ? Était-ce avec un oeil simple pour servir Dieu, persuadés que le Saint-Esprit nous pressait intérieurement de prendre cette charge pour l'avancement de sa gloire et pour l'édification de son peuple ? Était-ce avec la résolution bien arrêtée, par la grâce de Dieu, de nous y vouer entièrement ? Rejetons-nous, autant qu'il est possible, tous les soins et les études profanes, pour nous appliquer uniquement à cette œuvre-ci et y tourner tous nos soins et toutes nos études ? Sommes-nous propres à enseigner ? Sommes-nous enseignés de Dieu pour être en état d'enseigner les autres ? Connaissons-nous Dieu ? Connaissons-nous Jésus-Christ ? Dieu a-t-il révélé son Fils en nous ? Nous a-t-il rendus capables d'être ministres de la nouvelle Alliance ? Où donc sont les sceaux de notre apostolat ? Qui sont ceux qui, étant morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, ont été vivifiés par notre parole ? Brûlons-nous d'un tel désir de sauver les âmes de la mort, que pour l'amour d'elles nous oubliions souvent de manger notre pain ? Parlons-nous ouvertement pour la manifestation de la vérité, nous recommandant à la conscience de tous les hommes en la présence de Dieu (vous 4 : 2) ? Sommes-nous morts au monde et aux choses du monde, ne nous amassant de trésors que dans le ciel ? Loin de dominer sur les héritages de Dieu, sommes-nous comme les plus petits et les serviteurs de tous ? Si nous portons l'opprobre de Christ, nous pèse-t-il, ou nous en réjouissons-nous ? Quand on nous frappe sur une joue, en avons-nous du ressentiment, de l'impatience, ou présentons-nous l'autre, ne résistant point au mal mais surmontant le mal par le bien ? Avons-nous un zèle amer qui nous incite à contester aigrement et avec passion contre ceux qui s'égarent, ou notre zèle est-il la flamme de la charité qui dirige toutes nos paroles dans la douceur, l'humanité, la débonnaireté et la sagesse ?

Un mot encore : que dire de la jeunesse de ce lieu ? Avez-vous, ô jeunes gens, la réalité ou même seulement la forme de la piété chrétienne ? Êtes-vous humbles, traitables, dociles, — ou revêches, opiniâtres, entêtés et hautains ? Obéissez-vous à vos supérieurs comme à des pères, ou méprisez-vous ceux à qui vous devez le plus rendre respect ? Êtes-vous actifs dans vos légers travaux, poursuivant vos études de toutes vos forces ? Rachetez-vous le temps, remplissant chaque journée d'autant de travail qu'elle en peut contenir, ou bien votre conscience vous dit-elle, au contraire, que vous perdez jour après jour, soit à lire ce qui n'intéresse point le christianisme, soit au jeu, soit à toutes sortes de riens ? Êtes-vous meilleurs économes de votre bien que de votre temps ? Prenez-vous soin, par principe, de ne devoir rien à personne ? Vous souvenez-vous du jour du repos pour le sanctifier et pour l'employer plus immédiatement au service de Dieu ? Quand vous êtes dans la maison de Dieu, pensez-vous que Dieu est là ? et vous comportez-vous comme voyant Celui qui est invisible ? Savez-vous posséder vos corps dans la sainteté, et l'humilité ? L'ivrognerie, l'impureté ne se trouvent-elles pas parmi vous ? N'y en a-t-il pas même parmi vous qui se glorifient de ce qui fait leur confusion, ou qui prennent le nom de Dieu en vain, habituellement peut-être, sans crainte ni remords ? ou même, et de ceux-là une multitude toujours croissante, qui se parjurent ? Ne vous étonnez point de ceci, mes frères. Devant Dieu et devant cette assemblée, j'avoue que j'ai été de ce nombre, ayant juré solennellement d'observer tous les usages prescrits, alors que je n'en avais aucune connaissance, et nos statuts que je ne parcourus pas même ni alors ni de longtemps après. Si ce n'est pas là un parjure, qu'est-ce que le parjure ? Mais si c'en est un, oh ! quelle culpabilité, quelle noire culpabilité pèse sur nous ! Et le Très-Haut ne le voit-il point ?

Ce péché ne vient-il point de ce que tant d'entre vous sont une génération frivole, qui ne font que badiner avec Dieu, les uns avec les autres et avec leur propre âme ? Car enfin, combien y en a-t-il qui, dans toute une semaine, passent seulement une heure à prier en secret ? Combien qui songent à Dieu dans l'ensemble de leur conversation ? Qui d'entre vous cornait tant soit peu les opérations de son Esprit, son œuvre surnaturelle dans les âmes ? Pouvez-vous souffrir, si ce n'est de temps en temps, dans une église, qu'on vous parle du Saint-Esprit ? Et si quelqu'un entamait une telle conversation, douteriez-vous que ce ne fût un hypocrite ou un enthousiaste ? Au nom du Seigneur Dieu tout-puissant, je vous le demande, de quelle religion êtes-vous donc, puisque vous ne pouvez ni ne voulez souffrir qu'on parle du christianisme ? Ô mes frères ! quelle ville chrétienne est-ce ici ? Il est temps, Seigneur, que tu y mettes la main !

En effet, quelle probabilité, ou plutôt (pour parler à vue humaine) quelle possibilité y a-t-il que le christianisme, le christianisme scripturaire devienne encore la religion de ces lieux ; que les gens de tout état parmi nous viennent à parler et à vivre comme étant remplis du Saint-Esprit ? Par qui ce christianisme serait-il rétabli ? Pour ceux d'entre vous qui ont en main l'autorité ? Mais êtes-vous convaincus que ce soit ici le christianisme de l'Ecriture ? Désirez-vous qu'il soit rétabli ? et tenez-vous votre fortune, votre liberté, votre vie comme ne vous étant pas précieuses, pourvu que vous serviez d'instruments pour le rétablir ? Mais, supposé que vous en ayez le désir, qui est assez puissant pour produire l'effet désiré ? Quelques-uns d'entre vous ont fait peut-être quelques faibles efforts, mais avec combien peu de succès ! Le christianisme serait-il donc rétabli par des jeunes gens inconnus et sans autorité ? Je ne sais si vous-mêmes vous pourriez le souffrir ! Quelques-uns de vous ne crieraient-ils point : Jeune homme, en faisant cela, tu nous accuses ? Mais il n'y a nul danger que vous soyez mis à cette épreuve, tant il est vrai que l'iniquité nous inonde comme un fleuve. Qui donc Dieu enverra-t-il ? La famine, la peste (dernier message à un pays coupable), ou l'épée ? les armées romaines, les étrangers, pour nous ramener à notre première charité ? Ah ! « que nous tombions entre tes mains, Seigneur ! plutôt qu'entre les mains des hommes ! »

Seigneur, sauve-nous, ou nous périssons ! retire-nous afin que nous n'enfoncions pas dans le bourbier ! Ah ! délivre-nous, car le secours de l'homme est vain ! Toutes choses te sont possibles ! Selon la grandeur de ta force, garantis ceux qui s'en vont mourir ! et sauve-nous comme tu trouveras bon ; non selon notre volonté, mais selon la tienne !

 


Romains 4,5

1746

 

« Pour celui qui ne fait point d'œuvre, mais qui croit en Celui qui justifie l'impie, sa foi lui est imputée à justice ». (Ro 4 : 5).

 

1. Comment le pécheur peut-il être justifié devant Dieu, le Seigneur et le Juge ? Cette question est d'une suprême importance pour tous les hommes sans exception. Cette question touche à la raison d'être de notre espérance, puisqu'il ne peut y avoir pour nous ni paix véritable, ni joie solide, ici-bas ou dans l'éternité, aussi longtemps que nous sommes en état de révolte contre Dieu. Quelle peut être notre paix, si notre cœur nous condamne ; si surtout Dieu nous condamne, Lui qui « est plus grand que notre cœur et connaît toutes choses » ? Quelle joie peut régner en nous, si « la colère de Dieu demeure sur nous » ?

2. Combien, cependant, cette question vitale a été mal comprise ! Que de notions confuses à cet égard ! Non seulement ces notions sont confuses, mais absolument fausses ; aussi contraires à la vérité, que les ténèbres à la lumière ; en opposition manifeste avec les révélations divines. Le fondement même de ces conceptions est sans solidité ; aussi quel peut être l'édifice ! Les hommes n'ont pas employé « l'or, l'argent ou les pierres précieuses » , mais ils se sont servis, pour bâtir, de « foin et de chaume ». Leur travail à déplu à Dieu et n'a point été utile à l'humanité.

3. Je vais m'efforcer de faire justice, autant qu'il dépend de moi, à cette question essentielle ; je chercherai à préserver ceux qui veulent la vérité avec sincérité, de « toute vaine dispute de mots » , comme aussi à dissiper les obscurités de leur pensée, en leur donnant une conception juste et vraie de ce grand mystère d'amour. — Je me propose, pour cela de montrer :

I. Quelle est la base de toute la doctrine de la justification ;

II. Ce qu'est la justification ;

III. Qui sont les justifiés ;

IV. Et, enfin, à quelles conditions ils sont justifiés.

I

Tout d'abord, quelle est la base de toute la doctrine de la Justification ?

1. — L'homme a été fait à l'image de Dieu ; saint comme Dieu est saint ; compatissant comme Dieu est compatissant : parfait comme son Père dans les cieux est parfait. Dieu est amour ; de même l'homme, demeurant dans l'amour, demeurait en Dieu et Dieu en lui. Dieu fit de lui « une image de sa propre éternité » , une représentation de sa gloire. Il était pur, comme Dieu est pur, sans aucun péché. Il ne connaissait point le mal, mais il était irrépréhensible dans ses pensées comme dans ses actes. Il « aimait le Seigneur, son Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ».

2. — Dieu donne à l'homme parfait une loi parfaite, que l'homme devait accomplir parfaitement. Il exigea une obéissance loyale à la loi toute entière, une obéissance de tous les instants ; sans aucune exception ni intermittence. Aucune indulgence pour la moindre faute. Au reste, rien n'obligeait l'homme à commettre de faute puisqu'il était capable d'accomplir la tâche qui lui avait été confiée et qu'il avait reçu de Dieu toutes les énergies nécessaires pour vivre la vie bonne dans ses paroles et dans ses œuvres.

3. — A la loi d'amour qui était gravée dans son cœur (et qu'il ne pouvait pas, sans doute, violer ouvertement), Dieu jugea nécessaire, dans sa sagesse souveraine, d'ajouter un commandement précis

« Tu ne mangeras pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin ». Et Il ajouta à cet ordre cette menace : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras ».

4. - Tel était l'homme dans le Paradis. Dieu, dans son amour, l'avait fait heureux et saint. Il connaissait Dieu et se réjouissait en Dieu. Il possédait ainsi la vie, la vie éternelle.

Il était destiné à vivre toujours cette vie d'amour. Mais il devait, pour cela, obéir à Dieu en toutes choses. Du jour où il désobéirait, il entrerait dans la mort.

5. — L'homme désobéit à Dieu. Il « mangea du fruit de l'arbre dont Dieu lui avait parlé en disant : tu n'en mangeras pas ». Ce jour-là, il fut condamné par le Dieu juste. Le châtiment dont il était menacé le frappa. Dès qu'il eut mangé le fruit, il mourut. Son âme mourut, fut séparée de Dieu, séparée de Celui qui est aussi indispensable à la vie de l'âme que l'âme à la vie du corps. Son corps devint mortel. Mort spirituellement, mort dans son péché, il sentit venir sur lui la mort éternelle.

6. — Ainsi « par un seul homme le péché est entré dans le monde et, par le péché, la mort. Et la mort s'est étendue sur tous les hommes » , comme un prolongement de la mort d'Adam, le père et le représentant de toute la race humaine. « Par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes ». (Ro 5 : 18).

7. — Nous étions tous dans cette situation lamentable quand « Dieu aima tellement le monde qu'Il donna son Fils unique ». Au temps fixé, Il devint homme, Chef et Représentant de l'Humanité tout entière. Il s'est chargé de nos péchés. « Il a été frappé pour nos transgressions, brisé par nos iniquités ». « Il a livré son âme en oblation pour le péché ». Il a versé son sang pour les coupables ; « Il a porté nos péchés en son corps sur le bois » et « par ses meurtrissures nous avons la guérison ». — Par son sacrifice, le sacrifice de lui-même, offert une fois pour toutes, Il nous a rachetés, tous, ayant ainsi expié les péchés du monde.

8. — Parce que le Fils de Dieu a souffert la mort pour tous, le Seigneur nous a réconciliés avec Lui-même. « Comme par la désobéissance d'un seul homme, tous ont été condamnés, ainsi, par l'obéissance d'un seul, la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes ». A cause des souffrances de son Fils Bien-aimé, de ce qu'Il a fait et enduré pour nous, Dieu s'engage (à une condition, une seule, qu'Il a Lui-même fixée) à nous pardonner nos offenses, à nous réintégrer en sa faveur, et à rendre la vie, la vie éternelle à nos âmes mortes.

9. — Telle est la base essentielle de la doctrine de la justification. Par la faute du premier Adam, qui était notre père mais aussi notre représentant à tous, nous nous sommes privés de la faveur de Dieu ; nous sommes devenus enfants de la colère. Mais, d'autre part, par le sacrifice accompli par le second Adam, notre représentant, Dieu nous a donné une alliance nouvelle. Il n'y a plus de condamnation pour nous ; nous avons été justifiés par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ.

II

1. — Que signifient ces termes : « Etre justifié, justification ? » C'est ce que je me propose, maintenant d'expliquer. D'après ce que nous venons de dire, ces termes n'expriment pas le fait de la victoire sur le péché, de la vie de justice. Ceci est proprement la sanctification. Sans doute, la sanctification est le fruit de la justification, mais elle est cependant, un don spécial de Dieu et d'une nature différente du premier. La justification représente l'œuvre accomplie par Dieu pour nous en Son Fils ; la sanctification est l'œuvre accomplie en nous par Son Esprit. Sans doute, il est possible de trouver quelques cas où le mot de justification comprend celui de sanctification ; mais, en général, ces deux expressions sont distinctes l'une de l'autre, dans les épîtres de St Paul et des autres écrivains sacrés.

2. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation qui pèse sur nous, surtout celle de Satan. Aucun texte ne nous permet de croire que Dieu se préoccupe de cette accusation ni de celui qui la porte contre nous. Sans doute, Satan est l' « accusateur » , mais la justification n'a rien à faire avec cette accusation.

3. — Ne disons pas non plus que la justification nous délivre de l'accusation portée contre nous par la loi. Cette manière malencontreuse de s'exprimer ne peut s'expliquer que si on la traduit ainsi : Dieu épargne à ceux qui sont justifiés la punition que pourtant ils méritent.

4. — Surtout ne présentons pas Dieu comme trompé en quelque sorte par ceux qu'Il justifie. Ne disons pas qu'Il s'imagine les justifiés différents de ce qu'ils sont. Dieu ne nous juge pas contrairement à l'évidence ; Il ne nous considère pas comme meilleurs que nous ne sommes et ne voit pas en nous des justes alors que nous sommes des injustes. Son jugement est toujours conforme à la vérité. Il ne peut pas s'imaginer que je suis innocent ou juste et saint, parce qu'un autre l'est. Il ne peut pas plus, à ce point de vue, me confondre avec Christ qu'avec David ou Abraham. Que chacun étudie cette question avec impartialité ; il se rendra compte certainement qu'une pareille notion de la justification n'est en harmonie ni avec la raison ni avec l'Ecriture.

5. — La justification est essentiellement, d'après la Bible, le pardon des péchés. La justification est l'acte par lequel Dieu le Père, à cause de la propitiation accomplie par le sang de son Fils, manifeste sa justice en accordant la rémission des péchés passés. Telle est bien la définition que St Paul en donne, en particulier dans l'épître aux Romains. « heureux, dit-il, sont ceux dont les iniquités sont pardonnées, dont le péché est couvert ; heureux est l'homme à qui le Seigneur n'impute point son péché ». Dieu ne condamnera point celui qui est justifié, pardonné ; Il ne le condamnera ni ici-bas, ni dans le siècle à venir. Ses péchés, tous ses péchés passés, péchés de pensée, de paroles ou d'actions, sont effacés ; ils ne lui seront plus reprochés.

Dieu ne veut pas que le pécheur justifié souffre ce qu'il mériterait de souffrir, car le Fils de Dieu, le Fils de son amour, a souffert pour ce pécheur. Dès le moment où nous « sommes reçus en son Bien-aimé » , où nous « sommes réconciliés avec Dieu par son sang ; Dieu nous aime, nous bénit, comme si nous n'avions jamais péché.

Sans doute, l'Apôtre semble, en un passage de ses épîtres, donner une signification plus large au mot de justification, lorsqu'il dit : « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, mais ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ». Mais ici St Paul fait allusion à notre justification lors du Jugement. C'est aussi ce que fait notre Seigneur lorsqu'Il s'écrie : « Tu seras justifié par tes paroles » , montrant ainsi que « pour toute vaine parole que les hommes prononceront, ils devront rendre compte au jour du jugement ». Mais il serait difficile de citer un autre passage de l'apôtre qui donne au mot « justifié » cette signification. D'une manière générale, il ne lui donne pas ce sens ; il ne le lui donne certainement pas dans le verset que nous avons pris pour texte. Ce verset se rapporte, non point à ceux qui « ont achevé leur course » , mais à ceux qui sont au début de leur course, qui entre prennent de parcourir la carrière qui est devant eux.

III

1. — Une troisième question se pose devant nous « Qui sont les justifiés ? » L'apôtre nous le dit : Ce sont les impies. « Dieu justifie l'impie » , l'impie quel qu'il soit, quel que soit le degré de son impiété. Il ne justifie que l'impie. De même que les justes n'ont pas besoin de repentance, de même ils n'ont pas besoin de pardon. Il n'y a que le pécheur qui puisse admettre le besoin d'être pardonné. Le pardon est en relation directe avec le péché. C'est à l'égard des injustes que le Dieu compatissant veut déployer sa grâce ; c'est notre iniquité dont Il ne veut plus se souvenir.

2. — Cette conception est tout-à-fait opposée à celle qui considère la sanctification comme condition de la justification, qui présente l'obéissance à la loi de Dieu comme nécessaire pour le Pardon ; à moins cependant qu'ils ne pensent à la justification au jour du jugement, ce qui est une toute autre question. Non seulement il est impossible d'être saint en dehors de l'amour pour Lui et de la foi en son Amour, mais il est absurde, illogique de faire précéder ainsi la justification de la sanctification. Dieu n'aurait pas 0 justifier des saints mais ce sont des pécheurs, des rebelles, qui ont besoin de sa miséricorde. Il ne peut exiger la sainteté de ceux qui sont impurs. Comment admettre que l'Agneau de Dieu ne puisse ôter que les péchés qui ont déjà été ôtés

3. — Le Bon Berger cherche-t-il les brebis qui sont déjà, au bercail ? Non certes ; Il cherche celles qui sont perdues. Il sauve ceux qui ne Lui appartiennent pas encore ; ceux en qui ne réside aucun bien, mais qui sont esclaves de l'orgueil, de la colère ; de l'amour du monde.

4. — Ce sont les malades qui ont besoin de médecin. Ceux qui sont condamnés, non seulement par Dieu mais par leur conscience, ceux qui ont le vif sentiment de leur corruption profonde et de leur incapacité à faire ou penser le bien, ceux-là, crient à Dieu pour obtenir la délivrance. Ils reconnaissent que leur cœur est mauvais, profondément mauvais. Ils savent que le « mauvais arbre ne peut porter de bon fruit ».

5. — On dira peut-être : « L'homme, même avant d'être justifié, peut nourrir l'affamé, vêtir le pauvre, faire des œuvres bonnes ». - Il est facile de répondre à cette objection : Ces œuvres sont bonnes en ce sens qu'elles sont utiles aux hommes. Mais il ne s'ensuit pas qu'elles soient vraiment bonnes aux yeux de Dieu, bonnes en elles-mêmes. Toute Œuvre bonne vient après la justification. Les œuvres ne sont vraiment bonnes que dans la mesure où elles procèdent d'une foi vivante. Les œuvres qui précèdent la justification ne sont pas bonnes dans le sens chrétien de ce mot, parce qu'elles ne procèdent pas de la foi en Jésus-Christ, parce qu'elles ne sont pas vraiment conformes à la volonté de Dieu. « Au contraire, n'étant pas faites comme Dieu veut et commande qu'elles le soient, nous ne doutons point, quelque étrange que ceci paraisse à quelques-uns, qu'elles n'aient la nature du péché ».

6. — Peut-être ceux qui doutent de cette déclaration n'ont-ils pas dûment pesé la preuve solide présentée ici pour établir qu'aucune œuvre faite avant la justification ne peut être réellement bonne. Voici l'argument en forme :

Aucune œuvre n'est bonne, lorsqu'elle n'est point faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit ;

Or, aucune œuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit. Donc aucune œuvre faite avant la justification n'est une bonne œuvre.

La première proposition est évidente par elle-même. Et quand à la seconde, « aucune œuvre faite avant la justification n'est faite comme Dieu veut et commande qu'elle le soit », elle paraîtra également simple et irrécusable, si seulement nous considérons que Dieu a voulu et commandé que toutes nos œuvres fussent faites par amour ; par cet amour pour Dieu qui produit l'amour pour toute l'humanité. Or, aucune de nos œuvres ne peut être faite par cet amour, tant que l'amour du Père (de Dieu comme notre Père), n'est pas en nous. Et cet amour ne peut exister en nous jusqu'à ce que nous recevions l'Esprit d'adoption, lequel crie dans nos cœurs : Abba, c'est-à-dire Père. C'est pourquoi si Dieu ne justifie pas le pécheur, et celui qui ne fait pas les œuvres, Christ est mort en vain ; et, malgré Sa mort, nul homme vivant ne peut être justifié.

IV

1. — Mais à quelle condition est justifié celui qui est complètement pécheur, et qui jusqu'à ce moment n'a pas fait les œuvres ? A une seule : LA FOI. Il « croit en celui qui justifie le pécheur  » ; et celui qui croit en lui n'est point condamné, mais il est passé de la mort à la vie. « Car la justice (la miséricorde) de Dieu est par la foi en Jésus Christ, en tous ceux et sur tous ceux qui croient », Dieu L'ayant « destiné pour être une victime propitiatoire par la foi en son sang ;... afin qu'il soit trouvé juste, et que (conformément à sa justice) il justifie celui qui a la foi en Jésus... Nous concluons donc que l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi  » ; sans obéissance antérieure, à la loi morale, qu'il n'avait pu accomplir jusqu'à cette heure. Qu'il soit question ici de la loi morale et de cette loi seule, c'est ce qui paraît évident par les paroles qui suivent : « Anéantissons-nous donc la loi par la foi ? Dieu nous en garde ! Au contraire, nous établissons la loi ». Quelle loi établissons-nous par la foi ? la loi des observances, la loi cérémonielle de Moïse ? Nullement ; mais la grande et immuable loi de l'amour saint de Dieu et de notre prochain.

2. — La foi, dans un sens général, est une évidence ou conviction divine, surnaturelle, des choses qu'on ne voit point et qui ne tombent pas sous les sens, parce qu'elles sont ou passées, ou futures, ou spirituelles. La foi justifiante n'implique pas seulement l'évidence ou la conviction divine « que Dieu était en Christ réconciliant le monde avec soi » , mais aussi la pleine confiance que Christ est mort pour mes péchés, qu'il m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi. Et quel que soit le moment où un pécheur croit ainsi, dans sa tendre enfance, dans la force de l'âge où lorsqu'il est vieux et couvert de cheveux blancs, Dieu le justifie, lui, méchant ; Dieu, à cause de son Fils, le pardonne et l'absout, lui, qui, jusque-là, n'avait rien de bon en lui. Dieu lui avait donné auparavant, il est vrai, la repentance, mais qu'était-ce autre chose qu'un profond sentiment de l'absence de tout bien et de la présence de tout mal dans son cœur ? Et quel que soit le bien qu'il y ait en lui ou qu'il fasse depuis l'instant où il a cru en Dieu par Christ, la foi ne l'a pas trouvé dans Son cœur, mais l'y a apporté ; c'est le fruit de la foi. L'arbre est fait bon d'abord, les fruits deviennent bons ensuite.

3. — Je ne puis mieux décrire la nature de la foi que dans ces paroles de l'Eglise anglicane : « Le seul instrument de salut » (dont la justification est une partie), « c'est la foi, c'est-à-dire une ferme confiance que Dieu a pardonné et veut pardonner nos péchés ; qu'Il nous a de nouveau reçus dans sa faveur, à cause des mérites de la mort et de la passion de Christ. Mais nous devons prendre garde, en venant à Dieu, de ne pas chanceler par inconstance et incertitude de fol. Pierre fut sur le point de se noyer en marchant sur la mer pour aller à Christ, parce que sa foi défaillit. Nous, de même si nous commençons à hésiter ou à douter, il est à craindre que nous ne nous enfoncions, non dans les vagues de la mer, mais dans l'abîme sans fond du feu de l'enfer ». (Second sermon sur la Passion.)

« C'est pourquoi aie une foi sûre et constante, non seulement que la mort de Christ est, efficace pour tous les hommes, mais qu'il a offert un sacrifice complet et suffisant pour toi, qu'il a fait une parfaite purification de tes péchés, de telle sorte que tu puisses dire avec l'Apôtre, qu'Il t'a aimé et s'est donné Lui-même pour toi. C'est ainsi que tu t'approprieras Christ et que tu t'appliqueras à toi-même ses mérites ». (Sermon sur la Sainte-Cène.)

4. — Quand j'affirme que la foi est la condition de la justification, je veux dire, premièrement, que sans elle il n'y a pas de justification. Celui qui ne croit point est déjà condamné ; et aussi longtemps qu'il ne croit point la condamnation ne peut être ôtée, mais la colère de Dieu demeure sur lui. Comme il n'y a point sous le ciel d'autre nom donné aux hommes que celui de Jésus de Nazareth, point d'autres mérites que les siens, qui puissent sauver de sa culpabilité tout pécheur condamné, ainsi il n'y a aucun autre moyen d'obtenir une part dans ses mérites que la foi en son nom.. Aussi longtemps donc que nous n'avons pas cette foi, nous demeurons « étrangers à l'alliance de la promesse, séparés de la république d'Israël, et sans Dieu dans le monde ». Quelques vertus que l'homme puisse avoir (je parle de celui à qui l'Evangile est prêché, car qu'ai-je affaire de juger les autres ?) quelques bonnes œuvres qu'il fasse, elles ne lui profitent de rien ; il reste toujours enfant de colère, il demeure sous la malédiction, jusqu'à ce qu'il croie en Jésus.

5. — La foi est donc la condition nécessaire de la justification, elle en est même la seule condition nécessaire. C'est là le second point qui demande une sérieuse attention. A l'instant même où Dieu donne la foi au pécheur (car elle est un don de Dieu), à l'instant où Il donne la foi à celui qui n'a point fait les œuvres, cette foi lui est imputée et Justice. Avant ce moment, il n'a aucune justice quelconque, pas même une justice ou une innocence négative ; mais dès qu'il croit, la « foi lui est imputée à justice ». Ce n'est pas, je l'ai déjà dit, que Dieu le prenne pour ce qu'il n'est pas ; mais comme il a fait Christ péché pour nous, c'est-à-dire l'a traité comme un pécheur, en Le punissant pour nos péchés, ainsi il nous tient pour justes du jour où nous croyons en Lui, c'est-à-dire qu'il ne nous punit pas pour nos iniquités. Il nous traite, au contraire, comme si nous étions justes et sans culpabilité.

6. — Assurément, la difficulté que l'on éprouve à admettre cette proposition, que la foi est la seule condition de la justification, naît de ce qu'on ne la comprend point. Nous entendons par là que c'est la seule condition sans laquelle personne n'est justifié, la seule condition qui soit directement, essentiellement, absolument exigée pour obtenir le pardon. Ainsi, d'un côté, comme l'homme qui possède tout, excepté la foi, ne peut pas être justifié, de l'autre, celui qui manque de tout, s'il a la foi, ne peut qu'être justifié. Car si un pécheur quelconque, ayant une pleine conviction de sa méchanceté totale, de sa complète incapacité pour penser, dire ou faire le bien, et ne se sentant propre que pour le feu de l'enfer, si un tel pécheur, dis-je, se voyant sans secours et sans espoir en lui-même, se jette entièrement dans les bras de la miséricorde de Dieu en Christ, ce qu'il ne peut faire que par la grâce de Dieu, qui oserait douter qu'il ne soit pardonné dès ce moment ? Qui voudrait affirmer que quelque chose de plus est indispensablement requis, pour que ce pécheur puisse être justifié ?

S'il y a jamais eu un seul exemple semblable, depuis le commencement du monde (et n'en a-t-il pas existé, et n'en existe-t-il pas des mille milliers ?), il en résulte naturellement que la foi est, dans le sens que nous avons indiqué, la seule condition de la justification.

7. — Il ne convient pas à de pauvres vermisseaux, coupables et pécheurs, qui doivent à la grâce, à une faveur imméritée, toutes les bénédictions dont ils jouissent (depuis la moindre goutte d'eau qui rafraîchit leur langue, jusqu'aux immenses richesses de gloire dans l'éternité), de demander à Dieu les raisons de sa conduite, ce n'est pas à nous à questionner Celui qui « ne rend aucun compte de ce qu'Il fait » à personne, et à Lui dire : Pourquoi as-tu fait de la foi la condition, la seule condition de la justification ? Pourquoi as-tu décrété que, celui qui croira, et lui seul sera sauvé ? C'est le point sur lequel saint Paul insiste si fortement dans le neuvième chapitre de cette Epître, à savoir que les conditions du pardon et de la faveur de Dieu doivent dépendre, non de nous, mais de Celui qui nous appelle ; qu'il n'y a point d'injustice en Dieu, à fixer ses propres conditions selon son bon plaisir, et non suivant le nôtre ; puisqu'Il est Celui qui peut dire avec justice : « Je ferai miséricorde à celui à qui je ferai miséricorde », c'est-à-dire à celui qui croit en Jésus. Ce n'est donc point à celui qui veut, ni à celui qui court à choisir la condition à laquelle il sera reçu en grâce, mais à Dieu qui fait miséricorde, qui ne reçoit personne que de sa propre et libre bienveillance, de sa bonté imméritée. Il fait donc miséricorde à qui Il veut, c'est-à-dire à ceux qui croient au Fils de son amour ; et ceux qu'il veut, ceux qui ne croient pas, Il les endurcit, les abandonne ; à la fin, à l'endurcissement de leurs cœurs.

8. — Nous pouvons cependant humblement concevoir une des raisons pour lesquelles est fixée cette condition de justification : « Si tu crois au Seigneur Jésus-Christ, tu seras sauvé ». C'est afin d'humilier l'orgueil de l'homme. L'orgueil avait déjà détruit les anges de Dieu, il avait fait tomber « la troisième partie des étoiles du ciel  » ; C'est en grande partie à l'orgueil qu'Adam avait dû, lorsque le tentateur lui dit : « Vous serez comme des dieux  » ; de déchoir et d'introduire le péché et la mort dans le monde. C'est pourquoi c'était une preuve de sagesse digne de Dieu, de fixer pour lui et pour toute sa postérité une condition de salut qui pût les humilier et les abaisser jusque dans la poudre. Telle est la loi. Elle répond particulièrement à ce but ; car celui qui vient à Dieu par la foi, ne doit fixer les yeux que sur sa propre méchanceté, sur ses crimes, et sur son incapacité quant au bien ; il ne doit regarder à aucun bien supposé, à aucune vertu ou justice ; quelconque en lui-même. Il doit venir simplement comme pécheur, pécheur intérieurement et extérieurement, détruit par sa faute, condamné par sa propre conscience, n'apportant rien à Dieu que l'iniquité, et, lorsqu'il plaide avec lui, ne lui présentant rien qui lui soit propre, si ce n'est le péché et la misère. Lorsqu'il a ainsi la bouche fermée et qu'il se trouve entièrement coupable devant c'est alors, et alors seulement qu'il peut regarder à Jésus comme à la parfaite et seule propitiation pour ses péchés. Alors seulement, il peut être trouvé en lui et recevoir la justice qui est de Dieu par la foi.

9. — Toi donc, méchant, qui entends ou lis ces paroles ! toi, pécheur vil, misérable et impuissant ! je te somme devant Dieu, le juge de tous, d'aller directement à Lui, avec toute ta méchanceté. Prends garde de perdre ton âme en plaidant plus ou moins ta justice propre. Présente-toi à Lui comme étant entièrement méchant, coupable, perdu, ruiné, comme méritant l'enfer, et déjà sur le bord de l'abîme, et tu trouveras grâce devant Lui, et tu sauras qu'Il justifie le pécheur. Tu seras ainsi conduit au Sauveur, au sang de l'aspersion, comme un pécheur perdu, sans secours et damné. Regarde donc à Jésus ; voilà l'Agneau de Dieu qui ôte tes péchés. Ne fais valoir aucune œuvre, aucune justice qui t'appartienne ! aucune humilité, aucune contrition, aucune sincérité ! Non ! ce serait renier le Seigneur qui t'a racheté. Plaide uniquement le sang de l'alliance, la rançon payée pour ton âme orgueilleuse, rebelle et pécheresse. Qui es-tu, toi qui actuellement vois et sens à la fois ta méchanceté intérieure et extérieure ? C'est à toi que je m'adresse ! je te réclame pour mon Seigneur. Je te supplie de devenir un enfant de Dieu par la foi ! Le Seigneur a besoin de toi ; toi qui te sens propre pour l'enfer, tu es propre à avancer sa gloire ; la gloire de sa libre grâce qui justifie le méchant et celui qui n'a point fait les œuvres. Oh ! viens sur-le-champ ! Crois au Seigneur Jésus : et toi, oui toi, tu seras réconcilié avec Dieu !

 


Romains 10,5-8

1746

 

« Moïse décrit la justice qui est par la loi, en disant, que l'homme qui fera ces choses vivra par elles ;

Mais la justice qui est par la foi parle ainsi : Ne dis point en ton cœur : Qui montera au ciel ? C'est vouloir en faire descendre Christ. Ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ d'entre les morts. Mais que dit-elle ? La parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. C'est la parole de la foi que nous prêchons ». (Ro 10 : 5-8)

 

Dans ce texte, l'apôtre ne met pas en opposition l'alliance donnée par Moïse, et l'alliance donnée par Christ. S'imaginer qu'il en est ainsi, ce serait ne pas observer que la dernière partie de ces paroles aussi bien que la première fut prononcée par Moïse lui-même, et adressée au peuple d'Israël, touchant l'alliance qui existait alors (De 30 : 11,12,14). Mais c'est l'alliance de grâce que Dieu a établie, par Christ, avec les hommes de tous les âges, aussi bien avant la dispensation juive, et sous cette dispensation que depuis l'époque où Dieu fut manifesté en chair ; c'est cette alliance, disons-nous, que saint Paul met ici en opposition avec l'alliance des œuvres faite avec Adam, encore dans le paradis terrestre, et qui était ordinairement regardée, surtout par les Juifs que mentionne l'apôtre, comme la seule que Dieu eût traitée avec l'homme.

C'est de ces Juifs que parle saint Paul avec tant d'amour lorsqu'il dit au commencement de ce chapitre : « Le souhait de mon cœur, et la prière que je fais à Dieu pour Israël, c'est qu'ils soient sauvés. Car je leur rends ce témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais ce zèle est sans connaissance, parce que ne connaissant point la justice de Dieu », la justification qui vient de sa pure grâce et de sa miséricorde par lesquelles il nous pardonne gratuitement nos péchés, à cause du Fils de son amour, en vertu de la rédemption qui est en Jésus ; — ne connaissant point cette justice, « et cherchant à établir leur propre justice », leur propre sainteté, antérieure à la foi en Celui qui justifie le méchant, comme base de leur pardon et de leur réception en grâce, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu », et en conséquence, ils ont suivi une voie d'erreur qui conduit à la mort.

Ils ne comprenaient point que « Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croient  » ; que par l'oblation de lui-même qu'il a offerte une fois, il a mis fin à la première loi ou alliance (donnée par Dieu, non pas à Moïse, mais à Adam dans l'état d'innocence), loi dont la stricte teneur était, et cela sans concession aucune « Fais ceci, et tu vivras ». Ils ne savaient pas qu'en annulant cette première alliance, Christ nous en a acquis une meilleure, savoir : Crois et vis, « crois et tu seras sauvé  » ; sauvé maintenant de la coulpe et l'empire du péché, et par conséquent, aussi de la condamnation qui en est le salaire.

Et encore aujourd'hui, combien d'hommes aussi ignorants que l'étaient ces Juifs incrédules ! Combien même parmi ceux qui portent le nom de Christ, qui « ont du zèle pour Dieu », mais un zèle sans connaissance ! qui cherchent encore à établir leur propre justice comme fondement de leur pardon et de la faveur divine, et en conséquence, refusent résolument de se soumettre à la justice de Dieu ! En vérité, mes frères, le souhait de mon cœur et la prière que je fais à Dieu pour vous, c'est que vous soyez sauvés !

Afin d'ôter de votre route cette dangereuse pierre d'achoppement, je vais essayer de vous montrer, premièrement : quelle est la justice qui vient de la loi, et quelle est la justice qui vient de la foi ; — secondement : d'un côté la folie qu'il y a à se confier en la justice de la loi, et de l'autre, la sagesse qui se trouve dans une entière soumission à la justice de la foi.

I

Et d'abord, la justice qui est de la loi parle ainsi « L'homme qui fera ces choses vivra par elles ». Observe toujours et parfaitement tous les commandements pour les pratiquer, et alors tu vivras à jamais. — Cette loi ou alliance (ordinairement appelée l'alliance des œuvres), donnée par Dieu à l'homme en Eden, exigeait de lui une obéissance parfaite en tout point, une obéissance entière et sans aucun défaut ; elle l'exigeait comme condition de la conservation éternelle de la sainteté et du bonheur que possédait Adam à sa création.

Cette loi demandait à l'homme l'accomplissement de toute justice, intérieure et extérieure, négative et positive ; — elle lui ordonnait, non seulement de s'abstenir de toute parole oiseuse et d'éviter toute mauvaise œuvre, mais encore de garder chaque affection, chaque désir et chaque pensée dans l'obéissance à la volonté de Dieu ; elle exigeait qu'il demeurât, dans son cœur et dans toute sa conduite, saint comme Celui qui l'avait créé est saint ; — qu'il fût pur de cœur comme Dieu est pur, parfait comme son Père qui est aux cieux est parfait. — L'alliance des œuvres commandait à l'homme d'aimer le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, de toute sa pensée ; — d'aimer aussi comme Dieu l'avait aimé lui-même, toute âme créée par Dieu ; elle voulait que, pratiquant cette bonté universelle, l'homme demeurât en Dieu qui est amour et Dieu en lui ; — qu'il servit le Seigneur son Dieu de toutes ses forces, et qu'en toutes choses il se proposât uniquement sa gloire.

Voir ce qu'exigeait la justice de la loi, voilà les choses que devait pratiquer l'homme, afin de pouvoir vivre par elles. Mais la loi requérait, de plus, que cette entière obéissance à Dieu, cette sainteté intérieure et extérieure, cette conformité de cœur et de vie à la volonté du Seigneur, fussent parfaites quant à leur degré. L'alliance des œuvres ne pouvait souffrir sur le moindre point, ni violation, ni concession ; elle ne tolérait ni faiblesse, ni imperfection, soit quant à la loi qui s'applique à l'intérieur, soit quant à celle qui règle l'extérieur. Et en supposant que chaque commandement relatif aux choses extérieures fût gardé, cette obéissance ne suffisait pas, à moins qu'elle ne fût rendue, par l'homme, de toute sa force ; dans la mesure la plus élevée et de la manière la plus parfaite. Les exigences de cette alliance n'étaient pas satisfaites, bien que l'homme aimât Dieu de chacune de ses facultés, s'il ne l'aimait encore de la pleine capacité de chaque faculté, de toute la puissance de son âme.

La justice de la loi réclamait encore une chose indispensable ; elle voulait que cette obéissance universelle et cette parfaite sainteté du cœur fussent aussi entièrement exemptes d'interruption ; qu'elles ne connussent aucune intermission, à dater du moment où Dieu créa l'homme et lui donna le souffle, jusqu'au jour où son état d'épreuve devait finir, et où il serait mis pleinement en possession de la vie éternelle.

La justice de la loi parle donc ainsi : Toi, ô Homme de Dieu ! persévère dans l'amour de Dieu, et conserve en toi son image en laquelle tu as été formé. Si tu veux demeurer dans la vie, garde les commandements qui sont maintenant écrits dans ton cœur. Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur. Aime, à l'égal de toi-même, toute âme qu'il a faite. Ne désire rien que Dieu. Rapporte-Lui chacune de tes pensées, de tes paroles et de tes œuvres. Que pas un mouvement de ton âme ou de ton corps ne t'éloigne de Lui, qui est le but et le prix de ta haute vocation, et que tout ce qui est en toi, chaque puissance, chaque faculté de ton âme bénisse son saint nom, en toute chose, au plus haut degré, à chaque moment de ton existence. Fais cela et tu vivras. Ta lumière brillera, ton amour s'enflammera de plus en plus, jusqu'à ce que tu sois admis aux cieux, dans la maison de Dieu, pour régner avec lui au siècle des siècles.

Mais voici comment parle la justice qui est par la foi : « Ne dis point en ton cœur : Qui montera au ciel ? C'est vouloir en faire descendre Christ » (comme si c'était quelque impossibilité que Dieu te demande d'accomplir pour obtenir sa faveur) ; « ou : Qui descendra dans l'abîme ? C'est rappeler Christ des morts ». (Comme si ce qui doit te procurer l'amour de Dieu n'était pas encore accompli.) « Mais que dit-elle ? La parole », suivant la teneur de laquelle tu peux être constitué héritier de la vie éternelle, « cette parole est près de toi, dans ta bouche et dans ton cœur. C'est là la parole de la foi que nous prêchons  » ; la nouvelle alliance que Dieu, par Jésus-Christ, a maintenant établie avec l'homme pécheur.

Par la justice qui vient de la foi, il faut entendre la condition de justification (et par conséquent, de salut présent et final, si nous y persévérons jusqu'à la fin) que Dieu donna à l'homme déchu, par les mérites et la médiation de son Fils unique. Bientôt après la chute, elle fut en partie révélée à Adam dans la promesse faite à lui et à sa postérité, que la semence de la femme écraserait la tête du serpent (Ge 3 : 15). Elle fut un peu plus clairement révélée à Abraham par l'ange de Dieu, qui du ciel lui parla et lui dit : « J'ai juré par moi-même, dit l'Éternel, que toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité (Ge 22 : 15,18)  ». Cette révélation fut encore faite d'une manière plus complète à Moïse, à David et aux prophètes qui suivirent, et par eux elle se communiqua à une partie du peuple de Dieu, dans ses générations successives. Mais la masse des fidèles mêmes l'ignorait, et elle n'était clairement comprise que d'un très petit nombre. Ajoutons que la vie et l'immortalité ne furent jamais mises en évidence pour les anciens Juifs, comme elles le sont maintenant pour nous par l'Evangile.

Ainsi donc, cette alliance ne dit point à l'homme pécheur : Rends à Dieu une obéissance sans péché, et tu vivras. Si telle était la condition, l'homme ne recevrait pas plus d'avantage de tout ce que Christ a fait et souffert pour lui, que si, pour avoir la vie, il devait monter au ciel et en faire redescendre Christ, ou descendre dans l'abîme, dans le monde invisible, et ramener Christ des morts. Cette alliance ne demande point d'impossibilité, ce serait se moquer de la faiblesse humaine. Ce qu'elle exige est à la vérité impossible à l'homme abandonné à lui-même, mais non plus à l'homme assisté de l'Esprit de Dieu. En effet, à proprement parler, l'alliance de grâce ne nous oblige à faire aucune chose, comme absolument et indispensablement nécessaire à notre justification, si ce n'est de croire en Celui qui, pour l'amour de son Fils, et à cause de la propitiation qu'il a faite, justifie le pécheur qui n'a pas fait les œuvres, et lui impute sa foi à justice. C'est ainsi qu'Abraham crut à l'Eternel, qui lui imputa cela, à justice (Ge 15 : 6) ; « puis il reçut le signe de la circoncision, comme sceau de la, justice de la foi, — afin qu'il fût le père de tous ceux qui croient, — et que la justice leur fût aussi imputée (Ro 4 : 11). Or, ce n'est pas seulement pour lui qu'il est écrit que cela (la foi) lui fut imputé à justice, mais c'est encore pour nous, à qui il sera aussi imputé », à qui la foi sera imputée à justice et tiendra lieu d'obéissance parfaite, afin que nous soyons reçus en grâce par Dieu, si « nous croyons en Celui qui a ressuscité des morts le Seigneur Jésus, lequel a été livré (à la mort) pour nos offenses, et qui est ressuscité pour notre justification. (Ro 4 : 23,25) » ; pour donner l'assurance de la rémission des péchés et d'une seconde vie à venir à ceux qui croient.

Que dit donc l'alliance de pardon, d'amour et de miséricorde gratuite ? — Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé. Au jour que tu croiras, tu vivras certainement ; tu seras rétabli dans la faveur de Dieu ; et tu sauras que dans sa bienveillance il y a la vie. Tu seras sauvé de la malédiction et de la colère de Dieu, tu seras ressuscité de la mort du péché à la vie de la justice, et si, jusqu'à la fin, tu persévères à croire en Jésus, tu ne connaîtras jamais la seconde mort ; mais après avoir souffert avec ton Sauveur, avec lui aussi tu vivras et tu régneras au siècle des siècles.

Maintenant cette parole est près de toi. Cette condition de vie est claire, facile, toujours possible à remplir ; elle est dans ta bouche et dans ton cœur, par l'action de l'Esprit de Dieu. Dès l'instant où tu croiras dans ton cœur eu Celui que Dieu a ressuscité, des morts, et où « tu confesseras de ta bouche le Seigneur Jésus » comme ton Seigneur et ton Dieu, tu seras sauvé de la condamnation, de la culpabilité, de ta peine de tes péchés passés, et tu obtiendras le pouvoir de servir Dieu dans une sainteté véritable tout le reste de ta vie.

Quelle est donc la différence entre la justice de la loi et la justice de la foi ? Entre la première alliance, ou alliance des œuvres, et la seconde, ou alliance de grâce ? La différence essentielle, immuable, est celle-ci : la première suppose que celui qui la reçoit est déjà saint et heureux, créé à l'image de Dieu, et possédant sa faveur, et elle prescrit à quelle condition il peut se maintenir dans cet état, dans l'amour et dans la joie, dans la vie et dans l'immortalité. La seconde suppose que celui qui la reçoit est actuellement corrompu et malheureux, privé de l'image glorieuse de Dieu, sous le poids de la colère divine, et se précipitant par le péché qui a déjà fait mourir son âme, vers la mort du corps et la mort éternelle ; — à l'homme, dans cette situation, elle présente la condition à laquelle il peut retrouver la perle qu'il a perdue, savoir : la faveur de Dieu et la grâce d'être formé de nouveau à son image. Elle lui dit à quelle condition il peut recouvrer la vie de Dieu dans son âme et être rendu à la connaissance et à l'amour de son Créateur, ce qui est le commencement de la vie éternelle.

Sous l'alliance des œuvres, afin que l'homme pût conserver la faveur de Dieu, sa connaissance et son amour, et qu'il demeurât dans la sainteté et dans le bonheur, il était encore exigé de l'homme parfait une obéissance parfaite et constante à chaque point de la loi, taudis que sous l'alliance de grâce, pour recouvrer la faveur et la vie de Dieu, il n'est imposé à l'homme d'autre condition que la foi, une foi vivante en Celui qui, par Christ, justifie celui qui n'a pas obéi.

Encore une fois, l'alliance des œuvres exigeait d'Adam et de tous ses enfants qu'ils payassent eux-mêmes le prix qui devait leur assurer toutes les bénédictions futures de Dieu. Mais, sous l'alliance de grâce, puisque nous n'avons rien pour payer, Dieu nous quitte gratuitement toute notre dette, pourvu seulement que nous croyions en Celui qui a payé le prix pour nous, et qui s'est donné lui-même en « propitiation pour nos péchés et pour ceux du monde entier ».

Ainsi donc, la première alliance demandait ce qui est maintenant bien loin de tous les enfants des hommes, savoir, une obéissance sans péché, qui ne se trouve certes pas chez ceux qui sont conçus et nés dans le péché. Au lieu que la seconde alliance exige ce qui est près de nous ; voici son langage : Tu es péché ; Dieu est amour ! Par le péché, tu t'es privé de la gloire de Dieu, mais il y a miséricorde auprès de Lui. Apporte donc tous tes péchés à ce Dieu qui pardonne, et ils s'évanouiront comme un nuage. Si tu n'étais pas méchant, il ne pourrait te justifier comme méchant ; mais maintenant, approche-toi de lui dans la pleine assurance de la foi. Dieu parle, et tout est fait ! Ne crains point, crois seulement ; car même le Dieu juste justifie tous ceux qui croient en Jésus.

II

Ces vérités, une fois établies, il est facile de montrer, en second lieu, comme je me suis proposé de le faire, combien il serait insensé de se confier en la justice qui est de la loi, et quelle sagesse il y a à se soumettre à la justice qui est par la foi.

Nous pouvons déjà clairement voir la folie de ceux qui se confient encore en la justice qui vient de la loi, dont les termes sont : Fais cela et tu vivras. Ils commencent mal ; leur premier pas est une erreur fondamentale, car, avant de réclamer une seule bénédiction d'après les termes de cette alliance, ils doivent se supposer dans l'état de celui avec qui elle fut contractée. Mais que cette supposition est vaine, puisque cette alliance fut faite avec Adam dans l'état d'innocence ! Quel défaut de solidité dans tout l'édifice qui repose sur un pareil fondement ! Combien sont insensés ceux qui bâtissent ainsi sur le sable, et paraissent n'avoir jamais considéré que l'alliance des œuvres ne fût point donnée à l'homme mort dans ses fautes et ses péchés, mais à l'homme vivant à Dieu, ne connaissant point le péché, et étant saint comme Dieu est saint ! — Ils oublient que cette alliance n'eut jamais pour but de rendre la faveur et la vie de Dieu une fois perdues, mais seulement de les conserver et de les augmenter jusqu'à ce qu'elles fussent complètes dans la vie éternelle.

Ceux qui cherchent ainsi à établir leur propre justice qui vient de la loi, n'examinent pas non plus quelle est l'espèce d'obéissance on de justice que la loi exige indispensablement. Cette obéissance doit être parfaite et entière en tout point ; sinon, la loi n'est pas satisfaite. Mais qui de vous pourra rendre à Dieu une telle obéissance et par conséquent, avoir la vie par ce moyen ? Qui de vous accomplit, ne fût-ce que les commandements extérieurs de Dieu, jusqu'à un iota ? ne faisant aucune chose, petite ou grande, que Dieu ait défendue ? ne négligeant rien de ce qu'il ordonne ? ne disant pas une parole oiseuse ? ayant toujours une conversation propre à « communiquer la grâce à ceux qui vous entendent ? » Et soit que vous mangiez ou que vous buviez, ou quelque chose que vous fassiez, faisant tout pour la gloire de Dieu ?

Combien moins encore pouvez-vous garder tous les commandements intérieurs de Dieu, ceux qui demandent que chaque émotion, chaque sentiment de votre âme, soit la sainteté à l'Éternel ! Pouvez-vous aimer Dieu de tout votre cœur ? Pouvez-vous aimer tous les hommes comme vous aimez votre propre âme ? Pouvez-vous prier sans cesse, et en toutes choses rendre grâce ? Pouvez-vous avoir Dieu continuellement devant les yeux, et tenir dans l'obéissance à sa loi, toutes vos pensées, tous vos désirs et toutes vos affections ?

Vous devriez considérer, en outre, que la justice de la loi veut, non seulement l'observation de tout commandement de Dieu, qu'il soit négatif ou positif, qu'il se rapporte au cœur ou à la conduite extérieure, mais aussi qu'elle réclame la perfection quant au degré de cette obéissance. Dans tous les cas possibles la voix de la loi est : Tu serviras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces. — Elle n'admet aucune espèce d'affaiblissement des obligations qu'elle impose ; elle n'excuse aucun défaut ; elle condamne tout acte qui n'atteint pas la pleine mesure de l'obéissance, et prononce aussitôt une malédiction contre le coupable ; en un mot, elle n'a égard qu'aux règles invariables de la justice ; elle dit : Je ne sais ce que c'est que la miséricorde.

Qui donc pourra comparaître devant un juge si prompt à remarquer le mal ? Que ceux-là sont faibles, qui désirent être cités devant le tribunal où nul homme vivant, aucun descendant d'Adam, ne sera justifié ! Car en supposant que nous observions maintenant chaque commandement de toutes nos forces, une seule faute que nous ayons jamais commise suffit pour détruire complètement tout notre droit à la vie. Si nous avons jamais péché dans un seul point, c'en est fait de cette justice ; car la loi condamne tous ceux dont l'obéissance n'est pas sans interruption, aussi bien que parfaite. De sorte que, suivant la sentence que prononce cette loi, celui qui a une fois péché n'a plus rien à attendre qu'un jugement terrible et un feu ardent qui doit dévorer les adversaires de Dieu.

N'est-ce donc pas le comble de la folie pour l'homme déchu que de chercher la vie par cette justice ? l'homme qui a été formé dans l'iniquité, et que sa mère à conçu dans le péché ? ; qui est, par nature, terrestre, sensuel, diabolique, tout-à-fait corrompu et abominable ; l'homme en qui, jusqu'à ce qu'il ait trouvé grâce, n'habite aucun bien ; l'homme qui, de lui-même, ne peut avoir une bonne pensée ; qui n'est que péché, qu'une masse impure, et dont chaque souffle est un péché ; l'homme, dont les transgressions de parole ou d'action surpassent en nombre les cheveux de sa tête ! Quelle stupidité, quelle absurdité, chez un ver de terre si impur, si coupable, si impuissant, que de rêver à obtenir la faveur de Dieu par sa propre justice, et de prétendre à la vie par la justice qui est de la loi !

Et maintenant ; les considérations qui montrent la folie qu'il y a à se confier dans la justice de la loi, prouvent aussi combien il est sage de se soumettre à la justice qui est de Dieu par la foi. Il serait facile de le montrer par rapport à chacune des considérations qui précèdent. Mais laissant cela de côté, nous voyons clairement quelle sagesse il y a dans le premier pas que fait le pécheur dans cette voie ; nous voulons dire dans le renoncement à notre propre justice, puisque ce renoncement est un acte conforme à la vérité et à la nature même des choses. Car, qu'est-ce autre chose sinon un aveu de notre véritable état, et qui est fait du cœur aussi bien que des lèvres ? Renoncer à notre justice propre, n'est-ce pas reconnaître que nous apportons avec nous dans le monde une nature pécheresse et corrompue, plus corrompue même qu'il n'est aisé de le concevoir ou de l'exprimer ? que cette nature nous porte à faire tout ce qui est mal, et nous éloigne de tout ce qui est bien ? que nous sommes remplis d'orgueil, de volonté propre, de passions désordonnées, de désirs insensés, d'affections basses et déréglées ? que nous sommes amateurs du monde et des plaisirs plus que de Dieu ? Renoncer à notre propre justice, n'est-ce pas avouer que notre vie n'a pas été meilleure que notre cœur, et que nos voies ont été impies et injustes, de sorte que nos péchés, soit de parole, soit d'action, ont égalé en nombre les étoiles des cieux ? que pour toutes ces raisons nous sommes sous le déplaisir de Celui dont les yeux sont trop purs pour voir le mal ? N'est-ce pas confesser que nous ne méritons que l'indignation, la colère et la mort, tristes gages du péché ? que ni par notre justice (car en vérité nous n'en avons point), ni par nos œuvres (fruits mauvais d'un arbre mauvais), nous ne pouvons apaiser la colère de Dieu, ni détourner la peine que nous avons justement encourue ? Enfin, par le renoncement à notre propre justice, ne reconnaissons-nous pas que, laissés à nous-mêmes, nous ne ferons qu'empirer et nous plonger toujours plus avant dans le péché ? offensant Dieu de plus en plus, tant par nos mauvaises œuvres que par les mauvaises dispositions de notre cœur charnel, jusqu'à ce qu'ayant comblé la mesure de nos iniquités, nous attirions sur nous une prompte destruction ? — Cette confession n'exprime-t-elle pas le véritable état dans lequel nous sommes naturellement ? S'il en est ainsi, reconnaître cet état, du cœur et des lèvres, c'est-à-dire rejeter tout espoir eu notre propre justice, en cette justice qui vient de la loi, c'est agir conformément à la vraie nature des choses, et en conséquence, c'est montrer une véritable sagesse.

La sagesse de se soumettre à la justice de la foi ressort encore de la considération que cette justice est celle de Dieu ; — je veux dire que c'est le moyen de réconciliation avec Lui, que Dieu lui-même a choisi et établi, non seulement comme Dieu de justice, mais aussi comme Maître souverain du ciel, de la terre et de toutes les créatures qu'il a, formées. Maintenant, comme il ne convient à personne de dire à Dieu : Que fais-tu ? Et comme aucun homme, à moins qu'il ne soit complètement privé d'intelligence, ne songera à disputer avec Celui qui est plus puissant que lui, et dont la domination s'étend sur toutes choses, c'est donc faire preuve d'une vraie sagesse et d'une saine intelligence, que d'acquiescer à ce que Dieu a choisi et de dire en ceci comme nous devons le faire en toutes choses : « C'est le Seigneur, qu'il fasse ce qui lui semblera bon ».

On peut remarquer en outre que c'est par pure grâce, par amour gratuit, par une miséricorde dont l'homme pécheur était indigne, que Dieu lui a accordé nu moyen de réconciliation avec Lui-même, afin que nous ne fussions pas entièrement rejetés et effacés de son souvenir. Par conséquent, quel que soit le moyen qu'il plaît à Dieu d'adopter dans sa tendre miséricorde et dans sa bonté toute gratuite, pour réintégrer dans sa faveur des ennemis qui se sont si ouvertement et si obstinément rebellés contre lui, il y a assurément sagesse de notre part à accepter ce moyen avec une vive reconnaissance.

Ajoutons une dernière considération. — La sagesse consiste dans l'emploi des meilleurs moyens pour arriver au meilleur but. Or, le plus excellent but que puisse se proposer la créature, c'est de trouver le bonheur en Dieu ; le meilleur but que puisse poursuivre une créature déchue, c'est le recouvrement de la faveur de Dieu et de la sainteté qui est son image. Et le meilleur, ou plutôt le seul moyen, sous le ciel, donné à l'homme pour retrouver cette faveur de Dieu qui est préférable à la vie, et cette ressemblance à Dieu qui est la vraie vie de l'âme ; ce moyen, dis-je, c'est de se soumettre à la justice qui est par la foi, c'est de croire au Fils unique de Dieu.

III

Qui que tu sois donc, ô toi qui désires le pardon de tes péchés et la réconciliation avec Dieu, ne dis pas en ton cœur : Il me faut d'abord faire ceci ; il me faut premièrement surmonter tout péché, renoncer à toute mauvaise parole et à toute mauvaise action, et faire toute sorte de bien à tous les hommes ; ou il me faut d'abord aller à l'église ; il me faut communier, entendre plus de sermons, dire un plus grand nombre de prières. Hélas ! mon frère, tu t'égares complètement. Tu ne connais pas encore la justice de Dieu ; tu cherches encore à établir ta propre justice comme base de ta réconciliation ; ne sais-tu pas que jusqu'à ce que tu sois réconcilié, avec Dieu, tu ne peux rien faire que pécher ? Pourquoi donc dis-tu, il faut premièrement que je fasse ceci ou cela, et ensuite je croirai ? Non, crois d'abord. Crois au Seigneur Jésus qui est la propitiation pour tes péchés. Pose d'abord ce bon fondement, tout ira bien ensuite.

Ne dis pas non plus en ton cœur : Je ne puis encore être reçu en grâce, car je ne suis pas assez bon. Qui est assez bon, qui fut jamais assez bon pour mériter la faveur de Dieu ? Entre les fils d'Adam s'en trouva-t-il jamais un qui fût assez bon pour cela ? Et jusqu'à la fin de toutes choses, y en aura-t-il jamais un qui le soit ? Quant à toi, tu n'es nullement bon ; en toi n'habite aucun bien, et tu ne seras jamais bon jusqu'à ce que tu croies en Jésus. Au contraire, tu te reconnaîtras de plus en plus mauvais. Mais est-il nécessaire de devenir plus mauvais pour être pardonné de Dieu ? N'es-tu pas déjà assez mauvais ? Oui, certes, tu es assez mauvais ; Dieu le sait, et tu ne peux le nier toi-même. Tout est prêt maintenant ; ne diffère donc plus de croire au Sauveur. Lève-toi, et sois lavé de tes péchés. La source est ouverte ; c'est maintenant le temps de te blanchir dans le sang de l'Agneau. Christ te purifiera maintenant comme avec l'hysope, et tu seras net : il te lavera et tu seras plus blanc que la neige.

Ne dis pas : Mais je ne suis pas assez repentant, je ne sens pas assez de douleur à cause de mes péchés. Je le sais ; plût à Dieu que tu sentisses tes péchés et que tu en fusses mille fois plus affligé que tu ne l'es ! Mais n'attends pas pour cela. Il se peut que Dieu brise ton cœur, non avant que tu croies, mais lorsque tu croiras, et par le moyen de la foi. Il peut arriver que tu ne verses pas beaucoup de larmes jusqu'à ce que tu aimes beaucoup, parce qu'il t'aura été beaucoup pardonné. Dès maintenant regarde à Jésus, vois combien il t'aime ! Que pouvait-il faire pour toi qu'il ne l'ait fait ? Ô Agneau de Dieu, fût-il jamais douleur comme ta douleur ! fût-il jamais amour semblable à ton amour ! — Pécheur, tiens les yeux constamment fixés sur lui jusqu'à ce qu'il te regarde et qu'il brise la dureté de ton cœur ; alors ta tête se fondra en eaux et tes yeux seront comme des fontaines de larmes.

Garde-toi encore de dire : Il faut que je fasse quelque chose de plus, avant d'aller à Christ. Si ton Seigneur tardait à venir, j'admets qu'il serait bon et juste d'attendre son apparition en faisant selon ton pouvoir tout ce qu'il t'a commandé. Mais une telle supposition n'est pas nécessaire. Comment sais-tu qu'il doit tarder ? Il apparaîtra peut-être comme l'aurore avant la lumière du matin. Ne lui prescris pas le moment où il doit venir ; mais attends-le à toute heure. Maintenant, il est proche et à la porte.

Et dans quel but voudrais-tu attendre d'avoir plus de sincérité avant que tes péchés fussent effacés ? Serait-ce pour te rendre plus digne de la grâce de Dieu ? Hélas ! tu cherches encore à établir ta propre justice. Il te fera miséricorde, non parce que tu en es digne, mais parce que ses compassions sont infinies ; non parce que tu es juste, mais parce que Jésus-Christ a expié tes péchés.

Mais encore si la sincérité est une bonne chose, pourquoi espères-tu la trouver en toi avant d'avoir la foi, puisque la foi seule est la source de tout ce qui est véritablement saint et bon ?

Jusques à quand donc oublieras-tu, que quoi que tu fasses, quoi que tu possèdes, avant d'avoir reçu le pardon de tes péchés, rien de tout cela n'a ta moindre valeur devant Dieu pour te procurer ce pardon ? Il y a plus : il faut que tu jettes tout cela derrière toi, que tu le foules aux pieds, que tu n'en fasses aucun cas ; autrement jamais tu ne trouveras grâce devant Dieu. Car jusqu'à ce que tu en sois venu à ce complet renoncement à tes œuvres, tu ne peux demander grâce comme un pauvre pécheur coupable, perdu, ruiné, n'ayant rien à faire valoir auprès de Dieu, rien à lui offrir, sinon les seuls mérites de son Fils bien-aimé, qui t'a aimé et qui s'est, donné lui-même pour toi.

Enfin, qui que tu sois, ô homme qui es sous la sentence de mort, qui sens que tu es un pécheur condamné, et que la colère de Dieu pèse sur toi, le Seigneur ne te dit pas : Fais cela ; — garde parfaitement tous mes commandements et tu vivras ; — mais crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. La parole de la foi est près de toi ; maintenant, à l'instant même, et dans ton état actuel, tel que tu es, tout pécheur que tu es ; crois à l'Evangile, et cette promesse de l'Eternel s'accomplira : « Je te pardonnerai tes péchés, et je ne me souviendrai plus de tes iniquités ».

Marc 1,15

1746

 

« Le Royaume de Dieu est proche, repentez-vous et croyez à l'Evangile ». (Mr 1 : 15.)

 

Ces paroles nous conduisent naturellement à considérer : 1° la nature de la vraie religion, appelée ici par le Seigneur le royaume de Dieu, lequel, dit-il, est proche ; et 2° la voie qui y mène, et qu'il indique par ces mots : « Repentez-vous et croyez à l'Évangile ».

I

Nous considèrerons d'abord la nature de la vraie religion, appelée ici par le Seigneur le royaume de Dieu. La même expression est employée par le grand apôtre dans l'Épître aux Romains, quand il dit, expliquant en même temps la parole du Maître : « Le royaume de Dieu n'est ni viande ni breuvage, mais justice, paix et joie par le Saint-Esprit (Ro 14 : 17)  ».

Le royaume de Dieu, ou la vraie religion, n'est ni viande ni breuvage. On sait que non seulement les Juifs inconvertis, mais plusieurs de ceux mêmes qui avaient reçu la foi en Christ étaient zélés pour la loi, c'est-à-dire, pour la loi cérémonielle de Moïse. Toute ce donc qu'ils y trouvaient écrit concernant les viandes et breuvages des offrandes, ou la distinction de viandes ou impures ; non seulement ils l'observaient eux-mêmes, mais encore ils le recommandaient fortement à ceux d'entre les païens qui avaient été convertis à Dieu ; et plusieurs allaient, dans cet enseignement, jusqu'à leur dire : « A moins que vous ne soyez circoncis, et que vous ne gardiez toute la loi (toute la loi des rites), vous ne pouvez être sauvés (Act : 1,24)  ». C'est par opposition à cette doctrine que l'apôtre déclare, tant ici que souvent ailleurs, que la vraie religion ne consiste ni dans le manger ou le boire, ni dans aucune observance rituelle, ni même en rien d'extérieur ou qui soit hors du cœur, étant renfermée tout entière dans la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit.

Elle ne consiste dans rien d'extérieur, dans aucune forme ou cérémonie, si excellente soit-elle. Quelque bien appropriées et significatives qu'on suppose ces formes, quelque parfaite que soit l'image qu'elles donnent des choses spirituelles, quelque utilité qu'elles aient, non seulement pour le vulgaire, dont les pensées ne s'étendent guère au-delà de la vue, mais encore, ainsi qu'il arrive sans doute quelquefois, pour des hommes d'intelligence et de savoir ; qu'elles soient de plus, si l'on veut, comme chez les Juifs, instituées de Dieu, toujours est-il que, même dans le temps où cette institution est en vigueur, loin d'être la chose essentielle dans la vraie religion, elles n'en font pas proprement partie. Combien plus en est-il ainsi de rites établis par les hommes ! La religion de Christ s'élève infiniment au-dessus, et elle est d'une profondeur infiniment plus grande. Ces rites sont bons en temps et lieu, juste dans la mesure où ils servent à la vraie religion. Tant qu'on ne les applique qu'occasionnellement pour aider la faiblesse humaine, il y aurait superstition à s'y opposer. Mais que personne ne les exalte davantage ; que personne n'aille rêver qu'ils ont une valeur intrinsèque ou que la religion ne peut subsister sans eux. Ce serait en faire une abomination pour le Seigneur.

Bien loin que la religion, quant à sa nature, puisse consister ainsi dans des formes de culte, dans des rites et des cérémonies, elle ne consiste, à proprement parler, dans aucune sorte d'actions extérieures. Un homme, sans doute, ne peut avoir de religion, si ses actions sont vicieuses, immorales, ou s'il fait aux autres ce qu'il ne voudrait pas qu'on lui fit en pareille occasion ; un homme ne peut avoir une religion réelle qui sachant faire le bien ne le fait pas. Mais on peut aussi, quant au dehors, s'abstenir du mal et faire le bien, sans avoir de religion. Et de deux personnes lui font la même œuvre extérieure, qui, par exemple, nourrissent les affamés ou vêtent ceux qui sont nus, il se peut que l'une soit vraiment religieuse, et due l'autre n'ait pas du tout de religion ; car l'une peut agir par amour pour Dieu, et l'autre par amour de la louange. Tant il est vrai que, bien qu'elle conduise à toute bonne parole, à toute bonne œuvre, la religion réelle est plus profonde encore dans sa nature, et qu'il faut la chercher dans l'homme caché du cœur.

Je dis du cœur, car la religion ne consiste pas non plus dans l'orthodoxie ou justesse des opinions, qui, pour n'être pas précisément une chose extérieure, n'en appartient pas moins à l'intelligence plutôt qu'au cœur. Un homme peut être en tout point orthodoxe, et non seulement adopter des opinions saines, mais les défendre avec zèle contre tout opposant ; il peut penser juste sur l'incarnation du Seigneur, sur la Sainte Trinité, et sur toute autre doctrine des oracles de Dieu ; il peut recevoir les trois symboles : celui qu'on nomme des apôtres, celui de Nicée, celui d'Athanase, et cependant n'avoir point du tout de religion ; n'en avoir pas plus qu'un Juif, un Turc ou un païen ! Il peut être presque aussi orthodoxe que le diable (je dis presque, car tout homme est sujet à se tromper sur quelque point, tandis qu'on ne peut guère admettre que le diable ait des opinions erronées) ; il peut être, dis-je, presque aussi orthodoxe que le démon, et néanmoins être aussi étranger que lui à la religion du cœur.

Celle-ci mérite seule le nom de religion ; seule elle est de grand prix devant Dieu. L'apôtre la résume tout entière par ces trois mots : justice, paix, joie par le Saint-Esprit ; et d'abord justice. Ici, rappelons-nous les paroles dans lesquelles le Seigneur nous donne le sommaire de la loi et des prophètes : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta pensée, de toute ton âme et de toute ta force (Mr 12 : 30)  ». C'est là le premier et le grand commandement ; c'est le principal point de la justice chrétienne ; tu te réjouiras en l'Éternel ton Dieu ; tu chercheras et trouveras en lui tout ton bonheur. Il faut qu'il soit, dans le temps et dans l'éternité, ton bouclier et ta grande récompense ; que tout ton être s'écrie : « Quel autre ai-je au ciel que toi ? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ! » Il faut que tu entendes, que tu suives sa voix qui te dit : « Mon fils, donne-moi ton cœur ». Et lui ayant donné ton cœur, afin qu'il y règne sans rival, tu pourras dire du plus profond de ton âme : « Éternel qui es ma force, je t'aimerai d'une affection cordiale. L'Éternel est mon rocher, ma forteresse et mon libérateur ; mon Dieu fort est mon rocher, je me retirerai vers lui ; il est mon bouclier, la force qui me délivre, et ma haute retraite (Mr 12 : 30) ! »

Et voici le second commandement, semblable au premier, qui complète la justice chrétienne : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Tu l'aimeras, c'est-à-dire tu l'environneras de la plus tendre bienveillance, de l'affection la plus profonde et la plus cordiale ; tu mettras la plus grande ardeur à éloigner de lui tout mal, et à lui procurer tout bien en ton pouvoir. Tu aimeras ainsi, qui ? Ton ami ? ton parent ? celui que tu estimes ? celui qui t'aime, qui prévient tes bons procédés ou qui te les rend ? Non, mais ton prochain, c'est-à-dire tout fils d'homme, toute créature humaine, toute âme que Dieu a faite, sans excepter celui que tu n'as jamais vu en chair, que tu ne connais ni de visage ni de nom, sans excepter celui que tu sais être méchant et ingrat, celui qui te persécute encore ou te traite avec mépris ; et c'est comme toi-même que tu dois l'aimer, ayant pour son bonheur, sous tous les rapports, une ardeur constante, et mettant un soin infatigable à le garantir de tout ce qui pourrait l'affliger en lui-même, dans son âme ou dans son corps.

Cet amour n'est-il pas l'accomplissement de la loi, et ne renferme-t-il pas toute la justice chrétienne ? Oui, toute justice intérieure, car il suppose nécessairement des entrailles de miséricorde, l'humilité d'esprit (car l'amour ne s'enfle point d'orgueil), la douceur, l'affabilité, le support (l'amour ne s'aigrit point ; il croit tout, il espère tout, il supporte tout) ; et toute justice extérieure, car l'amour ne fait point de tort au prochain, ni en paroles, ni en actions. Il ne peut volontairement attrister ni blesser personne ; et il est zélé pour les bonnes œuvres. Quiconque aime les hommes fait, suivant l'occasion, du bien à tous, étant (sans partialité et sans hypocrisie) rempli de miséricorde et de bons fruits.

Mais la vraie religion (ou un cœur droit envers Dieu et envers les hommes), est inséparable du bonheur aussi bien que de la sainteté ; car elle n'est pas seulement justice, mais aussi paix et joie par le Saint-Esprit. Quelle est cette paix ? C'est la paix de Dieu, que Dieu seul peut donner, et que le monde ne peut ravir ; c'est la paix qui passe toute intelligence, toute conception purement rationnelle, étant une perception surnaturelle, un savourement divin des liens célestes que l'homme naturel, quelque intelligent qu'il soit, ne peut connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge. C'est une paix qui bannit tout doute et toute pénible incertitude ; car le Saint-Esprit témoigne à l'esprit du chrétien qu'il est enfant de Dieu ; elle bannit toute crainte accompagnée d'angoisses : la crainte de la colère de Dieu, la crainte de l'enfer, la crainte du diable, et, en particulier, la crainte de la mort, car celui qui la possède, désire, si c'est la volonté de Dieu, « quitter ce corps pour être avec Christ ».

Cette paix de Dieu, dans toute âme on elle habite, s'accompagne de la joie du Saint-Esprit, c'est-à-dire de la joie qu'opère le Saint-Esprit de Dieu. C'est lui qui produit en nous une humble et calme allégresse en Dieu, par Jésus, par qui nous avons obtenu, dès à présent, la réconciliation avec Dieu ; c'est lui qui nous donne la hardiesse de nous appliquer la déclaration du roi-prophète : « Heureux l'homme dont l'iniquité est pardonnée, et dont le péché est couvert ». C'est lui qui inspire au chrétien cette joie sereine et solide que lui donne le témoignage de son adoption ; c'est lui qui le porte à se réjouir d'une joie ineffable dans l'espérance de la gloire de Dieu, dans l'espérance de cette glorieuse image qu'il possède déjà en partie, et qui sera accomplie en lui, et dans l'espérance de cette couronne de gloire qui ne peut se flétrir, et qui est réservée pour lui dans les cieux.

Cette sainteté et cette félicité réunies sont appelées dans l'Écriture, tantôt le royaume, de Dieu (comme ici dans notre texte), et tantôt le royaume des cieux. C'est le royaume de Dieu, car c'est le fruit immédiat du règne de Dieu dans l'âme. Aussitôt qu'il manifeste sa puissance en établissant son trône dans les cœurs ils sont remplis de justice, de paix et de joie par le Saint-Esprit. C'est le royaume des cieux, c'est, en quelque degré, le ciel commencé dans l'âme ; car quiconque fait l'expérience de ce bonheur peut dire devant les hommes et les anges : J'ai la vie éternelle dès ici-bas, pour moi, la gloire céleste commence sur la terre. — Et cette profession est d'accord avec les déclarations formelles de l'Ecriture qui partout témoigne que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est en son Fils. C'est ici la, vie éternelle que de te connaître, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Et ceux à qui il fait ce don, pourraient, du milieu même d'une fournaise ardente, lui dire avec assurance Seigneur, gardés en sûreté par ta puissance, nous t'adorons d'un cœur joyeux ; nous t'offrons nos chants comme le font autour de ton trône les saints et les anges, car le ciel est partout où l'on sent ta présence.

C'est ce royaume de Dieu ou des cieux qui est proche. Lorsque ces paroles furent prononcées, elles signifiaient que le temps était dès lors accompli où « Dieu, manifesté en chair », allait établir son royaume parmi les hommes, et régner dans le cœur des siens. Et ce temps ne serait-il pas accompli maintenant ? Car « voici, nous dit-il, je suis avec vous », avec vous qui prêchez la rémission des péchés en mon nom, « jusqu'à la fin du monde ». Ainsi donc, en quelque lien que l'Évangile de Christ soit prêché, ce royaume de Dieu est proche et à la porte ; il est tout près de chacun de vous, vous pouvez y entrer dès cette heure, si seulement vous entendez sa voix qui vous dit : « Repentez-vous et croyez à l'Évangile ».

II

« C'est ici le chemin, marchez-y  » ; et d'abord repentez-vous, c'est-à-dire connaissez-vous vous vous-mêmes. C'est là la première repentance, la conviction de péché qui précède la foi. Réveille-toi donc ; toi qui dors, reconnais que tu es pécheur, et quelle sorte de pécheur tu es. Reconnais cette corruption foncière de ta nature, par laquelle tu te trouves si loin de la justice primitive ; par laquelle ta chair convoite sans cesse contre l'esprit, tes affections étant inimitié contre Dieu, ne se soumettant pas à la loi de Dieu, et ne pouvant s'y soumettre. Reconnais que tu es corrompu dans toutes les puissances de ton âme ; que tu es totalement corrompu dans chacune de ses facultés, et que tout ton être moral est bouleversé. Les yeux de ton entendement sont si obscurcis qu'ils ne peuvent discerner Dieu ni les choses de Dieu. L'ignorance et l'erreur sont comme un nuage qui t'enveloppe et te couvre d'une ombre de mort. Tu ne connais encore rien comme il faut, ni Dieu, ni le monde, ni toi-même. Ta volonté n'est plus celle de Dieu ; mais, dénaturée et pervertie, elle abhorre le bien que Dieu aime, elle aime toutes les abominations que Dieu hait. Tes affections aliénées de Dieu se prodiguent à tout sur la terre. Tes désirs et tes répugnances, tes joies et tes chagrins, tes espérances et tes craintes, en un mot, tous les mouvements de ton âme sont désordonnés, soit quant à leur degré, soit quant à leur objet. En sorte qu'il n'y a en toi rien d'entier ; mais depuis la plante des pieds jusqu'à la tête, ce n'est, comme dit énergiquement le prophète, « que blessures, meurtrissures et plaies purulentes ».

Telle est la corruption naturelle de ton cœur, du plus profond de ton âme. Et quel arbre, quels rameaux peux-tu attendre d'une telle racine ? C'est d'abord l'incrédulité qui rejette le Dieu vivant, et qui dit : « Qui est l'Éternel pour que j'obéisse à sa voix ? » ou bien : « Le Seigneur ne s'inquiète point de ces choses ! » C'est l'indépendance qui présume de s'égaler au Très-Haut. C'est l'orgueil, sous toutes ses formes, t'enseignant à dire : « Je suis riche, je suis dans l'abondance, et je n'ai besoin de rien ». De cette source impure jaillissent les flots amers de la vanité, de la soif de louanges, de la cupidité, de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux, de l'orgueil de la vie. De là naissent la colère, la haine, la malice, la vengeance, l'envie, la jalousie, les mauvais soupçons ; de là tous les désirs vains et pernicieux qui t'embarrassent maintenant dans bien du tourment, et qui, si tu ne préviens à temps ce malheur, entraîneront enfin ton âme dans la perdition éternelle.

Et quels fruits peuvent croître sur de tels rameaux ? Ceux-là seuls qui sont amers et mauvais en tout temps. De l'orgueil viennent les contentions, les vanteries qui cherchent et obtiennent les louanges des hommes, et privent Dieu de cette gloire qu'il ne donnera point à autrui. De la convoitise de la chair vient la gourmandise, l'ivrognerie, la sensualité, la fornication, l'impureté, qui souillent de mille manières ce corps qui devait être le temple du Saint-Esprit. De l'incrédulité, toutes sortes de paroles et d'œuvres mauvaises. Mais le temps manquerait pour faire le compte de tout, de toutes les paroles vaines par lesquelles tu as bravé le Très-haut, contristé le Saint d'Israël, de toutes les œuvres mauvaises que tu as faites ; mauvaises en elles-mêmes, ou mauvaises en ce qu'elles ne se proposent pas la gloire de Dieu, car tes actes coupables sont en plus grand nombre que les cheveux de ta tête. Qui pourra compter le sable de la mer, ou les gouttes de pluie, ou tes iniquités.

Mais ne sais-tu pas que « le salaire du péché c'est la mort », la mort non pas seulement temporelle mais éternelle ? « L'âme qui aura péché sera celle qui mourra », car la bouche de l'Éternel a parlé. Elle mourra de la mort seconde. « Ils seront punis d'une perdition éternelle par la, présence du Seigneur et par sa puissance glorieuse ». Telle est la sentence. Ne sais-tu pas que tout pécheur doit être puni « par la géhenne du feu ? » L'expression du texte ne signifie pas seulement qu'il a lieu de craindre le feu de l'enfer, cette version serait beaucoup trop faible ; mais qu'il est déjà sous la sentence du feu de l'enfer, déjà condamné, et que déjà se prépare l'exécution. Tu as mérité la mort éternelle, c'est le juste salaire de la méchanceté de ton cœur et de tes actions. Il serait juste que la sentence s'exécutât dès cette heure. Le vois-tu, le sens-tu ? Crois-tu réellement mériter la colère de Dieu, la damnation éternelle ? Es-tu convaincu que Dieu ne te ferait aucun tort si maintenant il commandait à la terre de s'entr'ouvrir pour t'engloutir, s'il te précipitait maintenant dans l'abîme, dans le feu qui ne s'éteint point ? Si Dieu t'a déjà donné la repentante, tu sens vivement qu'il en est ainsi, et que c'est par sa pure grâce que tu n'as point encore été consumé et balayé de la face de la terre.

Et que feras-tu pour apaiser la colère de Dieu, pour expier tous tes péchés, et pour échapper à la peine que tu as si justement méritée ? Hélas tu ne peux rien faire, rien qui puisse expier devant Dieu une seule œuvre, une seule parole, une seule pensée mauvaise. S'il t'était possible de ne faire que le bien désormais, si dès cette heure jusqu'au jour du jugement, il t'était possible de vivre dans une parfaite et constante obéissance, cela même n'expierait point le passé. Pour ne pas avoir augmenté ta dette, tu n'en serais pas déchargé ; elle resterait aussi grande que jamais. Que dis-je ? toute l'obéissance présente ou future des hommes et des anges serait insuffisante pour couvrir devant la justice divine un seul péché. Quelle était donc ton erreur si tu pensais expier toi-même tes péchés, par quelque chose que tu puisses faire ? Il en coûte plus pour le rachat d'une seule âme que ne pourrait payer l'humanité tout entière ; en sorte que s'il n'y avait pas eu d'autre secours pour l'homme coupable, il aurait certainement été perdu pour toute l'éternité.

Mais supposons qu'une obéissance parfaite pour l'avenir pût expier les péchés passés, cela même ne te servirait de rien, car tu n'es pas capable de garder une telle obéissance, non pas même en un seul point. Fais-en l'épreuve ; essaie de secouer ce péché extérieur qui t'enveloppe si aisément. Tu ne le peux, à moins qu'auparavant ton cœur ne soit changé, car aussi longtemps que l'arbre demeure mauvais, il ne saurait porter de bons fruits. Mais es-tu capable de changer ton cœur souillé en un cœur saint ? Vivifierais-tu une âme qui est morte dans le péché, morte à Dieu, et ne vivant que pour le monde ? Essaie plutôt de ressusciter un cadavre, de rendre la vie à celui qui gît dans le tombeau ! Et même tu ne peux, en aucun degré, vivifier ton âme, pas plus que donner le moindre degré de vie à un corps mort. Tu ne peux rien en cette. affaire, ni le plus ni le moins : tu es complètement privé de force. Être profondément convaincu de ton incapacité, de ta culpabilité et de ta méchanceté, c'est là cette repentante dont on ne se repent point, et qui est l'avant-courrière du royaume de Dieu.

Si à cette conviction vivante de tes péchés extérieurs et intérieurs, de ta culpabilité extrême et de ton incapacité totale quant au bien, se joignent des sentiments qui y répondent ; un profond chagrin d'avoir méprisé les grâces que Dieu t'offrait, des remords, des reproches intérieurs qui te ferment la bouche, une confusion qui t'empêche de lever les yeux au ciel, la crainte de la colère de Dieu qui pèse sur toi, de sa malédiction qui plane sur ta tête, et de l'ardente indignation qui va dévorer ceux qui oublient Dieu et qui n'obéissent pas à Notre Seigneur Jésus-Christ ; si tu as le désir sérieux d'échapper à cette indignation, de fuir le mal et de t'attacher au bien, alors, je te le dis, au a nom du Seigneur, tu n'es pas loin du royaume de Dieu ; encore un pas et tu y entreras ; tu te repens déjà, maintenant crois à l'Evangile.

L'Evangile, c'est-à-dire la bonne nouvelle pour les pécheurs perdus, signifie, dans le sens le plus large, toute la révélation faite aux hommes par Jésus-Christ, et quelquefois tout le récit de ce que notre Seigneur a fait et souffert tandis qu'il habitait parmi les hommes. Mais en voici le résumé : « Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ». « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ». « Il a été navré pour nos forfaits et frappé pour nos iniquités ; le châtiment qui nous apporte la paix est tombé sur Lui, et par ses meurtrissures nous avons la guérison ».

Crois cela, et le royaume de Dieu est à toi. Par la foi tu obtiens l'effet de la promesse. Le Seigneur absout et pardonne quiconque se repent véritablement, et reçoit, d'une foi non feinte, son saint Évangile. Des l'instant où Dieu te dira : aie bon courage, tes péchés te sont pardonnés, son royaume sera à toi ; tu auras la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit.

Prends seulement garde de ne pas t'abuser sur la nature de cette foi. Elle n'est pas, comme quelques-uns l'ont rêvé, un simple assentiment à la vérité de la faible, aux articles de notre symbole, ou à tout ce que renferment l'Ancien et le Nouveau Testament ; les démons croient ces choses tout aussi bien que toi ou moi, et ils n'en sont pas moins démons ; mais cette foi est, par-dessus tout cela, une ferme confiance en la miséricorde de Dieu par Jésus-Christ ; c'est la confiance en un Dieu qui pardonne ; c'est une divine certitude que « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec soi en ne leur imputant point leurs péchés ; c'est, en particulier, la confiance par laquelle le croyant peut dire : « Le Fils de Dieu m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi », , et moi, oui, moi-même, je suis réconcilié maintenant avec Dieu par le sang de la croix.

As-tu cette foi ? Alors la paix de Dieu est dans ton cœur ; les soupirs, le chagrin ont disparu ; tu ne doutes plus de l'amour de Dieu ; il t'est aussi clair que le soleil en plein midi. Tu t'écries : « Je chanterai à jamais les bontés de l'Eternel ; je manifesterai de ma bouche ta fidélité d'âge en âge ». Tu n'as plus peur de l'enfer, de la mort, ni de celui qui avait l'empire de la mort, C'est-à-dire du diable ; tu n'as plus peur même de Dieu, tu as seulement une crainte filiale de l'offenser. As-tu cette foi ? Alors ton âme « magnifie le Seigneur et ton esprit se réjouit en Dieu ton Sauveur ». Tu te réjouis de ce que tu as la Rédemption par le sang de Christ, le pardon des péchés. Tu te réjouis par cet esprit d'adoption qui crie en ton cœur : Abba ! Père ! Tu te réjouis dans une pleine espérance d'immortalité, en t'avançant vers le but, le prix de ta vocation céleste ; tu es joyeux dans une vive attente de tous les biens que Dieu a préparés pour ceux qui l'aiment.

As-tu cette foi ? Alors l'amour de Dieu est maintenant répandu dans ton cœur. Tu l'aimes, parce qu'il nous a aimés le premier ; et parce que tu aimes Dieu, tu aimes aussi ton frère, et étant rempli d'amour, de paix et de joie, tu es aussi plein de long support de douceur, de fidélité, de bonté, d'humilité, de tempérance, et de tous les autres fruits de l'Esprit ; en un mot, de toutes les affections saintes et célestes ; car le voile est ôté, et contemplant à visage découvert la gloire du Seigneur, tu es transformé en la même image, de gloire en gloire, par l'Esprit du Seigneur.

Cette repentance, cette, foi, cette paix, cette joie, cet amour, cette transformation de gloire en gloire, c'est ce que la sagesse du monde a déclaré n'être que folie, pur enthousiasme, complète aberration d'esprit. Mais toi, homme de Dieu, que cela ne t'effraie point, et n'y aie point égard. Tu sais en qui tu as cru ; prends garde que personne ne t'enlève ta couronne. Retiens ferme ce que tu as, et poursuis l'entier accomplissement des grandes et précieuses promesses. Et toi qui es encore sans expérience, que les propos des insensés ne te fassent point avoir honte de l'Évangile de Christ. Ne sois en rien intimidé par ceux qui parlent mal de ce qu'ils ne connaissent point. Dieu changera bientôt ta tristesse en joie. Oh ! ne laisse pas défaillir tes mains ! Encore un peu de temps, et il dissipera tes craintes, et il te donnera un esprit bien remis ; il est près Celui qui justifie ; qui peut donc condamner ? Christ est celui qui est mort, qui est ressuscité, qui s'est assis à la droite de Dieu, et qui même intercède pour toi.

Viens donc te jeter aux pieds de l'Agneau de Dieu avec tous tes péchés, quel qu'en soit le nombre, et l'entrée te sera maintenant donnée dans le royaume de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ !

 

Romains 8,1

1746

 

« Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la chair, mais selon l'Esprit ». (Ro 7 : 1.)

 

Par ceux qui sont en Jésus-Christ, il est clair que saint Paul entend ceux qui croient véritablement en Lui, ceux qui, justifiés par la foi, ont la paix avec Dieu par Lui. Ceux-là ne marchent plus selon la chair, ils ne suivent plus les mouvements d'une nature corrompue ; mais ils marchent selon l'Esprit ; — en eux, pensées, paroles et actions, tout est dirigé par le Saint-Esprit du Seigneur.

Pour ceux-là donc il n'y a plus de condamnation, plus de condamnation de la part de Dieu ; car Il les a justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption fui est en Jésus-Christ ; Il a pardonné toutes leurs iniquités et effacé tous leurs péchés ; — plus de condamnation de la part de leur conscience, car ils ont reçu, non l'esprit de ce monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu, pour connaître les choses qui leur sont données de Dieu (1Co 2 : 12), et cet Esprit rend témoignage à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. A cela se joint encore le témoignage de leur conscience, qu'ils se conduisent dans le monde en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu (2Co 1 : 12).

Mais vu les erreurs si fréquentes et si dangereuses dans lesquelles on est tombé par rapport au sens de cette parole de l'Écriture, et parce qu'une multitude de gens ignorants et mal assurés l'ont tordue à leur propre perdition ; je me propose de montrer, aussi clairement qu'il me sera possible : 1° qui sont ceux qui, sont en Jésus-Christ, et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit ; et 2° en quel sens il n'y a plus pour eux de condamnation. Je terminerai 3° par quelques conséquences pratiques.

I

Je dois montrer d'abord qui sont ceux qui sont en Jésus-Christ ; mais qui seraient-ce, si ce ne sont ceux qui croient en son nom, ceux qui sont en Lui, revêtus, non de leur propre justice ; , mais de la justice qui vient de Dieu par la foi. C'est de ceux-là qu'on peut proprement dire qu'ils sont en Lui ; car ayant la rédemption par son sang, ils demeurent en Christ, et Christ demeure en eux. Ils sont unis au Seigneur dans un même Esprit. Ils sont greffés en Lui, comme le sarment l'est au cep. Il est la tête et ils sont les membres. Il existe entre eux et Lui une union que nul langage ne peut exprimer et qu'auparavant leur cœur n'eût jamais pu concevoir.

Mais quiconque demeure en Lui ne pèche point, il ne marche point selon la chair. La chair, dans le style habituel de saint Paul, signifie la nature corrompue. C'est dans ce sens qu'il écrit aux Galates : « Les œuvres de la chair sont manifestes (Gal 5 : 19) ; » et il venait de dire : « Marchez selon l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les désirs de la chair (Gal 5 : 16) ; car, ajoute-t-il, la chair a des désirs contraires à l'Esprit, et l'Esprit a des désirs contraires à la chair, et les deux sont opposés – afin que vous ne fassiez pas les choses que vous voudriez ». Tel est le sens littéral du grec, et non pas « de sorte que vous ne faites pas les choses due vous voudriez », comme, si la chair l'emportait sur l'Esprit, traduction qui non seulement n'a rien à faire avec le texte, mais qui réduit à rien l'argumentation de l'apôtre, affirmant tout le contraire ; de ce qu'il veut prouver.

Ceux qui sont en Christ, qui demeurent en Lui, ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. Ils s'abstiennent de toutes les œuvres de la chair. Ils fuient l'adultère, la fornication, l'impureté, la dissolution, l'idolâtrie, la sorcellerie, les inimitiés, les querelles, ! es jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les sectes, les envies, les meurtres, l'ivrognerie, les débauches, et toute intention, parole ou action qu'enfante la nature corrompue. Quoiqu'ils sentent encore en eux la racine d'amertume, la vertu d'en haut dont ils sont revêtus les rend capables de la fouler constamment aux pieds, de peur qu'elle ne pousse en haut et ne les trouble, et chaque nouvel assaut qu'ils soutiennent n'est pour eux qu'une nouvelle occasion de louanges, un nouveau motif de s'écrier : « Grâce à Dieu qui nous donne la victoire par Notre Seigneur Jésus-Christ ».

Ils marchent maintenant selon l'Esprit ; ils lui soumettent leur cœur et leur conduite. C'est Lui qui leur enseigne à aimer Dieu et leur prochain d'un amour semblable à une source d'eau jaillissante en vie éternelle. C'est Lui qui les conduit à tout saint désir, à toute disposition divine et céleste, jusqu'à ce que chacune de leurs pensées soit la sainteté au Seigneur.

C'est aussi cet Esprit qui leur donne de marcher en toute sainteté de conversation. Leurs discours sont toujours accompagnés de grâce et assaisonnés de sel, marqués par l'amour et la crainte de Dieu. Il ne sort de leur bouche aucune parole déshonnête, mais uniquement ce qui sert à l'édification, ce qui peut communiquer la grâce à ceux qui écoutent. Et leur étude est aussi jour et nuit de ne faire que les choses qui sont agréables à Dieu ; d'imiter dans leur conduite extérieure Celui qui nous a laissé un exemple afin que nous suivions ses traces ; de pratiquer la justice, la miséricorde et la fidélité dans tous leurs rapports avec le prochain, et, en toutes circonstances, de faire toutes choses pour la gloire de Dieu.

Tels sont ceux qui marchent véritablement selon l'Esprit. Etant remplis de foi et du Saint-Esprit, ils possèdent dans leur cœur et montrent dans leur vie, dans tout l'ensemble de leurs paroles et de leurs actions, les fruits caractéristiques de l'Esprit de Dieu la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la, bonté, la fidélité, la débonnaireté, la tempérance et toute autre disposition aimable et digne de louange. Ils rendent honorable en toutes choses l'Évangile de Dieu notre Sauveur, et ils démontrent ainsi pleinement à tous les hommes qu'ils sont, en effet, mus et guidés par l'Esprit qui ressuscita Christ d'entre les morts.

II

J'en viens maintenant à indiquer dans quel sens il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ et qui ne marchent point selon la chair mais selon l'Esprit.

1° Et d'abord ceux qui croient en Christ et qui marchent aussi selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, il n'en est aucun qui ne soit effacé. Ils sont comme n'ayant jamais été ; le Seigneur les a jetés comme une pierre au fond de la mer, et il ne s'en souvient plus. Dieu qui leur a donné son Fils comme victime de propitiation par la foi en son sang, leur a aussi fait connaître sa justice par la rémission des péchés précédents. Il ne leur en impute donc aucun ; il en a fait disparaître jusqu'au souvenir.

Leur cœur même ne les condamne plus ; ils n'ont plus le sentiment pénible de leur culpabilité, plus de crainte de la colère du Tout-Puissant. Ils ont en eux-mêmes le témoignage, la conscience d'avoir part au sang de l'aspersion. Ils n'ont « pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte », dans le. doute et l'angoisse, mais ils ont reçu « l'Esprit d'adoption », qui crie dans leur cœur : « Abba, père ». Etant ainsi justifiés par la foi, la paix de Dieu règne dans leur cœur, cette paix qui découle du sentiment continuel du pardon par grâce et de « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu ».

Si l'on objecte que celui qui croit en Christ peut quelquefois perdre de vue la miséricorde de Dieu ; qu'il peut tomber dans les ténèbres, au point de ne plus voir, « Celui qui est invisible », de ne plus sentir le témoignage qu'il a part au sang expiatoire ; si l'on dit qu'il retrouve alors le sentiment de la condamnation, et se sent de nouveau placé sous la sentence de mort : je réponds que s'il perd ainsi la miséricorde de Dieu, il ne croit plus ; car qui dit foi, dit lumière, lumière, de Dieu illuminant l'âme. Une âme perd donc la foi pour le temps et dans la mesure où elle perd cette lumière. Et comme il n'est pas douteux qu'un vrai croyant peut perdre la lumière de la foi, il peut aussi, sans doute, pour un temps, retomber sous la condamnation. Mais quant à ceux qui maintenant sont en Jésus-Christ, qui maintenant croient en son nom, aussi longtemps qu'ils croient et marchent selon l'Esprit, ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre cœur.

2° Ils ne sont condamnés pour aucun péché présent, pour aucune transgression actuelle des commandements de Dieu. Car ils ne les transgressent point. Ils ne marchent point selon la chair, mais selon l'Esprit. La preuve permanente de leur amour pour Dieu, c'est qu'ils gardent ses commandements, comme saint Jean en rend témoignage en disant « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché, car la semence de Dieu demeure en lui, et il ne peut pécher, car il est né de Dieu ». Il ne peut pécher aussi longtemps que la foi agissante par la charité, cette sainte semence de Dieu, demeure en lui. Aussi longtemps qu'il se conserve lui-même dans cette foi « le malin ne le touche point ». Or il est évident qu'il n'est pas condamné pour des péchés qu'il ne commet en aucune manière. Ceux donc qui sont ainsi « conduits par l'Esprit ne sont plus sous la loi (Gal 5 : 18) », sous la malédiction ou la condamnation de la loi ; car la loi ne condamne que ceux qui la violent. Cette loi de Dieu : « Tu ne déroberas point », ne condamne que ceux qui dérobent ; cette autre : « Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier », ne condamne que ceux qui ne le sanctifient point. Mais la loi n'est point contre « les fruits de l'Esprit (Gal 5 : 23)  ». C'est ce que l'apôtre déclare plus au long dans ces paroles remarquables de sa première Épître à Timothée : « Nous savons que la loi est bonne pour celui qui en fait un usage légitime et qui sait, — non que la loi n'est pas faite pour le juste, — mais plutôt, suivant le texte original, que la loi n'est point contre le juste, qu'elle n'a pas de force pour le condamner, mais qu'elle condamne. seulement les méchants et ceux qui ne peuvent se soumettre ; les impies et les vicieux ; les gens sans religion et les profanes, — conformément au glorieux Évangile de Dieu (1Ti 1 : 8,9,11)  ».

3° Ils ne sont pas non plus condamnés pour le péché intérieur, quoiqu'il demeure encore en eux. Que la corruption naturelle reste chez ceux mêmes qui sont devenus enfants de Dieu par la foi ; qu'ils aient en eux les semences de l'orgueil et de la vanité, de la colère et des mauvais désirs, et de toute sorte de péchés, c'est un fait d'expérience au-dessus de toute contestation ; et c'est pour cela que saint Paul, parlant à des gens qu'il venait de saluer comme étant en Jésus-Christ (1Co 1 : 2,9), comme ayant été appelés de Dieu à la communion de son Fils Jésus, leur dit néanmoins « Frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ (1Co 3 : 1)  ». Des enfants en Christ ! Ils étaient donc en lui et croyants, quoique faibles. Et pourtant combien il restait encore en eux de péché, combien de cet esprit charnel qui ne se soumet pas à la loi de Dieu !

Mais nonobstant tout cela, ceux qui sont en Jésus-Christ ne sont point condamnés. Quoiqu'ils sentent en eux la chair, la mauvaise nature, quoiqu'ils reconnaissent tous les jours plus, que leur cœur est rusé et désespérément malin, néanmoins aussi longtemps qu'ils y résistent, aussi longtemps qu'ils ne donnent point lieu au diable, mais qu'ils soutiennent une guerre constante contre tout péché, contre l'orgueil, la colère, la convoitise, en sorte que la chair n'a pas de domination sur eux, mais qu'ils continuent à marcher selon l'Esprit ; ils sont en Jésus-Christ, et il n'y a point pour eux de condamnation, Dieu prend plaisir à leur obéissance sincère, quoique imparfaite, et ils ont une grande confiance devant Dieu, connaissant qu'ils sont siens et le connaissant « par l'Esprit qu'il leur a donné (1Jn 3 : 24)  ».

4° Et même ils ne sont condamnés ni de Dieu, ni de leur propre conscience, quoiqu'ils aient la conviction permanente de ne rien faire qui ne soit entaché de péché, de n'accomplir la loi parfaite ni en pensées, ni en paroles, ni en actions, et de ne point aimer le Seigneur leur Dieu de tout leur cœur, de toute leur pensée, de toute leur âme et de toute leur force ; quoiqu'ils sentent toujours plus ou moins d'orgueil et de volonté propre venant furtivement se mêler à ce qu'ils font de meilleur ; quoiqu'en face même de Dieu, soit dans la grande assemblée, soit dans le culte intime qu'ils rendent à Celui qui voit nos pensées et nos plus secrètes intentions, ils aient sans cesse à rougir de leurs pensées errantes et du mortel engourdissement de leur cœur, ils ne sont pourtant, dis-je, condamnés ni de Dieu, ni de leur conscience. La vue de leurs nombreuses imperfections ne fait que leur mieux démontrer leur besoin continuel du sang expiatoire et de cet Avocat auprès du Père qui est toujours prêt à intercéder pour eux. Elle ne fait donc que les presser de se rapprocher toujours plus de Celui en qui ils ont cru. Et plus ils sentent ce besoin, plus ils désirent, et par leurs œuvres se montrent pressés de marcher selon le Seigneur Jésus-Christ, comme ils l'ont reçu.

5° Ils ne sont pas condamnés non plus pour les péchés qu'on appelle péchés d'infirmité. Pour leurs infirmités serait peut-être une expression plus convenable, en ce qu'elle évite l'apparence de tolérer le péché ou de l'amoindrir en y accolant le nom d'infirmité. Mais s'il faut conserver une expression si ambiguë, et si dangereuse, j'entendrai par péché d'infirmité, toute faute involontaire, comme, par exemple, de dire une chose fausse en la croyant vraie, ou de faire tort au prochain sans le savoir ni le vouloir, peut-être même en voulant lui faire du bien. Quoique ce soient là des déviations de cette volonté de Dieu, qui est « sainte, agréable et parfaite », ce ne sont pourtant pas des péchés proprement dits, et la conscience de ceux qui sont en Jésus-Christ n'en est point chargée ; ces choses ne peuvent établir aucune séparation entre eux et Dieu, ni intercepter la lumière de sa face, car elles n'excluent point le caractère général qui les distingue, savoir, de marcher, « non selon la chair, mais selon l'Esprit ».

6°. Enfin, ils ne sont condamnés pour rien de ce qui ne dépend pas de leur volonté, que la chose se passe au dedans ou au dehors, qu'elle consiste dans un acte positif ou dans nue omission. Ainsi on célèbre la Cène du Seigneur et vous vous en absentez. Mais pourquoi le faites-vous ? Parce que vous êtes retenu par la maladie ; il ne dépend donc pas de vous d'y assister, et c'est pourquoi vous n'êtes point coupable.

Il n 'y a pas de faute où il n'y a pas de choix. « Pourvu que la promptitude de la bonne volonté y soit, on est agréable à Dieu selon ce qu'on a, et non selon ce qu'on n'a pas ».

Un croyant peut, sans doute, s'affliger parfois empêché de faire les choses après lesquelles son âme soupire. Il peut s'écrier, lorsqu'il est retenu loin de la grande assemblée : « Comme un cerf brame après les eaux courantes, ainsi mon âme soupire après toi, Dieu ! mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant. Quand entrerai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu ? » Il peut désirer ardemment (quoi qu'il dise toujours dans son cœur : Non ce que je veux, mais ce que tu veux), « de marcher encore avec la troupe et de s'en aller avec elle jusqu'à la maison de Dieu ». Mais si pourtant il ne le peut, il n'est point condamné pour cela, mais il. peut faire taire ses désirs en disant joyeusement : O mon âme, attends-toi à Dieu ! car je le célébrerai encore ; il est la délivrance à. laquelle je regarde ; il est mon Dieu !

Quant aux péchés dits de surprise, la difficulté est plus grande ; comme, par exemple, lorsque un homme qui possède habituellement son âme par la patience, surpris par une violente et soudaine tentation, parle ou agit en désaccord avec la loi royale, qui dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Peut-être est-il malaisé d'établir une règle générale touchant les transgressions de cette nature. Nous ne pouvons dire, d'une manière absolue, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas condamnation pour les péchés de surprise. Mais lorsqu'un croyant tombe en faute par surprise, il y a, semble-t-il, plus ou moins de condamnation selon qu'il y a plus ou moins de concours de sa volonté. Selon qu'un désir, une parole, un acte répréhensible est plus ou moins volontaire, nous pouvons admettre que Dieu en est plus ou moins offensé et que l'âme se trouve plus ou moins sous la condamnation.

Mais dès lors, parmi les péchés de surprise, il peut y en avoir de très condamnables, car il peut arriver qu'on soit surpris, par suite de quelque négligence volontaire et coupable, ou par suite d'une somnolence qu'on aurait pu prévenir ou secouer avant l'assaut de la tentation. Vous recevez de Dieu ou des hommes un avertissement quant à des tentations et des dangers qui vous menacent, mais vous dites en votre cœur :
 « Encore un peu de sommeil, un peu les mains pliées pour être couché ». Si, plus tard, vous tombez, même à l'improviste, dans le piége que vous pouviez éviter, la surprise n'est point une excuse : vous auriez pu prévoir et fuir le mal. La chute est, dans ce cas, un péché volontaire, et conséquemment elle ne peut qu'exposer le pécheur à la condamnation de Dieu et de sa propre conscience.

Par contre, il peut nous venir de la part du monde, du prince de ce monde, ou souvent même de notre mauvais cœur, de soudains assauts que nous n'avons ni prévus ni guère pu prévoir. Le croyant faible dans la foi peut y succomber et céder, en quelque mesure, à la colère, peut-être, ou aux mauvais soupçons, sans que cela dépende, en quelque sorte, de sa volonté. Ici le Dieu jaloux ne manquera pas de lui montrer qu'il a agi follement ; et convaincu d'avoir dévié de « la loi parfaite » et des « sentiments qui étaient en Christ », il sera attristé d'une « tristesse selon Dieu » et pénétré devant Lui d'une honte accompagnée d'amour ; mais il ne s'ensuit pas qu'il soit sous la condamnation. Dieu ne lui impute point sa folie ; il a pitié de lui « comme un père est ému de compassion envers ses enfants  » ; son cœur ne le condamne pas non plus ; il peut toujours dire, malgré la honte et la douleur qu'il éprouve : « J'aurai confiance, et je ne serai point ébranlé, car le Seigneur l'Éternel est ma force et mon cantique, et il a été mon Sauveur ».

III

Il ne me reste maintenant qu'à tirer de ce qui précède quelques conséquences pratiques :

1° Et d'abord si ceux qui sont en Jésus-Christ et qui marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, ne sont plus condamnés pour leurs péchés passés, pourquoi trembler encore, ô homme de peu de foi ? tes péchés étaient naguère en plus grand nombre que le sable de la mer ; mais qu'as-tu à craindre pour cela, puisque tu es maintenant en Jésus-Christ ? « Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu les justifie ; qui les condamnera ? » Les péchés commis depuis ta jeunesse jusqu'à l'heure où tu fus reçu en grâce à cause du Bien-Aimé du Père ; ces péchés, dis-je, ont tous été emportés par le vent comme la balle ; ils sont engloutis dans la mer ; Dieu ne s'en souvient plus. Né du Saint-Esprit, voudrais-tu te tourmenter ou t'effrayer de ce qui eut lieu avant ta naissance nouvelle ? Chasse loin tes frayeurs ! Tu n'es pas appelé à la crainte, mais à avoir « un esprit de force, d'amour et de prudence ». Reconnais donc ton appel ! Réjouis-toi en Dieu ton Sauveur, et rends grâces à Dieu ton Père par Lui !

Mais, diras-tu, j'ai de nouveau commis le péché depuis que je reçus la Rédemption par son sang. « C'est, pourquoi je me condamne moi-même et je me repens sur la poudre et la cendre ». Il est bon que tu te condamnes, et c'est Dieu qui te dispose à cela même. Mais crois-tu maintenant ? Le Seigneur t'a-t-il de nouveau donné de pouvoir dire : « Je sais que mon Rédempteur vit » et « je vis » moi-même, « Je vis dans la foi au fils de Dieu ? » Dés lors cette foi annule encore le passé et il n'y a plus pour toi de condamnation. Dès que tu crois au nom du Fils de Dieu, n'importe, le moment, tous tes péchés commis avant ce moment-là disparaissent, « comme la rosée matin ». Maintenant donc « tiens-toi ferme dans la liberté où Jésus-Christ t'a mis ! » Il t'a délivré, une fois encore de la puissance aussi bien que du châtiment du péché ; oh ! ne te remets pas sous la servitude, ni sous la vile et diabolique servitude du péché, sous l'enfer anticipé des désirs, des penchants, des paroles ou des actions mauvaises, ni sous la servitude des craintes, des tourments de conscience et de la condamnation.

2° Mais s'il est vrai que tous ceux qui sont en Jésus-Christ marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit, alors, nécessairement il s'ensuit que quiconque commet maintenant le péché n'a « ni part ni rien à prétendre dans cette affaire ». Dans ce moment même il est condamné par son propre cœur. Mais si notre cœur nous condamne, nul doute que Dieu ne nous condamne aussi : car « il est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses  » ; et si nous nous abusons nous-mêmes, nous ne pouvons le tromper. Que nul ne présume de dire : j'ai été une fois justifié, mes péchés m'ont été une fois pardonnés. C'est ce que j'ignore, et je ne veux pas me prononcer ni pour ni contre cette assertion. Peut-être est-il à peu près impossible, vu le temps écoulé, de constater avec quelque certitude si ce fut véritablement une œuvre de Dieu où si tu ne fis que séduire ta propre âme. Mais ce que je sais avec une certitude parfaite, c'est que « celui qui fait le péché est du diable ». Le diable est donc ton père et tu lui appartiens, tu ne peux le nier, puisque tu fais les œuvres de ton père. Oh ! ne te flatte pas d'un vain espoir ! Ne dis point à ton âme : paix, paix ! car il n'y a point de paix. Crie à plein gosier, invoque Dieu du fond de l'abîme. Peut-être entendra-t-il ta voix. Invoque-le tout de nouveau, comme pécheur misérable et pauvre, aveugle et nu. « Et ne donne pas de repos à ton âme jusqu'à ce que son amour, son pardon, te soient de nouveau scellés, jusqu'à ce qu'il ait « guéri tes rébellions » et qu'il t'ait de nouveau rempli de « la foi qui opère par la charité ».

3° Est-il vrai que ceux qui « marchent selon l'Esprit » ne sont point condamnés pour ce qui reste en eux du péché intérieur, pourvu toutefois qu'ils y résistent ; ni pour la souillure qui s'attache à tout ce qu'ils font ? Alors, ne t'agite point à cause de ces restes de corruption qui sont encore dans ton cœur. Ne murmure pas de ce que tu n'as pas encore atteint la glorieuse, image de Dieu, ne t'impatientes point parce que l'orgueil, la volonté propre ou l'incrédulité se mêlent à toutes les paroles, à toutes tes œuvres, et ne redoute pas de connaître toute ta perversité, de te connaître tel que tu es connu. Demande plutôt à Dieu qu'il te donne de n'avoir pas une trop haute opinion de toi-même ; dis-lui sans cesse : Montre-moi les profondeurs du péché autant que mon âme en peut supporter la vue ! Découvre-moi toute l'incrédulité et tout l'orgueil qui sont cachés dans mon cœur !

Mais, lorsque, exauçant ta prière, il te montrera jusqu'au fond de quel esprit tu es encore animé, prends garde qu'alors ta foi ne défaille et que tu ne te laisses ravir ton bouclier. Sois abaissé, humilié jusque dans la poudre. Ne vois en toi que néant, moins encore que le néant et que la vanité. Mais que ton cœur ne soit pourtant ni troublé, ni craintif. Qu'il persiste à dire : moi, oui, moi, indigne, j'ai « un Avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste », et « autant que les cieux sont élevés par-dessus la terre », autant son amour s'élève par-dessus mes péchés. — Oui, Dieu est apaisé, même envers un pécheur tel que toi ! Dieu est amour, et Christ est mort ! C'est pourquoi le Père lui-même t'aime ! Tu es son enfant ! C'est pourquoi il ne te refusera rien de ce qui t'est bon ! Est-il bon que le corps entier du péché, maintenant crucifié en toi soit, détruit ? Il le sera ! Tu seras « purifié de tonte souillure de la chair et de l'esprit ». Est-il bon qu'il ne reste rien en ton cœur qu'un pur amour pour Dieu ? Aie bon courage ! « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ta pensée, de toute ton âme, de toute ta force ». « Celui qui a fait les promesses est fidèle, et il le fera aussi ». Tu n'as, pour ta part, qu'à persévérer avec patience dans l'œuvre de la foi, dans le travail de la charité ; tu n'as qu'à attendre dans une paix joyeuse, dans une humble confiance, dans une espérance, vive, mais calme et résignée, que la jalousie de l'Éternel des armées ait fait cela.

4° Si ceux qui sont en Christ et qui marchent selon l'Esprit ne sont point condamnés pour des péchés d'infirmité, pour des manquements involontaires ou pour quoi que ce soit qu'ils n'ont pu s'empêcher de faire, prends garde, ô toi qui as la foi au sang de Christ, que Satan ne prenne à cet égard quelque avantage sur toi. Tu es encore imprudent et faible, aveugle et ignorant, plus faible qu'aucune parole ne peut exprimer, plus ignorant et insensé que ton cœur ne peut encore concevoir ; tu n'as encore rien connu comme il faut le connaître. Mais quelles que soient cette imprudence et cette faiblesse, quels qu'en soient les fruits que tu ne peux encore éviter, que rien n'ébranle ta foi, ta filiale confiance en Dieu, que rien ne trouble ta paix, ni ta joie dans le Seigneur. La règle plus ou moins dangereuse que plusieurs donnent quant aux péchés volontaires peut être appliquée sûrement aux cas de faiblesse et d'infirmité. Es-tu tombé, ô homme de Dieu ? Ne reste point là par terre à le lamenter et à déplorer ta faiblesse, mais dis humblement : Seigneur, ah ! c'est ainsi que je tomberai sans cesse, si ta main ne me soutient ! — Puis, lève-toi et marche ! En avant ! « Poursuis constamment la course qui t'est proposée ».

5° Enfin, puisque le croyant n'a pas à craindre la condamnation pour être tombé par surprise dans un mal qu'il abhorre (si toutefois cette surprise ne tient pas à son insouciance ou à sa négligence), s'il t'arrive, ô enfant de Dieu, d'être ainsi pris en faute, va te plaindre au Seigneur ! ce sera pour toi un baume précieux. Répands ton cœur devant Lui, découvre-Lui ta peine, et prie instamment Celui qui « peut compatir à nos infirmités », d'affermir, de fortifier ton âme, et de te rendre inébranlable, en sorte que tu ne tombes plus à l'avenir. Mais souviens-toi qu'il ne te condamne point. Pourquoi craindrais-tu ? Il n'est pas nécessaire que tu sois sous l'empire d'une crainte accompagnée de peine. Aime celui qui t'aime : cela suffit. Avec plus d'amour tu auras plus de force ; et dès que tu l'aimeras de tout ton cœur, tu seras « parfait et accompli, et il ne te manquera rien ». Attends en paix l'heure bénie où « le Dieu de paix te sanctifiera lui-même parfaitement », afin que tout en toi, « l'esprit, l'âme et le corps, soit conservé irrépréhensible pour l'avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ ».

 


Romains 8,15

1746

 

« Vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte : mais vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, c'est-à-dire Père ». (Ro 8 : 15.)

 

Saint Paul parle ici à ceux qui sont enfants de Dieu par la foi. Vous, leur dit-il, vous, ses enfants, abreuvés de son Esprit, vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs. Vous avez reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba ! c'est-à-dire Père.

Il y a loin de l'esprit de servitude et de crainte à cet esprit d'adoption qui est un esprit d'amour. Ceux qui ne sont influencés que par une crainte servile ne peuvent être appelés enfants de Dieu ; il en est pourtant qui ont droit au titre de serviteurs du Seigneur, et qui ne sont pas éloignés du royaume des cieux. Mais, quant aux multitudes, même en pays appelés chrétiens, elles sont encore, je le crains, bien au-dessous même de ces derniers ; Dieu est loin de toutes leurs pensées. Il y a donc quelques personnes qui aiment Dieu : il y en a davantage qui Le craignent, mais le plus grand nombre n'ont ni la crainte de Dieu devant leurs yeux, ni l'amour de Dieu dans leurs cœurs.

Vous qui, par sa grâce, êtes maintenant sous l'influence d'un meilleur esprit, vous vous rappelez peut-être, pour la plupart, le temps où, comme ceux-ci, Vous étiez sous la condamnation ; mais d'abord vous l'ignoriez, quoique vous vautrant journellement dans vos péchés et dans votre sang, jusqu'au moment où vous reçûtes l'esprit de crainte — vous le reçûtes, car c'est aussi un don de Dieu ; — puis enfin la crainte disparut et l'esprit d'amour vint inonder vos cœurs.

Celui qui est dans le premier état d'esprit ; étranger à la crainte aussi bien qu'à l'amour, est ce que l'Ecriture appelle : un homme naturel ; avoir l'esprit de servitude et de crainte, c'est ce qu'elle appelle : être sous la loi (quoique cette expression désigne plus souvent ceux qui étaient sous la dispensation mosaïque ou qui se croyaient obligés d'observer tous les rites de la loi juive) ; mais être en réalité sous la grâce, c'est avoir reçu l'Esprit d'amour en échange de cet esprit de crainte.

Comme il nous importe extrêmement de savoir à quel esprit nous sommes soumis, je m'efforcerai de caractériser clairement : 1° l'état de l'homme naturel ; 2° celui de l'homme qui est sous la loi ; et 3° l'état de l'homme qui est sous la grâce.

I

Et d'abord l'état de l'homme naturel. C'est, d'après l'Ecriture, un état de sommeil. « Réveille-toi, toi qui dors ! » voilà l'appel de Dieu au pécheur. Son âme est, en effet, dans un sommeil profond ; ses sens spirituels dorment et ne discernent ni le bien ni le mal. Les yeux de son entendement sont entièrement fermés, et il ne peut voir. Les nuées et l'obscurité reposent sur lui ; car il demeure dans la vallée de l'ombre de la mort. Toutes les avenues de son âme étant donc fermées pour les choses spirituelles, il est dans une grossière et stupide ignorance de ce qu'il lui importerait le plus de connaître ; dans l'ignorance quant à Dieu, sur qui il ne sait rien comme il faudrait savoir ; dans l'ignorance quant à la loi de Dieu, au sens vrai et spirituel de laquelle il est étranger ; dans l'ignorance quant à cette sainteté évangélique sans laquelle personne ne verra le Seigneur ; dans l'ignorance quant à ce bonheur que trouvent ceux-là seuls dont la vie est cachée avec Christ en Dieu.

Et par cela même qu'il est dans un profond sommeil, il est, en quelque sorte, en repos. Parce qu'il est aveugle, il est tranquille, il dit : Il ne m'arrivera aucun mal ! Les ténèbres qui le couvrent de toutes parts l'entretiennent dans une sorte de paix, si tant est qu'on puisse avoir quelque paix en faisant les œuvres du diable et en vivant dans une disposition d'âme toute terrestre et diabolique. Il ne voit pas qu'il est au bord de l'abîme ; il ne le craint donc pas. Il ne peut trembler pour un danger qu'il ignore. Il est trop peu avisé pour craindre. Pourquoi ne tremble-t-il pas à la pensée de Dieu ? Parce qu'il est à son égard tout à fait ignorant. S'il ne dit pas en son cœur n'y a point de Dieu, ou bien : Il siège au-dessus de la voûte des cieux et ne s'abaisse point pour regarder ce qui se passe sur la terre, — il se persuade au moins qu'Il est miséricordieux, ce qui ne sert pas moins à le tranquilliser dans ses voies épicuriennes. C'est ainsi qu'il réussit à confondre et à engloutir à la fois dans cette large et vague idée de la miséricorde de Dieu tous ses attributs essentiels de sainteté, de haine pour le péché, de justice, de sagesse et de fidélité. Il ne craint pas la vengeance dénoncée contre les transgresseurs de la loi divine, parce qu'il ne comprend pas cette loi ; il se figure qu'il s'agit simplement d'agir de telle ou telle manière, d'être irréprochable au dehors, il ne voit pas que la loi s'étend à toute disposition, tout désir, à toute pensée, à tout mouvement du cœur ; ou bien il s'imagine qu'elle a cessé d'être obligatoire, que Christ est venu abolir la loi et les prophètes, sauver son peuple, non du péché, mais dans le péché, et rendre le ciel accessible sans la sainteté, oubliant qu'Il a dit lui même : « Il ne passera point un seul iota ni un seul trait de lettre de la loi jusqu'à ce que toutes ces choses soient accomplies », et encore, « tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas au royaume de Dieu. mais celui-là seulement qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux ».

L'homme naturel est tranquille parce qu'il s'ignore complètement lui-même. Aussi parle t -il de se convertir plus tard ; au fait il ne saurait dire quand, mais ce sera une fois ou l'autre avant de mourir ; tenant pour certain que la chose est entièrement en son pouvoir. S'il le veut, qu'est-ce qui l'empêchera de se repentir ? Qu'il en prenne une fois la résolution, et nul doute qu'il ne l'accomplisse !

Mais cette ignorance n'est nulle part si manifeste que chez ceux qu'on appelle savants. S'il est de ce nombre, l'homme naturel peut disserter sur ses facultés rationnelles, sur son libre arbitre, sur la nécessité absolue de la liberté morale pour faire de l'homme un agent moral. Il lit, et il argumente et démontre que tout homme fait ce qu'il veut, qu'il a la puissance de tourner son cœur au bien ou au mal, comme bon lui semble. C'est ainsi que le dieu de ce monde étend sur son cœur un double voile d'aveuglement, de peur que la lumière du glorieux Evangile de Christ ne vienne en quelque manière à l'éclairer.

De cette même ignorance de lui-même et de Dieu peut naître quelquefois chez l'homme naturel une sorte de joie, car il se félicite lui même de sa bonté et de sa sagesse ; et ce que le monde appelle joie souvent il le possède. Il peut, en plusieurs manières, se donner du plaisir par la satisfaction des désirs de la chair, de la convoitise des yeux ou de l'orgueil de la vie ; surtout s'il a de grandes possessions, s'il jouit de revenus opulents, il peut alors se vêtir de pourpre et de fin lin et se traiter magnifiquement tous les jours. Et pendant qu'il a ainsi soin de lui-même, les hommes ne manquent pas de le louer et de dire c'est un homme heureux. Car, en somme, c'est là tout le bonheur du monde : la toilette, les visites, les causeries, manger, boire et se lever pour danser.

Quoi d'étonnant si, dans de telles circonstances, prenant à forte dose le breuvage narcotique de la flatterie et du péché, cet homme, qui dort en veillant, s'imagine, entre autres rêves, qu'il marche en liberté ! Il est facile de se croire libre des erreurs vulgaires et des préjugés de l'éducation ; capable de juger de tout exactement et de se tenir loin de tous les extrêmes : je suis affranchi, dit il, de toute cette exaltation des âmes faibles et étroites, de toute cette superstition des sots et des lâches qui ne savent qu'outrer la piété, de toute cette bigoterie qui s'attache toujours à ceux dont les pensées manquent d'élévation et d'indépendance. — Ah ! il n'est que trop certain qu'il est tout à fait affranchi de la sagesse qui vient d'en haut, de la sainteté ; de la religion du cœur et ; de tous les sentiments qui étaient en Jésus-Christ.

Cependant il est toujours l'esclave du péché ; il pèche plus ou moins chaque jour, mais il ne s'en trouble point ; il n'est point sous le joug, comme disent quelques-uns, il ne sent point de condamnation. Et, lors même qu'il professe de croire aux Écritures l'homme est faible, dit-il, nous sommes tous fragiles, chacun a ses défauts ; et cela suffit pour le tranquilliser. Il prétendra même citer l'Écriture : Quoi ! Salomon n'a-t il pas dit que le juste pèche sept fois par jour ? Il n'y a donc que des hypocrites ou des exaltés qui prétendent valoir mieux que leurs semblables. — Et s'il arrive une fois qu'une pensée sérieuse, le poursuive : Pourquoi craindrais-je, se hâte-t-il de dire pour l'étouffer, puisque Dieu est miséricordieux et que Christ est mort pour les pécheurs ? C'est ainsi qu'il demeure volontairement dans l'esclavage de la corruption, prenant son parti de n'être saint ni au dehors ni au dedans ; ne remportant et n'essayant pas même de remporter la victoire sur le péché et surtout sur le péché particulier qui l'enveloppe le plus aisément.

Tel est l'état de tout homme naturel, qu'il soit un transgresseur grossier et scandaleux ou un pécheur plus respectable et plus honnête, conservant la forme de la piété, quoiqu'il en ait renié la force. Mais comment un tel homme sera-t-il convaincu de péché et : porté à la repentance ? Comment sera-t-il placé sous la loi et recevra-t-il l'esprit de servitude et de crainte ? C'est le second point que nous avions à considérer.

II

Par quelque dispensation solennelle de sa providence ou par sa parole accompagnée de la démonstration de l'Esprit, Dieu touche le cœur de celui qui dormait dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort. Terriblement secoué dans son sommeil, il se réveille et a conscience de son danger. Soudainement peut-être, ou par degrés, les yeux de son entendement s'ouvrent, et le voile étant en partie ôté, il voit pour la première fois l'état réel où il se trouve. Une horrible lumière pénètre jusqu'à son âme, une lumière comme celle qu'on peut attendre du puits de l'abîme, des profondeurs de l'enfer, de l'étang ardent de feu et de soufre. Il voit enfin que le Dieu d'amour et de miséricorde est aussi un feu consumant ; un Dieu juste et terrible qui rend à chacun selon ses œuvres, qui entre en jugement avec l'impie pour toute vaine parole ; que dis-je ? même pour les imaginations du cœur. Il voit clairement que le Dieu saint et grand a les yeux trop purs pour voir le mal, qu'Il rend à tout rebelle et à tout méchant sa rétribution en face, et que c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant.

L'éclat de cette lumière commence à placer devant ses yeux le sens spirituel, intime, de la loi de Dieu. Il voit que le commandement est d'une grande étendue, et que rien ne se dérobe à sa clarté. Il ne doute plus que dans toutes ses parties, la loi, loin de se rapporter simplement à l'obéissance ou à la transgression extérieure, s'applique à ce qui se passe dans les replis secrets de l'âme où l'oeil de Dieu peut seul pénétrer. Maintenant, lorsqu'il entend cette défense :

« Tu ne tueras point », Dieu lui dit d'une voix de tonnerre : Celui qui hait son frère est un meurtrier ; celui qui dit à son frère fou, sera punissable par la géhenne du feu. Si la loi dit : « Tu ne commettras point d'adultère », ces paroles retentissent à ses oreilles de la part du Seigneur : Celui qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. Et c'est ainsi que, sur chaque point, la Parole de Dieu est pour lui vivante et efficace, plus pénétrante qu'une épée à deux tranchants. Elle atteint jusqu'à la division de son âme et de son esprit, des jointures et des moelles ; d'autant plus qu'il sent en lui-même qu'il a négligé le grand salut, qu'il a foulé aux pieds le Fils de Dieu qui voulait le sauver de ses péchés, et teint pour une chose profane, c'est-à-dire commune et sans vertu, le sang de la nouvelle alliance.

Convaincu que toutes choses sont nues et découvertes devant les yeux de Celui à qui nous avons affaire, il se voit lui-même nu et dépouillé de toutes les feuilles de figuier qu'il avait cousues ensemble, de toutes ses prétentions misérables de religion ou de vertu, de toutes les pauvres excuses dont il couvrait ses péchés. Il se voit, comme les victimes des anciens sacrifices, partagé du haut en bas, si l'on peut ainsi dire, en sorte que tout en lui se montre à découvert. Son cœur est à nu, et il n'y voit que péché. Il voit qu'il est rusé et désespérément malin, corrompu et abominable au-delà de toute expression, qu'il n'y habite qu'injustice et impiété, toutes ses imaginations, ses mouvements et ses pensées n'étant que mal en tout temps.

Et il ne voit pas seulement, mais il sent en lui-même, par une émotion indescriptible, que pour les péchés de son cœur, lors même que sa vie serait irréprochable (ce qu'elle n'est ni ne peut être, puisqu'un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits), il sent qu'il mérite d'être jeté dans le feu qui ne s'éteint point. Il sent que les gages, la, juste récompense du péché, de son péché surtout, c'est la mort, la mort seconde, la mort qui ne meurt point ; la ruine du corps et de l'âme dans l'enfer.

C'en est fait de ses rêves ; de son repos trompeur, de sa fausse paix, de sa vaine sécurité. Sa joie s'évanouit comme un nuage ; les plaisirs qu'il aimait naguère n'ont plus de charme pour lui. Leur insipidité, leur fadeur, lui répugnent et le fatiguent. Les ombres du bonheur s'enfuient et plongent dans l'oubli ; en sorte que dépouillé de tout, il erre, il va et vient, cherchant le repos et ne pouvant le trouver.

Les fumées du breuvage dont il s'enivrait étant dissipées, il ne lui reste plus que l'angoisse d'un esprit abattu. Il éprouve que le péché déchaîné sur l'âme n'amène qu'une misère complète ; que ce soit l'orgueil, la colère, la convoitise, la volonté propre ; la malice, l'envie ou tout autre péché. Il ressent une tristesse de cœur pour les bénédictions perdues et pour la malédiction qui est venue fondre sur lui ; le remords, pour s'être ainsi perdu lui-même au mépris de son propre salut ; il est agité par la crainte qui provient d'un vif sentiment de la colère de Dieu et des conséquences de cette colère, des châtiments qu'il a si justement mérités et qu'il voit ; suspendus sur sa tête ; par la crainte de la mort qu'il considère comme la porte de l'enfer ; par la crainte du diable, l'exécuteur de la colère et de la juste vengeance de Dieu : par la crainte des hommes qui, s'ils pouvaient tuer son corps, plongeraient son corps et son âme dans la géhenne ; et cette crainte s'accroît souvent à tel point que cette pauvre âme pécheresse et coupable est épouvantée de tout, d'un rien, d'une ombre, d'une feuille agitée par le vent. Cette crainte peut même quelquefois approcher de la folie, suspendre par une ivresse qui ne vient pas du vin, l'exercice de la mémoire, de l'intelligence et de toutes les facultés naturelles. Quelquefois elle peut pousser le pécheur jusqu'au bord du désespoir, et tout en tremblant au seul nom de mort, il peut être prêt, à chaque instant, à choisir la mort plutôt que la, vie Ah ! c'est alors qu'il rugit, comme le Psalmiste, dans le trouble de son âme ; car l'esprit de l'homme le soutiendra dans son infirmité ; mais l'esprit abattu qui le relèvera ?

Maintenant il désire vraiment rompre avec le péché ; il commence à le combattre. Mais quoiqu'il lutte de toutes ses forces il ne peut vaincre : le péché est plus fort que lui. Il voudrait bien échapper, mais il ne peut sortir de sa prison. Il prend des résolutions contre le péché, mais il pèche encore ; il voit le piège, il l'a en horreur, et cependant il s'y précipite. Ah ! que cette raison dont il était fier est puissante ! Puissante pour accroître sa culpabilité, pour augmenter sa misère ! Que sa volonté est libre ! Libre seulement pour le mal, libre pour boire l'iniquité comme l'eau, pour s'égarer toujours plus loin du Dieu vivant, et pour outrager toujours plus l'Esprit de grâce.

Plus il soupire, travaille et lutte pour la liberté, plus il sent ses chaînes, les chaînes cruelles du péché par lesquelles Satan le tient captif et le mène à sa volonté ; il a beau murmurer, il a beau se révolter, il est son esclave, et ses efforts sont vains. Il demeure dans la servitude et dans la crainte à cause du péché ; esclave de quelque péché extérieur, auquel il est particulièrement enclin, soit par nature, soit par habitude ou par suite des circonstances ; mais toujours esclave de quelque péché intérieur, de quelque mauvais penchant ou de quelque affection profane. Et plus il s'indigne contre le mal, plus il y succombe ; il peut mordre sa chaîne, il ne peut la briser. C'est ainsi qu'il se livre à un travail sans fin, de la repentance au péché et du péché à la repentance, jusqu'à ce qu'enfin, pauvre, misérable, à bout de ressources, il n'ait plus qu'à gémir et à s'écrier : « Misérable que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ! »

Toute cette lutte d'un homme sous la loi ; dominé par l'esprit de crainte et de servitude, est magnifiquement décrite dans Romains (Ro 7 : 9-25), où l'apôtre prend le langage d'un pécheur réveillé : « Autrefois, quand j'étais sans loi, je vivais », j'avais, en abondance, vie, sagesse, force et vertu, je le croyais du moins ; « mais quand le commandement est venu, le péché a repris la vie et moi je suis mort ». — Le sens spirituel du commandement m'étant révélé avec puissance, ma corruption innée s'est émue, enflammée, manifestée, et ma vertu s'est évanouie. « De sorte qu'il s'est trouvé que le commandement qui m'était donné pour avoir la vie m'a donné la mort. Car le péché, prenant occasion du commandement, m'a séduit et m'a fait mourir par le commandement même  » ; me prenant par surprise, il a frappé au cœur ma confiance, me montrant clairement qu'en vivant j'étais mort. « La loi donc est sainte et le commandement est saint, juste et bon  » ; ce n'est plus la loi que je blâme, mais mon propre cœur. Je reconnais « que la loi est spirituelle ; mais je suis charnel, vendu au péché », c'est-à-dire son esclave (comme les esclaves achetés par argent étaient à la merci de leurs maîtres) ; « car je n'approuve point ce que je fais, parce que je ne fais point ce que je voudrais faire, mais je fais ce que je hais ». Telle est ma dure servitude : « J'ai bien la volonté de faire ce qui est bon, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir ; car je ne fais pas le bien que je voudrais faire, mais je fais le mal que je ne voudrais pas faire. Je trouve donc en moi cette loi, cette contrainte, « c'est, que quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi ; car je prends plaisir » ou je consens « à la loi de Dieu quant à l'homme intérieur », c'est-à-dire, dans mon esprit, comme le dit l'apôtre au verset suivant : « Mais je trouve une autre loi dans mes membres qui combat contre la loi de mon esprit et qui me rend captif sous la loi du péché », me liant, pour ainsi dire, au char de mon vainqueur, du vainqueur que je déteste. « Misérable que je suis ! qui me délivrera du corps de cette mort ? » (qui me délivrera de cette vie qui n'est qu'une mort, de cette servitude du péché et du malheur ? Jusque-là « je sers moi-même, de l'esprit à la loi de Dieu », — mon esprit, ma, conscience est pour Dieu, « mais de la chair à la loi du péché », car je suis entraîné par une force à laquelle je ne puis résister.

Quelle peinture vivante d'un homme qui est sous la loi, d'un homme qui gémit sous un fardeau qu'il ne peut secouer ; haletant après la liberté, la force, l'amour, et demeurant toujours dans la crainte et la servitude, jusqu'à l'heure où, à ce misérable qui crie : Qui me délivrera de ce corps de mort ? Dieu répond : La grâce de Dieu par Jésus Christ, ton Seigneur !

III

C'est alors que finit cette triste servitude et qu'il n'est plus sous la loi, mais sous la grâce. Nous allons donc considérer ; en troisième lieu, l'état d'un homme qui a trouvé grâce aux yeux de Dieu, de Dieu le Père, et dans le cœur duquel règne la grâce ou la puissance du Saint-Esprit ; d'un homme qui a reçu, comme s'exprime l'apôtre, l'esprit d'adoption, par lequel il crie maintenant : Abba, c'est-à-dire Père !

Il a crié à l'Éternel dans sa détresse et il l'a délivré de ses angoisses. Ses yeux sont ouverts, mais d'une toute autre manière qu'auparavant ; ils sont ouverts pour voir un Dieu d'amour et de grâce. Et tandis qu'il lui crie : « Je te prie, montre-moi ta gloire ! » une voix lui répond au dedans : « Je vais faire passer devant toi toute ma bonté, je crierai le nom de l'Éternel devant toi, je ferai grâce à celui à qui je ferai grâce, et j'aurai compassion de celui dont j'aurai compassion ! » Et bientôt le Seigneur descendant dans la nuée et proclamant le nom de l'Éternel devant lui, il voit, mais non des yeux de la chair et du sang, « l'Éternel, le Dieu fort, miséricordieux et pitoyable, tardif à colère et abondant en grâce et en vérité ; qui garde la miséricorde jusqu'en mille générations, et qui pardonne l'iniquité, le crime et le péché ».

Une lumière céleste et bienfaisante se répand alors dans son âme. Il regarde à Celui qu'il avait percé, et Dieu qui a dit que la lumière sortît des ténèbres, répand la lumière dans son cœur. Il voit la lumière glorieuse de l'amour de Dieu. en la face de Jésus-Christ. Il possède une démonstration divine des choses invisibles au sens, des choses profondes de Dieu, surtout de l'amour de Dieu pardonnant à celui qui croit, en Jésus. Subjuguée par cette vue, son âme entière s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Il voit. toutes ses iniquités rassemblées sur celui qui les a portées en son corps sur le bois ; il voit cet Agneau de Dieu qui ôte ses péchés. — Combien il discerne clairement que Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec Lui-même, faisant Celui qui n'a point connu le péché, être péché pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu par Lui. Avec quelle certitude il sait que lui-même est réconcilié avec Dieu, par le sang de l'alliance !

Ici finit pour lui toute condamnation ; ici finit l'empire du péché. Maintenant il peut dire : « Je suis crucifié avec Christ et je vis, non pas moi toutefois, mais Christ vit en moi, et si je vis encore dans la chair » (dans ce corps mortel), « je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est donné lui-même pour moi ». Ici finit le remords, la tristesse de cœur, l'angoisse d'un esprit abattu. Dieu change sa tristesse en joie. Il fit la plaie et sa main la bande. Ici finit cet esprit de servitude et de crainte, car son cœur est ferme se confiant en l'Éternel. Il ne peut plus craindre la colère de Dieu, car il sait qu'elle s'est détournée de lui, et il voit en Dieu non plus un juge irrité, mais un Père. Il ne peut plus craindre le diable, sachant qu'il n'a aucun pouvoir s'il ne lui est donné d'en haut. Il ne craint pas l'enfer, puisqu'il est héritier du ciel ; dès lors il est affranchi de cette crainte de la mort qui le rendit, pendant tant d'années, sujet à la servitude. Mais plutôt, sachant que si cette demeure terrestre dans cette tente est détruite, il a dans le ciel un édifice de Dieu, une demeure éternelle qui n'est point faite de main d'homme, il soupire ardemment, désirant être revêtu de sa demeure céleste. Il soupire après le dépouillement de cette maison de terre, après le moment où ce qu'il y a de mortel en lui sera absorbé par la vie ; car il sait que c'est Dieu qui l'a formé, pour cela, et qui lui a aussi donné pour arrhes son Esprit.

Et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté, l'affranchissement, non seulement de la condamnation et de la crainte, mais du plus pesant de tous les,jougs, de la plus honteuse de toutes les servitudes, savoir du péché. Désormais son travail n'est plus vain. Les lacs qui le tenaient captif sont brisés. Il lutte, mais c'est avec succès ; il combat, mais c'est pour remporter la victoire. Il n'est plus asservi au péché. Il est mort au péché et vivant à Dieu ; le péché ne règne plus, même dans son corps mortel, et il n'obéit plus à ses convoitises. Il ne livre plus ses membres pour servir à l'iniquité et au péché, mais pour servir à la justice et à la sainteté. Car étant libre maintenant quant au péché, il est devenu l'esclave de la justice (Ro 6 : 6).

Ainsi il a la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, il se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ; il a la domination sur tout péché ; sur tout désir, tout penchant, toute parole, toute œuvre mauvaise. Dans cet heureux état, il est un témoin vivant de la liberté glorieuse des enfants de Dieu, qui tous ont en partage une foi du même prix et qui disent tous d'une voix : « Nous avons reçu l'esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »

C'est cet esprit qui produit en eux continuellement et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir. C'est lui qui répand dans leurs cœurs l'amour de Dieu et l'amour de tous les hommes ; les purifiant ainsi de l'amour du monde, de la convoitise de la chair, de la convoitise des yeux et de l'orgueil de la vie. C'est Lui qui les délivre de la colère et de l'orgueil, de toute affection basse et désordonnée, et, par suite, de paroles et d'œuvres mauvaises, et de toute conversation profane, de sorte qu'ils ne font de mal à personne et qu'ils sont zélés pour toute bonne œuvre.

En résumé : l'homme naturel ne craint ni n'aime Dieu, l'homme sous la loi le craint, l'homme sous la grâce l'aime, Le premier n'a point de lumière dans les choses de Dieu, mais il marche dans les plus épaisses ténèbres ; le second voit l'horrible lumière de l'enfer, le troisième, la joyeuse lumière du ciel. Celui qui dort d'un sommeil de mort est dans une fausse paix ; celui qui croit possède la vraie paix, car la paix de Dieu remplit et gouverne son cœur. Le païen, baptisé ou non, jouit d'une liberté illusoire qui n'est que la licence ; le Juif, de naissance ou de cœur, est sous un lourd et cruel esclavage ; le chrétien jouit de la vraie et glorieuse liberté des enfants de Dieu. Un enfant du diable, avant d'être réveillé, pèche de bon cœur ; réveillé, il pèche à contre-cœur ; un enfant de Dieu ne pèche point, mais il se conserve lui-même, et le malin ne le touche point. Bref, l'homme naturel ne connaît ni combat ni victoire ; l'homme sous la loi combat contre le péché sans pouvoir en triompher ; mais l'homme sous la grâce est combattant et vainqueur, il est même plus que vainqueur par Celui qui l'a aimé.

IV

On voit par ce simple exposé de ces trois états où l'homme peut être ; l'état naturel, l'état légal et l'état de grâce ou évangélique, qu'il ne suffit pas de classer les hommes en sincères et en non sincères. On peut être sincère dans ces trois états, non seulement avec l'esprit d'adoption, mais encore sous l'esprit de servitude et de crainte, et même quand on n'a ni la crainte de Dieu, ni son amour. Car il peut, sans nul doute, y avoir de la sincérité chez les païens, aussi bien que chez les Juifs ou les chrétiens. La sincérité ne prouve donc, nullement qu'on soit agréable à Dieu, et en état de subsister devant lui.

C'est pourquoi « éprouvez-vous vous-mêmes, non seulement pour savoir si vous êtes sincères, mais pour « savoir si vous êtes dans la foi ». Examinez de près, car cela vous importe grandement, quel est dans votre âme le principe qui gouverne. Est-ce l'amour de Dieu ? Est-ce la crainte de Dieu ? Ou n'est ce ni l'un ni l'autre ? N'est-ce pas plutôt l'amour du monde, l'amour du plaisir ou du gain ? L'amour des aises ou de la réputation ? S'il en est ainsi, vous êtes moins avancé que les Juifs ; vous n'êtes encore qu'un païen. Avez-vous le ciel dans votre cœur ? Avez-vous l'esprit d'adoption, qui toujours crie Abba, Père ? Ou invoquez-vous Dieu, comme du fond de l'abîme, accablé de peine et de crainte ? Ou bien, étranger à tout ceci, ne savez-vous de quoi je veux parler ? — Païen, lève le masque ! Tu ne t'es jamais revêtu de Christ ! Découvre ta face ! Lève les yeux au ciel et confesse, devant Celui qui vit aux siècles des siècles, que tu n'as de part ni parmi les enfants, ni parmi les serviteurs de Dieu.

Qui que tu sois, commets-tu ou ne commets-tu pas le péché ? Si tu le commets, est-ce de bon ou de mauvais gré ? Que ce soit l'un ou l'autre, Dieu t'a dit à qui tu appartiens : « Celui qui commet le péché est du diable ». Si c'est de bon gré ; tu es son serviteur fidèle et il ne manquera pas de récompenser ton travail. Si c'est de mauvais gré, tu n'en est pas moins son serviteur. Que Dieu t'arrache de ses mains !

Es -tu tous les jours en guerre contre tout péché, et tous les jours plus que vainqueur ? Je te reconnais pour un enfant de Dieu ! Oh ! demeure ferme dans ta glorieuse liberté ! Combats-tu, mais sans vaincre, t'efforçant d'avoir le dessus, mais sans pouvoir y parvenir ? Alors tu ne crois pas encore en Christ, mais persévère et tu connaîtras bientôt le Seigneur. Vis-tu sans aucun combat, dans la mollesse, l'indolence et la conformité à la mode ? Oh ! comment présumes-tu de te nommer du nom de Christ, pour être un sujet de scandale aux Gentils ? « Dormeur », lève-toi, et crie à ton Dieu, avant que l'abîme t'engloutisse ! Une des raisons, peut être, qui expliquent pourquoi tant de gens ont d'eux-mêmes une plus haute opinion qu'ils ne doivent et ne discernent point auquel de ces trois états ils appartiennent, c'est que ces divers états d'âme se confondent souvent et peuvent en quelque mesure se rencontrer chez une seule et même personne. Ainsi l'expérience montre que l'état légal ou de crainte se mêlent souvent à l'état naturel ; car peu d'hommes sont si profondément endormis dans le péché qu'ils ne s'éveillent plus ou moins de temps à autre. Et comme l'Esprit de Dieu n'attend pas que l'homme l'appelle, il est des moments où il se fait entendre ; qu'on le veuille ou non. Il épouvante les pécheurs de telle sorte que pour un temps, du moins, ces païens connaissent qu'ils ne sont que des hommes mortels. Ils sentent le fardeau du péché, ils désirent ardemment fuir la colère à venir. Mais ce n'est, pas long ; rarement ils souffrent que, les flèches de la conviction entrent profondément dans leurs âmes ; ils s'empressent d'étouffer la grâce de Dieu, pour retourner se vautrer dans le bourbier.

De même l'état évangélique, ou d'amour, se mêle fréquemment à l'état légal. Peu de ceux qui ont l'esprit de servitude et de crainte demeurent toujours sans espérance. Le Dieu sage et miséricordieux le souffre rarement, « Il se souvient que nous ne sommes que poudre », Il ne veut pas que « l'esprit soit accablé par sa présence, car c'est Lui qui a fait les âmes ». C'est pourquoi, dans les moments qu'Il juge convenables, il fait poindre la lumière sur ceux qui sont assis dans les ténèbres. Il fait passer en partie devant eux sa bonté, il leur montre qu'il entend les prières. Ils voient, quoique de loin, la promesse qui est par la foi en Jésus-Christ, et cela les encourage à poursuivre la course qui leur est proposée.

Une autre cause d'illusion pour plusieurs, c'est qu'ils ne considèrent pas combien un homme peut aller loin sans sortir de l'état naturel ou tout au moins de l'état légal. Un homme peut être d'un caractère compatissant, affable ; il peut être courtois, généreux, prévenant ; avoir quelque degré de patience, d'humilité, de tempérance et d'autres vertus morales. Il peut désirer s'abstenir de tout vice et vouloir s'élever à une plus haute vertu. Il peut renoncer à diverses formes du mal ; peut-être à tout ce qui est grossièrement contraire à la justice, à la bonté, à la vérité. Il peut faire beaucoup de bien, nourrir les affamés, vêtir ceux qui sont nus, consoler la veuve et l'orphelin. A l'assiduité au culte public, il peut ajouter la prière en particulier, et beaucoup de lectures pieuses ; il peut faire tout cela, et n'être encore qu'un homme naturel, ne connaissant ni lui-même, ni Dieu ; étranger à l'esprit de crainte aussi bien qu'à celui d'amour, n'ayant encore ni la repentance, ni la foi à l'Evangile.

Mais lors même qu'à tout cela se joint une profonde conviction de péché, et une grande crainte de la colère de Dieu ; de véhéments désirs de fuir tout péché et d'accomplir toute justice ; de fréquents élans de joie dans l'espérance, et des impressions de l'amour divin traversant l'âme ; ceci non plus ne prouve pas qu'un homme soit sous la grâce, qu'il ait la vraie, la vivante foi chrétienne, à moins qu'il n'ait l'esprit d'adoption, demeurant dans son cœur ; à moins qu'il ne puisse continuellement s'écrier : « Abba, Père ! »

Toi donc qui portes le nom de chrétien, prends garde et crains de manquer le but de ta haute vocation ; de t'arrêter, soit dans l'état naturel, avec trop de gens estimés bons chrétiens, soit dans l'état légal, où les personnes qui sont en grande considération jugent en général suffisant de vivre et de mourir. Non, Dieu a préparé pour toi de meilleures choses ; pourvu que tu persévères à les chercher jusqu'à ce que tu les atteignes. Tu n'es point appelé à craindre, à trembler comme les démons ; mais à te réjouir, à aimer comme les anges de Dieu. « Tu aimeras l'Eternel ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée, de toutes tes forces  » ; tu dois être toujours joyeux, prier sans cesse, rendre grâces pour toutes choses ; tu feras la volonté de Dieu sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Oh ! « éprouve que la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite », en te présentant à Lui en sacrifice vivant et saint, ce qui est ton service raisonnable ! Retiens ferme ce que tu as, avançant vers les choses qui sont devant toi, jusqu'à ce que le Dieu de paix te rende accompli en toute bonne œuvre, faisant Lui-même en toi ce qui lui est agréable par Jésus-Christ, à qui soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen !

 

Romains 8,16

1746

 

« L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». (Ro 8 : 16.)

 

Que d'hommes vains, ne comprenant ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils affirment, ont tordu de tout temps ce passage au grand détriment de leur âme, si ce n'est à sa perdition ! Que d'hommes ignorants ont pris la voix de leur imagination pour le témoignage de l'Esprit de Dieu, et présumé d'être enfants de Dieu tandis qu'ils faisaient les œuvres du diable ! Ce sont là proprement, et dans la pire signification du mot, des exaltés. Mais qu'il est difficile de les convaincre de leur illusion, surtout s'ils se sont abreuvés à longs traits de cet esprit d'erreur ! Alors tout ce qu'on peut faire pour les éclairer n'est autre chose à leurs yeux que faire la guerre à Dieu, et cette véhémence, cette impétuosité d'esprit qu'ils confondent avec le zèle pour la foi, les met tellement en dehors de la portée des moyens qu'on pourrait employer pour les faire rentrer en eux-mêmes, que nous pouvons bien dire à leur égard : « Quant aux hommes, cela est impossible ».

Faut-il donc s'étonner, que tant de gens raisonnables, voyant les terribles effets de cette illusion et voulant s'en tenir le plus loin possible ; inclinent parfois vers un autre extrême, qu'ils ne s'empressent guère de croire ceux qui disent avoir un témoignage qui fut pour d'autres un sujet de si graves erreurs ? Faut-il s'étonner qu'ils soient bien près de noter comme exaltés tous ceux qui emploient des termes dont on a fait un si terrible abus ; et même qu'ils se demandent si le témoignage dont il est ici question est le privilège des chrétiens ordinaires, ou s'il n'est pas plutôt du nombre de ces dons extraordinaires qu'ils supposent n'avoir appartenu qu'au siècle apostolique ?

Mais pourquoi nous jetterions-nous dans l'un ou l'autre de ces extrêmes ? Ne pouvons-nous diriger notre course entre les deux et nous tenir à juste distance de l'esprit d'erreur et d'exaltation, sans nier le don de Dieu, ni abandonner le grand privilège de ses enfants ? Oui, sans doute. Eh bien ! considérons donc, en la présence et dans la crainte de Dieu : 1° En quoi consiste le témoignage de notre esprit ; quel est le témoignage de l'Esprit de Dieu ; et de quelle manière il nous donne l'assurance d'être enfants de Dieu. 2° Comment ce double témoignage de notre esprit et de l'Esprit de Dieu se sépare et peut être clairement distingué de la présomption du cœur naturel et de la tromperie du diable.

 

I

Voyons d'abord ce que c'est que le témoignage de notre propre esprit. Mais ici je ne puis qu'engager ceux pour qui le témoignage de l'Esprit de Dieu s'absorbe dans le témoignage purement rationnel de notre propre esprit à remarquer que l'apôtre, bien loin de ne parler dans ce texte que du témoignage de notre esprit ; n'en a peut-être point du tout parlé, le texte original pouvant très bien s'entendre du Saint-Esprit seul. Car on peut très bien traduire : l'Esprit lui-même ou le même Esprit rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Mais je n'insiste point là-dessus ; tant d'autres textes s'accordant avec l'expérience de tous les vrais chrétiens, pour montrer que chez tout croyant il y a, à la fois, ces deux témoignages, celui du Saint-Esprit et celui de son propre esprit qui lui disent qu'il est enfant de Dieu.

Quant au témoignage de notre esprit, les passages qui l'établissent sont nombreux ; ce sont ceux qui décrivent les caractères des enfants de Dieu. Chacun peut les connaître et les comprendre. Plusieurs écrivains, tant anciens que modernes, les ont rassemblés et mis en lumière. Pour plus d'instruction, on n'a qu'à suivre les prédications de l'Evangile, méditer la Parole de Dieu en particulier, et converser avec ceux qui ont la connaissance des voies divines. Et par cette raison, par cette intelligence que Dieu nous a donnée, et que la religion doit perfectionner au lieu de l'éteindre (selon cette parole : « Soyez des enfants quant à la malice, mais des hommes faits quant à l'intelligence (1Co 14 : 20) ; par cette intelligence, dis-je, chacun peut, en s'appliquant à lui-même ces caractères, reconnaître s'il est où s'il n'est pas enfant de Dieu. Ainsi, par exemple, sachant par la Parole infaillible que tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont « enfants de Dieu », s'il peut dire que l'Esprit de Dieu le conduit ainsi à toutes sortes de dispositions et d'œuvres saintes, il lui sera facile d'en conclure qu'il est enfant de Dieu.

C'est à cela que se rapportent toutes ces déclarations si claires de l'apôtre saint Jean dans sa première Epître : « Par ceci nous savons que nous l'avons connu, si nous gardons ses commandements (1Jn 2 : 3) ; « si quelqu'un garde sa parole, l'amour de Dieu est véritablement parfait en lui, et c'est par cela que nous savons que nous sommes en Lui (1Jn 2 : 5) » « si vous savez qu'il est juste, sachez que quiconque fait ce qui est juste est né de Lui (1Jn 2 : 29)  ». « Quand nous aimons nos frères, nous connaissons pas là que nous sommes passés de la mort à la vie (1Jn 3 : 14)  ». « C'est à cela que nous connaissons que nous sommes de la vérité, et c'est par là que nous assurerons nos cœurs devant Lui (1Jn 3 : 19) ; » c'est-à-dire quand nous nous aimons les uns les autres, « non pas seulement de parole et de la langue, mais en effet et en vérité ». « A ceci nous connaissons que nous demeurons en Lui et qu'Il demeure en nous, c'est qu'Il nous a fait part de son Esprit (1Jn 4 : 13) ; » « et nous connaissons qu'Il demeure en nous, par l'Esprit qu'Il nous a donné (1Jn 3 : 24)  ».

Il est fort probable qu'il n'y eut jamais, depuis le commencement du monde, d'enfants de Dieu plus avancés dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ, que l'apôtre saint Jean, à l'époque où il écrivit, ces paroles, et les pères en Christ à qui il écrivait. Il n'est pas moins évident que cet apôtre, et ces hommes qui étaient comme les colonnes du temple de Dieu, loin de dédaigner ces marques de leur régénération, les appliquaient au contraire à leur âme pour la confirmation de leur foi. Tout cela n'est pourtant qu'une évidence rationnelle, le témoignage de notre esprit, de notre raison, de notre intelligence ; c'est un raisonnement qui revient à dire : Ceux qui ont ces marques sont enfants de Dieu ; or nous avons ces marques ; donc nous sommes enfants de Dieu.

Mais comment reconnaître si nous avons ces marques ? C'est encore une question à résoudre. Comment reconnaître si nous aimons Dieu et notre prochain, et si nous gardons ses commandements ? Remarquez bien que cette question signifie : comment pourrons-nous le reconnaître nous-mêmes, et non comment les autres le pourront-ils ? Je demanderai donc à mon tour à quiconque pose cette question : comment pouvez-vous reconnaître que vous vivez, que vous vous portez bien et ne souffrez pas ? N'en avez-vous pas la conscience immédiate ? Eh bien ! c'est aussi par un sentiment immédiat que vous saurez si votre âme est vivante à Dieu, si vous êtes sauvés du tourment d'un esprit orgueilleux et colère, si vous avez la paix d'un esprit humble et doux. Le même sentiment ne manquera pas de vous apprendre si votre amour, votre joie, votre plaisir est en Dieu, et c'est par là que vous saurez avec certitude si vous aimez votre prochain comme vous-mêmes, si vous avez une bienveillance de cœur pour tous les hommes, si vous êtes pleins de patience et de douceur. Et quant à la marque extérieure des enfants de Dieu, qui est, selon saint Jean, l'observation des commandements de Dieu, vous savez sans doute vous-mêmes, si, par la grâce de Dieu, elle vous appartient. Votre conscience vous dit, jour après jour, si vous ne mettez le nom de Dieu sur vos lèvres, qu'avec sérieux et dévotion, avec crainte et respect : si vous vous souvenez du jour de repos pour le sanctifier ; si vous honorez votre père et votre mère ; si ce que vous désirez que les hommes vous fassent vous le leur faites aussi vous-mêmes ; si vous possédez votre corps en sanctification et en honneur, et si, quoi que vous fassiez, même en mangeant et en buvant, vous faites tout à la gloire de Dieu.

Tel est donc proprement le témoignage de notre esprit : la conscience d'être, par la grâce de Dieu, saints de cœur et saints dans notre conduite. C'est la conscience d'avoir reçu par l'Esprit et en l'Esprit d'adoption, les caractères que mentionne la Parole de Dieu, comme appartenant à ses enfants : un cœur qui aime Dieu et qui aime tous les hommes, se reposant avec une confiance enfantine sur Dieu notre Père, ne désirant que Lui, se déchargeant de toute inquiétude sur Lui, et entourant tout enfant d'Adam d'une sérieuse et tendre affection ; c'est la conscience d'être rendus intérieurement conformes, par l'Esprit de Dieu, à l'image de son Fils, et de marcher devant Lui dans la justice, la miséricorde et la vérité, en faisant les choses qui Lui sont agréables.

Mais qu'est-ce que cet autre témoignage, ce témoignage de l'Esprit de Dieu qui vient se joindre à celui de notre esprit ? Comment témoigne-t-il « avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ? » Il est difficile d'expliquer « les choses profondes de Dieu » dans le langage des hommes. Il n'y a réellement pas de mots qui puissent rendre parfaitement ce qu'éprouvent les enfants de Dieu. Mais peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou en rendant plus fortes mes expressions) : le témoignage de l'Esprit est une impression directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par laquelle il témoigne à mon esprit que je suis enfant de Dieu ; que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi ; que tous mes péchés sont effacés et que moi, oui moi-même, je suis réconcilié avec Dieu.

Ce témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui de notre esprit ; c'est dans la nature des choses, comme une simple considération va le montrer. Avant de nous sentir saints de cœur et de vie, avant que notre esprit puisse nous rendre témoignage que nous sommes saints, il faut que nous le soyons devenus au dedans et au dehors. Mais pour être saints il nous faut aimer Dieu, puisque c'est là la racine de toute sainteté. Et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime. Nous l'aimons parce qu'il nous a aimé le premier. Or c'est le témoignage de l'Esprit qui seul peut nous faire connaître l'amour de Dieu et nous assurer de son pardon. Puisque ce témoignage du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il précède aussi nécessairement le témoignage de notre propre esprit.

Lorsque l'Esprit de Dieu dit à notre âme : Dieu t'a aimé et il a donné son Fils en propitiation pour tes péchés ; le Fils de Dieu t'a aimé et il t'a lavé de tes péchés par son sang ; — alors, et alors seulement, « nous aimons Dieu parce qu'Il nous a aimés le premier », et nous aimons aussi nos frères à cause de Lui. Et s'il en est ainsi, nous ne pouvons pas l'ignorer ; nous « connaissons les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu ». Nous savons que nous aimons Dieu et que nous gardons ses commandements, et c'est aussi « par là que nous savons que nous sommes de Dieu ». C'est là le témoignage de notre esprit, qui, aussi longtemps que nous continuons à aimer Dieu et à garder ses commandements, continue à nous assurer, d'accord avec. le Saint-Esprit, que nous sommes enfants de Dieu.

Qu'on n'aille pas croire pourtant que je veuille distinguer ces deux témoignages au point d'exclure l'opération de l'Esprit de Dieu même du témoignage de notre propre esprit. Non, ce n'est point ma pensée. C'est Lui qui non seulement produit en nous tout ce qui est bon, mais qui met en lumière sa propre œuvre et fait connaître clairement ce qu'Il a accompli en nous. Car, d'après saint Paul, l'un des grands buts pour lesquels nous recevons l'Esprit, c'est afin que « nous connaissions les choses qui nous sont gratuitement données de Dieu », c'est pour qu'Il fortifie le témoignage que notre conscience rend et à notre simplicité et à notre sincérité devant Dieu, et pour qu'il nous donne de reconnaître à la faveur d'une plus parfaite lumière, que nous faisons maintenant les choses qui sont agréables au Seigneur.

Si l'on demandait encore : Comment l'Esprit de Dieu rend-il témoignage avec notre esprit que nous sommes les enfants de Dieu, de manière à exclure tout doute, et à mettre bien au jour la réalité de notre adoption ? La réponse est claire d'après les remarques qui précèdent. Et d'abord, quant au témoignage de notre esprit, il est aussi facile à l'âme de savoir quand elle aime Dieu, quand elle prend son plaisir en Lui, que de savoir quand elle aime un objet terrestre quelconque, et y trouve son bonheur. Et si elle aime et est dans la joie, elle ne peut pas plus en douter que de sa propre existence. Si donc il est exact de dire Celui qui maintenant aime Dieu d'un amour obéissant, qui se réjouit en Lui d'une humble et sainte joie, est enfant de Dieu ; or j'ai cet amour et cette joie, donc je suis enfant de Dieu, — si c'est là un raisonnement solide, il n'est pas possible, dans le cas supposé, qu'un chrétien doute d'être enfant de Dieu. Pour lui, la première proposition est aussi certaine qu'il est certain que la Bible est de Dieu, et quant à son amour pour Dieu, il en a en lui-même une preuve qui va jusqu'à l'évidence. Ainsi le témoignage de notre propre esprit nous est manifesté avec une si intime certitude, qu'il met la réalité de notre adoption au-dessus de tout doute raisonnable.

Quant à la manière dont le témoignage divin se manifeste au cœur, je ne prends point sur moi de l'expliquer. C'est une connaissance « trop haute pour moi, et si élevée que je n'y saurais atteindre ». Le vent souffle où il veut ; j'en entends le son, mais je ne sais ni d'où il vient ni où il va. Comme l'esprit d'un homme connaît seul ce qui est en lui, ainsi l'Esprit de Dieu connaît seul les choses qui sont de Dieu. Mais quant au fait nous le connaissons ; nous savons que l'Esprit de Dieu donne au croyant un tel témoignage de son adoption que, pendant qu'il le possède, il ne peut pas plus douter qu'il est enfant de Dieu, qu'il ne peut douter que le soleil brille, quand il reçoit en plein ses rayons.

 

II

Mais comment ce témoignage réuni de l'Esprit de Dieu et de notre esprit peut-il être clairement et solidement distingué de la présomption de l'esprit naturel et de la tromperie du diable ? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner. Et il est bien urgent, pour tous ceux qui désirent le salut de Dieu, de méditer ce sujet avec la plus sérieuse attention, afin de ne pas séduire leur propre âme. Une erreur sur ce point a généralement les plus fatales conséquences, surtout parce que ceux qui s'abusent ne découvrent guère leur illusion que lorsqu'il est trop tard pour y remédier.

Et d'abord comment distinguer ce témoignage de la présomption du cœur naturel ? Il est certain qu'une âme qui ne fut jamais sous la conviction de son péché, est toujours prête à se flatter et à avoir d'elle-même, surtout pour les choses spirituelles, une plus haute opinion qu'elle ne devrait. Faut-il donc s'étonner que celui qui est enflé de son sens charnel, entendant parler de ce privilège des vrais chrétiens parmi lesquels il ne manque pas de se ranger, parvienne bientôt à se persuader que déjà il le possède ? Le fait est commun à l'heure qu'il est, et les exemples en ont toujours abondé dans le monde. Comment distinguer le vrai témoignage d'avec cette fatale présomption ?

Je réponds que les Écritures multiplient les signes caractéristiques auxquels on peut les distinguer ; elles décrivent de la manière la plus claire, les circonstances qui précèdent, qui accompagnent et qui suivent le vrai et authentique témoignage de l'Esprit de Dieu et de l'esprit du croyant. Quiconque voudra remarquer et peser avec soin ces circonstances ne sera pas dans le cas de prendre les ténèbres pour la lumière. Elles lui montreront tontes une si immense différence entre le vrai et le prétendu témoignage de l'Esprit, qu'il n'y aura pour lui ni danger ni même, en quelque sorte, possibilité de les confondre.

Celui qui présume vainement d'avoir le don de Dieu pourra, s'il le veut, connaître avec certitude par ces signes, qu'il a été livré jusqu'ici, « à une erreur efficace », et qu'il a cru au mensonge. Car l'Écriture nous présente comme précédant, accompagnant et suivant ce don, des marques qu'avec tant soit peu de réflexion il reconnaîtrait n'avoir jamais été dans son âme. Ainsi l'Écriture décrit la repentance ou conviction de péché, comme précédant invariablement ce témoignage de pardon. « Repentez vous, car le royaume des cieux est proche (Mat 3 : 2) ; » « repentez-vous et croyez à l'Évangile (Mr 1 : 15) ; » « repentez vous, et que chacun de vous soit baptisé pour obtenir la rémission des péchés (Act 2 : 38) ; » « repentez-vous et vous convertissez, afin que vos péchés soient effacés (Act 3 : 49) ; » et l'Église anglicane, d'accord avec ces paroles, met aussi toujours la repentance avant le pardon et le témoignage du pardon. « Il pardonne et absout tous ceux qui se repentent et croient sincèrement à l'Évangile ». « Le Tout-Puissant promet le pardon des péchés à tous ceux qui, avec la repentance du cœur et la vraie foi, se tournent vers Lui ». Mais celui qui s'abuse est étranger même à la repentance ; il ne sait ce qu'est un cœur contrit et brisé ; le souvenir de ses péchés ne lui a jamais été douloureux, et s'il a répété avec la liturgie que « le fardeau de ses transgressions lui est insupportable », il l'a toujours fait sans sincérité ; c'était une politesse qu'il faisait à Dieu. Or ne fût-ce que pour le défaut de cette première œuvre de Dieu, de la repentance, il n'a que trop lieu de craindre de n'avoir saisi jusque-là qu'une vaine ombre, et de n'avoir encore jamais connu le vrai privilège des enfants de Dieu.

De plus, l'Écriture décrit la nouvelle naissance qui doit nécessairement précéder le témoignage qu'on est enfant de Dieu, comme un grand et puissant changement — comme « un passage des ténèbres à la lumière », « de la puissance de Satan à Dieu », « de la mort à, la vie », comme « une résurrection d'entre les morts ». C'est ainsi que l'Apôtre écrit aux Ephésiens : « Vous étiez morts dans vos fautes et dans vos péchés... mais lorsque nous étions morts dans nos fautes, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ ; et il nous a ressuscités ensemble et nous a faits asseoir ensemble dans les lieux célestes, en Jésus-Christ (Eph 2 : 1,5,6)  ». Mais l'homme dont nous parlons connaît-il un tel changement ? Il ne sait rien de tout ceci. Nous lui parlons une langue inconnue. Il assure avoir toujours été chrétien. Il ne sait pas quand il aurait eu besoin de changer ainsi. Ce fait même, s'il se permet un peu de réflexion, lui montrera qu'il n'est pas né de l'Esprit ; qu'il n'a point encore connu Dieu ; mais qu'il a pris la voix de la nature pour la voix de Dieu.

Mais laissons en suspens la question qui se rapporte à ce qu'il a pu éprouver ou ne pas éprouver dans le passé ; il y a dans le présent des marques auxquelles on distingue aisément un enfant de. Dieu d'une âme qui s'abuse présomptueusement. L'Écriture décrit cette joie en Dieu qui accompagne le témoignage de son Esprit, comme une joie humble, comme une joie qui abaisse jusque dans la poussière, qui porte le pécheur reçu en grâce à s'écrier : « Je suis un homme vil  » ; « que suis-je, et quelle est la maison de mon père ? » « Maintenant mon oeil t'a vu et je me condamne et me repens sur la poudre et la cendre ». — Or, où se trouve l'humilité, se trouve la débonnaireté, la patience, la douceur, le long support ; un esprit conciliant, une délicatesse, une tendresse, une bonté d'âme qu'aucune expression ne peut rendre. Mais ces fruits accompagnent-ils ce prétendu témoignage de l'Esprit que s'attribue la présomption ? Bien au contraire, plus le présomptueux se persuade d'avoir la faveur de Dieu, plus il est vain, plus il s'élève, plus il est hautain et arrogant dans toutes ses manières. Et en proportion de l'évidence qu'il croit posséder de son adoption, il est plus tyrannique pour ses alentours, plus incapable de supporter une répréhension, plus impatient de la contradiction. Au lieu d'être plus débonnaire, plus doux, plus docile, plus prompt à écouter et plus lent à parler, il est plus lent à écouter, plus prompt à parler, plus dédaigneux de toute instruction, plus violent, plus véhément dans son caractère, plus empressé dans sa conversation. Peut-être même remarque-t-on souvent une sorte de férocité dans son air, dans son langage et dans toute sa conduite, comme s'il allait se mettre à la place de Dieu et consumer lui-même les adversaires.

Enfin l'Écriture enseigne que l'amour de Dieu consiste à garder ses commandements (Jea 5 : 3), L'obéissance est la preuve certaine de cet amour. Le Seigneur dit lui-même : « Celui qui garde mes commandements, c'est celui-là qui m'aime (Jea 14 : 21)  ». L'amour se plaît à obéir, à faire en tout point ce qui est agréable à l'être bien-aimé. Celui qui aime Dieu s'empresse de faire sa volonté sur la terre, comme elle est faite dans le ciel. Mais est-ce là le caractère de celui qui se persuade présomptueusement d'aimer Dieu ? Ah ! il l'aime, mais d'un amour qui lui donne toute liberté de désobéir et de violer ces commandements au lieu de le pousser à les garder. Peut-être, lorsqu'il était sous la crainte de sa colère, travaillait-il à faire sa volonté. Mais maintenant qu'il se regarde comme n'étant plus sous la loi, il ne se croit plus tenu de l'observer. Il est donc moins zélé pour les bonnes œuvres, moins soigneux d'éviter le mal, moins observateur de son cœur, moins attentif à tenir en bride sa langue. Il a moins d'ardeur à se renoncer lui-même et à se charger chaque jour de sa croix. En un mot, toute l'apparence de sa vie est changée, depuis qu'il s'est imaginé être en liberté ; on ne le voit plus « s'exercer à la piété », « combattre non pas seulement contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances », « endurer les travaux », « s'efforcer d'entrer par la porte étroite ». Non, il a trouvé un chemin plus commode pour aller au ciel, un chemin large, uni, semé de fleurs, où il peut dire à son âme : « Mon âme, repose-toi, mange, bois et te réjouis ». Il est évident, d'après cela, qu'il n'a pas vraiment le témoignage de son propre esprit. Il ne saurait avoir la conscience de posséder ce qu'il ne possède pas, l'humilité, la douceur, l'obéissance. L'Esprit de vérité ne peut non plus confirmer un mensonge, ni lui rendre témoignage qu'il est enfant de Dieu, pendant qu'il est manifestement enfant du diable.

Ouvre les yeux, ô toi pauvre pécheur qui te séduis toi-même ! — toi qui t'assures d'être enfant de Dieu, toi qui dis : J'ai le témoignage en moi-même et je puis défier tous mes ennemis ! Tu as été pesé à la balance, à la balance du sanctuaire, et tu as été trouvé léger. Ton âme, mise au creuset de la parole du Seigneur, s'est trouvée un argent réprouvé. Tu n'es pas humble de cœur, tu es donc étranger jusqu'à ce jour à l'Esprit de Jésus. Tu n'es pas doux et débonnaire, ta joie est donc vaine ; ce n'est pas la joie du Seigneur. Tu ne gardes pas ses commandements, donc tu ne l'aimes point et tu n'as point été fait participant du Saint-Esprit ! Si donc les oracles de Dieu sont certains, il est certain que son esprit ne rend pas témoignage avec ton esprit que tu es enfant de Dieu. Oh ! demande avec de grands cris que les écailles tombent de tes yeux ; que tu puisses te connaître tel que tu es connu ; que tu reçoives la sentence de mort en toi-même, jusqu'à ce que la voix qui ressuscite les morts se fasse entendre à ton âme, disant : « Aie bon courage ; tes péchés te sont pardonnés, ta foi t'a sauvé ! »

Mais, direz-vous, comment celui qui a, vraiment le témoignage en lui-même le distinguera-t-il de la présomption ? Et comment distinguez-vous la lumière des ténèbres ? la clarté d'une étoile ou d'un pâle flambeau, de l'éclat du soleil en plein midi ? N'y a-t-il pas entre ces deux une différence inhérente, visible, essentielle ? Et n'apercevez-vous pas immédiatement cette différence, pourvu que vos sens soient en bon état.

De même, il y a une différence inhérente, essentielle, entre la lumière spirituelle et les ténèbres spirituelles, entre la clarté dont le soleil de justice inonde nos cœurs, et les pâles lueurs qui proviennent des étincelles que nous avons nous-mêmes allumées, et pourvu que nos sens spirituels soient en bon état, nous apercevons également bientôt cette différence.

Mais si l'on insiste, et si l'on demande une explication plus exacte et plus philosophique de la manière dont s'observe cette différence, et des critères ou signes intrinsèques auxquels on distingue la voix de Dieu, c'est faire une demande qui dépasse les limites de la capacité même de celui qui possède la connaissance la plus profonde de Dieu. Si, lorsque Paul eut rendu compte de sa conversion devant Agrippa, le sage Romain lui eût dit : « Tu as entendu la voix du Fils de Dieu ? Mais comment sais-tu que c'est réellement sa voix ? Quels sont les critères, les signes intrinsèques de la voix de Dieu ? Explique-moi la manière de la distinguer d'une voix humaine ou angélique ? » Pensez-vous que l'apôtre lui-même eût essayé de résoudre une question si vaine ? Et pourtant on ne peut douter que du moment qu'il entendit cette voix, il ne sût que c'était la voix de Dieu. Mais comment le sut-il ? C'est peut-être ce que ni homme ni ange ne pourrait expliquer.

Soyons plus rigoureux encore : Dieu dit maintenant à une âme : « Tes péchés te sont pardonnés  » ; Il veut sans doute que cette âme reconnaisse sa voix, autrement il parlerait en vain. Et il peut faire qu'elle la reconnaisse, car il n'a qu'à vouloir, et ce qu'il veut s'accomplit. Et c'est ce qui a lieu. Cette âme est absolument assurée que cette voix est la voix de Dieu. Néanmoins, celui qui a ce témoignage en lui-même ne peut l'expliquer à qui ne l'a pas ; et il ne faut pas même s'attendre à ce qu'il le puisse. S'il existait quelque moyen ordinaire, quelque méthode naturelle, pour expliquer les choses de Dieu à qui ne les éprouve point, il s'ensuivrait que l'homme naturel pourrait discerner et connaître les choses de l'Esprit de Dieu, ce qui est directement contraire à cette déclaration de saint Paul, « qu'il ne peut les connaître, parce qu'elles se discernent spirituellement », c'est-à-dire par des sens spirituels que n'a pas l'homme naturel.

« Mais comment connaître si mes sens spirituels sont en bon état ? » Cette question aussi est d'une immense importance ; car si l'on se trompe à cet égard, on peut se jeter dans des illusions sans fin. — Et qui me dit que ce n'est pas là mon cas et que je connais bien la voix du Saint-Esprit ? — Ce qui vous le dit, c'est précisément le témoignage de votre esprit ; c'est « la, réponse d'une bonne conscience devant Dieu ». C'est par les fruits qu'il a produits dans votre esprit que vous connaîtrez le témoignage de l'Esprit de Dieu ; c'est par là que vous saurez que vous ne vous faites aucune illusion et que vous ne vous abusez point vous-mêmes. Les fruits immédiats du Saint-Esprit dans un cœur où il règne, sont l'amour, la joie, la paix, les entrailles de miséricorde, l'humilité d'esprit, la débonnaireté, la douceur, le support. Et, au dehors, ils consistent à faire du bien à tous, à ne faire de mal à personne, à marcher dans la lumière, à rendre une obéissance empressée et constante à tous les commandements de Dieu.

Ces mêmes fruits vous feront distinguer cette voix de Dieu de toute séduction du diable. Cet esprit orgueilleux ne saurait te rendre humble devant Dieu. Il ne peut ni ne veut toucher ton cœur ni en fondre la dureté et la glace, d'abord par la repentance, et ensuite par l'amour filial. L'ennemi de Dieu et des hommes te disposerait-il à aimer les hommes ou à te revêtir de débonnaireté, de douceur, de patience, de tempérance et de toute l'armure de Dieu ? Il n'est pas divisé contre lui-même ; il n'est pas le destructeur du péché qui est son œuvre. Non, il n'y a que le Fils de Dieu qui vienne « détruire les œuvres du diable ». Autant il est certain que la sainteté est de Dieu et que le péché est du diable, autant il est certain que le témoignage que tu as en toi, n'est point du diable, mais de Dieu.

Tu peux donc bien t'écrier : « Grâces soient rendues à Dieu pour son don ineffable ! » Grâces soient à Dieu qui me donne de savoir en qui j'ai cru ; qui a envoyé dans mon cœur l'Esprit de son Fils, criant Abba, Père ! et rendant en ce moment même témoignage avec mon esprit que je suis enfant de Dieu ! — Et que ta vie, aussi bien que tes lèvres, publie sa louange. Il t'a « scellé » pour Lui-même ; « glorifie-Le donc dans ton corps et dans ton esprit qui Lui appartiennent ». Bien-aimé, si tu as dans ton âme cette espérance en Lui, purifie-toi toi-même, comme Lui aussi est pur. « Contemple » l'amour que le Père t'a témoigné en t'appelant enfant de Dieu, et en même temps « purifie-toi de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant la sanctification dans la crainte de Dieu », et que toutes tes pensées, tes paroles et tes œuvres soient un sacrifice spirituel saint et agréable à Dieu, par Jésus-Christ !

 


Romains 8,16

1746

 

« L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». (Ro 8 : 16)

 

I

Voici une vérité dont on ne peut mettre en doute l'importance, si l'on croit aux Ecritures comme à la Parole de Dieu ; une vérité qui n'y est pas révélée une fois seulement, ni obscurément, ni en passant ; mais fréquemment et en termes exprès, mais solennellement et directement, comme exprimant l'un des privilèges distinctifs des enfants de Dieu.

Et il est d'autant plus nécessaire de l'expliquer et de la défendre qu'il y a ici danger des deux côtés. Si nous la rejetons, il est à craindre que notre religion ne dégénère en un pur formalisme, et « qu'ayant la forme de la piété », nous n'en négligions, ou même n'en reniions la force ». Si nous l'admettons, mais sans la comprendre, il est à craindre que nous ne nous jetions dans tous les excès de l'exaltation. Il est donc nécessaire, au plus haut degré, de mettre en garde contre ces deux dangers ceux qui craignent Dieu, en leur donnant une explication et une confirmation scripturaire et rationnelle de cette vérité capitale.

Le besoin d'une telle exposition paraît d'autant plus grand qu'il existe si peu d'écrits sur la matière qui aient quelque clarté, à part quelques discours sur le côté défavorable de la question, et qui ont pour but de réduire à rien le témoignage direct du Saint-Esprit. Ces discours ont été occasionnés, on ne peut en douter, surtout par les rêveries indigestes, antiscripturaires et irrationnelles d'autres interprètes auxquels s'appliquaient ces paroles : « Ils n'entendent point ce qu'ils disent, ni les choses qu'ils assurent comme certaines ».

C'est surtout l'affaire des chrétiens qu'on appelle méthodistes de comprendre, d'expliquer, de défendre nettement cette doctrine ; car elle constitue une partie essentielle du témoignage que Dieu les a chargés de porter à tous les hommes. C'est par sa bénédiction sur leur étude de l'Écriture, confirmée par l'expérience de ses enfants, que cette grande vérité évangélique, si longtemps tenue sous le boisseau, a été remise en lumière.

 

II

Mais qu'est-ce que le témoignage de l'Esprit ? C'est une attestation que l'Esprit lui-même donne personnellement à notre esprit, et conjointement avec notre esprit. Et qu'atteste-t-il ? Il atteste que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage a pour résultat immédiat « les fruits de l'Esprit, savoir : la charité, la joie, la paix, la, patience, la douceur, la bonté  » ; et même sans eux il ne peut continuer, car il est inévitablement détruit, non seulement par un péché quelconque de commission ou d'omission quant aux devoirs extérieurs connus, mais encore par toute infidélité intérieure, en un mot, par tout ce qui « contriste le Saint-Esprit de Dieu ».

J'écrivais, il y a bien des années : « Il est difficile d'expliquer les choses profondes de Dieu dans le langage des hommes. Il n'y a réellement pas de mots qui puissent rendre complètement ce que Dieu, par son Esprit, opère chez ses enfants mais peut-être puis-je dire (et je prie toute âme enseignée de Dieu de me corriger, s'il le faut, en adoucissant ou rendant plus énergiques mes expressions) : Le témoignage de l'Esprit est l'impression immédiate et directe de l'Esprit de Dieu sur mon âme, par laquelle il témoigne au dedans de moi que je suis enfant de Dieu ; que Jésus-Christ m'a aimé et s'est donné pour moi, que tous mes péchés sont effacés, et que moi, oui, moi-même, je suis réconcilié avec Dieu ».

Après vingt années de réflexion, je ne trouve rien à rétracter dans ces paroles. Je ne vois même aucun changement à y faire qui puisse les rendre plus intelligibles. Tout ce que je puis dire, c'est que si quelque enfant de Dieu veut indiquer d'autres termes plus clairs ou plus conformes à la Parole de Dieu, je suis prêt à abandonner ceux-ci.

Qu'on veuille bien, cependant, remarquer que par là je n'entends point que ce témoignage de l'Esprit s'exprime par une voix extérieure, ni même toujours, quoique cela puisse avoir lieu quelquefois, par une voix intérieure. Je ne suppose pas non plus que ce soit toujours (quoique cela puisse souvent être le cas), en appliquant au cœur un ou plusieurs textes de l'Ecriture. Mais l'Esprit agit sur l'âme par son influence immédiate et par une opération puissante, quoique inexplicable ; de telle manière que les vents et les vagues s'apaisent et qu'il se fait un grand calme, le cœur se reposant doucement dans les bras de Jésus, et le pécheur recevant une pleine conviction que Dieu n'est plus irrité, que toutes ses iniquités sont pardonnées, que tous ses péchés sont couverts.

Quel est donc, à cet égard, le problème à résoudre Ce n'est point s'il y a un témoignage de l'Esprit, ni si l'Esprit rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. On ne peut le nier sans contredire nettement les Ecritures, sans accuser de mensonge le Dieu de vérité. Qu'il y ait donc un témoignage de l'Esprit, c'est ce qui est concédé par tous les partis.

Il ne s'agit pas non plus de savoir s'il y a un témoignage, une attestation indirecte que nous sommes enfants de Dieu. Ce témoignage revient à peu près, sinon tout à fait, au témoignage d'une bonne conscience devant Dieu ; c'est le résultat rationnel de la réflexion sur ce que nous sentons dans nos âmes. C'est, rigoureusement parlant, une conclusion tirée en partie de la Parole de Dieu, en partie de notre propre expérience. La Parole de Dieu dit que quiconque a les fruits de l'Esprit est enfant de Dieu ; l'expérience ou le sentiment intérieur me dit que j'ai les fruits de l'Esprit, et de là je conclus rationnellement, que je suis donc enfant de Dieu. Chacun est d'accord là-dessus, et ce n'est pas non plus l'objet de la controverse.

Nous ne soutenons d'ailleurs pas qu'il puisse y avoir un témoignage réel de l'Esprit sans les fruits de l'Esprit. Nous soutenons, au contraire, que du témoignage de l'Esprit naissent immédiatement les fruits de l'Esprit ; sans doute pas toujours au même degré, même dans la première force du témoignage et encore moins après. La joie et la paix n'ont pas un niveau fixe, ni l'amour non plus ; le témoignage lui-même varie également en force et en clarté.

Mais le point en question, c'est de savoir s'il existe ou non un témoignage direct de l'Esprit ; s'il y a un témoignage de l'Esprit en dehors de celui qui résulte de la conscience des fruits de l'Esprit.

 

III

Je crois qu'il y a un tel témoignage, car c'est ce que dit évidemment le texte : « L'Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». Il indique évidemment deux témoins qui attestent ensemble le même fait : l'Esprit de Dieu et notre esprit. Le prédécesseur de l'évêque actuel de Londres, dans son sermon sur ce texte, paraît surpris qu'on puisse en douter, tant la chose est manifeste. « Or l'un de ces témoignages, dit l'évêque, savoir celui de notre esprit, c'est la conscience de notre sincérité ». On pourrait dire un peu plus clairement : C'est la conscience des fruits de l'Esprit. Notre esprit sentant en lui-même ces fruits, « la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté », conclut aisément de ces prémisses que nous sommes enfants de Dieu.

Il est vrai que cet homme distingué suppose que l'autre témoignage est « la conscience de nos bonnes œuvres ». C'est là le témoignage du Saint-Esprit, nous assure-t-il, mais c'est déjà impliqué dans le témoignage de notre esprit, et la sincérité, même dans le sens ordinaire des mots, s'étend jusque-là. Quand l'apôtre dit : « Ce qui fait notre gloire, c'est le témoignage de notre conscience, que nous nous sommes conduits, dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu » , — le mot sincérité se rapporte sans doute au moins autant aux actions et aux paroles qu'aux dispositions du cœur Il n'y a donc toujours là qu'un seul témoignage, et la conscience de nos bonnes œuvres n'est qu'une forme de la conscience de notre sincérité. Mais le texte parle de deux témoignages ; l'un des deux est donc évidemment autre chose que la conscience de nos bonnes œuvres ou de notre sincérité, ces deux choses étant évidemment renfermées dans le témoignage de notre esprit.

Quel est donc l'autre témoignage ? Le verset qui précède le montrerait aisément, si notre texte n'était pas suffisamment clair : « Vous n'avez pas reçu un esprit de servitude, mais l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ». C'est cet Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.

Voyez encore le texte parallèle (Gal 4,6.) « et parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l'Esprit de son Fils, lequel crie : Abba, Père ! » N'est-ce pas là quelque chose d'immédiat ou de direct, qui ne résulte ni de la réflexion, ni de l'argumentation ? Et cet Esprit ne crie-t-il pas dans nos cœurs Abba, Père ! dès l'instant qu'il est donné, avant toute réflexion sur notre sincérité, avant tout raisonnement ? N'est-ce pas là le sens clair et naturel des mots, qui se présente dès l'abord à celui qui les lit ou les entend ? Ainsi donc ces textes, dans leur sens le plus simple, décrivent un témoignage direct du Saint-Esprit.

Ce témoignage de l'Esprit de Dieu doit nécessairement précéder celui de notre esprit. Car avant de nous sentir saints de cœur et de vie, il faut que nous le soyons. Mais pour être saints, il nous faut aimer Dieu, car l'amour est la source de toute sainteté, et nous ne pouvons l'aimer que lorsque nous savons qu'Il nous aime. Or nous ne pouvons connaître l'amour de Dieu pour nous, avant que le Saint-Esprit ne rende témoignage de cet amour à notre esprit ; jusque-là nous ne pouvons y croire, nous ne pouvons dire : « Si je vis, je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et, qui s'est donné Lui-même pour moi ».

C'est alors seulement que notre âme coupable,

Eprouve la vertu de son sang précieux,

Qu'elle peut s'écrier, en sa joie ineffable :

Mon Seigneur et mon Dieu !

Puisque ce témoignage du Saint-Esprit précède tout amour pour Dieu et toute sainteté, il précède aussi nécessairement le sentiment intérieur que nous en avons.

Et c'est ici proprement que cette doctrine scripturaire vient trouver sa confirmation dans l'expérience des enfants de Dieu ; non pas dans l'expérience de deux ou de trois, ou d'un petit nombre, mais d'une grande multitude que personne ne peut compter. Elle a été confirmée, dans ce siècle et dans tous les siècles, dans la vie et dans la mort, par une nuée de témoins. Elle est confirmée par votre expérience et par la mienne. L'Esprit lui-même rendit témoignage à mon esprit que j'étais enfant de Dieu, il m'en donna l'évidence, et je m'écriai aussitôt : « Abba, c'est-à-dire Père ! » Et je le fis, comme vous aussi, préalablement à toute réflexion ou à toute assurance quant aux fruits de l'Esprit. Ce fut du témoignage une fois reçu que découlèrent ces fruits de l'Esprit : l'amour, la joie, la paix et tous les autres. Dieu me dit : Tes péchés sont remis, Jésus est ton Sauveur ! J'écoutai, et le ciel descendit dans mon cœur !

Mais cette confirmation n'est pas seulement dans l'expérience des enfants de Dieu, — qui viennent par milliers déclarer que jamais ils n'eurent l'assurance de la faveur de Dieu avant que le témoignage ne leur en fût donné directement par l'Esprit, mais elle est encore dans l'expérience de tous ceux qui sont convaincus de péché, et qui sentent que la colère de Dieu pèse sur eux. A tous ceux-ci il ne faut rien moins qu'un témoignage direct de son Esprit, pour croire qu'il est apaisé envers leurs injustices, et qu'il « ne se souvient plus de leurs péchés ». Dites à l'un d'eux Vous connaîtrez que vous êtes enfant de Dieu, en réfléchissant sur ce qu'Il a opéré en vous, sur votre amour, votre joie, votre paix ; ne vous répondra-t-il pas aussitôt : Tout ce que je connais par là, c'est que je suis enfant du diable ? Je n'ai pas plus d'amour pour Dieu que le démon ; mon cœur charnel est inimitié, contre Dieu. Je n'ai pas la joie du Saint-Esprit ; mon âme est accablée d'une tristesse mortelle, Je n'ai point de paix ; mon cœur est une mer en tourmente ; en moi, tout est orage et tempête. — Et comment est-il possible que ces mêmes âmes soient consolées, si ce n'est, non par le témoignage de leur bonté, de leur sincérité, de la conformité de leur cœur et de leur vie aux Ecritures, mais par l'assurance divine que Dieu justifie le méchant ? qu'il justifie celui qui, tant qu'il n'est pas justifié, est méchant, dépourvu de toute vraie sainteté ; celui qui ne fait pas les œuvres, qui n'en peut raire de bonnes, jusqu'à ce qu'il se sache accepté par Dieu, non à cause des œuvres de justice qu'il a faites, mais par la pure et libre grâce de Dieu, uniquement à cause de ce que le Fils de Dieu a fait et souffert pour lui. Et pourrait-il en être autrement, puisque l'homme est justifié par la foi, sans les œuvres de la loi ? Dès lors quel mérite peut-il se reconnaître au dedans ou au dehors, avant sa justification ? Que dis-je ? N'avoir rien pour payer nos dettes, c'est-à-dire, savoir qu'il n'habite en nous aucun bien, que nous sommes dépourvus, au dedans et au dehors, de tout mérite, n'est-ce pas la condition essentielle, absolument nécessaire pour que nous soyons « justifiés gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ? » Depuis que le Sauveur est venu dans le monde, qui fut jamais justifié, qui pourra jamais l'être, à moins qu'il ne dise :

Je renonce à jamais à plaider devant Toi,

J'étais damné, Seigneur, mais tu mourus pour moi...

Quiconque donc renie ce témoignage, renie, par le fait, la justification par la foi. Il s'ensuit ou qu'il n'a jamais éprouvé cette grâce, qu'il n'a jamais été justifié, ou « qu'il a oublié, comme dit saint Pierre, la purification de ses anciens péchés », l'expérience qu'il fit alors lui-même, la manière dont Dieu opéra dans son âme quand ses péchés précédents furent effacés. Il n'est pas jusqu'à l'expérience des enfants du monde qui ne confirme ici celle des enfants de Dieu. Il en est plusieurs qui voudraient plaire à Dieu ; il en est qui font de grands efforts pour-lui être agréables ; mais tous ensemble ne s'accordent-ils pas à traiter d'absurde l'assurance actuelle du pardon des péchés ? Qui d'entre eux prétend jamais à rien de pareil ? Et pourtant il en est plusieurs qui ont conscience de leur sincérité ; plusieurs, sans aucun doute, qui ont, à quelque degré, le témoignage de leur propre esprit, la conscience de leur droiture. Mais cela ne leur donne pas le sentiment d'être pardonnés ; ils ne savent pas pour cela s'ils sont enfants de Dieu. Et même, plus ils sont sincères, plus l'incertitude où ils sont sur ce point les rend en général inquiets ; preuve évidente qu'à cet égard le simple témoignage de notre esprit ne peut suffire, et qu'il faut que Dieu nous témoigne directement par son Esprit que nous sommes ses enfants.

 

IV

Mais à cela on a fait nombre d'objections dont il peut être utile d'examiner les principales.

1. On a dit : « L'expérience ne suffit pas a prouver une doctrine qui n'est pas fondée sur l'Ecriture ». Vérité indubitable et vérité importante, mais qui n'a rien à faire ici ; au contraire, c'est à bon droit que l'expérience est invoquée à l'appui de cette doctrine, puisqu'on a vu qu'elle est fondée sur l'Ecriture.

« Mais des fous ; des visionnaires qui se sont dits prophètes et toutes sortes d'exaltés ont cru éprouver ce témoignage ». — Il est vrai, et plusieurs peut-être l'éprouvèrent en effet, quoique sans le conserver longtemps ; mais s'ils ne l'éprouvèrent pas, il n'en résulte nullement que d'autres ne l'aient point éprouvé. De ce qu'un fou peut s'imaginer être roi, il ne résulte pas qu'il n'y ait point de rois.

« Il en est même, dit-on, parmi les grands avocats de cette doctrine, qui ont fort décrié la Bible ». — Peut-être, mais non par une conséquence nécessaire : des milliers d'âmes plaident pour elle, qui ont la plus grande estime pour la Bible. — « Oui, mais par là plusieurs sont tombés dans une fatale illusion, et ont endurci leur cœur contre toute conviction ». — Peut-être, mais une doctrine scripturaire ne doit pas être considérée comme mauvaise, pour l'abus qu'en font les hommes à leur propre perdition.

On dit encore : « Mais on ne peut contester que le témoignage de l'Esprit, ce sont les fruits de l'Esprit ». Nous le contestons ; des milliers d'âmes le contestent et même le nient formellement : mais passons. — « Si ce témoignage suffit, ajoute-t-on, pourquoi en chercher un autre ? Mais il nous suffit, sauf dans deux cas :

1° Dans l'absence totale des fruits de l'Esprit ». — Or nous avons vu qu'il y a absence de ces fruits, au moment où le témoignage direct est premièrement donné.

2° « Lorsqu'on n'aperçoit point ces fruits ; mais prétendre alors à ce témoignage, c'est prétendre être dans la faveur de Dieu, sans le savoir ». — Oui, sans le savoir alors autrement que par le témoignage direct que Dieu donne. Car c'est là ce que nous soutenons ; nous soutenons que le témoignage direct peut briller clairement, même pendant que le, témoignage indirect est couvert d'un nuage.

2. On a dit en second lieu : « Le but du témoignage en question serait de prouver que notre profession de christianisme est sincère. Mais il ne le prouve pas ». — Je réponds que ce n'est pas là le but. Ce témoignage précède toute profession, si ce n'est la profession de notre perdition ; de notre culpabilité. Son but, c'est de donner au pécheur l'assurance d'être enfant de Dieu, l'assurance d'être « justifié gratuitement par grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ ». Et ceci, loin de supposer que ses pensées, ses paroles et ses actions étaient déjà conformes à la règle des Ecritures, suppose juste le contraire, suppose qu'il était entièrement pécheur, dans son cœur et dans ses actions. Car sans cela Dieu justifierait les justes, ce seraient leurs bonnes œuvres qui leur seraient imputées à justice. Et je crains bien que l'idée de la justification par les œuvres ne soit à la base de toutes ces objections ; car si quelqu'un croit de cœur que Dieu justifie en imputant la justice sans les œuvres, il n'hésitera point à admettre que le témoignage du Saint-Esprit en précède les fruits.

3. On a dit : « Nous trouvons dans l'un des Évangiles, que Dieu donnera le Saint-Esprit à tous ceux qui le lui demandent ; et dans un autre Évangile, dans le passage parallèle, il est dit que Dieu leur donnera de bonnes choses, ce qui prouve de reste que l'Esprit rend témoignage par le don de « ces bonnes choses ». Mais rien ne prouve qu'il soit question dans ces textes du témoignage de l'Esprit. Qu'on le démontre un peu mieux, et nous répondrons.

4. On objecte aussi : « Nous lisons dans l'Écriture : L'arbre se connaît par ses fruits ; éprouvez toutes choses ; éprouvez les esprits ; éprouvez-vous vous-mêmes ». Oui, sans doute. Que chacun donc s'éprouve soi-même, s'il croit avoir en lui ce témoignage, pour voir s'il vient de Dieu : il est de Dieu si les fruits en découlent ; s'il en est autrement il ne vient pas de Dieu. Car certainement l'arbre sera connu par son fruit. — « Mais la Bible n'en appelle jamais au témoignage direct ». Isolément, non sans doute, mais bien dans son union avec l'autre témoignage, comme déclarant avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Et qui prouvera qu'il n'est pas ainsi invoqué dans la suite même du texte qu'on cite : « Examinez-vous vous-mêmes, pour voir si vous êtes dans la foi ? Éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? » Il faudrait démontrer qu'il ne s'agit pas ici d'un. témoignage direct aussi bien qu'indirect ; qu'est-ce qui prouve qu'ils ne devaient pas reconnaître cela, d'abord par un sentiment intérieur, puis par l'amour, la joie, la paix et les autres fruits de l'Esprit ?

« Mais la Bible en appelle constamment au témoignage qui résulte d'un changement intérieur et extérieur ». — D'accord ; et nous aussi nous en appelons constamment à ce changement, pour confirmer le témoignage de l'Esprit.

« Vous-mêmes, par tous les caractères que vous indiquez pour distinguer l'opération de Dieu des illusions, vous en appelez au changement intérieur et extérieur opéré en nous ! » — Ceci est encore incontestable.

5. Autre objection.

« Le témoignage, direct de l'Esprit ne nous met point à l'abri des plus grandes illusions. Quelle confiance mérite un témoignage sur lequel on ne peut s'assurer et qui doit chercher ailleurs qu'en lui-même la preuve de ce qu'il avance ? » — Je réponds : Pour nous préserver de toute illusion, Dieu nous donne ; de notre adoption un double témoignage. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu, a joint. Réunis, les deux témoignages sont indubitables et l'on peut s'y fier entièrement. Ils sont de nature à inspirer la plus haute confiance et n'ont pas besoin de chercher ailleurs la preuve de ce qu'ils avancent.

« Quant au témoignage direct, il se borne à affirmer mais sans rien prouver ». — Par deux témoins, toute parole sera, confirmée. Si, comme Dieu le veut, l'Esprit rend témoignage avec notre esprit, il donne pleinement la preuve que nous sommes enfants de Dieu.

6. On dit encore : « Vous accordez que le changement opéré est un témoignage suffisant, sauf dans des épreuves extraordinaires, telle que celle que Notre Seigneur endura sur la croix. Or, nul de nous ne peut être exposé à une semblable épreuve ». — Mais vous et moi, comme tout enfant de Dieu, nous pouvons être éprouvés de telle sorte que, sans te témoignage direct de l'Esprit de Dieu, nous ne puissions conserver notre confiance filiale en Lui.

7. On dit enfin : « Les plus grands défenseurs de cette doctrine comptent parmi les hommes les plus orgueilleux et les moins charitables ». — Il se peut que les plus ardents de ses défenseurs ne soient ni charitables ni humbles ; mais plusieurs de ses plus fermes appuis sont éminemment débonnaires et humbles de cœur, et d'ailleurs, à tous égards, les fidèles imitateurs de l'Agneau.

Les objections qui précédent sont les plus considérables que j'aie entendues, et elles contiennent, je crois, tout le nerf du débat. Néanmoins je m'assure que l'homme calme ; et impartial qui voudra les peser et les comparer avec les réponses, verra aisément que loin de la détruire elles n'affaiblissent en aucune manière l'évidence de cette grande vérité que l'Esprit de Dieu témoigne directement aussi bien qu'indirectement que nous sommes enfants de Dieu.

 

V

Résumons-nous : Le témoignage de l'Esprit est une impression intérieure sur l'âme des croyants, par laquelle l'Esprit de Dieu témoigne directement à leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu. Et la question n'est pas de savoir s'il y a un témoignage de l'Esprit, mais s'il y en a un direct, différent de celui qui résulte de la conviction d'avoir les fruits de l'Esprit. Nous croyons qu'un tel témoignage existe parce que c'est le sens clair et naturel du texte mis en lumière par le verset qui précède et par le passage parallèle de l'Epître aux Galates ; nous le croyons parce que, naturellement, le témoignage doit précéder le fruit dont il est la source ; et parce que cette interprétation toute simple est confirmée par l'expérience de la grande nuée des enfants de Dieu, par l'expérience de toutes les âmes qui sont sous la loi, qui ne peuvent trouver de repos jusqu'à ce qu'elles aient un témoignage direct ; et même par le témoignage des enfants du monde qui, n'ayant pas ce témoignage en eux-mêmes, prétendent tous qu'on ne peut avoir l'assurance du pardon des péchés.

Et quant aux objections, savoir : que l'expérience ne suffit pas pour prouver une doctrine qui n'est pas appuyée sur l'Ecriture ; — que des fous et des exaltés de toutes sortes ont rêvé un tel témoignage ; — que ce témoignage ne répond pas à son but qui est, à ce qu'on prétend, de prouver la sincérité de notre profession ; — que l'Ecriture dit : « On connaît l'arbre à son fruit  » ; « examinez-vous, éprouvez vous vous-mêmes  » ; — qu'elle n'en appelle d'ailleurs jamais au témoignage direct ; — que ce témoignage ne nous préserve pas des plus grandes illusions, — et qu'enfin le changement du cœur est un témoignage toujours suffisant, sauf dans des épreuves pareilles à celles que Christ seul a endurées ; — Je réponds :

1° l'expérience suffit pour confirmer une doctrine qui est basée sur l'Ecriture ;

2° quoique plusieurs croient éprouver ce qu'ils n'éprouvent point, cela ne préjuge ; rien contre une expérience réelle ;

3° ce témoignage répond à son but qui est de nous assurer que nous sommes enfants de Dieu ;

4° le vrai témoignage de l'Esprit est connu par ses fruits « l'amour, la joie, la paix », dont il n'est point précédé mais suivi ;

5° on ne peut dire que le témoignage direct, aussi bien que l'indirect, ne soit pas indiqué même dans ce texte : « Ne connaissez-vous pas vous-mêmes que Jésus-Christ est en vous ? »

6° le témoignage de l'Esprit de Dieu, joint à celui de notre esprit, nous préserve réellement de toute illusion ;

7° enfin nous sommes tous sujets à des épreuves où le témoignage de notre esprit est insuffisant, où il ne nous faut rien moins que le témoignage direct de l'Esprit de Dieu pour être assurés que nous sommes ses enfants.

De tout ceci, tirons deux conséquences :

1° que personne ne présume de s'appuyer sur un prétendu témoignage de l'Esprit, séparé des fruits de l'Esprit. Si l'Esprit de Dieu témoigne réellement que nous sommes enfants de Dieu, il en résulte immédiatement les fruits de l'Esprit, « la charité, la joie, la paix, la patience, la débonnaireté, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance ». Et. bien que ces fruits puissent être voilés pour un temps, dans des moments de forte tentation, et qu'ils se cachent à celui que Satan crible comme le blé, la substance en demeure pourtant, même sous le plus épais nuage. Sans doute, dans cette heure d'épreuve, la joie du Saint-Esprit pourra se retirer, l'âme pourra être accablée de tristesse, dans l'heure de la puissance des ténèbres  » ; mais cette grâce même est généralement rendue avec usure, jusqu'à ce que nous puissions nous réjouir d'une joie ineffable et glorieuse.

2° Que nul ne s'appuie sur de prétendus fruits de l'Esprit, sans le témoignage. Il peut y avoir des avant goûts de joie, de paix, d'amour, qui ne soient pas des illusions et qui viennent réellement de Dieu, bien avant que nous avons le témoignage en nous, et que l'Esprit de Dieu témoigne avec notre esprit que nous avons « la rédemption par le sang de Jésus, savoir la rémission des péchés ». Oui, il peut y avoir ; non pas une ombre, mais, par la grâce prévenante de Dieu, en réalité un certain degré de patience, de douceur, de fidélité, de débonnaireté, de tempérance, avant d'être rendus agréables dans le Bien-aimé et certainement avant qu'on puisse en avoir le témoignage ; mais il ne convient nullement de s'arrêter là ; nous ne pouvons le faire qu'au péril de nos âmes. Si nous sommes sages, nous ne cesserons de crier à Dieu, jusqu'à ce que son Esprit crie dans notre cœur « Abba, Père ! » c'est là le privilège de tous les enfants de Dieu, et sans cela nous ne pouvons être assurés que nous sommes ses enfants. Sans cela, nous ne pouvons conserver une paix solide ni éviter des craintes et des doutes désolants. Mais dès que nous avons reçu l'Esprit d'adoption, cette « paix qui surpasse toute intelligence », et qui « bannit la crainte, garde nos cœurs et nos esprits en Jésus-Christ ». Et lorsque cet Esprit a produit son fruit, toute vraie sainteté au dedans et au dehors, la volonté de Celui gui nous a appelés est, sans aucun doute, de nous donner toujours ce qu'Il nous a une fois donné ; en sorte qu'il n'est pas nécessaire d'être jamais plus privés, ni du témoignage de l'Esprit de Dieu, ni du témoignage de notre esprit, de l'assurance que nous marchons dans la justice et dans la vraie sainteté.

 

2 Corinthiens 1,12

1746

 

« Ce qui fait, notre gloire (Dans la traduction anglaise il a, notre joie. De là la manière dont le texte est entendu ici.) c'est le témoignage que notre conscience nous rend, que nous nous sommes conduits dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelles, mais avec la grâce de Dieu ». (2Co 1 : 12)

 

Tel est le langage de quiconque croit véritablement en Christ, aussi longtemps qu'il demeure dans la foi et dans l'amour. « Celui qui me suit » , dit le Seigneur, « ne marchera point dans les ténèbres  » ; et tandis qu'il a la lumière, il se réjouit en elle ; comme il a « reçu le Seigneur Jésus, il marchera en lui  » ; et tandis qu'il marche en lui, l'objet de cette exhortation de l'apôtre :

« réjouissez-vous toujours en Notre seigneur ; je vous le dis encore, réjouissez-vous », se réalise chaque jour dans son âme.

Mais pour que notre maison ne soit point bâtie sur le sable — de peur que la pluie venant à tomber, les torrents à se déborder et les vents à souffler, et à fondre sur elle, cette maison ne tombe et que sa ruine ne soit grande, — je me propose dans ce discours d'indiquer la nature et les fondements de cette joie chrétienne. Nous savons d'une manière générale, que c'est une douce paix, une calme satisfaction d'esprit procédant du témoignage de sa conscience, dont parle ici l'apôtre. Mais pour mieux comprendre ceci, il sera nécessaire de peser toutes ses expressions, par où nous verrons aisément ce qu'il faut entendre par la conscience et par son témoignage, et comment celui qui a ce témoignage, se réjouit sans cesse.

Et d'abord que faut-il entendre par la conscience ? que signifie ce mot que chacun répète ? On croirait la réponse très difficile, à voir le nombre de volumes qu'on a écrits sur le sujet et comme on a mis à contribution tous les trésors de l'érudition ancienne et moderne pour l'expliquer. Encore est-il à craindre que toutes ces recherches savantes ne l'aient guère éclairé. La plupart de ces auteurs ne l'ont-il pas au contraire embrouillé, « obscurcissant le conseil par des paroles sans science », et rendant difficile ce qui est en soi-même simple et facile à comprendre ? Mettez de côté, en effet, les mots inintelligibles et la chose sera bientôt claire pour tout homme droit de cœur.

Dieu nous a créés des êtres pensants, capables de percevoir les choses du présent et de nous rappeler par la réflexion celles du passé. En particulier, nous sommes capables de percevoir ce qui se passe dans nos cœurs et dans notre vie ; de savoir ce que nous sentons ou faisons, et cela, soit au moment même, soit lorsque la chose est passée. C'est dans ce sens que nous disons que l'homme est un être conscient, qu'il a la conscience ou la perception intime de son passé et de son présent, de ses dispositions et de sa conduite. Mais le mot conscience a ordinairement un sens plus étendu. Il n'implique pas simplement la connaissance de notre vie présente ou passée. Rappeler par son témoignage les choses passés ou présentes, c'est l'un des offices de la conscience, mais ce n'est pas le principal : sa grande affaire c'est d'excuser ou d'accuser, d'approuver ou de désapprouver, de condamner ou d'absoudre.

Il est vrai que quelques écrivains modernes emploient ici plus volontiers un nouveau terme, celui de sens moral ; mais la vieille appellation paraît préférable à la nouvelle, ne serait-ce que parce qu'elle est plus connue et plus usuelle, et par cela même plus intelligible. Les chrétiens ont d'ailleurs un motif irrécusable pour la préférer, c'est qu'elle est scripturaire ; c'est le terme dont il a plu à la sagesse divine de se servir dans les écrits inspirés.

Et suivant le sens dans lequel ce terme y est ordinairement employé, particulièrement dans les Épîtres de saint Paul, nous pouvons entendre par conscience, la faculté que Dieu a implantée dans toute âme d'homme, de percevoir ce qui est bien ou mal dans son cœur ou dans sa vie, dans ses dispositions, ses pensées, ses paroles et ses actions.

Mais quelle est la règle par laquelle les hommes doivent juger du bien ou du mal, la règle qui doit diriger leur conscience ? La règle des païens, comme l'apôtre l'enseigne ailleurs, c'est la loi écrite dans leur entendement ; « n'ayant point la loi », non, dit-il, « ils se tiennent lieu de loi eux-mêmes, montrant que ce qui est prescrit par la loi est écrit dans leurs cœurs » par le doigt de Dieu ; « puisque, leur conscience leur rend témoignage et que leurs pensées les accusent ou les défendent. (Ro 2 : 14,15) ; mais, pour les chrétiens, la règle pour distinguer le bien du mal c'est la parole de Dieu, ce sont les écrits de l'Ancien et du Nouveau Testament ; c'est tout ce que les prophètes et les saints hommes des temps anciens ont écrit, étant poussés par le Saint-Esprit ; c'est toute cette « Écriture divinement inspirée qui est utile pour enseigner » tout le conseil de Dieu, « pour reprendre », pour condamner, ce qui y est contraire, « pour corriger » l'erreur et pour nous « instruire ou nous élever dans la justice (1Ti 3 : 16)  ».

Le chrétien voit en elle la lampe de ses pieds, la lumière de son sentier. Elle seule est sa règle pour juger du juste et de l'injuste, du bien ou du mal. Rien n'est bon à ses yeux que ce qu'elle prescrit soit directement, soit par une déduction inattaquable ; rien n'est mal que ce qu'elle défend, soit expressément, soit par la conséquence certaine de son enseignement. Ce que l'enseignement direct ou indirect de l'Ecriture ne prescrit ni ne défend, il le retarde comme chose indifférente ; comme n'étant en soi ni bien ni mal ; car la règle extérieure qu'elle lui fournit suffit pleinement à diriger sa conscience, et c'est la seule qu'il reconnaisse.

Et si, dans le fait, il se dirige par cette règle, alors il a « la réponse d'une bonne conscience devant Dieu ». Une bonne conscience, c'est ce que l'apôtre appelle ailleurs « une conscience sans reproche ». Ainsi ce qu'il exprime dans une occasion en disant : « j'ai vécu jusqu'à ce jour en toute bonne conscience devant Dieu (Act 23 : 1) », il le répète ailleurs en ces termes : « Je travaille à avoir toujours la conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes (Act 24 : 16)  ». Mais pour cela quatre choses sont indispensables :

1° Une droite intelligence de la parole de Dieu, de sa « volonté bonne, agréable et parfaite » à notre égard, telle qu'elle s'y trouve révélée, car il est impossible de marcher d'après une règle qu'on ne comprend point.

2° Une connaissance, hélas, bien rare, la connaissance de nous-mêmes, la connaissance de notre cœur et de notre vie ; de nos dispositions au dedans et de notre conduite au dehors ; car, sans connaître ces choses, il est impossible, que nous les comparions avec notre règle.

3° L'accord de notre cœur, de notre vie, de nos dispositions, de notre conduite de nos pensées, de nos paroles, de nos œuvres, avec cette règle, avec les Ecritures de Dieu. Car sans cela, notre conscience, si nous en avons une, est une mauvaise conscience.

4° Enfin, une perception intérieure de cet accord ; et c'est précisément dans cette perception, dans ce sentiment intérieur, habituel, que consiste cette bonne conscience cette conscience sans reproche, dont parle l'apôtre.

Mais que celui qui désire avoir cette conscience sans reproche, prenne garde d'en bien poser le fondement. Qu'il se souvienne que « nul ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ », et qu'il se souvienne de plus, que nul ne peut bâtir sur lui, si ce n'est par une foi vivante, que nul n'est rendu participant de Christ, jusqu'à ce qu'il puisse rendre clairement ce témoignage : « Je vis par la foi au Fils de Dieu », maintenant révélé. dans mon cœur, « qui m'a aimé. et qui s'est donné lui-même pour moi ». La foi seule est cette évidence, cette conviction, cette démonstration des chose invisibles, par laquelle, les yeux de notre entendement étant ouverts, et la lumière divine venant les éclairer, nous « voyons les merveilles de la loi de Dieu, nous en voyons l'excellence, la pureté, nous voyons la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur de cette loi et de tous les commandements qu'elle contient. C'est par la foi que « contemplant la lumière de la gloire de Dieu en la face de Jésus-Christ », nous voyons comme dans un miroir, tout ce qui est en nous, tous les mouvements les plus secrets de nos âmes. Et c'est par elle seule que peut se répandre dans nos cœurs ce saint amour de Dieu qui nous rend capables de nous aimer les uns les autres comme Christ nous a aimés. Par elle s'accomplit pour tout « l'Israël de Dieu » cette promesse pleine de grâce : « Je mettrai mes lois dans leur esprit et les graverai dans leur cœur (Heb 8 : 10) ; » par où leur âme est mise en complet accord avec sa sainte et parfaite loi, « toutes leurs pensées étant amenées captives à l'obéissance de Christ ».

Et comme un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits, de même un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits. Ainsi la vie du croyant, aussi bien que son cœur, est mise en complet accord avec la. règle des commandements de Dieu ; et c'est dans le sentiment de cet accord, qu'il peut rendre gloire à Dieu et répéter avec l'apôtre : « Ce qui fait notre joie, c'est le témoignage que nous rend notre conscience que nous nous sommes conduits dans le monde, en simplicité et en sincérité devant Dieu, non point avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu ».

« Nous nous sommes conduits ». Le sens du terme. original est extrêmement large, il embrasse tout ce. qui se rapporte, soit à notre corps, soit à notre âme. Il comprend tous les mouvements de notre cœur, il s'étend à chacune de nos actions et de nos paroles, à l'emploi de tous nos membres et de toutes nos facultés, à la manière de faire valoir, pour Dieu ou pour les hommes, tout talent que nous pouvons avoir reçu.

« Nous nous sommes conduits dans le monde  » ; même dans le monde des impies : non pas seulement parmi les enfants de Dieu (ce qui serait comparativement peu de chose), mais parmi les enfants du diable, parmi ceux qui sont « plongés dans le mal » ou qui « sont dans le malin ». Quel monde que celui-là ! comme il est imprégné et pénétré de l'esprit qu'il respire sans cesse ! Si notre Dieu est bon et fait ce qui est bon, le Dieu de ce monde et tous ses enfants sont méchants, et, autant que Dieu le permet, ils se montrent méchants en faisant du mal à tous les enfants de Dieu. Comme leur père, les méchants se tiennent aux aguets, ou rôdent autour des fidèles, cherchant qui ils pourront dévorer, usant de fraude ou de force, de ruses secrètes ou de violence ouverte, pour faire périr ceux qui ne sont pas du monde. Ils ne cessent de faire la guerre à nos âmes, cherchant par l'emploi de vieilles ou de nouvelles armes, et par toutes sortes d'artifices, à les ramener dans les pièges du diable, et dans la route large qui mène à la perdition.

C'est dans un tel monde que nous nous sommes conduits, en toutes choses, « en simplicité et en sincérité ». D'abord en simplicité : c'est-à-dire avec cet oeil simple que recommande le Seigneur. « L'oeil est la lumière du corps. Si donc ton oeil est sain, tout ton corps sera éclairé ». En d'autres termes, ce que l'oeil est au corps, l'intention l'est à toutes nos actions et à toutes nos paroles : si donc cet oeil de ton âme est sain, ou simple, toutes tes paroles et actions seront pleines de lumière, pleines de la lumière des cieux, d'amour, de paix et de joie par le Saint-Esprit.

Nous sommes simples de cœur quand l'oeil de notre esprit n'est fixé que sur Dieu ; quand Dieu seul est, en toutes choses, notre but ; quand il est notre Dieu, notre portion, notre force, notre bonheur, notre grande récompense, notre tout, pour le temps et l'éternité. Nous avons la simplicité, lorsque le ferme dessein, l'intention unique de le glorifier, de nous soumettre et de nous conformer à sa sainte volonté, pénètre notre âme, remplit tout notre cœur, et est le ressort constant de toutes nos pensées, de tous nos désirs et de toutes nos résolutions.

En second lieu, nous nous sommes conduits dans ce monde et devant Dieu « en sincérité ». Voici quelle paraît être la différence entre ces deux termes : la simplicité concerne l'intention elle-même, et la sincérité l'exécution de cette intention ; et cette sincérité ne se rapporte pas seulement à nos paroles, mais, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à toute notre manière de vivre. Il ne faut pas l'entendre ici dans le sens restreint où saint Paul lui-même l'emploie quelquefois, comme synonyme de dire la vérité ou de s'abstenir de fraude, de ruse, de dissimulation ; mais dans un sens plus étendu, comme atteignant en effet le but que se propose la simplicité. Ici donc elle implique, qu'en réalité, nous ne parlons et n'agissons que pour la gloire de Dieu ; que non seulement toutes nos paroles y tendent, mais qu'en effet elles y contribuent, que toutes nos actions suivent un cours égal uniformément subordonné à ce grand but ; et que, dans toute notre vie nous nous dirigeons continuellement, et tout droit, vers Dieu, poursuivant d'un pas ferme notre marche dans la route de la sainteté, dans les voies de la justice, de la miséricorde et de la vérité.

Cette sincérité, l'apôtre la désigne comme étant « devant Dieu », ou, plus exactement, comme une sincérité divine ; une « sincérité de Dieu », pour nous empêcher de la confondre avec la sincérité des païens (car ils avaient aussi l'idée d'une certaine sincérité, qui leur inspirait une grande vénération) et en, même temps pour indiquer quel en est l'objet et le but, comme de toute autre vertu chrétienne, puisque tout ce qui n'a pas, au fond, Dieu pour objet, tombe au niveau des « pauvres et misérables éléments du monde ». En l'appelant « sincérité de Dieu », il montre aussi qui en est l'auteur, savoir le « Père des lumières » de qui descend « toute grâce excellente et tout dont parfait  » ; mais il le déclare encore plus nettement en ajoutant : « non point avec une sagesse charnelle, mais avec la, grâce de Dieu.

« Non point avec une sagesse charnelle » : c'est comme s'il disait : « Nous ne pouvons nous conduire ainsi dans le monde, ni par quelque force innée de notre intelligence, ni par quelque science ou quelque sagesse acquise naturellement. Nous ne pouvons acquérir cette simplicité et pratiquer cette sincérité, ni à force de bon sens, ni par l'effet d'un bon caractère on d'une bonne éducation. Elles dépassent et toute, notre puissance de résolution et tous nos préceptes de philosophie. Nous n'y saurions être façonnés, ni par l'influence des moeurs, ni par l'éducation humaine la plus raffinée. Et moi Paul, je n'y pouvais atteindre, quels que fussent d'ailleurs mes avantages, tant que je demeurais dans la chair, dans mon état de nature, et que mes efforts n'avaient pour principe que la sagesse charnelle et naturelle ».

Et certes, si quelqu'un pouvait y atteindre par cette sagesse, Paul lui-même l'aurait pu : car il nous serait difficile de concevoir un homme mieux favorisé par les dons de la nature et de l'éducation : Outre que par sa capacité naturelle il ne le cédait probablement à aucun de ses contemporains, il avait encore les avantages que donne l'instruction, avant étudié à l'école de Tarse, puis aux pieds de Gamaliel qui, pour la science et l'intégrité, jouissait alors de la plus haute réputation chez les Juifs. Et, quant à l'éducation religieuse, rien ne lui manquait, car il était « pharisien, fils de pharisien » ayant été élevé dans cette secte ou profession, la plus exacte du judaïsme. Et, en cela même, il avait profité plus que tous ceux de son âge, ayant plus de zèle pour tout ce qu'il croyait être agréable à Dieu, et « quant à la justice de la loi, il était sans reproche ». Mais il était impossible qu'il parvînt par là à cette simplicité, à cette sincérité de Dieu. Tout ce travail fut en pure perte, comme il le montre bien en s'écriant dans le sentiment profond et saisissant de son impuissance « Ce qui m'était un gain je l'ai regardé comme une perte à cause de Christ ; et même je regarde toutes les autres choses comme une perte, en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ, mon Seigneur ! (Phi 3 : 7,8) »

Il était impossible qu'il parvînt jamais au but, autrement que par cette excellente connaissance de Jésus-Christ, notre Seigneur, ou, comme dit notre texte « par la grâce de Dieu ». Par « la grâce de Dieu », il faut quelquefois entendre cet amour, cette miséricorde gratuite et imméritée, par laquelle je suis, moi pécheur, réconcilié avec Dieu, par les mérites de Christ. Mais ici cette expression désigne plutôt cette efficace de Dieu le Saint-Esprit qui opère en nous « et la volonté et l'exécution selon son bon plaisir ». Dès l'instant que la grâce de Dieu, dans le premier sens, c'est-à-dire son amour rédempteur est manifesté à nos âmes, la grâce de Dieu, dans le second sens, c'est-à-dire l'efficace de son Esprit s'exerce en elles. Alors Dieu nous rend capables d'accomplir, ce qui, « quant à l'homme », était impossible. Alors nous pouvons bien régler notre conduite. Nous pouvons par Christ qui nous « fortifie », « faire toutes choses » dans la lumière et l'efficace de cet amour. Nous avons alors, ce que nous n'aurions pu obtenir par la sagesse charnelle, « le témoignage de notre conscience, que c'est en simplicité et en sincérité de Dieu que nous nous conduisons en ce monde ».

Tel est le vrai fondement de la joie du chrétien ; et d'après cela nous comprenons sans peine que celui qui a ce témoignage se réjouisse sans cesse. « Mon âme », peut-il dire, « mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit se réjouit en Dieu, qui est mon Sauveur ». Je me réjouis en Celui qui, par son amour immérité, par sa tendre et gratuite miséricorde m'a appelé à cet état de salut dans lequel, par sa puissance, je demeure ferme. Je me réjouis, car son Esprit rend témoignage à mon esprit, que je suis racheté par le sang de l'Agneau, et que, par la foi en Lui, je suis membre du corps de Christ, enfant de Dieu et héritier du royaume des cieux. Je me réjouis, car ce même Esprit, en me donnant le sentiment de l'amour de Dieu pour moi, produit en mon cœur l'amour pour Lui et me donne d'aimer, à cause de Lui, tout enfant d'Adam, toute âme qu'il a faite. Je me réjouis, car il me donne d'avoir en moi « les sentiments que Jésus-Christ à eus » : — la simplicité, par où, dans tous les mouvements de mon cœur, je ne regarde qu'à Lui ; par où je puis, dans un constant amour, fixer les regards de mon âme sur Celui qui m'a aimé et s'est donné Lui-même pour moi ; par où je n'ai pour but que Lui et sa glorieuse volonté dans tout ce que je puis faire, dire ou penser ; — la pureté, par où je borne à Dieu mes désirs, « crucifiant la chair avec ses affections et ses convoitises », attachant mes affections « aux choses d'en haut et non à celles qui sont sur la, terre  » ; —la sainteté, par où, recouvrant l'image de Dieu, mon âme est renouvelée à sa ressemblance ; — et la sincérité de Dieu, par où je dirige toutes mes paroles et mes actions, de manière à servir à sa gloire. Oui, je me réjouis et je me réjouirai, car « ma conscience me rend témoignage par le Saint-Esprit », , par la lumière dont il l'éclaire sans cesse, que je marche « d'une manière digne de la vocation que Dieu m'a adressée », que je m'abstiens « de toute apparence de mal », fuyant le péché comme on fuit un serpent ; qu'en tant que j'en ai l'occasion, je fais, selon mon pouvoir, toute sorte de bien à tous les hommes ; que tous mes pas suivent le Seigneur et que je fais ce qui lui est agréable. Je me réjouis, car par la lumière du Saint-Esprit de Dieu, je vois et je sens que toutes mes œuvres sont faites en Lui et que c'est même Lui qui fait en moi toutes mes œuvres. Je me réjouis, car je vois par cette lumière qui luit dans mon cœur, que j'ai le pouvoir de marcher dans ses voies, et que, par sa grâce, je ne m'en détourne ni à droite ni à gauche.

Tel est le fondement, telle est la nature de cette joie dont un chrétien adulte se réjouit sans cesse. Et de ce qui a été dit, nous pouvons tirer aisément une première conséquence :

1° C'est que cette joie n'est point une joie naturelle. Elle ne vient d'aucune cause naturelle ; elle n'est pas le fruit d'une excitation soudaine. Ces causes peuvent produire un élan de joie passager ; mais le chrétien se réjouit sans cesse. Elle ne peut s'expliquer par la santé ou le bien-être corporel, par une constitution saine et robuste ; car elle est toute aussi grande, peut-être même plus grande que jamais, dans la maladie et dans la douleur. Plusieurs chrétiens peuvent dire qu'ils n'ont jamais éprouvé une joie comparable à celle qui remplit leur âme, lorsque leur corps était presque épuisé par la maladie et consumé par la douleur. Surtout elle ne saurait être attribuée à la prospérité terrestre, à la faveur du monde, à l'affluence des biens temporels ; car c'est lorsque leur foi a été mise dans la fournaise et éprouvée par toutes sortes d'afflictions extérieures, que les enfants de Dieu se sont particulièrement réjouis et même d'une joie ineffable, en Celui qu'ils aimaient quoique ne le voyant point encore. Et qui se réjouit jamais plus que ces hommes qui étaient regardés « comme les balayures du monde », qui erraient çà et là privés de tout, dans la faim, dans le froid, dans la nudité, souffrant non seulement les insultes et la moquerie, mais encore les liens et la prison, et qui montrèrent finalement que « leur vie ne leur était point précieuse pourvu qu'ils pussent achever leur course avec joie ».

2° Une seconde conséquence de ce qui précède c'est que la joie du chrétien n'est point le fruit d'une conscience aveugle, incapable de distinguer le bien du mal. Loin de là, cette joie lui fut étrangère jusqu'à ce que ses yeux fussent ouverts, jusqu'à ce qu'il eût reçu des sens spirituels, propres à discerner ce qui est spirituellement bien ou mal. Et maintenant sa vue est loin de se troubler : jamais elle ne fut plus perçante ; elle est si prompte à voir ce qu'il y a de plus délicat, que l'homme naturel en est tout étonné. Comme un atome de poussière est visible dans un rayon de soleil, de même pour celui qui marche dans la lumière, dans les rayons du Soleil incréé, tout atome de péché est visible. D'ailleurs il ne ferme plus les yeux de sa conscience, ; son âme ne connaît plus le sommeil. Elle a toujours les yeux de l'âme grands ouverts. Pour lui plus « de mains pliées pour être couché ! » plus « de dormir ». Toujours en sentinelle sur la tour et prêtant l'oreille aux paroles que son Seigneur lui adresse ; il trouve en cela même un sujet de joie, il se réjouit continuellement « de voir Celui qui est invisible ».

3° Il est aussi bien évident que la joie du chrétien ne vient pas d'une conscience insensible et comme émoussée. Ce peut être une source de quelque joie, pour ceux « dont le cœur destitué d'intelligence est rempli de ténèbres », c'est-à-dire endurci, appesanti et sans intelligence spirituelle. Par suite de cette insensibilité, ils peuvent même trouver de la joie dans le péché et c'est ce qu'ils appelleront sans doute liberté ! — et ce n'est pourtant qu'une fatale ivresse, un engourdissement de l'âme, l'insensibilité stupide d'une conscience cautérisée ! le chrétien, au contraire, a la sensibilité la plus exquise et dont jamais il n'aurait pu auparavant se faire une idée. Jamais il n'avait eu une délicatesse de conscience comme celle qu'il a depuis que l'amour de Dieu règne dans son cœur. C'est encore pour lui un sujet de joie et de gloire. Dieu a exaucé sa prière de tous les jours : Oh ! puisse mon âme sensible, fuir à la première approche du mal que je déteste ! — que ma conscience soit aussi délicate que la prunelle de l'oeil ; qu'elle sente le moindre attouchement du péché !

Pour conclure enfin : la joie chrétienne est une joie qui trouve son aliment à obéir à Dieu, à aimer Dieu et à garder ses commandements, et non pas toutefois comme pour remplir les conditions de l'alliance des œuvres ; comme si, par des œuvres ou une justice personnelles, nous avions à obtenir le pardon et la bienveillance de Dieu ; car nous sommes déjà pardonnés et reçus en grâce par la miséricorde de Dieu en Jésus-Christ, non pas comme si, par notre propre obéissance, nous avions à conquérir la vie la résurrection de la mort du péché : nous avons déjà la vie par la grâce de Dieu « Lorsque nous étions morts dans nos péchés, il nous a vivifiés » et maintenant « nous sommes vivants â Dieu par Jésus-Christ. notre Seigneur ». Mais nous nous réjouissons de marcher selon l'alliance de grâce, dans un saint amour et une joyeuse obéissance. Nous nous réjouissons de savoir qu'étant justifiés par sa grâce « nous n'avons pas reçu la grâce de Dieu en vain  » ; nous nous réjouissons de ce que Dieu nous ayant réconciliés avec lui-même, non à cause de notre volonté et de nos efforts propres, mais par le sang de l'Agneau, nous « courons » revêtus de sa force, « dans la voie de ses commandements ». Il nous a ceints de force pour le combat et c'est avec joie que nous combattons « le bon combat de la foi ». Nous nous réjouissons, en Celui qui vit dans nos cœurs par la foi, « de saisir la vie éternelle ». C'est ici notre joie, que comme notre « Père agit continuellement » nous aussi (non par notre force ou notre sagesse, mais par la force de son Esprit gratuitement donné en Christ), nous agissons, nous faisons les œuvres de Dieu. Puisse-t-il opérer en nous tout ce qui est agréable à ses yeux ! Qu'à Lui soit la gloire aux siècles des siècles !

 


2 Corinthiens 5,17

1763

 

« Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature ». (2Co 5 : 17)

 

Y a-t-il donc du péché dans celui qui est en Christ ? Le péché reste-t-il dans l'âme qui croit en Lui ? Y en a-t-il encore quelque mesure en ceux qui sont nés de Dieu, ou en sont-ils tout-à-fait délivrés ? Que personne ne s'imagine que ce soit là une question curieuse dont la décision, dans un sens ou dans un autre, importe peu. C'est, au contraire, pour tout chrétien sérieux, un point de la plus haute importance, dont la résolution intéresse de près son bonheur présent et éternel.

Je ne sache pas cependant que cette question ait été controversée dans l'Église primitive. Au fait, tous les chrétiens étaient d'accord sur ce point, et il n'y avait pas lieu à controverse. Autant que j'ai pu m'en assurer, le corps entier des anciens écrivains chrétiens déclare d'une commune voix que même ceux qui croient en Christ, tant qu'ils n'ont pas été rendus « forts dans le Seigneur et dans la puissance de sa force », ont à combattre contre la chair et le sang, contre une nature mauvaise, aussi bien que contre les principautés et les puissances.

Et en ceci, l'Église anglicane (comme au reste presque toujours), répète le langage de l'Église primitive ; elle déclare dans son 9e article : « le péché originel, en chacun de nous, est la corruption de nature, par laquelle tout homme est enclin au mal, les désirs de la chair étant contraires à ceux de l'Esprit. Et ce vice de nature demeure, même chez ceux qui sont régénérés, ce qui fait que « l'affection de la chair ne se soumet point à la loi de Dieu », et bien qu'il n'y ait « plus de condamnation pour les croyants, cette affection ou convoitise a par elle-même la nature du péché ».

C'est aussi le témoignage unanime des autres Églises, non seulement de l'Église grecque et de l'Église romaine, mais des Églises réformées d'Europe, de toute dénomination. Plusieurs d'entre elles semblent même exagérer la chose, décrivant la corruption du cœur chez le croyant comme si, loin de la dominer, il en était plutôt l'esclave, et par là, elles détruisent presque toute distinction entre l'incrédule et le croyant. Pour éviter cet extrême, plusieurs hommes bien intentionnés et particulièrement les disciples du comte de Zinzendorf, se jetèrent dans l'extrême opposé, affirmant « que tout vrai croyant est délivré non seulement de la domination du péché, mais encore de la présence du péché, tant intérieur qu'extérieur, en sorte qu'il n'en reste plus en lui  » ; et, par leur moyen, il y a environ vingt ans, plusieurs de nos compatriotes adoptèrent cette opinion, que chez le croyant la corruption naturelle n'existe plus.

Il est vrai que les Moraves d'Allemagne, pressés sur cet article, accordèrent bientôt (au moins plusieurs d'entre eux), que le péché est encore dans la chair, n'en récusant l'existence que pour le cœur du croyant ; il est vrai aussi que l'absurdité de cette opinion leur ayant été démontrée, ils y renoncèrent au bout d'un certain temps, admettant que le péché, quoiqu'il n'ait plus de domination, demeure encore chez celui qui est né de Dieu.

Mais ceux d'Angleterre qui l'avaient reçue d'eux (soit directement, soit de seconde ou de troisième main), ne se laissèrent pas si aisément arracher une opinion favorite, et lors même que le plus grand nombre eut reconnu qu'elle était insoutenable, il y en eut qui ne purent consentir à l'abandonner, et ils la soutiennent encore aujourd'hui.

II

Pour l'amour de ceux qui craignent vraiment Dieu et qui désirent connaître la vérité telle qu'elle est en Jésus, il est à propos de considérer ce point avec calme et impartialité. Dans cet examen j'emploierai indifféremment les mots régénérés, justifiés ou croyants ; car s'ils ne sont pas entièrement synonymes (le premier désignant un changement intérieur, effectif, le second un changement relatif, et le troisième le moyen par lequel ces deux changements s'opèrent), ils reviennent pourtant à un même sens, puisqu'on est justifié et né de Dieu dès l'instant qu'on est croyant.

Par le péché, j'entends ici le péché intérieur, toute passion, affection ou disposition coupable : ainsi l'orgueil, la volonté propre, l'amour du monde, quel qu'en soit le genre ou le degré ; ainsi la convoitise, la colère, la mauvaise humeur, en un mot, toute disposition contraire aux sentiments qui étaient en Jésus-Christ.

Il ne s'agit pas du péché extérieur, ni de savoir si un enfant de Dieu commet ou ne commet pas le péché. Nous sommes tous d'accord à reconnaître et à soutenir fermement que celui qui commet le péché est du diable. Nous reconnaissons tous que celui, qui est né de Dieu ne commet pas le péché. Il ne s'agit pas non plus, pour le moment, de savoir si le péché intérieur doit toujours demeurer chez les enfants de Dieu et rester attaché à l'âme aussi longtemps qu'elle est attachée au corps, ni même si les justifiés peuvent retomber dans le péché, soit intérieur, soit extérieur ; la question est simplement celle-ci : un homme justifié ou régénéré est-il affranchi de tout péché dès le moment de sa justification ? N'y a-t-il dès lors, aucun péché dans son cœur ? — ni alors, ni dans la suite, à moins qu'il ne déchoie de la grâce ?

Nous reconnaissons que l'état d'un homme justifié est grand et glorieux, au-dessus de toute expression ; né de nouveau, « non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu », il est enfant de Dieu, membre de Christ, héritier du royaume des cieux. « La paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, garde son cœur et son esprit en Jésus-Christ ». Son corps même est « le temple du Saint-Esprit, l'habitation de Dieu en esprit ». Il « est créé de nouveau en Jésus-Christ », il est lavé, sanctifié, son cœur est purifié par la foi, il est nettoyé de la corruption qui règne dans le monde ; et « l'amour de Dieu y est répandu par le Saint-Esprit qui lui a été donné ». Et tant qu'il « marche dans la charité » (ce qu'il peut faire toujours), il adore Dieu « en esprit et en vérité ». Il garde les commandements de Dieu et fait les choses qui lui sont agréables », travaillant à avoir une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes  » ; et dès l'instant de sa justification, il a domination sur le péché, tant intérieur qu'extérieur.

III

« Mais n'a-t-il donc pas été dès lors affranchi de tout péché, en sorte qu'il n'en existe plus dans son cœur ? » — Je ne dis point cela et je ne puis le croire, car saint Paul dit le contraire. C'est à des croyants qu'il parle, c'est l'état des croyants en général qu'il décrit, quand il dit : « la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair, et ces deux choses sont contraires l'une à l'autre (Gal 5 : 17)  ». Rien de plus précis. L'apôtre affirme ici directement que la chair ; la mauvaise nature s'oppose à l'esprit, même chez les croyants ; qu'il y a même chez les régénérés deux principes opposés.

Bien plus, écrivant à Corinthe « à des croyants sanctifiés en Jésus-Christ (1Co 1 : 2), il leur dit. « Pour moi mes frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Christ.. ». Vous êtes encore charnels, « car puisqu'il y a parmi vous de l'envie, des dissensions et des partis, n'êtes-vous pas charnels (1Co 3 : 1-3)

Eh bien ! l'apôtre parle ici, sans nul doute, à des croyants que, dans la même phrase, il appelle ses frères en Christ, comme étant encore, en quelque, mesure, charnels. Il affirme qu'il y avait, parmi eux, de l'envie et, par suite, des dissensions, sans dire le moins du monde qu'ils eussent perdu leur foi ; il dit même ouvertement le contraire, en les appelant des enfants en Christ. Et (remarquons particulièrement ceci), être un enfant en Christ est pour lui, dans cet endroit, synonyme d'être charnel ; d'où il paraît clairement que tout croyant est, en quelque mesure, charnel, aussi longtemps qu'il n'est qu'un enfant en Christ.

Ce fait important qu'il y a dans les croyants deux principes contraires — la nature et la grâce, la chair et l'esprit, ressort, en réalité, de toutes les Epîtres de saint Paul, et même de toutes les Saintes-Ecritures ; presque toutes les directions et les exhortations qu'elles contiennent le supposent ; car elles sont toutes relatives à des dispositions ou pratiques répréhensibles existant encore chez ceux que les écrivains inspirés reconnaissent néanmoins pour croyants. Et la parole de Dieu les exhorte continuellement à les combattre et à les surmonter par le pouvoir de la foi qui est en eux.

Et qui peut douter que l'ange de l'Église d'Ephèse n'eût la foi quand le Seigneur lui disait : « Je connais tes œuvres, ton travail et ta patience ;... que tu as souffert, que tu as travaillé pour mon nom, et ne t'es point découragé (Apo 2 : 2-4) ? » Et pourtant n'y avait-il point de péché dans son cœur ? Il y en avait, car sans cela Christ n'aurait pas ajouté : « Mais j'ai quelque chose contre toi ; c'est que tu as abandonné ta première charité ». C'était un péché réel que Dieu voyait dans son cœur, et dont, conséquemment, il est appelé à se repentir ; et pourtant nous n'avons pas le droit de dire qu'il n'eût pas la foi, même dans ce moment là.

Non, car écrivant à l'ange de l'Église de Pergame, il l'exhorte, lui aussi, à se repentir, ce qui suppose le péché, quoique le Seigneur lui dise expressément « Tu n'as point renié ta foi ; (Apo 2 : 13-16) » et il dit à l'ange de l'Eglise de Sardes : « Affermis le reste qui s'en va mourir (Apo 3 : 2)  ». Le bien qui restait, s'en allait mourir, mais n'était pas encore mort. Il y avait donc toujours même en lui une étincelle de foi, et c'est pourquoi le Seigneur lui commande de garder ce qu'il a reçu (Apo 3 : 3).

Enfin lorsque l'apôtre presse des croyants de « se nettoyer de toute souillure de la chair et de l'esprit (2Co 7 : 1) », il montre clairement que ces croyants n'en étaient pas encore nettoyés.

Répondra-t-on que celui qui s'abstient de toute apparence de mal, se nettoie ainsi par le fait, de toute souillure ? Mais cela n'est point. Ainsi un homme m'insulte : j'éprouve du ressentiment, ce qui est une souillure d'esprit ; mais je ne dis mot. Je m'abstiens donc en ceci de toute apparence de mal, mais cela n'ôte point la souillure d'esprit. J'en fais la douloureuse expérience.

Et si cette thèse : « il n'y a chez le croyant ni péché ni affection charnelle, ni penchant aux rechutes », est ainsi contraire à la parole de Dieu, elle ne l'est pas moins à l'expérience de ses enfants. Ceux-ci trouvent en eux continuellement un cœur enclin à retourner en arrière, une tendance au mal, un penchant naturel à abandonner Dieu pour s'attacher aux choses de la terre. Chaque jour ils s'aperçoivent que l'orgueil, la volonté propre, l'incrédulité, demeurent dans leur cœur et que le péché s'attache à tout ce qu'ils disent et font, et même à leurs actions les meilleures et les plus saintes. Mais ils savent, en même temps, qu'ils sont de Dieu ; ils ne peuvent en douter, même un moment. Ils sentent clairement que « l'Esprit rend témoignage avec leur esprit qu'ils sont enfants de Dieu ». Ils se réjouissent en Dieu par Jésus-Christ, par qui ils ont maintenant reçu la réconciliation. En sorte qu'ils ont une égale assurance que le péché est en eux, et que « Christ est en eux, l'espérance de la gloire ».

« Mais Christ peut-il être dans un cœur où est le péché ? » Il le peut ; car sans cela le péché ne pourrait en être chassé. Où est la maladie, on trouve le médecin, poursuivant son œuvre, travaillant à la guérison du mal, à l'expulsion du péché. Christ ne peut, sans doute, régner là où le péché règne, ni demeurer où un péché, quelconque est accueilli. Mais il est et demeure dans le cœur de tout croyant qui combat contre tout péché, quoique n'étant pas encore complètement purifié.

J'ai déjà dit que la doctrine opposée, savoir qu'il n'y a point de pêché chez les croyants, — est tout-à-fait nouvelle dans l'Église de Christ, qu'on n'en a jamais ouï parler pendant dix-sept siècles, jamais jusqu'à ce que le, comte de Zinzendorf l'eût découverte. Je ne me souviens pas d'en avoir trouvé la moindre trace dans aucun écrit ancien ou moderne, si ce n'est peut-être chez quelqu'un des plus extravagants antinomiens. Ceux-ci, d'ailleurs, se contredisent eux-mêmes, reconnaissant qu'il y a du péché dans leur chair, quoi qu'il n'y en ait pas dans leur cœur. Mais toute doctrine nouvelle est nécessairement fausse, car il n'y a de vraie religion que l'ancienne, et pour être fidèle, il faut qu'un enseignement reproduise « ce qui était dès le commencement ».

Un dernier argument contre cette doctrine nouvelle et antiscripturaire est celui qui résulte de ses effrayantes conséquences. Si quelqu'un me dit : « J'ai éprouvé aujourd'hui de la colère  » ; dois-je répondre : Alors vous n'avez pas la foi ? Un autre dira : « je sais que votre conseil est bon, mais ma volonté y est contraire  » ; lui dirai-je : « Vous êtes donc un incrédule, vous êtes sous la colère et la malédiction de Dieu ? Qu'arrivera-t-il ? c'est que s'il me croit sur parole, son âme sera non seulement blessée et effrayée, mais peut-être même entièrement perdue ; car il aura « abandonné cette confiance qui doit avoir une grande récompense », et comment, ayant jeté son bouclier, pourrait-il « éteindre les dards enflammés du malin ? » , Comment vaincrait-il le monde, puisque la « victoire par laquelle le monde est vaincu c'est notre foi ? » Le voilà au milieu de ses ennemis, exposé sans armes à tous leurs assauts ? Faudra-t-il s'étonner s'il est entièrement renversé et s'il est emmené captif pour faire la volonté du démon ; — s'il tombe même d'impiété en impiété et ne voit plus jamais le bien ? Il m'est donc impossible d'admettre cette assertion, qu'il n'y a plus de pêché dans le croyant dès l'instant qu'il est justifié ; car 1° elle est contraire à tout l'enseignement des Écritures ; 2° elle est contraire à l'expérience des enfants de Dieu ; 3° elle est absolument nouvelle et née d'hier ; et 4° enfin, elle est accompagnée des plus funestes conséquences, puisqu'elle n'est propre qu'à affliger ceux que Dieu n'a point affligés, et peut-être à les entraîner dans l'éternelle perdition.

IV

Écoutons cependant avec impartialité les principales preuves qu'avancent les partisans de cette doctrine. C'est d'abord par l'Écriture qu'ils essaient de prouver qu'il n'y a point de péché dans le croyant. Ils raisonnent ainsi : « l'Écriture dit de tout croyant qu'il est né de Dieu, qu'il est saint, purifié, sanctifié, qu'il a le cœur pur, qu'il a un nouveau cœur, qu'il est le temple du Saint-Esprit. De même donc que tout ce qui est né de la chair est chair, c'est-à-dire entièrement mauvais, de même ce qui est né de l'Esprit est esprit, c'est-à-dire entièrement bon. De plus, un homme ne peut être à la fois pur et impur, saint et souillé ; il ne peut avoir à la fois un cœur de chair et un cœur de pierre. Son âme ne peut non plus être autrement que sainte, tant qu'elle est le temple de l'Esprit saint.

J'ai présenté cette objection dans toute sa force, pour qu'on en sentit bien la valeur. Examinons-la maintenant dans chacune de ses parties.

1° « Ce qui est né de l'Esprit est esprit, c'est-à-dire entièrement bon ». J'admets le texte, mais non le commentaire ; car le texte n'affirme qu'une chose, savoir que tout homme « né de l'Esprit » est un homme spirituel. Oui, sans doute, mais il peut l'être, sans toutefois l'être entièrement. Les chrétiens de Corinthe étaient des hommes spirituels, sans quoi ils n'auraient pas été chrétiens du tout, et pourtant ils n'étaient pas en tout spirituels, mais ils étaient en partie charnels. « Mais, objectera-t-on, ils étaient déchus de la grâce ». Saint Paul dit le contraire ; c'étaient même alors des enfants en Christ.

2° « Mais un homme ne peut être à la fois pur et impur, saint et souillé ». Il le peut. Tels étaient les Corinthiens. « Vous avez été lavés », leur écrit l'apôtre ; « vous avez été sanctifiés », lavés « de. la fornication, de l'idolâtrie, de l'ivrognerie (1Co 6 : 9-11) » et de tout autre péché extérieur, et pourtant, dans un autre sens, ils n'étaient pas sanctifiés, ils n'étaient nettoyés ni de l'envie, ni des mauvais soupçons, ni de la partialité.

3° « Mais ils n'avaient pas, sans doute, à la fois un cœur de chair et un cœur de pierre ». Au contraire, tel était indubitablement leur état, car leurs cœurs étaient renouvelés véritablement, mais non pas parfaitement. « L'affection de la chair », leur cœur charnel, déjà cloué sur la croix, n'avait pas encore expiré.

4° « Mais pouvaient-ils être autrement que saints, étant les temples de l'Esprit saint ? » Sans doute ; car il est indubitable qu'ils étaient les temples du Saint-Esprit (1Co 6 : 19), et, il n'est pas moins certain qu'ils étaient en quelque degré charnels, le contraire de saints.

Mais, ajoute-t-on, il y a un autre passage qui décide la question : « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature ; les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont faites nouvelles (2Co 5 : 17)  ». Un homme ne peut être à la fois créature vieille et créature nouvelle. — Oui, il le peut ; il peut n'être qu'en partie renouvelé, et c'était précisément le cas des Corinthiens. Ils étaient, sans nul doute, « renouvelés dans l'esprit de leur entendement », sans quoi ils n'eussent pas même été des enfants en Christ ; et pourtant ils n'avaient pas entièrement les sentiments qui étaient en Christ, puisqu'ils avaient de l'envie les uns contre les autres. « Mais il est dit expressément : « les choses vieilles sont passées ; toutes choses sont devenues nouvelles ». — Oui, mais il ne faut pas interpréter les paroles de l'apôtre, de manière à le mettre en contradiction avec lui-même. Et voici quel est dès lors le sens bien simple de cette expression : Si quelqu'un est en Christ, ses vieilles idées sur la justification, sur la sainteté, sur le bonheur, sur toutes les choses de Dieu, sont passées, et il en est de même de ses désirs, de ses desseins, de ses affections, de son caractère, de sa conversation. Toutes ces choses sont, incontestablement, devenues nouvelles ; elles sont très différentes de ce qu'elles étaient auparavant ; et pourtant quoique nouvelles, elles ne sont pas renouvelées entièrement. Le chrétien sent encore, avec honte et douleur, des restes trop évidents du vieil homme et de ses anciennes dispositions, quoiqu'ils ne puissent remporter la victoire sur lui, tant qu'il persévère dans la vigilance et la prière.

Toute cette manière d'argumenter : « Celui qui est pur est pur, celui qui est saint est saint » (sans parler de vingt expressions semblables, qu'on peut aisément accumuler), n'est rien de mieux qu'un jeu de mots ; c'est le sophisme qui consiste à conclure du particulier au général. Sous sa forme complète, l'argument revient à dire : On est saint parfaitement ou on ne l'est pas du tout ; ce raisonnement est vicieux, car tout enfant en Christ est saint, quoiqu'il ne le soit pas parfaitement. Il est délivré du péché, mais non entièrement. Le péché est vaincu en lui, mais non détruit ; il demeure, quoique détrôné. Si vous croyez qu'il n'existe plus (nous parlons des enfants en Christ, réservant ce qui concerne les jeunes gens et les pères), vous n'avez certainement pas considéré quelle est la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur de la loi de Dieu (de cette loi d'amour, exposée par saint Paul dans 1 Corinthiens XIII), ni compris que toute déviation de cette loi est un péché. Mais n'y a-t-il rien qui s'écarte de cette loi dans le cœur ou dans la vie d'un croyant ? Dans la vie d'un chrétien adulte, c'est une autre question ; mais il faut être bien étranger à la connaissance du cœur humain pour s'imaginer que c'est le cas de tout enfant en Christ.

« Mais les croyants marchent selon l'Esprit (Ro 8 : 1), et l'Esprit de Dieu habite en eux ; ils sont, par conséquent, délivrés de la coulpe, de la puissance, et en un mot, de l'existence même du péché ».

Cette objection réunit comme identiques trois choses qui sont loin de l'être. La coulpe ou culpabilité est une chose, la puissance, une autre, l'existence une autre encore. Que les croyants soient délivrés de la coulpe et de la puissance du péché, nous l'accordons ; mais nous nions qu'ils soient tous délivrés de l'existence du péché. Et on ne peut l'inférer des textes cités. Un homme peut avoir l'Esprit de Dieu habitant en lui, « et marcher selon l'Esprit », quoiqu'il sente encore que sa chair a des désirs contraires à cet Esprit.

— « Mais l'Église est le corps de Christ » ; ce qui implique que ses membres sont lavés de toute souillure ; autrement il s'ensuivrait que Christ et Bélial sont unis en un même corps ».

— Non ; de ce que les membres du corps mystique de Christ sentent encore la lutte de la chair contre l'Esprit, il ne saurait résulter que Christ ait rien de commun avec Bélial, ni avec le péché qu'il les rend capables de combattre et de vaincre.

— « Mais les chrétiens ne sont-ils pas venus à la Jérusalem céleste, où rien d'impur ni de souillé ne peut entrer (Heb 12 : 22) ? »

— Oui, et « aux milliers d'anges et aux esprits des justes parvenus à la perfection  » ; en un mot, la terre et le ciel sont réunis en Christ ; ils ne forment qu'une seule grande famille. Et pendant qu'ils marchent « selon l'Esprit », ils ne sont, en effet, ni impurs, ni souillés, quoiqu'ils sentent qu'il y a encore en eux un autre principe et que les deux principes sont contraires l'un à l'autre.

— « Mais les chrétiens sont réconciliés avec Dieu. Or cela ne pourrait être s'il restait quelque chose de l'affection de la chair, car elle est inimitié contre Dieu. Par conséquent, aucune réconciliation n'est possible, si ce n'est par son entière destruction ».

— Nous sommes « réconciliés avec Dieu par le sang de la croix  » ; et dès ce moment l'affection de la chair, qui est inimitié contre Dieu, est mise sous nos pieds, et la chair n'a plus domination sur nous. Mais elle existe encore, et elle est encore, par, sa nature, inimitié contre Dieu, ayant des désirs contraires à ceux de l'Esprit.

— « Mais ceux qui sont à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises (Gal 5 : 24)  ». Il est vrai, mais elle demeure encore en eux, et souvent elle s'efforce de s'arracher de la croix. Mais n'ont-ils donc pas dépouillé le vieil homme avec ses œuvres (Col 3 : 9) ? » Sans doute, et, dans le sens expliqué plus haut, « les choses vieilles sont passées ; toutes choses sont devenues nouvelles ». On pourrait citer cent autres textes semblables, et à tous nous ferions la même. réponse. - « Mais, on ajoute, en voici un qui résume tout : « Christ s'est livré lui-même pour elle (pour l'Eglise), afin qu'elle fût sainte et sans tache (Eph 5 : 25,27)  ». —Oui, et elle sera telle à la fin ; mais elle ne fut encore jamais telle depuis le commencement jusqu'à ce jour,

— « Mais laissons parler l'expérience. Tous ceux qui sont justifiés se sentent alors absolument affranchis de tout péché ». — J'en doute ; mais quand cela serait, éprouvent-ils toujours dans la suite ce parfait affranchissement ? Sans cela vous n'avez rien gagné. « S'il en est autrement, c'est par leur faute ». - C'est ce qu'il faudrait prouver.

— « Mais, d'après la nature même des choses, un homme peut-il avoir de l'orgueil sans être orgueilleux ; de la colère sans être irrité ? »

— Un homme peut avoir de l'orgueil, avoir, sur quelque point, une plus haute opinion de lui-même qu'il ne devrait et être orgueilleux en cela, sans être un homme orgueilleux dans l'ensemble de son caractère. Il peut avoir de la colère, être même fortement enclin à de furieuses colères, sans y céder. — « Mais peut-il y avoir de l'orgueil et de la colère dans un cœur où ne se fait sentir que douceur et humilité ? » — Non, mais il peut y avoir quelque orgueil et quelque colère dans un cœur où il y a beaucoup de douceur et d'humilité.

— « C'est en vain que vous dites : Ces dispositions existent, mais elles n'ont pas domination ; car le péché ne peut exister, en quelque genre on degré que ce soit, sans avoir domination ; puisque la culpabilité et la puissance sont des propriétés inséparables du péché. Toutes ces choses sont donc partout où l'une d'elles se trouve ».

— Étranges assertions ! « Le, péché ne peut exister, en quelque genre ou degré que ce soit, sans avoir domination ! » Ceci contredit toute expérience, tout enseignement scripturaire, tout sens commun. Il y a du péché dans le ressentiment d'une injure ; c'est une transgression, une déviation de la loi d'amour. Ce péché a existé chez moi mille fois ; mais il n'a point eu, il n'a point domination. - « Mais la culpabilité et la puissance sont des propriétés inséparables du péché. Ces trois choses, l'existence, la coulpe et l'empire du péché sont donc à la fois partout où l'une d'elles se trouve ». - Non, dans l'exemple cité, si le ressentiment n'est pas écouté, pas même pour un moment, il n'y a aucune culpabilité, aucune condamnation. Et dans ce cas, le péché est aussi sans puissance. Bien qu'il convoite contre l'Esprit, il ne peut vaincre. Ici donc, comme en des milliers de cas semblables, le péché existe, mais sans puissance ni culpabilité.

— « Mais cette idée que le péché est dans le croyant est grosse des conséquences les plus terribles et les plus décourageantes. C'est supposer une lutte avec un ennemi maître de nos forces, qui maintient dans nos cœurs son usurpation, et qui y poursuit la guerre au mépris de notre Rédempteur ». — Non ; de ce que le péché est en nous, il ne s'ensuit pas qu'il soit maître de nos forces, pas plus qu'un homme crucifié n'est maître de ceux qui l'ont attaché à la croix. Il n'en résulte pas davantage que le péché maintient dans nos cœurs son usurpation. L'usurpateur est détrôné ; il demeure encore, il est vrai, où il régnait naguère ; mais il y demeure enchaîné. Il peut donc, en un sens, y poursuivre la guerre, mais il s'affaiblit toujours plus, tandis que le croyant va de force en force, de victoire en victoire.

— « Vous ne me persuadez pas encore. Quiconque a en lui le péché, est esclave du péché. Vous supposez donc justifié un homme qui est esclave du péché. Mais si vous accordez qu'on peut être justifié tout en ayant en soi de l'orgueil, de la colère, de l'incrédulité ; que dis-je ? si vous affirmez que tout cela est (au moins pour un temps) chez tous les justifiés, faut-il s'étonner que nous ayons tant de croyants orgueilleux, irascibles, tant de croyants incrédules ? »

— Je n'admets pas qu'aucun homme justifié soit esclave du péché ; mais j'admets que le péché demeure (au moins pour un temps) dans tous les justifiés.

— « Mais si le péché demeure dans le croyant, il est pécheur ; si c'est par l'orgueil, il est orgueilleux ; si c'est par la volonté propre, il est volontaire ; si c'est par l'incrédulité, il est incrédule ; par conséquent, il n'est pas croyant. Comment donc le distinguer des incrédules, des irrégénérés ? » Ici encore on joue sur les mots. Cela revient à dire : S'il y a en lui du péché, de l'orgueil, de la volonté propre, — il y a de la volonté propre, de l'orgueil, du péché. — Qui le nie ? Dans ce sens, il est sans doute pécheur, orgueilleux, volontaire ; mais il n'est pas orgueilleux et volontaire dans le sens dans lequel les incrédules le sont, c'est-à-dire gouverné par la volonté propre ou par l'orgueil. C'est ce qui le distingue des hommes irrégénérés. Ils obéissent au péché ; il ne le fait point. La chair est en lui comme ou eux ; mais ils marchent, eux, selon la chair, lui, selon l'Esprit.

— « Mais comment pourrait-il y avoir de l'incrédulité dans un croyant ? — Le mot incrédule a deux acceptions. Il désigne l'absence de foi, ou la faiblesse de foi. Dans le premier sens il n'y a pas d'incrédulité chez le croyant ; dans le second, il y en a chez tous ceux que l'apôtre appelle des enfants. Leur foi est d'ordinaire mêlée de doutes et de craintes, c'est-à-dire de cette seconde sorte d'incrédulité. « Pourquoi êtes vous en souci ? » dit le Seigneur, « ô gens de petite foi ». Et ailleurs : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Vous voyez donc qu'il y avait de l'incrédulité chez des croyants ; un peu de foi et beaucoup d'incrédulité.

— « Mais cette doctrine, que le péché demeure dans le croyant, qu'un homme peut jouir de la faveur de Dieu, tout en ayant le péché dans son cœur, cette doctrine tend assurément à encourager le péché ». — Non, bien comprise, cette doctrine n'entraîne point une telle conséquence. Un homme peut être dans la faveur de Dieu, quoique sentant en lui le péché, mais non pas s'il y cède. On ne perd pas cette faveur pour avoir le péché, mais bien pour y obéir. Quoique la chair « convoite » en vous contre l'Esprit, vous pouvez encore être enfant de Dieu. Mais si « vous marchez selon la chair », vous êtes enfant du diable. Cette doctrine, loin de nous encourager à obéir au péché, nous encourage à y résister de toutes nos forces.

V

Maintenant résumons-nous. Il y a chez tout homme, même après sa justification, deux principes contraires, la nature et la grâce, ou, dans les termes de saint Paul, la. chair et l'esprit. De là suit que si même les enfants en Christ sont sanctifiés, ce n'est pourtant qu'en partie. Ils sont, en quelque degré, spirituels, suivant la mesure de leur foi ; mais ils sont aussi, en quelque degré charnels. C'est pourquoi les croyants sont continuellement exhortés à veiller contre la chair, aussi bien que contre le monde et le diable. Et à cela répond l'expérience constante des enfants de Dieu. Tout en ayant en eux-mêmes le témoignage de leur adoption, ils sentent une volonté qui n'est pas entièrement soumise à la volonté de Dieu. Ils savent qu'ils sont en Lui, et pourtant ils trouvent en eux un cœur prêt à se détourner de Lui, et, en plusieurs choses, un penchant au mal et de l'éloignement pour le bien. La doctrine contraire est tout-à-fait nouvelle ; jamais il n'en fut question dans l'Église depuis le temps de la venue de Christ jusqu'au temps du comte Zinzendorf, et elle produit les plus fatales conséquences. Elle supprima toute vigilance contre notre nature mauvaise, contre la Délila qu'on, nous dit avoir disparu, quoi qu'elle soit toujours là, couchée dans notre sein. Cette opinion arrache aux croyants faibles leur bouclier, les prive de leur foi, et les expose ainsi à tous les assauts du monde, de la chair et du diable.

Retenons donc ferme cette sainte doctrine, donnée une fois aux saints, et qu'ils ont transmise, dans les saintes Écritures, à toute la suite des générations : que si, dès l'instant que nous croyons vraiment en Christ, nous sommes renouvelés, nettoyés, purifiés, sanctifiés, nous ne sommes pourtant pas alors renouvelés, nettoyés, purifiés, sanctifiés entièrement ; mais que la chair, la nature mauvaise, quoique subjuguée demeure encore et lutte contre L'Esprit. Mais soyons d'autant plus empressés à « combattre le bon combat de la foi  » ; soyons d'autant plus zélés à veiller et à prier contre cet ennemi qui est au-dedans. Prenons avec d'autant plus de soin toutes les armes de Dieu ; ne manquons pas de nous en revêtir, afin que si nous avons à combattre contre la chair et le sang, aussi bien que « contre les principautés et les puissances, et contre les esprits malins qui sont dans les airs », nous puissions pourtant « résister au mauvais jour, et après avoir tout surmonté, demeurer fermes ».

 


Marc 1,15

1767

 

« Repentez-vous et croyez à l'Evangile ». (Mat 1 : 15)

 

On suppose généralement que la repentance et la foi ne sont que la porte de la religion ; qu'elles ne sont nécessaires qu'à l'entrée de la carrière chrétienne, quand on se met en route vers le royaume de Dieu. Et cette idée peut paraître confirmée par le grand Apôtre, lorsqu'il presse les chrétiens Hébreux de « tendre à la perfection », et leur dit de « laisser les premiers principes de la doctrine de Christ », « ne posant pas de nouveau le fondement, savoir : la repentance des œuvres mortes et la foi en Dieu  » ; — ce qui signifie tout au moins qu'ils devaient laisser comparativement de côté cette repentance et cette foi qui au commencement occupaient toutes leurs pensées, — pour courir vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ ».

Et, sans doute, il y a une repentance et une foi qui sont plus spécialement nécessaires au commencement : une repentance qui est la conviction d'être entièrement pécheur, condamné et sans force, et qui précède la réception de ce royaume de Dieu qui, comme l'enseigne le Seigneur, est au dedans de nous  » ; et une foi par laquelle nous recevons ce royaume, savoir : « la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit ».

Mais, néanmoins, il y a aussi une repentance et une foi (à, prendre les mots dans un sens un peu différent) qui sont indispensables, lorsque nous avons déjà cru à l'Évangile et même à tous les degrés de la vie chrétienne, pour que nous puissions « poursuivre la course qui nous est proposée ». Et cette repentance et cette foi nous sont tout aussi nécessaires pour persévérer et croître dans la grâce, que la première foi et la première repentance l'étaient pour entrer dans le royaume de Dieu.

Mais dans quel sens devons-nous nous repentir et croire, étant déjà justifiés ? C'est une question importante et digne d'être examinée avec la plus grande attention.

I

Et, d'abord, dans quel sens devons-nous nous repentir ?

Le mot repentance désigne fréquemment un changement intérieur, le changement de disposition du péché à la sainteté. Mais ici nous le prenons dans un sens tout différent, comme désignant une sorte de connaissance de nous-mêmes, par laquelle nous nous voyons pécheurs, pécheurs coupables et sans capacité par nous-mêmes pour faire le bien, quoique nous sachions bien que nous sommes enfants de Dieu.

Il est vrai qu'aux premiers moments de notre adoption, quand nous venons de trouver la rédemption par le sang de Jésus, quand L'amour de Dieu vient d'être pour la première fois répandu dans nos cœurs, et que son royaume est établi en nous, il nous est naturel de penser que nous ne sommes plus pécheurs, que non seulement tous nos péchés sont couverts, mais qu'ils sont détruits. Comme nous ne sentons alors aucun mal dans nos cœurs, nous nous imaginons volontiers qu'il n'y en a plus. Il y a eu même des gens bien intentionnés qui se le sont imaginé, non seulement alors, mais toujours depuis ce moment ; s'étant persuadés que lorsqu'ils furent justifiés ils furent entièrement sanctifiés. Que dis-je ? ils ont maintenu comme règle générale qu'il en est ainsi, en dépit de l'Écriture, de la raison et de l'expérience. Ils croient sincèrement et soutiennent avec ardeur que par la justification tout péché est anéanti, et que, dès ce moment, il n'y en a plus dans le cœur du croyant, mais qu'il est entièrement pur. Mais quoique nous reconnaissions volontiers que « celui qui croit est né de Dieu » et que « celui qui est né de Dieu ne commet point le péché », nous ne pouvons pourtant accorder qu'il ne sente plus le péché au dedans : le péché ne règne plus, mais il demeure. Et la conviction de ce péché qui demeure dans le cœur est une des parties principales de cette repentance dont nous parlons maintenant.

Il est rare, en effet, qu'il s'écoule beaucoup de temps avant que celui qui croyait tout péché disparu ne sente qu'il reste toujours de l'orgueil dans son cœur. Il est convaincu d'avoir eu de lui-même, sous plusieurs rapports, une plus haute opinion qu'il ne devait, et de s'être attribué l'honneur d'une chose reçue et de s'en être glorifié comme s'il ne l'avait pas reçue ; et pourtant il sait qu'il jouit de la faveur de Dieu. Il ne peut ni ne doit abandonner sa confiance ; et toujours le Saint-Esprit rend témoignage avec son esprit qu'il est enfant de Dieu.

Il ne tarde pas non plus à sentir dans son cœur la propre volonté, une volonté contraire à celle de Dieu. Il faut bien que tout homme ait une volonté, aussi longtemps qu'il a une intelligence. C'est une partie essentielle de la nature humaine, comme au reste de tout être intelligent. Notre Seigneur lui-même avait une volonté humaine, car sans cela il n'aurait pas été homme. Mais sa volonté humaine était invariablement soumise à la volonté, de son Père. En tout temps, en toute occasion, et même dans l'affliction la plus profonde, il put dire : « Non ce que je veux, mais ce que tu veux ». Mais tel n'est pas toujours le cas, même pour un vrai croyant. Il sent fréquemment sa volonté s'élever plus ou moins contre celle de Dieu. Il veut, parce qu'elle plait à la nature, telle chose qui déplait à Dieu, et il repousse, au contraire, parce que c'est pénible à la nature, ce qui est la volonté de Dieu à son égard. Il est vrai que, s'il persévère dans la foi, il combat de toutes ses forces cette disposition ; mais cela même suppose qu'elle existe et qu'il en a conscience.

Mais la volonté propre est, aussi bien que l'orgueil, une sorte d'idolâtrie, et ces deux dispositions sont directement contraires à l'amour de Dieu. La même observation s'applique à l'amour du monde, que les vrais croyants sont également sujets à éprouver, et que chacun d'eux ressent plus on moins, tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre. Lorsqu'on vient de « passer de la mort à la vie », alors, sans doute, on ne désire que Dieu. On peut dire en sincérité :

« C'est vers ton nom et vers ton souvenir que tend le désir de mon âme  » ; — « quel autre que toi ai-je au ciel ? voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Mais il n'en est pas toujours ainsi. Avec le temps le croyant retrouvera, ne serait-ce que pour quelques moments, « la convoitise de la chair », on « la convoitise des yeux », ou « l'orgueil de la vie ». Et pour peu qu'il néglige de veiller et de prier, il peut même sentir des désirs impurs se ranimer ; il peut en être assailli avec violence jusqu'à ce qu'il ne lui reste presque aucune force. Il peut sentir les attraits des affections déréglées et éprouver même une forte inclination à aimer la créature plus que le Créateur, que ce soit un enfant, un père, un époux, une épouse, on l'ami « qu'il aime comme sa propre âme ». Il peut éprouver, sous mille formes, le désir des biens ou des plaisirs terrestres. Et dans la même proportion il oubliera Dieu, ne cherchant pas en Lui son bonheur et étant par conséquent « amateur des plaisirs plutôt que de Dieu ».

S'il ne veille pas continuellement sur lui-même, il sentira renaître la « convoitise des yeux  » ; la convoitise de satisfaire son imagination par quelque chose de grand, de beau ou de rare. Et de combien de manières ce désir vient assaillir notre âme ! Peut-être par de misérables riens, tels qu'un meuble, un objet de toilette, choses qui ne furent jamais destinées à satisfaire un esprit immortel. Et cependant combien ne nous est-il pas naturel, même après que nous avons « goûté les puissances du siècle à venir », de redescendre à ces désirs insensés et grossiers de choses « qui doivent périr par l'usage ! » Qu'il est difficile, même à ceux qui « savent en qui ils ont cru », de vaincre cette convoitise des yeux, en une seule de ses branches : la curiosité ; de la fouler constamment sous leurs pieds ; de ne désirer aucune chose, par le seul motif qu'elle est nouvelle !

Et l'orgueil de la vie, que les enfants de Dieu trouvent difficile de le vaincre entièrement ! Saint Jean parait entendre par là à peu près ce que le monde appelle le « sentiment de l'honneur qui vient des hommes », le désir et l'amour de la louange, et ce qui en est inséparable, une crainte proportionnée du blâme. Celle-ci tient de près à la fausse honte, par laquelle nous rougissons de ce dont nous devrions nous glorifier. Et la fausse honte marche rarement sans la crainte des hommes qui enveloppe l'âme de mille piéges. Mais où sont les croyants, même parmi ceux qui paraissent forts dans la foi, qui ne trouvent en eux quelque chose de ces mauvais penchants ? Ils ne sont donc, eux aussi, qu'imparfaitement crucifiés au monde, car la mauvaise racine demeure encore dans leur cœur.

Ne sentons-nous pas également d'autres dispositions aussi contraires à l'amour du prochain que celles-là le sont à l'amour de Dieu ? La charité « ne soupçonne point le mal ». Que nous dit à cet égard notre conscience ? N'y-a-t-il jamais en nous ni jalousies, ni conjectures malignes, ni soupçons déraisonnables ou sans fondement ? Que celui qui est net à ces divers égards, jette la première pierre contre son prochain. Qui ne sent quelquefois d'autres dispositions ou mouvements intérieurs qu'il sait être contraires à l'amour fraternel ? Pas de malice, peut-être, ni de haine, ni d'amertume, — mais d'envie ! surtout envers ceux qui possèdent quelque avantage réel ou supposé, que nous désirons sans pouvoir en jouir !

N'éprouvons-nous jamais aucun ressentiment, quand nous sommes lésés ou injuriés, surtout par ceux que nous aimions particulièrement et que nous nous étions le plus empressés à aider on à obliger ? L'injustice ou l'ingratitude n'excitent-elles jamais en nous le moindre désir de vengeance ? le moindre désir de rendre mal pour mal, au lieu de « surmonter le mal par le bien ? » Ici également ne pouvons-nous pas voir tout ce qu'il y a encore en nous de contraire à l'amour du prochain ?

La cupidité, dans tous les genres et à tous les degrés, est sans doute aussi contraire à cet amour qu'à l'amour de Dieu ; soit que nous désignions par là cet « amour de l'argent » qui n'est que trop souvent « la racine de tous les maux », ou, en général, le désir d'avoir plus, de posséder des biens plus considérables. Et qu'il y a peu d'enfants de Dieu qui en soient entièrement exempts ! Il est vrai qu'un grand homme, Martin Luther, avait coutume de dire qu'il « n'avait jamais eu d'avarice », — non seulement depuis sa conversion, mais même « depuis sa naissance ». Mais en ce cas je ne craindrais pas de dire qu'il serait le seul homme né de femme, (à part Celui qui était à la fois Dieu et homme) qui fût né sans cette passion. Je ne crois pas même qu'il y ait une seule âme régénérée, ayant vécu assez longtemps après sa conversion, qui ne l'ait sentie plus ou moins et plus d'une fois, surtout dans le second sens indiqué. Nous pouvons donc tenir pour vérité indubitable que la cupidité, et l'orgueil, et la propre volonté, et la colère, demeurent dans les cœurs même de ceux qui sont justifiés.

C'est pour en avoir fait l'expérience que tant de personnes sérieuses ont cru devoir entendre la fin du septième chapitre de l'Épître aux Romains, non de ceux qui sont « sous la loi », qui sont convaincus de péché, ce qui est indubitablement la pensée de l'Apôtre, mais de ceux qui sont « sous la grâce », qui sont « justifiés gratuitement par la rédemption qui est en Christ ». Et en un sens il est certain qu'elles ont raison il reste encore, même chez ceux qui sont justifiés, un esprit en quelque mesure charnel (ainsi l'apôtre dit, même aux fidèles de Corinthe : « Vous êtes charnels » ), il reste un cœur enclin au relâchement spirituel et toujours prêt à abandonner le Dieu vivant ; un penchant à l'orgueil, à la propre volonté, à la colère, à la vengeance, à l'amour du monde, en un mot à tout mal ; une racine d'amertume qui, si elle cessait un moment d'être comprimée, bourgeonnerait aussitôt ; et même un tel abîme de corruption que nous ne pouvons le mesurer sans la vive lumière d'en haut. Et la conviction de tout le péché qui demeure ainsi dans le cœur, est la repentance qui convient à ceux qui sont justifiés.

Mais il nous faut être de plus convaincus que ce péché, qui demeure dans nos cœurs, s'attache à toutes nos paroles et à toutes nos actions. Et même il est à craindre que beaucoup de nos paroles ne soient pas seulement mêlées de péché, mais bien tout à fait mauvaises, car telle est, sans doute, toute conversation contraire à la charité, tout ce qui ne découle pas de l'amour fraternel, tout ce qui est en désaccord avec le grand précepte : « Ce que vous voulez que les autres vous fassent, faites-le leur aussi de même ». Tels sont les rapports, les insinuations, les médisances, les censures de personnes absentes ; car nul ne voudrait qu'on fit sur lui des rapports par derrière lorsqu'il est absent. Mais combien sont peu nombreux, même parmi les croyants, ceux qui n'ont rien à se reprocher à cet égard ; ceux qui sont fermes à observer la bonne vieille règle « de ne dire que du bien des morts et des absents ! » Et, s'ils le font, s'abstiennent-ils de même de toute vaine conversation ? Tout cela est pourtant péché est « contriste le Saint-Esprit de Dieu », et même les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole oiseuse qu'ils auront prononcée ».

Mais admettons que continuellement ils « veillent et prient », en sorte qu'ils ne « tombent » pas dans cette « tentation  » ; que sans cesse ils gardent leur bouche et la porte de leurs lèvres, s'étudiant à ce que tous leurs discours soient accompagnés de grâce et assaisonnés de sel, et propres à communiquer la grâce à ceux qui les entendent ; cependant, malgré toutes leurs précautions, ne se laissent-ils pas chaque jour glisser dans des conversations inutiles ? Et même, quand ils s'efforcent de parler pour Dieu, leurs discours sont-ils purs et exempts d'un mélange de péché ? Ne trouvent-ils rien à reprendre dans leurs intentions ? Parlant pour plaire à Dieu, ne le font-ils pas en partie pour se plaire à eux-mêmes ? Parlent-ils uniquement pour obéir à Dieu, et non pour faire aussi leur propre volonté ? Ou s'ils commencent avec un « oeil simple », poursuivent-ils en regardant à Jésus, et s'entretenant avec Lui pendant tout le temps qu'ils s'entretiennent avec leur prochain ? Lorsqu'ils reprennent le péché, ne sentent-ils ni colère ni malveillance envers le pécheur ? Quand ils instruisent les ignorants, n'éprouvent-ils ni orgueil, ni préférence pour eux-mêmes ? Lorsqu'ils consolent les affligés ou qu'ils s'excitent les uns les autres à la charité et aux bonnes œuvres, ne se louent-ils jamais intérieurement eux-mêmes en se disant : « Voilà, tu as bien parlé », ou ne découvrent-ils en eux aucun mouvement de vanité, aucun désir que les autres pensent ainsi et en prennent sujet de les avoir en plus grande estime ? En tout ceci, ou tout au moins à plusieurs de ces égards, que le péché s'attache encore aux meilleurs discours même des croyants ! En avoir la conviction, c'est encore une face de cette repentance qui convient, même à ceux qui sont justifiés.

Et quant à leurs actions, combien de pêchés n'y voient-ils pas attachés, si leur conscience est tout à faite veillée ? Dans leur nombre, combien n'y a-t-il pas d'œuvres qu'on ne peut ni approuver, ni même excuser, si on en juge par la parole de Dieu, bien qu'elles semblent innocentes aux yeux du monde ? N'y en a-t-il pas qu'ils savent eux-mêmes ne pas être pour la gloire de Dieu ? ou même qu'ils ont faites, sans se proposer cette gloire et sans avoir égard à Dieu ? Et parmi celles qu'ils ont faites comme devant Dieu, n'en est-il pas plusieurs dans lesquelles ils n'avaient pas en vue Dieu seul, faisant leur propre volonté au moins autant que la sienne, et cherchant ce qui leur plaît, autant et même plus que ce qui plaît à Dieu ? Et quand ils s'efforcent de faire du bien à leur prochain, ne sentent-ils pas en eux-mêmes plusieurs mauvaises dispositions ? Leurs bonnes œuvres, comme on les appelle, ne méritent donc pas rigoureusement ce nom, puisqu'elles sont souillées d'un tel mélange de mal : telles sont leurs œuvres de charité. Et dans leurs œuvres de piété, n'y a-t-il pas le même mélange ? Lorsqu'ils écoutent la parole qui peut sauver leurs âmes, n'ont-ils pas souvent de ces pensées qui leur donnent lieu de craindre qu'elle ne serve à leur condamnation plutôt qu'à leur salut ? Et n'en est-il pas souvent de même lorsqu'ils s'efforcent, soit en public, soit en particulier ; d'offrir leurs prières à Dieu ? Même dans ce que le culte présente de plus solennel, dans la célébration de la Cène du Seigneur, quelles sont leurs pensées ? Leur cœurs n'errent-ils pas souvent çà et là, et ne sont-ils pas souvent remplis de telles imaginations que leur sacrifice leur paraît devoir être en abomination au Seigneur ? En sorte qu'ils ont plus de honte maintenant de leurs meilleures œuvres qu'ils n'en avaient auparavant de leurs plus grands péchés.

D'autre part, combien de péchés d'omission peuvent être mis à leur charge ! Nous savons ce que dit l'apôtre : « Celui-là donc pèche qui sait faire le bien et qui ne le fait pas ». Mais n'y a-t-il pas à leur connaissance des milliers d'occasions où ils auraient pu, soit pour le corps, soit pour l'âme, faire du bien à leurs ennemis, à des étrangers, à leurs frères, et où ils ne l'ont pas fait ? De combien d'omissions n'ont-ils pas été coupables dans leurs devoirs en Dieu ? Que de fois ils ont négligé la communion, l'ouïe de la parole, la prière publique ou secrète ! Tant il est vrai que les hommes les plus saints ont lieu de s'écrier comme le faisait le pieux archevêque Usher, après tant de travaux pour Dieu, et presque à son dernier soupir « Seigneur ! pardonne-moi mes péchés d'omission ».

Mais, outre ces omissions au dehors, ne peuvent-ils trouver au dedans d'eux-mêmes des défectuosités sans nombre ? des défectuosités de tout genre : envers Dieu ils n'ont ni l'amour, ni la crainte ; ni la confiance qu'ils devraient avoir envers le prochain ils n'ont ni l'amour qui est dû à tout enfant des hommes, ni même celui qui est dû à tout enfant de Dieu, soit à ceux qui sont éloignés, soit même à ceux avec qui ils sont immédiatement en relation. Aucune disposition sainte n'atteint chez eux le degré qu'il faudrait ; ils sont imparfaits en tout, et c'est dans le sentiment profond qu'ils ont de cette imperfection qu'ils sont prêts à s'écrier avec M. de Renty : « Je suis un champ tout couvert de ronces  » ; ou avec Job : « Je suis un homme vil : je me condamne et me repens sur la poudre et la cendre ».

La repentance qui convient aux enfants de Dieu renferme de plus une conviction de culpabilité. Mais ceci doit être entendu avec réserve et dans un sens particulier. Car il est certain qu'il « n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ », qui croient en lui, et qui, par la puissance de la foi, marchent, non selon la chair, mais selon l'Esprit ». Et pourtant ils ne peuvent pas plus maintenant qu'avant d'avoir cru soutenir la stricte justice de Dieu. Celle-ci, sur tous les points que nous venons d'indiquer, les déclare encore dignes de mort, et n'était le sang expiatoire, elle prononcerait infailliblement leur sentence. Ils ont donc la conviction entière qu'ils méritent encore le châtiment, quoiqu'il soit détourné d'eux par ce moyen. Mais ici il y a, de part et d'autre, des écueils que peu de gens savent éviter. Ce sont les extrêmes opposés où se jettent la plupart des hommes, les uns se croyant condamnés quand ils ne le sont point, les autres croyant mériter d'être absous. Non, la vérité est entre deux : ils ne méritent encore, à proprement parler, que la damnation de l'enfer. Mais ce qu'ils méritent ne vient point sur eux, parce qu'ils ont un avocat auprès du Père. Sa vie, sa mort et son intercession s'interposent encore entre eux et la condamnation.

Mais cette repentance des croyants comprend encore la conviction de leur entière impuissance. J'entends par là deux choses :

1° Que maintenant pas plus qu'avant d'être justifiés ils ne sont capables par eux-mêmes d'avoir une bonne pensée, de former un bon désir, de prononcer une bonne parole, de faire une bonne œuvre ; qu'ils n'ont encore aucune sorte ni degré de force propre, aucun pouvoir de faire le bien, ni de résister au mal ; aucune capacité de vaincre le monde, le diable ou leur mauvaise nature, ni même d'y résister. Ils peuvent, sans doute, faire tout cela ; mais ce n'est point par leur propre force. Ils ont le pouvoir de surmonter ces divers ennemis, car « le péché n'a plus domination sur eux  » ; mais cela ne vient pas même en partie de leur nature ; c'est un pur don de Dieu et qui leur est donné, non pas tout à la fois, comme une provision suffisante pour beaucoup d'années, mais de moment en moment.

2° Par cette impuissance, j'entends aussi une incapacité absolue de nous délivrer de cette culpabilité dont nous avons encore conscience, et qui fait que nous mettons encore le châtiment du péché ; j'entends aussi l'incapacité de faire disparaître, je ne dirai plus par nous-mêmes, mais par ce degré même de grâce que nous avons, soit la volonté propre, l'amour du monde, la colère, et, en général, le penchant à abandonner Dieu, que nous savons par expérience demeurer encore même chez les régénérés ; soit le mal qui, malgré tous nos efforts, s'attache à toutes nos paroles et à toutes nos actions. Joigniez-y l'entière incapacité d'éviter toujours des discours sans charité, et surtout sans profit, de nous garder des péchés d'omission, et de suppléer à ce qui nous manque en toutes choses, surtout au défaut d'amour et à l'imperfection des autres dispositions saintes et justes que nous devons avoir pour Dieu et pour les hommes.

Si quelqu'un hésite à admettre cela et croit que la justification donne la capacité de faire disparaître ces péchés, et du cœur et de la vie, qu'il en fasse l'expérience. Qu'il essaie si, par la grâce qu'il a déjà reçue, il peut chasser l'orgueil, la volonté propre, ou, en général, la corruption innée. Qu'il essaie s'il peut rendre ses paroles et ses actions pures de tout mélange de mal ; s'il peut éviter toute conversation sans charité et sans profit, et tout péché d'omission, et s'il peut enfin suppléer aux nombreuses défectuosités qu'il trouve encore en lui-même. Que, sans se laisser décourager par un ou deux essais infructueux, il répète et répète sans cesse l'épreuve : plus il la répètera, plus profonde deviendra sa conviction, qu'en toutes ces choses son impuissance est entière.

Cette vérité est réellement si évidente qu'il s'en faut peu que tous les enfants de Dieu, ça et là dispersés, quoiqu'ils diffèrent sur d'autres points, ne s'accordent tous à reconnaître, que, bien que nous puissions « par l'Esprit mortifier les œuvres du corps », combattre et vaincre le péché, tant intérieur qu'extérieur ; bien que nous puissions affaiblir de jour en jour nos ennemis, nous ne pouvons cependant les expulser. Quelle que soit la grâce donnée dans la justification, nous ne pouvons par elle les extirper. Pour tant que nous puissions veiller et prier, nous ne pouvons purifier entièrement nos cœurs ni nos mains. Non, sans doute, nous ne le pouvons, jusqu'à ce qu'il plaise à Notre Seigneur de parler encore à notre cœur, de lui dire pour la seconde fois : « Je le veux, sois nettoyé  » ; alors seulement la lèpre disparaît ; alors seulement la mauvaise racine, le sens charnel est détruit, alors la corruption innée n'existe plus. Mais s'il n'y a pas de second changement, de délivrance instantanée après la justification, s'il n'y a pas autre chose qu'une œuvre graduelle de Dieu (œuvre que personne ne conteste), alors il faut, bon gré mal gré, nous résigner à rester pleins de souillures jusqu'à la mort, et, dès lors, à rester jusqu'à la mort coupables et dignes de châtiment. Car il est impossible que cette culpabilité cesse de peser sur nous aussi longtemps que le péché demeure ainsi dans notre cœur et s'attache à nos paroles et à nos actions, mais plutôt, selon la rigueur de la justice, chaque pensée, chaque parole, chaque acte nouveau en augmente le poids.

II

Voilà dans quel sens nous devons nous repentir, après que nous sommes justifiés. Et sans cette repentance nous ne pouvons avancer. Car notre mal n'est guérissable que si nous le sentons. Mais si nous avons cette repentance, alors nous sommes appelés à « croire à l'Évangile ».

Ce commandement aussi doit être pris dans un sens particulier, différent de celui dans lequel on croit pour la justification. Croyez la bonne nouvelle de ce grand salut que Dieu a préparé pour tous les peuples. Croyez que Celui qui est « la splendeur de la gloire du Père, et l'image empreinte de sa personne, « peut sauver parfaitement ceux qui s'approchent de Dieu par Lui ». Il est capable de vous sauver de tout le péché qui demeure encore dans votre cœur. Il est capable de vous sauver de tout le péché qui s'attache à toutes vos paroles et actions. Il est capable de vous sauver des péchés d'omission et de perfectionner en vous ce qui est défectueux. Il est vrai que quant à l'homme c'est impossible ; mais quant à l'Homme-Dieu toutes choses sont possibles. Car qu'y a-t-il de trop difficile pour Celui à qui « toute puissance est donnée dans le ciel et sur la terre ? » Il est vrai qu'il ne nous suffit pas de savoir qu'il le peut faire : pour croire qu'il veut le faire, qu'il veut manifester ainsi son pouvoir, il faut qu'il l'ait promis. Mais il l'a promis ; il l'a promis surabondamment et dans les termes les plus forts. Il nous a donné ces « grandes et précieuses promesses » , soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament. Ainsi dans la Loi, la partie la plus ancienne. des oracles de Dieu, nous lisons : « Le Seigneur ton Dieu circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité, afin que tu aimes l'Éternel ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme (De 30 : 6)  ».

Ainsi dans les Psaumes : « Il rachètera Israël » — l'Israël de Dieu — « de toutes ses iniquités ». Ainsi dans le Prophète : « Je répandrai sur vous des eaux pures et vous serez nettoyés ; je vous nettoierai de toutes vos souillures et de tous vos dieux infâmes. — Je mettrai mon Esprit au dedans de vous et je ferai que vous marcherez dans mes statuts et les pratiquerez. Je vous délivrerai de toutes vos souillures (Eze 36 : 25-29)  ». Ainsi, enfin, dans le Nouveau Testament : « Béni Soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et racheté son peuple, et de ce qu'il nous a suscité un puissant Sauveur — selon le serment qu'il avait fait à Abraham notre père, de nous accorder qu'après avoir été délivrés de la main de nos ennemis, nous le servirions sans crainte, en sainteté et en justice, devant Lui, tous les jours de notre vie (Lu 1 : 68 et suiv.)  ».

Vous êtes donc bien fondés à croire, non seulement qu'il peut, mais encore qu'il veut faire ces choses ; qu'il veut vous nettoyer de toute souillure, de la chair et de l'esprit, qu'il veut « vous délivrer de toutes vos souillures ». C'est après cette grâce que vous soupirez maintenant ; c'est de cette foi que vous avez maintenant besoin. J'ai besoin de croire, que le grand médecin, l'ami de mon âme, a bien la volonté de me rendre net. Mais quand veut-il le faire ? Aujourd'hui ou demain ? Laissons-le répondre lui-même : « Aujourd'hui ; si vous entendez » ma « voix n'endurcissez pas votre cœur ». Si vous renvoyez à demain, vous endurcissez vos cœurs, vous refusez d'entendre sa voix. Croyez donc qu'il a la volonté de vous délivrer aujourd'hui. Il veut vous délivrer maintenant. « C'est maintenant le temps favorable », c'est maintenant, qu'il dit : « Sois nettoyé ! » Croyez seulement et vous ne manquerez pas d'éprouver aussitôt que « toutes choses sont possibles pour celui qui croit ».

Continue à croire en Celui qui t'a aimé et s'est donné pour toi, en Celui qui « porta tes péchés en son corps sur le bois  » ; et il continuera à te sauver de toute condamnation par l'application non interrompue de son sang expiatoire. C'est ainsi que nous nous maintenons justifiés. Et si marchant « de foi en foi », nous croyons pour être nettoyés de la corruption innée, pour être délivrés de toutes nos souillures, nous sommes pareillement délivrés de toute cette culpabilité que nous sentions auparavant. En sorte que nous pouvons dire non seulement : Seigneur, il me faut constamment la vertu de ton sang ; mais encore dans la pleine assurance de la foi ; Seigneur, j'éprouve constamment la vertu de ton sang ! Car, par cette foi sans cesse renouvelée en sa vie, en sa mort, en son intercession, nous sommes, de tous points, nettoyés, et non seulement nous ne sommes plus sous la condamnation, mais nous ne la méritons plus comme auparavant, car le Seigneur purifie et nos cœurs et nos actions.

Par cette même foi nous sentons toujours reposer sur nous ce pouvoir de Christ par lequel seul nous sommes ce que nous sommes, qui nous rend capables de persévérer dans la vie spirituelle et sans lequel, quelque saints que nous soyons dans un moment donné, nous serions l'instant d'après, des démons. Mais aussi longtemps que nous retenons notre foi en Lui, « nous puisons des eaux, avec joie, aux sources de cette délivrance ». Appuyés sur notre Bien-Aimé, sur Christ qui est en nous l'espérance de la gloire, qui habite dans nos cœurs par la foi, et il qui toujours intercède pour nous à la droite de Dieu, nous recevons son secours pour penser, dire, faire les choses qui lui sont agréables. C'est ainsi que dans toutes leurs œuvres, il vient au-devant de ceux qui croient en Lui, et les fait avancer par son constant secours, en sorte que c'est en Lui qu'est le commencement, la continuation et la fin de tous leurs desseins, de tous leurs discours, de toutes leurs actions. C'est ainsi que par la communication de son Esprit, il purifie les pensées de leurs cœurs, afin qu'ils puissent l'aimer d'un amour parfait et glorifier dignement son saint nom.

C'est ainsi que, chez les enfants de Dieu, la repentance et la foi se correspondent l'une à l'autre. Par la repentance nous sentons que le péché demeure dans nos cœurs et s'attache à nos paroles et à nos actions par la foi nous recevons le pouvoir de Dieu en Christ qui purifie nos cœurs et nos mains. Par la repentance, nous nous voyons encore dignes de châtiment pour toutes nos dispositions, paroles et actions : par la foi, nous savons que notre « avocat auprès du Père ne cesse de plaider pour nous, et qu'il éloigne ainsi de nous, sans cesse, la condamnation et le châtiment. Par la repentance, nous avons la conviction permanente de notre incapacité pour le bien ; par la foi, nous obtenons non seulement la miséricorde, mais la « grâce pour être secourus dans le temps convenable ». La repentance repousse jusqu'à la possibilité d'un autre secours ; la foi accepte tout le secours nécessaire de Celui qui a « toute puissance dans le ciel et sur la terre ! » La repentance dit : « Sans lui je ne puis rien  » ; la foi dit : « Je puis toutes choses par Christ qui me fortifie ». Par lui je puis non seulement vaincre, mais expulser tous les ennemis de mon âme.

Par lui je puis « aimer le Seigneur mon Dieu, de tout mon cœur, de toute mon âme, de toute ma pensée et de toutes mes forces  » ; Je puis marcher dans la sainteté et dans la justice devant Lui tous les jours de ma vie.

III

De ce qui précède, nous pouvons aisément conclure :

1. Combien est pernicieuse l'opinion que dès que nous sommes justifiés nous sommes entièrement saints et que nos cœurs sont dès lors purifiés de tout péché. Nous sommes alors, il est vrai, délivrés, ainsi qu'il a été dit, de la domination extérieure du péché, et la puissance du péché intérieur est même brisée de telle sorte que nous ne sommes plus du tout obligés ni de le suivre, ni de lui obéir ; mais il n'est point vrai que le péché intérieur soit dès lors totalement détruit, que l'orgueil, la volonté propre, la colère, l'amour du monde n'aient plus de racine dans le cœur, ou que l'affection charnelle et le penchant du cœur à s'éloigner de Dieu soient extirpés. Supposer le contraire n'est pas non plus, comme on pourrait croire, une erreur innocente et inoffensive. Non, elle fait un mal immense ; elle rend tout changement ultérieur impossible ; car évidemment ceux qui sont en santé n'ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal. Si donc nous croyons être déjà tout à fait guéris, il n'y a pas lieu de chercher une plus complète guérison. Dans cette supposition il serait absurde d'attendre aucune autre délivrance du péché, soit graduelle, soit instantanée.

Au contraire, la conviction profonde que nous ne sommes pas encore entièrement guéris, que nos

cœurs ne sont pas tout à fait purs, qu'il y a encore en nous des sentiments charnels qui, de leur nature, sont inimitié contre Dieu, et que le corps du péché est encore là, tout entier, affaibli mais non détruit, cette conviction ne permet aucun doute sur l'absolue nécessité d'un changement plus complet. J'accorde sans doute que, dès l'instant que nous sommes justifiés, nous sommes nés de nouveau : dès cet instant nous expérimentons au dedans ce que l'Écriture appelle « un passage des ténèbres à la lumière », — de l'image de la brute et du diable à l'image de Dieu, — des sentiments terrestres, sensuels et diaboliques aux sentiments qui étaient en Jésus-Christ. Mais sommes-nous dès lors entièrement changés ? Sommes-nous complètement transformés à l'image de Celui qui nous a créés ? Bien loin de là ! Il y a toujours en nous un abîme de péché, nous le sentons, et c'est ce qui nous presse de chercher avec larmes une entière délivrance auprès de Celui qui est puissant pour sauver. De là vient que ceux d'entre les croyants qui n'ont pas la conviction de leur profonde corruption ou qui n'en ont qu'une conviction légère et doctrinale ont peu de souci de leur entière sanctification. Il se peut qu'ils admettent un tel changement pour le moment de la mort ou pour une époque antérieure qu'ils ne sauraient fixer. Mais ils ne souffrent guère d'en être privés ; ils n'en sont ni affamés, ni altérés. Ils ne sauraient l'être, jusqu'à ce qu'ils se repentent dans le sens que j'ai indiqué, jusqu'à ce que Dieu leur dévoile la face du monstre qu'ils cachent en leur sein, et leur montre l'état réel de leur âme. Alors seulement, sentant leur fardeau, ils soupireront après la délivrance. Alors, et seulement alors, ils s'écrieront dans l'angoisse de leur âme :

Brise les liens du péché

Et mets mon âme en liberté !

Il n'y a de vrai repos pour moi

Que dans la pureté d'un esprit tout à toi !

2. Une seconde conclusion à tirer de nos réflexions, c'est qu'une profonde conviction de notre démérite et même, dans un certain sens, de notre coulpe, dans l'état de justification, est absolument nécessaire pour nous faire apprécier toute la valeur du sang expiatoire, pour nous faire sentir qu'après, comme avant la justification, nous en avons le plus grand besoin. Sans cela nous ne pouvons regarder le sang de l'alliance que comme une chose commune dont nous n'avons pas maintenant grand besoin, tous nos péchés passés étant effacés. Oui, mais si notre cœur est encore impur, aussi bien que notre vie, il en résulte pour nous une espèce de culpabilité toujours nouvelle qui nous exposerait à chaque instant à une nouvelle condamnation, si nous ne pouvions dire de notre Rédempteur :

Il vit toujours aux cieux

Pour plaider notre cause,

Par son sang précieux.

Il y a dans les paroles qui suivent une forte expression de la repentance des croyants et de la foi qui doit en être inséparable :

En moi chaque souffle est péché ; je ne fais point ta volonté ici-bas comme les anges dans le ciel. Mais la source demeure toujours ouverte ; je m'y lave les pieds, le cœur, les mains, jusqu'à ce que je sois rendu accompli dans l'amour ».

3. Enfin une dernière conclusion, c'est qu'une conviction profonde de notre extrême impuissance, de notre extrême incapacité pour retenir ce que nous avons reçu, et plus encore pour nous délivrer nous-mêmes de ce monde d'iniquité qui demeure dans nos cœurs et dans nos actions, peut seule nous enseigner à vivre véritablement de la foi en Christ, non seulement comme étant notre sacrificateur, mais aussi comme notre roi. C'est ce qui nous dispose réellement à « l'exalter », à « rendre toute gloire à sa grâce, à « le recevoir comme un vrai Christ, un parfait Sauveur, et à poser en réalité la couronne royale sur sa tête ».

Belles paroles ! qui n'ont que peu ou point de sens dans bien des bouches, mais qui s'accomplissent dans toute leur force et leur profondeur, lorsqu'ainsi nous sortons, en quelque sorte, de nous-mêmes, pour ne plus vivre que de sa vie ; lorsque nous rentrons nous-mêmes dans le néant, pour qu'il soit « tout en tout ». Sa grâce toute puissante ayant alors détruit « toute hauteur qui s'élève contre lui, il s'ensuit que toute disposition, toute pensée, toute parole, toute action est amenée « captive » et soumise à « l'obéissance de Christ ».

 


Romains 14,10

1758

 

« Nous comparaisons tous devant le tribunal de Christ ». (Ro14 : 10)

 

Ce sermon fut prêché par Wesley, dans l'église Saint-Paul de Bedford, le vendredi 10 mars 1758 à l'occasion des Assises tenues à ce moment dans cette ville, sous la présidence de Sir Edward Clive, Il fut publié à la requête du Shérif du comté.

Combien de circonstances concourent à donner un caractère auguste à la solennité actuelle ! Ce rassemblement considérable de gens de tout âge, de tout sexe, de tout rang, de toute condition sociale, réunis volontairement ou non, de près et de loin ; ces criminels, qui vont comparaître devant la justice, sans possibilité d'échapper ; ces fonctionnaires prêts, selon leurs diverses attributions, à exécuter les ordres qui leur seront donnés ; et le représentant de notre souverain, que nous révérons et honorons si hautement ! Le motif de ce rassemblement ajoute encore à sa solennité. Il s'agit en effet d'entendre et de juger des causes diverses, dont quelques-unes sont de la plus haute importance, puisqu'il y va de la vie ou de la mort des accusés, et non seulement de leur mort, mais aussi de leur éternité ! Ce fut sans aucun doute pour accroître encore le sérieux de ces occasions, et non pour amuser le vulgaire, que la sagesse de nos pères ne dédaigna pas de régler les moindres détails de ces solennités. Car ces détails, en frappant l'oeil ou l'oreille, peuvent plus fortement affecter le cœur. Considérés à ce point de vue, les trompettes, les masses, les costumes ne paraissent plus des superfluités insignifiantes ; mais ils servent, à leur manière et en quelque mesure, à la réalisation des meilleurs progrès sociaux.

Mais, quelque auguste que soit cette solennité, il en est une bien plus auguste encore qui approche. Car encore un peu de temps, et « nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Christ ». « Car je suis vivant, dit le Seigneur, que tout genou fléchira devant moi et que toute langue donnera gloire à Dieu ! » « Et dans ce jour, chacun rendra compte à Dieu pour soi-même (Ro 14 : 10-12)  ».

Plût à Dieu que tous les hommes fussent pénétrés de cette pensée ! Ce serait la meilleure sauvegarde de la société. Il n'est point de mobile plus puissant pour nous pousser à remplir les devoirs d'une vraie moralité, à pratiquer fidèlement les vertus solides, à marcher avec persévérance dans les voies de la justice, de la bonté et de la vérité. Rien ne peut fortifier nos mains pour tout ce qui est bon, et nous détourner du mal sous toutes ses formes, comme cette ferme conviction que « le Juge est à la porte (Jas 5 : 9) » et que nous allons bientôt comparaître devant lui.

Il peut donc y avoir quelque utilité dans la circonstance actuelle, à examiner : D'abord quelles sont les principales circonstances qui précéderont notre comparution devant le tribunal de Christ ; puis le jugement lui-même, et enfin quelques-unes des circonstances qui le suivront.

I

Premièrement donc, voyons quelles circonstances précéderont notre comparution devant le tribunal de Christ. Et d'abord, Dieu fera « des signes en bas sur la terre » (Act 2 : 19) ; « il se lèvera pour frapper la terre (Esa 2 : 19)  ». « Elle chancellera entièrement comme un homme ivre, et, sera transportée comme une loge (Esa 24 : 20)  ». « Il y aura des tremblements de terre », non en divers lieux seulement, mais « en tous lieux (Lu 21 : 11) ; » non ici ou là, mais dans toutes les parties du monde habité, et tels enfin qu'il n'y en a jamais eu de semblables depuis que les hommes sont sur la terre. Dans l'un de ces cataclysmes, « toutes les îles s'enfuiront, et les montagnes ne seront plus trouvées (Apo 16 : 20)  ». En même temps, toutes les eaux de notre globe ressentiront la violence de ces secousses, « la mer et les flots faisant un grand bruit (Lu 21 : 25) ; » et leur agitation sera telle que rien de pareil n'aura été vu, depuis le jour où « les fontaines du grand abîme furent rompues (Ge 7 : 11) », pour détruire la terre « tirée de l'eau et qui subsistait au milieu de l'eau (2Pi 3 : 5)  ». L'atmosphère sera bouleversée par des ouragans et des tempêtes, pleine de noires vapeurs et de « colonnes de fumée (Joe 2 : 30) », ébranlée par les éclats du tonnerre d'un pôle à l'autre pôle, et déchirée par des myriades d'éclairs. Ces commotions n'ébranleront pas seulement notre atmosphère ; « les puissances des cieux seront aussi ébranlées, et il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles (Lu 21 : 25,26) ; » tant dans les étoiles fixes que dans leurs satellites. « Le soleil sera changé en ténèbres et la lune en sang ; avant que le jour grand et terrible de l'Eternel vienne (Joe 2 : 31)  ». « Les étoiles cesseront de briller (Joe 3 : 15) » « elles tomberont du ciel (Apo 6 : 13) », précipitées hors de leurs orbites. C'est alors que se fera entendre le cri retentissant que pousseront à la fois toutes les légions célestes et qui sera suivi par « la voix de l'archange », annonçant la venue de celui qui est en même temps Fils de Dieu et Fils de l'homme, et « la trompette de Dieu (1Th 4 : 16) » donnera le signal à tous ceux il lu dorment dans la poussière de la terre. Et aussitôt tous les tombeaux s'ouvriront, et les corps morts ressusciteront. La mer elle-même « rendra les morts qui sont en elle (Apo 20 : 13) » et chacun ressuscitera avec « son propre corps » , en substance du moins, mais doué de propriétés nouvelles qu'il nous est impossible de concevoir actuellement. Car « ce corps corruptible sera alors revêtu d'incorruptibilité et ce corps mortel d'immortalité (1Co 15 : 53) » « La mort et le Hadès, de monde invisible) rendront leurs morts (Apo 20 : 13) », en sorte que tous ceux qui. auront vécu et, qui seront morts depuis la création de l'homme, ressusciteront. incorruptibles et immortels.

Au même moment, « le Fils de l'homme enverra ses anges » par toute la terre, « pour rassembler ses élus des quatre vents des cieux, depuis un bout du ciel jusqu'à l'autre bout (Mat 24 : 31)  ». Le Seigneur lui-même viendra sur les nuées, dans sa propre gloire et la gloire de son Père, avec les dix milliers de ses saints et des myriades d'anges et il s'assiéra sur le trône de sa gloire. « Toutes les nations seront assemblées devant lui, et il séparera les uns d'avec les autres, et il mettra les brebis (les justes) à sa droite et les boucs (les méchants) à sa gauche (Mat 25 : 31 et suiv.) »

C'est de cette grande assemblée que le disciple bien-aimé parle, quand il dit : « Je vis aussi les morts » (ceux qui l'avaient, été) « grands et petits, qui se tenaient debout devant Dieu ; et les livres furent ouverts » (expression figurée, empruntée aux usages des hommes) « et les morts furent jugés selon leurs œuvres, par ce qui était écrit dans les livres (Apo 20 : 12).

II

Telles sont, d'après les oracles sacrés, les principales circonstances qui précéderont le jugement dernier. Considérons, en second lieu, le jugement lui-même, autant, qu'il a plu à Dieu de nous le révéler.

Celui par qui Dieu jugera le monde, c'est son Fils unique, dont « les issues sont dès les temps éternels (Mic 5 : 2), « qui est Dieu par-dessus toutes choses, béni éternellement (Ro 9 : 5)  ». C'est à lui, « la splendeur de la gloire de Dieu et l'image empreinte de sa personne (Heb 1 : 3) », que le Père « a donné l'autorité d'exercer le jugement, parce qu'il est le Fils de l'homme (Jea 5 : 22,27)  ». « Car, étant en forme de Dieu, il n'a point regardé comme une usurpation d'être égal à Dieu ; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la forme de serviteur, se rendant semblable aux hommes et ayant paru comme un simple homme, il s'est abaissé lui-même, s'étant rendu obéissant,jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu l'a souverainement élevé (Phi 2 : 6-9) » même dans sa nature humaine, et il l'a établi, lui homme, pour juger les enfants des hommes, « pour être le juge des vivants et des morts (Act 10 : 42)  ». tant de ceux qui seront trouvés sur la terre à son avènement, que de ceux qui auront été retirés vers leurs pères.

Le jour appelé par le prophète « le grand et terrible jour (Joe 2 : 11) », est généralement désigné dans l'Écriture comme le jour du Seigneur. Le temps qui va de la création de l'homme jusqu'à la fin de toutes choses, c'est le jour des fils des hommes ; le temps où nous sommes est notre jour ; quand il prendra fin, alors commencera le jour du Seigneur. Mais qui dira sa durée ? « A l'égard du Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour (2Pi 3 : 8)  ». Quelques pères de l'Église, s'appuyant sur ce texte, en ont conclu que le jour du jugement s'étendra sur une période de mille années ; et il semble bien que leur opinion sur ce point se tient plutôt en deçà de la vérité qu'elle ne va au delà. En effet, si nous tenons compte de la multitude de ceux qui doivent, comparaître en jugement et des actions sur lesquelles ils seront interrogés, il ne semble pas que mille ans puissent. suffire pour achever la tâche de ce jour, et il ne parait pas improbable qu'il s'étende sur plusieurs milliers d'années. Mais Dieu nous en instruira, quand l'heure en sera venue.

Quant au lieu où nous serons jugés, il n'est point clairement déterminé dans l'Ecriture. Un auteur éminent (et qui n'est pas seul de son avis) a émis l'opinion que ce lieu sera notre globe, qui a servi de théâtre aux œuvres qui seront jugées, et que Dieu emploiera ses anges, comme dit le poète,

A aplanir et à étendre l'espace immense

Où il réunira toute l'espèce humaine (Young, The last day).

Mais peut-être est-il plus conforme aux enseignements de notre Seigneur, qui doit venir « sur les nuées », de supposer que le jugement aura lieu au-dessus de la terre, ou dans les espaces planétaires. Cette supposition semble fortement appuyée par cette déclaration de saint Paul aux Thessaloniciens : « Ceux qui seront morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous qui vivrons et qui serons restés sur la terre, nous serons enlevés tous ensemble avec eux dans les nuées, au-devant du Seigneur, en l'air (1Th 4 : 16,17)  ». Il semble donc probable que le grand trône blanc sera haut élevé au-dessus de la terre.

Qui nous dira maintenant le nombre des personnes qui seront jugées ? Autant vaudrait essayer de compter les gouttes de pluie ou les grains de sable de la mer ! « Je vis », dit, saint Jean, « une grande multitude que personne ne pouvait compter ; ils se tenaient devant le trône et devant l'Agneau, vêtus de robes blanches, et des palmes à la main (Apo 7 : 9)  ». Quelle immense assemblée que celle qui comprendra toutes les nations, toutes les tribus, tous les peuples, toutes les langues, tous les enfants d'Adam depuis le commencement du monde jusqu'à la fin des temps ! En admettant, comme on le croit généralement et comme cela semble fort. probable, que la population de la terre ne soit pas en moyenne inférieure à quatre cents millions d'âmes (On sait qu'on estime aujourd'hui la population du globe à un chiffre au moins triple (Note de l'Editeur en 1888) ), hommes, femmes et enfants, quelle multitude que celle qui se sera grossie de toutes ces générations pendant sept mille ans ! Et comme dit le poète :

Les armées innombrables du grand Xercès et celles qui luttèrent à Cannes,

Seront là réunies ; et y seront comme perdues.

Vainement elles essayeraient d'attirer l'attention.

Elles seront perdues comme une goutte d'eau dans l'Océan, (Young, The mast day)

Chaque homme, chaque femme, chaque enfant ayant respiré l'air vital, entendra alors la voix du fils de Dieu, se lèvera vivant et comparaîtra devant lui. C'est ce que semble signifier cette expression : « les morts, petits et grands : » tous sans exception, quels que soient le sexe, le rang ; tous ceux qui ont vécu et sont morts ou qui auront été transformés sans passer par la mort. Car, longtemps avant ce jour, le fantôme de la grandeur humaine se sera évanoui et sera rentré dans le néant. C'est dès l'heure de la mort qu'il disparaît. Qui est riche ou grand dans la tombe ?

Chacun aura à « rendre compte de ses œuvres », un compte complet et véridique de tout ce qu'il aura fait étant dans son corps, soit bien, soit mal. Oh ! quelle scène paraîtra alors aux yeux des anges et des hommes ! alors que le Dieu tout-puissant, qui sait tout ce qui se passe dans les cieux et sur la terre, interrogera et châtiera les coupables (Ainsi le Rhadamanthe de la mythologie : Castigatque auditque dolos ; subigitque fateri Quae quis apud superos, furto laetatus inani, Distulit in seram commissa piacula mortem. Virgile, Enéïde VI, 567-569. « Il punit, il juge les crimes ; il contraint chaque homme d'avouer les fautes qu'il a commises sur la terre, et qu'il dissimula pendant toute une longue vie, espérant follement qu'elles demeureraient cachées ». )

Et ce ne seront pas seulement les actions, mais aussi les paroles de chacun des fils des hommes qui seront mises en lumière ; car, dit Jésus, les hommes rendront compte, au jour du jugement, de toutes les paroles vaines qu'ils auront dites ; car tu seras justifié par tes paroles, et par tes paroles tu seras condamné (Mat 12 : 36,37) », Dieu ne révélera-t-il pas aussi toutes les circonstances qui auront accompagné chaque parole ou chaque action et qui, sans en altérer la nature, auront diminué ou augmenté ce qu'il y avait de bien ou de mal en elles ? Rien de plus facile à celui qui a « une parfaite connaissance de toutes nos voies et pour lequel la nuit même resplendit comme la lumière ( (Ps 139 : 3,12)  ».

De plus, Dieu mettra en évidence, non seulement, les œuvres qui se seront cachées dans les ténèbres, mais aussi les pensées et les intentions secrètes des cœurs. Il n'y a là rien d'étonnant : ; car « Dieu sonde les cœurs et les reins (Jer 6 : 20) ; » « toutes choses sont nues et entièrement découvertes aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte (Heb 4 : 13) ; » « le sépulcre et le gouffre sont devant l'Eternel ; combien plus les cœurs des enfants des hommes (Pro 15 : 11) ! »

Dans ce jour, tous les mobiles cachés de chaque âme humaine seront découverts, tous ses appétits, ses passions, ses inclinations, ses affections, ainsi que leurs diverses combinaisons, aussi bien que toutes ces dispositions qui forment le caractère complexe de chaque individu. On verra alors clairement et sans erreur qui aura été juste et qui aura été injuste, et à quel degré chaque action, chaque personne, chaque caractère auront participé au bien ou au mal.

« Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger et vous m'avez recueilli ; j'étais nu et vous m'avez vêtu (Mat 25 : 34,36)  ». C'est de telle sorte que tout le bien qu'ils auront fait sur la terre sera récité devant les hommes et les anges ; tout ce qu'ils auront fait, en parole ou en action, au nom ou pour l'amour du Seigneur Jésus. Tous leurs bons désirs, leurs bonnes pensées, leurs dispositions saintes seront aussi rappelés, et l'on verra que, si les hommes les ignoraient ou les oubliaient, Dieu les inscrivait dans son livre. De même tout ce qu'ils auront souffert pour le nom de Jésus et pour le témoignage d'une bonne conscience, le juste Juge le publiera à leur louange et à leur honneur devant les saints et les anges, et pour l'accroissement de ce « poids éternel d'une gloire infiniment excellente (2Co 4 : 17) » qui sera leur partage.

Mais sera-t-il fait mention aussi, dans ce jour et devait cette grande assemblée, de leurs mauvaises actions ? (Car, à prendre la vie dans son ensemble, il n'est pas un homme qui ne pèche.) Plusieurs croient que non, et demandent : « Si cela était, n'en résulterait-il pas que leurs souffrances ne seraient point finies, même après la fin de leur existence, et qu'ils auraient toujours en partage la tristesse, la honte et la confusion de face ? » Et l'on ajoute : « Ce serait aller à l'encontre de cette déclaration du prophète : « Que si le méchant se détourne de tous les péchés qu'il aura commis, et qu'il garde tous mes statuts, et fasse ce qui est juste et droit, certainement il vivra, il ne mourra point ; il ne sera fait aucune mention de tous les péchés qu'il aura commis (Ez 18 : 21,22)  ». Joignez-y la promesse que Dieu fait à tous ceux qui acceptent son alliance de grâce : « Je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché (Jer 31 : 34)  ». Ou encore : « Je pardonnerai leurs injustices et je ne me souviendrai plus de leurs péchés ni de leurs iniquités (Heb 8 : 12)  ».

Voici notre réponse. Il semble absolument nécessaire, pour la pleine manifestation de la gloire de Dieu, et afin de montrer clairement et parfaitement sa sagesse, sa justice, sa puissance et sa miséricorde en faveur des héritiers du salut, que toutes les circonstances de leur vie soient mises en pleine lumière, ainsi que toutes leurs dispositions, tous leurs désirs, toutes leurs pensées et tous les mouvements de leurs cœurs. Autrement, qui pourrait savoir à quel abîme de péché et de misère la grâce de Dieu les aura arrachés ? En effet, il faut que la vie de chacun des fils des hommes soit entièrement mise en lumière, pour faire ressortir l'enchaînement étonnant des événements conduits par la divine Providence ; sans cela, nous serions incapables, dans mille cas, de justifier les voies de Dieu envers l'homme.

Si la déclaration suivante du Seigneur ne devait se réaliser pleinement, et sans restriction : « Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu (Mat 10 : 26) ; » un grand nombre des dispensations de Dieu nous paraîtraient sans raison. Et alors seulement que Dieu aura mis en lumière toutes les œuvres cachées des ténèbres, quels que soient ceux qui les auront commises, l'on verra combien sages et excellentes furent toutes ses voies ; on verra que son oeil pénétrait la sombre nuée et qu'il gouvernait toutes choses avec une sagesse infaillible, ne laissant rien au hasard ou au caprice des hommes, mais disposant tous les événements avec force et douceur tout ensemble, pour en former une admirable chaîne de justice, de miséricorde et de vérité.

Cette révélation des perfections divines remplira les justes d'une joie ineffable, bien loin de leur faire éprouver de la douleur et de la honte pour leurs transgressions passées, dès longtemps effacées et lavées dans le sang de l'Agneau. Il leur suffira que, de toutes les transgressions qu'ils auront commises, aucune ne leur soit reprochée et que leurs péchés, leurs transgressions et leurs iniquités ne puissent plus les condamner. C'est là le sens bien clair de la promesse, et les enfants de Dieu en éprouveront la vérité, et y trouveront une éternelle consolation.

Quand les justes auront été jugés, le Roi se tournera vers ceux qui seront à sa gauche, et eux aussi seront jugés, chacun selon ses œuvres. Et ils ne rendront pas compte de leurs œuvres extérieures seulement, mais de toutes les paroles mauvaises qu'ils auront prononcées, voire même de tous les mauvais désirs, de toutes les affections, de tous les penchants, auxquels ils auront donné place dans leurs âmes, comme aussi de toutes les mauvaises pensées et intentions de leurs cœurs. La joyeuse sentence d'acquittement sera alors prononcée en faveur de ceux qui seront à la droite, et la terrible sentence de condamnation contre ceux qui seront à la gauche ; et toutes deux également définitives et aussi immuables que le trône de Dieu.

III

Considérons, en troisième lieu, quelques-unes des circonstances qui suivront, le jugement universel. La première sera l'exécution de cette double sentence : « Ceux-ci s'en iront, aux peines éternelles, mais les justes iront à la vie éternelle (Mat 25 : 46)  ». Il est à remarquer que le même terme est employé dans l'une et l'autre clause. Il en résulte que, ou bien la punition est éternelle, ou bien, si elle prend fin, la récompense aussi aurait un terme. Non, jamais ! à moins que Dieu lui-même put finir, ou que sa miséricorde et sa vérité vinssent à faire défaut. « Alors les justes luiront comme le soleil dans le royaume de leur, Père (Mat 13 : 43) », et s'abreuveront aux sources « des plaisirs, qui sont à la droite de Dieu pour jamais (Ps 16 : 14)  ». Mais ici toute description est insuffisante, tout langage humain est impuissant. Celui-là seul qui fut ravi au troisième ciel put s'en faire une juste conception ; mais lui non plus ne put exprimer ce qu'il avait vu ; ce sont des choses « qu'il n'est pas possible à l'homme d'exprimer (2Co 12 : 4)  ».

Cependant « les méchants seront précipités en enfer, et toutes les nations qui oublient Dieu (Ps 9 : 18)  ». Ils seront « punis d'une perdition éternelle, par la présence du Seigneur, et par sa puissance glorieuse (2Th 1 : 9)  ». Ils seront « jetés dans l'étang ardent de feu et de soufre (Apo 19 : 20) », « préparé pour le diable et, pour ses anges (Mat 15 : 41) », où ils se rongeront la langue d'angoisse et de douleur, où ils maudiront Dieu. Là, ces chiens hideux de l'enfer, l'orgueil, la méchanceté, la vengeance, la rage, l'horreur, le désespoir, les dévorent continuellement. Là « ils n'ont aucun repos ni jour ni nuit, mais la fumée de leurs tourments monte aux siècles des siècles (Apo 14 : 11) ! » « Car leur ver ne meurt point et leur feu ne s'éteint point (Mr 9 : 44)  ».

Alors les cieux seront roulés comme un parchemin et passeront. avec un grand bruit : ils s'enfuiront devant la face de celui qui est assis ; sur le trône, « et on ne les trouvera plus (Apo 20 : 11) » L'apôtre Pierre nous décrit la façon dont ils passeront : « Les cieux enflammés seront dissous et les éléments embrasés se fondront (2Pi 3 : 12)  ». Toute cette œuvre admirable sera dévorée par les flammes, ses diverses parties seront violemment séparées et il ne restera pas deux atomes ensemble : « La terre sera entièrement brûlée avec tout ce qu'elle contient (2Pi 3 : 10)  ». Les œuvres énormes de la nature, les coteaux éternels, les montagnes qui ont défié la rage du temps et dressé fièrement leur tête pendant tant de milliers d'années, s'affaisseront en ruines embrasées. Combien moins les œuvres de l'art, même celles qui semblaient les plus durables, et qui représentaient le suprême effort de l'industrie humaine, pourront-elles résister aux flammes conquérantes : mausolées, colonnes, arcs de triomphe, châteaux, pyramides, tout, tout sera détruit, périra, s'évanouira comme un songe au réveil !

Quelques auteurs, aussi distingués parla piété que par le savoir, ont bien avancé qu'aucune partie, aucun atome de l'univers ne sera jamais totalement détruit, attendu qu'il faut un égal déploiement de puissance pour annihiler que pour créer, pour réduire à rien que pour créer de rien. De plus, ils ont émis l'hypothèse que, le dernier effet du feu étant, d'après nos connaissances actuelles, de transformer en verre ce qu'il avait d'abord réduit en cendres, après quoi il ne peut plus rien, la terre entière, et peut-être aussi les cieux, en tant que matériels, subiront celle transformation au jour fixé par Dieu. Ils citent, à l'appui, ce passage de l'Apocalypse : « Il y avait aussi devant. le trône urne mer de verre semblable à du cristal (Apo 4 : 6)  ».

Si les moqueurs, si certains philosophes méticuleux demandent : « Comment cela est.-il possible ? Où trouverait-on assez de feu pour consumer les cieux et tout le globe terrestre ? » nous leur ferons remarquer, premièrement, que cette objection ne s'applique pas uniquement au système chrétien ; car la même opinion avait presque universellement cours chez les moins fanatiques des païens. C'est ainsi que l'un de ces libres penseurs, Ovide, traduit les penses de ses contemporains dans ces vers bien connus :

Esse quoque in fatis reminiscitur, affore tempus,

Quo mare, quo tellus, correptaque regia coeli

Ardeat, et mundi moles operosa laboret

( « Il se souvient qu'il est aussi dans l'ordre des destins qu'un temps viendra où la mer, la terre et les palais des cieux s'embraseront et brûleront, où l'édifice de l'univers, élevé si laborieusement, s'écroulera ». Ovule. M tamorph., liv. 1. v. 256-258.)

Mais, en second lieu, il suffit d'avoir une connaissance assez superficielle de la nature pour affirmer qu'il y a, dans l'univers, d'abondantes réserves de feu tout préparé et comme emmagasiné pour le grand jour du Seigneur. Avec quelle rapidité, dès qu'il en donnera le signal, une comète pourra se précipiter sur nous des confins de l'univers ! Et si elle heurtait, la terre dans sa course rapide, plus incandescente mille fois que le boulet rouge qui s'échappe du canon, qu'arriverait-il ? Mais, sans nous élever dans de si hautes régions que celles des cieux éthérés, ces éclairs qui illuminent soudain l'obscurité de la nuit ne pourraient-ils pas, au commandement du Dieu de la nature, mous apporter la ruine et, la destruction ? Ou, pour rester enfin sur le globe lui-même, qui pourrait sonder les profondeurs de ces prodigieux réservoirs de feu liquide que, d'âge en âge, la terre renferme dans son sein ? L'Etna, l'Hécla, le Vésuve et tous les autres volcans qui vomissent des flammes et des charbons incandescents, que sont-ils autre chose que les manifestations et les bouches de ces fournaises ardentes, nous fournissant autant de preuves que Dieu a en réserve tout ce qu'il faut pour accomplir sa parole ? De plus si nous bornons nos recherches à la surface de la terre, et aux choses qui nous entourent de tous côtés, il est, très certain (comme le démontrent mille expériences) que notre propre corps, aussi bien que les autres corps qui nous environnent, contiennent du feu. N'est-il pas aisé de rendre visible ce feu éthéré, et d'en obtenir les mêmes effets que produit le feu ordinaire sur des matières combustibles (Wesley fait évidemment allusion à l'électricité ; encore fort peu connue de son temps.) Dieu ne pourrait-il pas déchaîner cet agent actuellement enchaîné et latent dans chaque molécule de la matière ? Et avec quelle rapidité, une fois mis en liberté, il réduirait en poudre le monde universel et envelopperait toutes choses dans une commune ruine !

Signalons une dernière conséquence du jugement dernier, qui mérite d'être prise en sérieuse considération : « Nous attendons », dit l'apôtre, « selon sa promesse, de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habite (2Pi 3 : 13)  ». Cette promesse se lit en Esaïe : « Voici ; je vais créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre, et on ne se souviendra plus des choses passées (Esa 65 : 17) ; » telle sera la gloire de la nouvelle création ! C'est elle que saint Jean a contemplée : « Je vis ensuite » , dit-il., « un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car le premier ciel et la première terre étaient passés (Apo 21 : 1) ». Là n'habite plus que la justice. Aussi ajoute-t-il : « Et j'entendis une grande voix qui venait du ciel et qui disait : Voici le tabernacle olé Dieu avec les hommes, et il habitera avec eux ; ils seront son peuple, et Dieu sera lui-même leur Dieu, et il sera avec eux. (Apo 21 : 3) ! »

Il s'ensuit qu'ils seront heureux : « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni travail ; car ce qui était auparavant sera passé » (Apo 21 : 4). « Il n'y aura plus là d'anathème ; ils verront sa face (Apo 22 : 3,4) », c'est-à-dire qu'ils vivront dans son intimité et par conséquent lui ressembleront parfaitement. Cette expression est la plus forte qu'emploie l'Ecriture sainte pour désigner le bonheur le plus parfait. « Et son nom sera sur leurs fronts  » ; Dieu les reconnaîtra évidemment comme siens, et sa nature glorieuse resplendira en eux. « Il n'y aura plus là de nuit, et ils n'auront point besoin de lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera, et ils règneront aux siècles des siècles (Apo 22 : 5)  ».

IV

Il ne nous reste plus qu'à faire l'application des considérations qui précèdent à tous ceux qui sont ici en la présence de Dieu. N'y sommes-nous pas directement amenés par la solennité présente, qui nous rappelle tout naturellement le jour où le Seigneur jugera le monde avec justice ? Il y a plusieurs leçons instructives à tirer de ce rapprochement ; permettez-moi d'en indiquer quelques-unes, et que Dieu les grave sur nos cœurs à tous !

Et tout d'abord, combien sont beaux les pieds de ceux qui sont envoyés par la sage et bonne Providence de Dieu, pour exercer la justice sur la terre, pour prendre la défense des opprimés et pour punir les méchants ! Ne sont-ils pas « les ministres de Dieu pour notre bien (Ro 13 : 4) » , les fermes soutiens de la tranquillité publique, les défenseurs de l'innocence et de la vertu, la garantie suprême de tous nos avantages temporels ? Et ne sont-ils pas les représentants, non pas seulement d'un prince terrestre, mais du Juge de la terre, de celui dont le nom est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ? Puissent tous ces fils de la droite du Tout-Puissant être saints comme il est, saint, sage comme celui qui est la sagesse éternelle du Père ! Qu'ils ne fassent, comme lui-même, aucune acception de personne, mais qu'ils rendent à chacun selon ses œuvres ; qu'ils soient, comme lui, inflexiblement, inexorablement justes, tout en étant pleins de pitié et de tendre compassion ! Ainsi, ils seront terribles à ceux qui font le mal, et ne porteront pas l'épée en vain. Ainsi, les lois de notre pays seront obéies et respectées, comme cela se doit, et le trône de notre roi (Georges II) sera établi dans la justice.

Et vous, hommes très honorables (Les membres du jury), que Dieu et le roi ont choisis, quoique dans un rang inférieur, pour administrer la justice, ne pouvez-vous pas être comparés à ces « esprits serviteurs (Heb 1 : 14) », qui seront les auxiliaires du Juge venant sur les nuées ? Puissiez-vous comme eux brûler d'amour pour Dieu et, pour l'homme ! Puissiez-vous aimer la justice et haïr l'iniquité ! Puissiez-vous (puisque Dieu vous appelle aussi à ce privilège) servir, dans vos diverses sphères, ceux qui seront les héritiers du salut et contribuer à la gloire de votre grand Souverain ! Puissiez-vous contribuer à faire régner la paix, être les bienfaiteurs et les ornements de votre pays, et les anges gardiens de ceux au milieu desquels vous vivez !

Et vous, dont c'est la tâche d'exécuter les sentences du juge, combien vous devez vous préoccuper de ressembler à ceux qui se tiennent devant la face du Fils de l'homme, et qui « font son commandement en obéissant à la voix de sa parole (Ps 103 : 20) ! » Ne vous importe-t-il pas, comme à eux, d'être incorruptibles, d'agir comme des serviteurs de Dieu, de faire ce qui est juste, de pratiquer la miséricorde et de faire aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fit à vous-mêmes ? De la sorte, le grand Juge, sous les veux duquel vous êtes, pourra vous dire à vous aussi : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! Entre dans la,joie de ton Seigneur !

Permettez-moi d'adresser aussi quelques paroles à vous tous qui êtes ici devant le Seigneur. N'avez-vous pas entendu, tout aujourd'hui, une voix intérieure vous dire qu'un jour vient, plus terrible que celui-ci ? C'est une grande assemblée que celle-ci ! Mais qu'est-elle comparée à celle dont nous serons témoins un jour, à l'assemblée où comparaîtront tous les hommes qui ont vécu sur la terre ? Quelques accusés comparaîtront aujourd'hui devant les assises, pour répondre aux charges qui pèsent sur eux ; en attendant leur comparution et leur sentence, ils sont détenus en prison, et peut-être dans les chaînes. Mais nous tous, moi qui vous parle et vous qui n'écoutez, « nous comparaîtrons devant le tribunal de Christ ». Et nous sommes maintenant détenus sur cette terre qui n'est pas notre patrie, dans cette prison de chair et de sang, plusieurs d'entre nous peut-être dans des chaînes d'obscurité, jusqu'à ce que nous soyons amenés à la barre. Ici on questionne un homme sur un ou deux faits, sur lesquels il est inculpé ; là, nous aurons à rendre compte de toutes nos œuvres, depuis le berceau jusqu'à la tombe, de toutes nos paroles ; de tous nos désirs, de tous nos sentiments, de toutes nos pensées et de toutes les inclinations de nos cœurs, de tout l'usage que nous aurons fait de nos divers talents du corps, de l'esprit, de la fortune, jusqu'au jour où Dieu nous aura dit : « Rends compte de ton administration, car tu ne peux plus administrer mes biens (Lu 16 : 2)  ». Dans cette cour de justice, il est possible qu'un coupable échappe, faute de preuves ; mais au grand jour du jugement il ne sera pas besoin de preuves. Tous les hommes, avec lesquels vous aurez eu les relations les plus secrètes, qui auront été les témoins de votre vie privée et initiés à vos projets seront là devant vous. Là aussi seront tous les esprits des ténèbres, qui auront inspiré vos mauvais desseins et vous auront aidés à les exécuter. Les anges de Dieu seront là aussi, eux qui sont les yeux du Seigneur qui se promènent sur la terre, qui auront veillé sur votre âme et travaillé pour votre bien, si vous ne vous y êtes pas opposé. Là aussi sera votre conscience, un témoin qui en vaut mille, incapable désormais d'être ni aveuglée ni réduite au silence, mais obligée de connaître et de dire la vérité entière sur vos pensées, vos paroles et vos actions. Et si la conscience vaut mille témoins, Dieu ne vaut-il pas mille consciences ? Oh ! qui pourra subsister devant la face de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ ?

Voyez, il vient ! Il fait des nues ses chariots ! Il accourt sur les ailes du vent ! Un feu dévorant va devant lui et derrière lui la flamme ! Voyez ! il est assis sur son trône, vêtu de lumière comme d'un vêtement, paré de majesté et d'honneur ! Voyez ! ses yeux sont comme une flamme de feu, sa voix comme le bruit des grosses eaux !

Comment échapperez-vous ? Crierez-vous aux montagnes de tomber sur vous, aux coteaux de vous couvrir ? Hélas ! les montagnes elles-mêmes, les rochers, la terre, les cieux sont sur le point de disparaître ! Pouvez-vous arrêter la sentence ? De quelle façon ? Avec tous tes biens, avec tes monceaux d'or et d'argent ? Pauvre aveugle ! Tu es sorti nu du sein de ta mère et tu entreras plus dépouillé encore dans la grande éternité. Ecoute la voix du Seigneur ton Juge : « Venez, les bénis de mon Père, possédez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès avant la fondation du monde ». Paroles bénies ! combien différentes celles-là de cette voix qui fait retentir de ses échos la voûte des cieux : « Allez, maudits, au feu éternel, préparé pour le diable et pour ses anges ! » Et où est celui qui pourrait arrêter ou retarder, l'exécution de l'une ou de l'autre sentence ? Vain espoir ! Voici, l'enfer en bas s'agite pour engloutir ceux qui sont mûrs pour la destruction ! Et les portes éternelles s'ouvrent toutes grandes pour laisser passer les héritiers de la gloire !

« Quels ne devez-vous pas être par une sainte conduite et par des œuvres de piété (2Pi 3 : 11) ? » Nous savons que bientôt le Seigneur descendra avec la voix de l'archange et la trompette de Dieu, et qu'alors chacun de nous comparaîtra devant lui et lui rendra compte de ses œuvres.

« C'est pourquoi, bien-aimés, en attendant ces choses, faites tous vos efforts, afin qu'il vous trouve sans tache et sans reproche dans la paix (2Pi 3 : 14)  ». Pourquoi ne le feriez-vous pas ? Pourquoi un seul d'entre vous se trouverait-il à la gauche lorsque le Seigneur apparaîtra ? « Il ne veut point qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la repentance ; (2Pi 3 : 9) ; » par la repentance à la foi au Crucifié ; par la foi à l'amour pur à la parfaite image de Dieu, renouvelée dans le cœur et produisant la sainteté de la vie. Pouvez-vous en douter, en vous rappelant que le Juge de tous les hommes est aussi le Sauveur de tous les hommes ? Ne vous a-t-il pas acquis avec son sang précieux afin que vous ne périssiez point, mais que vous ayez la vie éternelle ?

Oh ! faites l'épreuve de sa miséricorde plutôt que de sa puissance foudroyante ! Il n'est pas éloigné de chacun de nous et il est venu, non pour condamner, mais pour sauver le monde. Il se tient dans notre assemblée ! Pécheur, ne frappe-t-il point à cette heure à la porté de ton cœur ? Oh ! puisses-tu « connaître, dans celle journée qui t'est donnée, les choses qui appartiennent à ta paix (Lu 19 : 42) ! » Oh ! puissiez-vous tous aujourd'hui vous donner à celui qui s'est donné pour vous ; vous donner avec une foi humble, avec un amour saint, actif et patient ! Alors vous vous réjouirez d'une joie ineffable, dans ce jour où il viendra sur les nuées du ciel.

 


Malachie 3,7

1746

 

« Vous vous êtes écartés de mes ordonnances, et vous ne les avez point observées ». (Mal 3 : 7)

 

I

Y a-t-il encore des ordonnances, y en a-t-il depuis que « la vie et l'immortalité ont été mises en évidence par l'Evangile (2Ti 1 : 10) ? » Y a-t-il, sous la dispensation chrétienne, des moyens qui aient été ordonnés, institués par Dieu, pour être le véhicule ordinaire de ses grâces ? Seul un païen déclaré eût pu faire une pareille question dans l'Eglise apostolique, puisque tous les chrétiens s'y accordaient à croire que Jésus-Christ avait établi certains moyens extérieurs en vue de transmettre sa grâce à l'âme humaine. A cet égard, leur pratique constante suffit pour mettre la chose hors de doute ; car si, d'un côté, « tous ceux qui croyaient étaient ensemble dans un même lieu, et avaient toutes choses communes (Act 2 : 44) », de l'autre et non moins constamment, « ils persévéraient dans la doctrine des apôtres, dans la communion, dans la fraction du pain et dans les prières (Act 2 : 44)  ».

Mais, avec le temps, « l'amour de plusieurs s'étant refroidi (1Ti 1 : 5) », il y en eut qui commencèrent à prendre les moyens pour le but et à faire consister la religion plutôt dans l'accomplissement de ces œuvres extérieures que dans le renouvellement de l'âme à l'image de Dieu. Ils oubliaient que « le but, du commandement (quel qu'il soit), c'est l'amour qui procède d'un cœur pur... et d'une foi sincère (Mat 24 : 12) ; » c'est que nous aimions l'Eternel notre Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes ; c'est que nous soyons purifiés de l'orgueil, de la colère, de la convoitise par une foi que Dieu lui-même produit en nous. D'autres paraissent avoir cru que ces moyens extérieurs, tout en ne constituant pas l'essence de la religion, contenaient pourtant quelque chose qui était agréable à Dieu, quelque chose qui devait leur faire trouver grâce devant lui, lors même que leur conduite fût défectueuse à l'endroit des « choses les plus importantes de la loi, la justice, la miséricorde (Mat 23 : 23) » et l'amour de Dieu.

Il est bien évident que dans le cas de ceux qui en abusèrent ainsi, ces moyens n'atteignirent pas le but pour lequel ils avaient été institués ; il arriva même que ce qui eût dû leur faire du bien, fut pour ces hommes une occasion de chute. Loin qu'ils y trouvassent une bénédiction, ils ne firent qu'attirer par là une malédiction sur leur tête ; au lieu d'en devenir plus célestes par le cœur et par la vie, ils se trouvèrent être deux fois plus dignes de l'enfer qu'auparavant. Et alors d'autres individus, voyant à n'en pas douter que l'emploi de ces moyens ne procurait pas la grâce de Dieu à ces enfants du diable, se hâtèrent de tirer de ce fait particulier une conclusion générale, celle que ce n'étaient point là des moyens assurés de recevoir les grâces divines.

Le nombre de ceux qui faisaient cet abus des ordonnances du Seigneur fut pourtant bien plus considérable que celui des individus qui les négligeaient, jusqu'au jour où parurent certains hommes d'une haute intelligence, parfois d'un très grand savoir, et aussi, semblait-il, possédant l'amour et connaissant par expérience la vraie religion, la religion du cœur. Quelques-uns de ces hommes furent des flambeaux allumés et brillants, des personnages célèbres dans leur temps et qui méritaient bien l'estime de l'Église chrétienne ; car ils s'étaient mis à la brèche pour résister au débordement de l'impiété.

On doit supposer que tout ce que se proposaient ces saints hommes, ces hommes vénérables, c'était, du moins à l'origine, de prouver que la religion extérieure n'a aucune valeur sans la religion du cœur ; de rappeler que « Dieu est esprit et qu'il faut que ceux qui l'adorent l'adorent en esprit et en vérité (Jea 4 : 24) ; » que, conséquemment, le culte extérieur est du travail en pure perte, aussi longtemps que le cœur n'est pas consacré à Dieu ; que les ordonnances visibles du Seigneur sont utiles et même très utiles, lorsqu'elles contribuent aux progrès de la sainteté intime ; mais que si elles n'y contribuent pas, elles sont inutiles et vaines, elles sont plus légères que le néant ; que même, si ces choses sont mises en quelque sorte à la place de cette sainteté du cœur, elles sont absolument abominables devant Dieu.

Il ne faut pas s'étonner de ce que, parmi ces hommes, il s'en soit trouvé qui, étant profondément convaincus qu'on avait, de cette façon, profané horriblement les ordonnances de Dieu, que l'Église entière était infectée de ce mal, et que cela avait à peu près banni du monde toute vraie religion, parlèrent, dans leur zèle ardent pour la gloire de Dieu et en vue de retirer les âmes d'une illusion aussi fatale, parlèrent, dis-je, comme si la religion extérieure n'était absolument rien, n'avait aucune place dans la religion chrétienne. Nous ne devons pas être surpris de ce qu'ils n'ont pas toujours exprimé leurs opinions avec assez de modération, à tel point que des auditeurs sans discernement ont pu croire qu'ils rejetaient tous les moyens extérieurs comme tout à fait inutiles, comme n'ayant pas été choisis par Dieu pour être le véhicule ordinaire de sa grâce à l'égard de nos âmes.

Il n'est point impossible que quelques-uns de ces saints hommes aient fini par croire cela eux-mêmes, surtout ceux qui, par une dispensation de la Providence et non point volontairement, étaient séparés de toutes ces ordonnances du culte, errant peut-être çà et là sans domicile certain, se cachant dans les grottes et les antres de la terre. Ces personnes, se sentant visitées par la grâce divine malgré l'absence de tous moyens extérieurs, ont dû supposer que cette grâce serait également accordée à ceux qui, de propos délibéré, renonceraient à l'emploi de ces moyens.

On découvre, d'ailleurs, en consultant, les faits, combien facilement ces idées gagnent les esprits et s'y insinuent ; c'est surtout le cas de ceux qui ont été sérieusement réveillés du sommeil de la mort et qui commencent à sentir que le fardeau de leurs péchés est trop lourd pour eux. Ces personnes-là sont. généralement mécontentes de leur état ; elles s'efforcent par divers moyens d'en sortir, et elles sont toutes disposées à se jeter sur la première nouveauté qui se présentera et leur promettra le soulagement et le bonheur. Elles ont sans doute essayé de tous les moyens extérieurs, sans y trouver aucun soulagement ; peut-être, au contraire, y ont-elles rencontré un accroissement de leurs remords et de leurs craintes, de leur chagrin et de leur condamnation. Il ne sera donc pas difficile de les convaincre qu'il vaut mieux qu'elles cessent d'employer ces moyens. Elles sont déjà lasses de lutter sans résultat apparent, d'endurer la fournaise : aussi accueillent-elles avec plaisir l'occasion de mettre de côté des devoirs qui n'ont aucun attrait pour leur âme, de se retirer d'un combat qui est pénible et de retomber dans l'inaction et l'insouciance.

 

II

Je me propose, dans ce discours, d'examiner d'une façon générale s'il y a des moyens de grâce,

Par moyens de grâce j'entends des signes, des paroles, ou des actes que Dieu a institués et établis expressément en vue d'en faire le canal par lequel il communiquerait habituellement aux hommes sa grâce qui prévient, qui justifie, qui sanctifie.

Si j'emploie l'expression moyens de grâce, c'est que Je n'en connais pas de meilleure ; c'est parce que, depuis des siècles ; elle a cours dans l'Eglise chrétienne, et en particulier dans notre communion, qui nous recommande de bénir Dieu « pour les moyens de grâce et pour l'espérance de la gloire », et nous enseigne qu'un sacrement est « le signe extérieur d'une grâce intérieure, et un moyen de recevoir cette grâce ».

Les principaux de ces moyens sont la prière, soit en secret soit « dans la grande assemblée (Ps 11 : 10) » , l'étude de la parole de Dieu (comprenant la lecture et la méditation de cette parole, ainsi que l'assiduité aux prédications), et enfin la participation à la sainte Cène, où l'on mange le pain et boit le vin en mémoire de Jésus. Tels sont les moyens de grâce que nous considérons comme des ordonnances du Seigneur, et comme étant le véhicule ordinaire de sa grâce aux âmes.

Mais nous admettons parfaitement que ces moyens n'ont de valeur qu'autant qu'ils conduisent au véritable but de la religion ; que, conséquemment, si on les détourne de ce but, ils sont moins que rien ; que, s'ils ne tendent pas d'une manière effective à produire la connaissance de Dieu et l'amour pour Dieu, ces moyens ne sauraient lui plaire et deviennent plutôt une abomination devant lui, « une puanteur à ses narines (Am 4 : 10) », de elle sorte qu'il est « las de les souffrir (Esa 1 : 14)  ». Et surtout si on emploie ces moyens comme une sorte d'équivalent de la religion, dont ils devaient être les auxiliaires, rien ne pourrait exprimer tout ce qu'il y a de folie et de crime à tourner ainsi contre Dieu les armes de Dieu lui-même, à exclure de l'âme la vie religieuse en se servant précisément des moyens destinés à l'y introduire.

Nous devons aussi admettre que tous les moyens extérieurs, quels qu'ils soient, s'ils ne sont accompagnés par l'Esprit de Dieu ne peuvent être de la moindre utilité, ne peuvent produire en aucune mesure la connaissance et l'amour de Dieu. Il est incontestable que c'est de Dieu que vient tout notre secours ici-bas. C'est lui seul qui, par sa puissance infinie, produit en nous ce qui lui est agréable ; aussi toutes ces choses extérieures sont de « faibles et misérables rudiments (Gal 4 : 9) » à moins qu'il n'opère en eux et par eux. Si donc quelqu'un se persuade qu'un moyen quelconque possède par lui-même quelque vertu, il se trompe gravement, « ne comprenant pas les Ecritures, ni la puissance de Dieu ». (Mat 22 : 29). Nous savons, en effet, qu'il ne saurait, y avoir aucune vertu propre et particulière dans les paroles prononcées en priant, dans la lettre de la Bible qu'on lit ou qu'on entend lire, dans le pain et le vin qu'on reçoit à la sainte Cène ; c'est Dieu seul qui est l'auteur de tout don parfait, la source de toute grâce ; toute vertu efficace vient de lui et, par le canal de l'un ou l'autre de ces moyens, peut transmettre à notre âme telle ou telle bénédiction de Dieu. Nous savons aussi que Dieu pourrait nous conférer directement ces mêmes bénédictions s'il n'existait aucun moyen visible. Et, dans un certain sens, nous pourrions dire que pour Dieu il n'y a pas de moyens, attendu que, pour accomplir ce qu'il veut, il peut s'en servir ou bien s'en passer.

Il faut encore admettre que l'emploi de tous les moyens du monde ne saurait expier un seul péché ; que c'est uniquement par le sang de Jésus-Christ que le pécheur peut trouver grâce devant Dieu ; car il n'y a point d'autre propitiation pour nos péchés, point d'autre source ouverte pour le péché et pour la souillure (Za 13 : 1)  ». Tous ceux qui croient en Jésus sont profondément convaincus qu'il n'y a de mérites qu'en lui, qu'il n'y en a point dans leurs œuvres à eux, ni dans les prières qu'ils prononcent, ni dans la Bible qu'ils lisent ou qu'ils entendent expliquer, ni dans le pain qu'ils rompent et la coupe dont ils boivent. Quand donc certaines personnes ont dit : « Jésus-Christ est le seul moyen de grâce », si elles ont voulu dire qu'il est par ses mérites l'unique auteur de la grâce, il n'y a rien là qui puisse être contesté par ceux qui connaissent cette grâce du Seigneur.

Nous devons également reconnaître, bien que le fait soit lamentable, qu'un trop grand nombre de ceux qui portent le nom de chrétiens, font des moyens de grâce un usage si abusif qu'il tend à la perdition de leur âme. Cela est, vrai, incontestablement, de tous ceux qui se contentent d'avoir la forme de la piété sans en posséder la force. Peut-être se croient-ils déjà chrétiens, à cause de ceci ou de cela qu'ils pratiquent ; mais Jésus-Christ n'a jamais été manifesté à leur cœur, et l'amour de Dieu n'y a jamais été répandu. Peut-être aussi s'imaginent-ils que, s'ils ne sont pas encore chrétiens, ils ne peuvent manquer de le devenir en faisant usage de ces moyens ; ils vivent, sans s'en rendre bien compte peut-être, dans cette illusion que les moyens renferment une sorte de vertu qui, tôt ou tard, mais on ne sait quand, aura pour effet de les rendre saints. Ou bien encore ils se persuadent qu'une sorte de mérite accompagne l'emploi de ces moyens de grâce, et que ce mérite déterminera Dieu à leur accorder la sainteté, ou bien à les recevoir sans cela.

Combien peu ces hommes ont compris le principe fondamental de tout l'édifice du christianisme : « Vous êtes sauvés par grâce (Eph 2 : 8) ; » c'est-à-dire : Vous êtes sauvés de vos péchés, de la condamnation et de la domination du péché, vous retrouvez la faveur et l'image de Dieu, non par vos œuvres ou par vos mérites, mais par la pure grâce, la pure miséricorde de Dieu et à cause des mérites de son Fils bien-aimé ; vous êtes sauvés, conséquemment, non point par quelque puissance, quelque sagesse ou quelque force qui réside en vous, mais uniquement par la grâce et la puissance du Saint-Esprit qui opère tout en tous.

Mais reste à résoudre la question principale, que quelqu'un qui sent qu'il ne jouit pas de ce salut pourrait formuler ainsi : « Nous savons que ce salut est le don de Dieu et son œuvre ; mais comment l'obtenir ? » Si vous répondez : « Crois, et tu seras sauvé  » ; on vous répliquera : « C'est bien, mais comment ferai-je pour croire ? » Vous dites alors : « Cherchez le Seigneur ». Mais on réplique : « Sans doute ; mais de quelle façon faut-il le chercher ? Est-ce par les moyens de grâce ou sans eux ? Cette grâce de Dieu qui apporte le salut, dois-je l'attendre dans la pratique de ces moyens, ou bien en les mettant de côté ? »

Il n'est pas permis de supposer que la parole de Dieu nous laisse dans l'obscurité sur un point aussi important. On ne peut pas croire que le Fils de Dieu, qui est descendu du ciel par amour pour nous, pour nous sauver, ne nous ait pas fourni lui-même la solution d'une question qui intéresse si directement notre salut.

Et de fait il a décidé la question et nous a montré le chemin que nous devons suivre. Il n'y a qu'à consulter les oracles divins, à examiner ce qui y est écrit ; aucun doute ne nous restera, à la condition que nous nous soumettions tout simplement aux décisions de la Bible.

 

III

Pour se conformer aux décisions de la parole du Seigneur, tous ceux qui aspirent à posséder la grâce de Dieu doivent la chercher et l'attendre en employant les moyens qu'il a lui-même institués, et non en les négligeant volontairement.

Premièrement, tous ceux qui désirent recevoir la grâce divine doivent l'attendre dans la voie de la prière. Notre Seigneur l'a déclaré lui-même expressément. Dans son Discours sur la Montagne, après avoir expliqué d'une manière générale en quoi consiste la religion et en avoir décrit les principales branches, il ajoute :

« Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et, vous trouverez ; heurtez, et on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; et qui cherche, trouve ; et l'on ouvre à celui qui heurte (Mat 7 : 7,8) ». Dans ces paroles nous sommes très clairement invités à demander pour recevoir, à demander comme moyen de recevoir ; à chercher, afin de trouver la garce de Dieu, cette perle de grand prix ; à heurter enfin, c'est-à-dire à continuer de demander et de chercher, si nous désirons entrer dans le royaume des cieux.

Pour ne laisser subsister aucune incertitude à cet égard, notre Sauveur développe sa pensée d'une façon plus détaillée. Il en appelle au cœur de tout homme : « Et quel est l'homme d'entre vous qui donne une pierre à son fils, s'il lui demande du pain ? Et s'il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent ? Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner à vos enfants de bonnes choses, combien plus votre Père qui est dans les cieux (le Père des anges et des hommes, le Père des esprits de toute chair), en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent (Mat 7 : 9-11) ? ». Ou, comme il dit dans une autre circonstance, résumant tous les biens dans un seul :

« Combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent (Lu 11 : 13) ? » Il convient de faire observer ici ce fait que ceux que Jésus engageait à demander, n'avaient pas encore reçu le Saint-Esprit ; mais qu'il les exhorte à employer ce moyen de la prière et leur promet qu'il sera efficace, qu'en demandant ils recevront le Saint-Esprit, de la part de celui dont ta bonté est par-dessus toutes ses œuvres.

L'absolue nécessité qui existe pour nous d'employer ce moyen pour recevoir les dons de Dieu, quels qu'ils soient, ressort encore mieux du passage biblique qui précède celui que nous venons de citer. Jésus venait d'enseigner à ses disciples comment il faut prier. « Puis il leur dit : Si quelqu'un de vous avait un ami, qui vint le trouver à minuit, et qui lui dit : Mon ami, prête-moi trois pains... ; et que cet homme, qui est dans sa maison, lui répondit : Ne m'importune pas... ; je ne saurais me lever pour t'en donner ; je vous dis que, quand même il ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu'il est son ami, il se lèverait à cause de son importunité, et lui en donnerait autant qu'il en aurait besoin. Et moi, je vous dis : Demandez, et on vous donnera (Lu 9 : 5-9)  ». Comment notre bon Sauveur eût-il pu nous révéler que l'emploi de ce moyen, la requête poussée jusqu'à l'importunité, nous ferait recevoir de Dieu des dons que nous ne recevrions pas sans cela, mieux qu'en introduisant ces paroles : « Quand même il ne se lèverait pas pour lui en donner, parce qu'il est son ami, il se lèverait à cause de son importunité, et lui en donnerait autant qu'il en aurait besoin ? »

« Jésus leur dit aussi cette parabole, pour montrer qu'il faut toujours prier, et ne se relâcher point », et que, par ce moyen, ils obtiendraient du Seigneur tout ce qu'ils demanderaient en priant : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait point Dieu, et qui n'avait aucun égard pour personne. Il y avait aussi dans cette ville-là une veuve qui venait souvent à lui, et qui lui disait : Fais-moi justice de ma partie adverse. Pendant longtemps il n'en voulut rien faire. Cependant il dit enfin en lui-même : Quoique je ne craigne point Dieu, et que je n'aie aucun égard pour aucun homme ; néanmoins, parce que cette veuve m'importune, je lui ferai Justice, afin qu'elle ne vienne pas toujours me rompre la tête (Lu 18 : 1-5)  ». Notre Seigneur fait l'application de cette parabole quand il dit : « Ecoutez ce que dit ce juge injuste », c'est-à-dire : Puisqu'elle persiste à demander, puisqu'elle ne se laisse pas rebuter par des refus, eh bien ! Je la vengerai. « Et Dieu ne vengera-t-il point ses élus, qui crient à lui Jour et nuit... ? Je vous dis qu'il les vengera bientôt (Lu 18 : 6-8) », s'ils prient toujours et ne se relâchent point.

En même temps qu'une recommandation expresse et explicite d'attendre les grâces de Dieu dans l'attitude de la prière, nous trouvons une promesse positive d'être exaucés si nous employons ce moyen, dans ces paroles bien connues de Jésus : « Mais toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet, et ayant fermé la porte, prie ton Père qui est dans ce lieu secret ; et ton Père qui te voit dans le secret te le rendra publiquement (Mat 6 : 6)  ».

Aucun précepte ne saurait être plus clair, à moins que ce ne soit celui que le Seigneur nous a donné par son apôtre au sujet de la prière sous toutes ses formes, soit en public, soit en particulier, et au sujet de la bénédiction qui y est attachée : « Si quelqu'un de vous manque de sagesse, qu'il demande à Dieu, qui donne à tous libéralement, sans rien reprocher, et elle lui sera donnée (Ja 1 : 5)  ». Mais il faut demander. « Vous n'avez pas (ce que vous désirez), parce que vous ne demandez pas (Ja 4 : 2)  ».

Peut-être dira-t-on : « Mais ces conseils ne s'adressent qu'à des croyants, et non à ceux qui n'ont pas encore reçu le pardon du Seigneur ; car l'apôtre ajoute « Mais qu'il demande avec foi », ou bien « qu'il ne s'attende pas à recevoir aucune chose du Seigneur (Ja 1 : 6,7)  ». Je réponds que l'apôtre lui-même, comme s'il eût prévu cette objection, a déterminé dans la fin du verset le sens qu'a ici le mot foi : « Qu'il demande avec foi, sans hésiter (Ja 1 : 6) », sans douter, sans douter que Dieu entend sa prière et accomplira le désir de son cœur.

Il y aurait absurdité grossière et presque blasphématoire à attribuer ici au mot foi toute la signification que l'Evangile y a attachée. Ce serait supposer, en effet, que le Saint-Esprit recommande à un homme qui sait qu'il n'a pas cette foi (ici désignée sous le nom de sagesse), de la demander à Dieu, en lui promettant qu'elle « lui sera donnée », mais en ajoutant aussitôt qu'elle ne lui sera accordée que s'il la possède avant de la demander. Une pareille supposition ne nous révolte-t-elle pas ? Ce passage, tout comme ceux précédemment cités, nous enseigne donc que tous ceux qui désirent obtenir la grâce divine doivent la chercher par la voie de la prière.

En second lieu, il faut que ceux qui veulent recevoir les bienfaits du Seigneur les cherchent, en sondant les Ecritures.

Le précepte de Jésus, quant à l'emploi de ce moyen, est tout aussi clair, tout aussi positif qu'il l'égard de la prière. « Sondez les Ecritures », dit-il aux Juifs incrédules ; car « ce sont elles qui rendent témoignage de moi ! (Jn 5 : 39) » Et c'était précisément pour qu'ils crussent en lui qu'il les engageait à sonder les Ecritures.

L'objection que ce n'est point là une recommandation, mais seulement la constatation du fait qu'ils sondaient les Ecritures, cette objection est de toute fausseté. J'invite ceux qui la font ; à nous indiquer comment une recommandation eût pu être énoncée plus clairement que par ces mots. Impossible de renfermer en moins de mots un précepte absolu.

La bénédiction attachée par Dieu à l'emploi de ce moyen, est indiquée dans ce qui est raconté des Béréens qui, après avoir entendu saint Paul, « examinaient tous les jours les Ecritures, pour savoir si ce qu'on leur disait y était conforme. Plusieurs donc d'entre eux crurent (Act 17 : 11,12) ; » ils trouvèrent la grâce de Dieu en employant un moyen qu'il a prescrit.

Il est probable que, chez quelques-uns de ceux qui « reçurent la parole avec beaucoup de promptitude » , la foi vint de l'ouïe (Ro 10 : 17) », comme a dit saint Paul, et fut seulement confirmée par la lecture des Ecritures. Nous avons d'ailleurs indiqué plus haut que sonder les Ecritures c'est, pour nous, entendre la prédication de l'Evangile, lire la Bible et la méditer.

C'est là un des moyens dont Dieu se sert pour nous donner la vraie sagesse, mais aussi pour l'affermir et l'augmenter en nous ; tel est l'enseignement que nous tirons de ces paroles de saint Paul à Timothée : « Tu as dès ton enfance la connaissance des saintes lettres qui peuvent, t'instruire pour le salut (te rendre sage à salut), par la foi qui est en Jésus-Christ (2Ti 3 : 15)  ». Celte même vérité, savoir que l'étude de sa parole est le grand moyen institué par Dieu pour communiquer ses grâces diverses aux hommes, nous est révélée de la façon la plus complète qu'on puisse imaginer dans les versets qui suivent celui-là : « Toute l'Ecriture est divinement inspirée » ; conséquemment toute l'Ecriture est infailliblement vraie ; « et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de Dieu soit accompli, et parfaitement propre pour toute bonne ouvre (2Ti 3 : 16,17)  ».

Il est bon d'observer que ces paroles s'appliquent premièrement, et spécialement aux Ecritures que Timothée connaissait depuis son enfance, c'est-à-dire à l'Ancien Testament, le Nouveau n'étant point encore écrit. Saint Paul qui n'était « en rien inférieur aux plus excellents apôtres (2Co 11 : 5) », et conséquemment, je suppose, inférieur à aucun homme qui soit sur la serre ; était donc bien éloigné de faire peu de cas de l'Ancien Testament. Faites attention à ceci, de peur qu'un jour « vous ne soyez étonnés et pâlissiez d'effroi (Act 8 : 41) : vous qui tenez si peu de compte d'une moitié des oracles divins, et précisément de cette moitié au sujet de laquelle le Saint-Esprit a déclaré qu'elle est « utile (le Seigneur l'ayant donnée spécialement dans ce but) pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l'homme de bien soit accompli et parfaitement propre pour toute bonne œuvre ! » ,

Les saintes Ecritures ne sont pas utiles seulement à « l'homme de Dieu », , à ceux qui marchent à la clarté de la face du Seigneur, mais aussi à ceux qui sont dans les ténèbres et, qui cherchent celui qui est encore pour eux un Dieu inconnu. C'est ce qu'affirme saint Pierre :

« Nous avons aussi la parole des prophètes qui est très ferme (qui a été confirmée par nous qui avons vu la majesté de Jésus-Christ de nos propres yeux et qui avons entendu la voix qui venait du milieu de la gloire magnifique), à laquelle (parole des prophètes : c'est le nom que l'apôtre donne aux saintes Ecritures) vous faites bien de vous attacher, et qui était comme une lampe qui éclairait dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commençât à luire, et que l'étoile du matin se levât dans vos cœurs » Que tous ceux qui désirent que ce jour commence à luire dans leur cœur, l'attendent en sondant les Ecritures.

En troisième lieu, pour obtenir une mesure plus abondante de la grâce divine, il est bon d'être assidu à la table du Seigneur. Jésus lui-même nous a fait cette recommandation. « La nuit où il fut livré, il prit du pain, et, ayant rendu grâces, il le rompit et dit : Prenez, mangez ; ceci est mon corps (le symbole sacré de mon corps) ;... faites ceci en mémoire de moi. De même aussi... il prit la coupe et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang (le signe sacré de cette alliance) ; faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous en boirez. Car toutes les fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de cette coupe, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne (1Co 11 : 23-26) ; » en faisant cela, vous déclarez ouvertement ce fait par ces signes visibles, devant Dieu, devant, les anges, devant les hommes ; vous manifestez solennellement le souvenir de sa mort, jusqu'à ce qu'il vienne sur les nuées du ciel.

Mais « que chacun s'éprouve soi-même », s'examine pour voir s'il comprend la nature et le but de cette institution divine, et, si réellement il désire être rendu conforme à Jésus-Christ dans sa mort ; et qu'alors, sans hésiter, « il mange de ce pain et boive de cette coupe (1Co 11 : 28).

Ici, l'apôtre répète de la façon la plus directe les recommandations faites précédemment par Jésus : « Qu'il mange,... qu'il boive » , et ces expressions qui (en grec) sont à l'impératif, ne caractérisent pas une simple permission accordée, mais un commandement clair et positif, un commandement qui s'adresse à tous ceux qui sont déjà pleins de paix et de joie en croyant, ou qui peuvent dire en toute sincérité : « Le souvenir de nos péchés nous remplit de douleur, et le fardeau nous en est insupportable (Confession des péchés, dans le service de communion de la liturgie de l'Eglise anglicane)  ».

Le fait que la sainte Cène est. aussi un des moyens ordinaires établis par Dieu pour nous communiquer sa grâce, résulte de ces paroles de saint Paul dans le chapitre précédent : « La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas la communion (la participation) au sang de Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas la communion au corps de Christ (1Co 10 : 16) ? » Manger de ce pain, boire de cette coupe, n'est-ce pas un moyen extérieur, visible, dont Dieu se sert pour communiquer à nos âmes ces grâces spirituelles, cette justice, cette paix, cette joie par le Saint-Esprit, qui nous ont été acquises par le corps de Christ rompu pour nous, par le sang de Christ versé pour nous ? Que tous ceux donc qui soupirent après la grâce divine mangent de ce pain et boivent de cette coupe.

 

IV

Mais, bien que le Seigneur ait indiqué si exactement le chemin par lequel il veut qu'on le recherche, les hommes, toujours sages à leurs propres yeux, ont à plusieurs reprises dirigé contre ces moyens de grâce une foule d'objections. Il peut être à propos d'en examiner quelques-unes, non pas qu'elles aient grand poids par elles-mêmes ; mais parce qu'on s'en est servi, notamment dans ces derniers temps, pour détourner les faibles du bon chemin, et même pour troubler et bouleverser ceux qui « couraient bien » avant que Satan leur fût ainsi apparu « déguisé en ange de lumière (2Co 11 : 14)  ».

Voici la principale de ces objections : « On ne peut pas employer ces moyens sans y mettre sa confiance ». Où cela est-il écrit dans la Bible ? Je vous le demande, et je vous invite à me prouver votre assertion par des textes de l'Ecriture sainte ; sans quoi je ne puis l'admettre, n'étant pas convaincu que vous êtes plus sage que Dieu !

Si tel était le cas, Jésus-Christ ne l'aurait pas ignoré. Et, le sachant, il nous aurait avertis ; il y a bien longtemps qu'il nous l'aurait révélé. Puisqu'il ne l'a pas fait, puisqu'il n'y a pas un mot de cela dans les révélations faites par Jésus, je tiens vos assertions pour aussi fausses que ses révélations sont divines.

— « Eh bien, interrompez un peu l'usage de ces moyens, afin de vous assurer si, oui ou non, vous mettez votre confiance en eux ». Vous voulez donc que je désobéisse à Dieu pour savoir si je mets de la confiance dans mon obéissance envers lui ? Vous avez le courage de me donner un pareil conseil ? Vous voulez de propos délibéré m'enseigner à « faire du mal pour qu'il en arrive du bien (Ro 3 : 8) ? » Oh ! craignez d'encourir la sentence prononcée contre ceux qui enseignent de pareilles choses ; car « leur condamnation est Juste (Ro 3 : 8)  ».

— « Mais si cela vous trouble d'y renoncer, c'est qu'évidemment vous y avez mis votre confiance ». Point du tout. Si, en désobéissant volontairement à Dieu, je me sens troublé ; c'est qu'évidemment son Esprit conteste avec moi ; si le péché commis volontairement ne me troublait pas, cela serait la preuve que je suis « livré à un esprit dépravé (Ro 1 : 28)  ».

Mais qu'entendez-vous par y mettre sa confiance ? Voulez-vous dire qu'on compte y trouver la bénédiction de Dieu ; que je crois pouvoir obtenir, en les cherchant de cette façon, des grâces que je n'obtiendrais pas différemment ? C'est bien là ce que je crois. Et, avec l'aide du Seigneur, je compte bien le croire jusqu'à la fin de mes,jours. Par la grâce de Dieu, je veux mettre cette confiance-là en ces moyens de grâce jusqu'au jour de ma mort, c'est-à-dire que je continuerai à croire que Dieu est fidèle pour accomplir tout ce qu'il a promis. Et puisqu'il a promis de me bénir de cette façon, j'ai la confiance que ce sera selon sa parole.

Mais voici une seconde objection : « C'est là chercher le salut par les œuvres ». Comprenez-vous le sens de cette expression que vous employez ? Qu'est-ce que le salut par les œuvres ? Dans les écrits de saint Paul, cette expression signifie chercher à se sauver par la pratique des œuvres cérémonielles de la loi mosaïque ; elle signifie, aussi croire qu'on sera sauvé à cause de ses œuvres personnelles et, par les mérites de sa justice propre. Mais comment l'un ou l'autre de ces sentiments se trouve-t-il nécessairement chez moi parce que je cherche le Seigneur de la façon qu'il a prescrite, parce que je compte le rencontrer dans le chemin qu'il m'a tracé, et où il a promis que je le trouverais ?

Sans doute je compte sur l'accomplissement de sa parole ; je compte qu'il viendra à ma rencontre dans cette voie et qu'il m'y bénira. Mais ce n'est point à cause d'œuvres que j'aurai pu faire ou pour l'amour de ma justice, qu'il le fera ; ce sera uniquement à cause des mérites, des souffrances, de l'amour de son Fils en qui il a mis toute son affection.

Une troisième objection que l'on a soulevée avec beaucoup de fracas, est celle-ci : « Jésus-Christ est le seul moyen de grâce ». A cela je réponds que parler ainsi c'est jouer sur les mots et rien de plus. Dès qu'on veut préciser l'objection, elle s'évanouit. Quand nous disons que la prière est un moyen de grâce, nous voulons dire qu'elle est comme un canal par lequel la bénédiction divine nous arrive. Mais quand vous dites que Jésus-Christ est le seul moyen de grâce, vous entendez par là que c'est lui seul qui nous l'a acquise, lui seul qui en a été le pris ; vous voulez dire que « nul ne va au Père que par lui (Jn 14 : 6)  ». Mais qui est-ce qui le nie ? Vous êtes donc tout à fait en dehors de la question.

- « Mais la Bible ne nous recommande-t-elle pas d'attendre le salut ? David ne disait-il pas : « Quoi qu'il en soit ; mon âme se repose sur Dieu ; ma délivrance vient de lui (Ps 62 : 1)  ». Esaïe n'enseigne-t-il pas également la même chose lorsqu'il dit : « Éternel, nous t'avons attendu ? (Esa 26 : 8) » Tout cela est incontestable. Puisque le salut est un don de Dieu, évidemment il faut l'attendre de lui ; mais comment l'attendre ? S'il a prescrit lui-même un sentier, croyez-vous pouvoir en trouver un meilleur ? Or, nous avons déjà montré qu'il a prescrit un sentier, et ce qu'est ce sentier. Le même prophète que vous venez de citer va éclaircir tous nos doutes, car il s'exprime ainsi :

« Eternel, nous t'avons attendu dans le sentier de tes jugements » (Esa 36 : 8) ou ordonnances. C'est de la même manière que David l'attendait, comme l'attestent ses propres paroles : « J'ai attendu ton salut, ô Eternel, et j'ai gardé ta loi (Cette citation n'a pu être retrouvée – Note du trad.)  ». « Eternel, enseigne-moi la voie de tes statuts, et je la garderai Jusqu'à la fin (Ps 119 : 33)  ».

— « Très bien, disent quelques-uns ; mais Dieu a institué un autre moyen : « Arrêtez-vous, et voyez la délivrance de l'Eternel ! (Ex 14 : 13)

Examinons les passages auxquels vous faites allusion. Voici le premier, avec ce qui s'y rattache : « Et comme Pharaon était déjà près, les enfants d'Israël levèrent leurs yeux... et ils eurent une fort grande peur... Et ils dirent à Moïse : Est-ce qu'il n'y avait point de sépulcres en Égypte, que tu nous aies emmenés pour mourir au désert ?... Et Moïse dit au peuple : Ne craignez point ; arrêtez-vous, et voyez la délivrance de l'Éternel,... Or, l'Éternel avait dit à Moïse : Parle aux enfants d'Israël, et dis-leur qu'ils marchent. Et toi, élève ta verge et étends ta main sur la mer et la fends ; et que les enfants d'Israël entrent au milieu de la mer à sec Ex 14 : 10-16 »

Telle fut la délivrance de l'Éternel ; et ils s'arrêtèrent pour la voir, mais après avoir marché en avant de toute leur force !

Voici maintenant l'autre passage où se trouve cette expression : « On vint faire ce rapport à Josaphat, et on lui dit : Il est venu contre toi une grande multitude - de gens de delà la mer... Alors Josaphat craignit, et se disposa à rechercher l'Éternel, et il publia un jeûne par tout Juda. Ainsi Juda fut assemblé pour demander du secours à l'Éternel ; et même on vint de toutes les villes de Juda pour invoquer l'Eternel. Et Josaphat tint debout dans l'assemblée de Juda et de Jérusalem, dans la maison de l'Éternel... Alors l'Esprit de l'Eternel fut sur Jahaziel.... et il dit : Ne craignez point, et ne soyez point effrayés à cause de cette grande multitude... Descendez demain vers eux... Ce ne sera point à vous de combattre dans cette bataille ; présentez-vous et tenez-vous debout, et voyez la délivrance que l'Éternel va vous donner... Puis ils se levèrent de grand matin et sortirent... Et à l'heure où ils commencèrent le chant du triomphe et la louange, l'Éternel mit, des embuscades contre les Hammonites, les Moabites et ceux du mont de Séhir... et ils aidèrent l'un l'autre à se détruire (2Ch 20 : 2-23)  ».

Telle fut la délivrance que Dieu fit voir aux enfants de Juda. Mais en quoi cela prouve-t-il que, pour obtenir les grâces du Seigneur, nous ne devions pas faire usage des moyens qu'il a institués ?

Je ne relèverai plus qu'une seule autre objection qui, à vrai dire, est tout à fait déplacée, mais que je ne puis passer sous silence, attendu qu'on l'a souvent répétée.

— « Saint Paul ne dit-il pas : « Si vous êtes morts avec Christ,... pourquoi vous charge-t-on de ces préceptes (Col 2 : 20 - Dans la version anglaise, il y a : ces ordonnances.) ? » Le chrétien, étant mort avec Christ, n'a pas besoin de recourir à des préceptes ou ordonnances ».

Vous dites donc : « Puisque je suis chrétien, je ne suis pas assujetti aux ordonnances de Christ ! » Mais rien qu'à énoncer une pensée aussi absurde, on doit voir qu'il ne peut, pas s'agir ici des ordonnances de Jésus-Christ, mais des ordonnances du judaïsme avec lesquelles un chrétien n'a rien à faire.

C'est ce que montrent aussi les paroles qui suivent ce texte : « Ne mange point de ceci, n'en goûte point, n'y touche pas (Col 2 : 21) ; » cela se rapporte évidemment à des préceptes de l'antique loi des Juifs.

Cette objection est donc la plus faible de toutes. Et, malgré tout, celte importante vérité demeure inébranlable, savoir que tous ceux qui veulent obtenir les grâces du Seigneur doivent les chercher par l'emploi des moyens qu'il a institués.

 

V

Mais, ce principe une fois admis que tous ceux qui veulent obtenir les grâces du Seigneur doivent les chercher par l'emploi des moyens qu'il a institués, il reste encore à examiner comment on doit se servir de ces moyens, dans quel ordre et de quelle façon ou il faut en user.

Quant au premier point, il faut remarquer que Dieu lui-même semble suivre un certain ordre dans l'emploi des moyens dont il se sert pour amener un pécheur au salut. Ce malheureux, ignorant et insensé, marchait, à l'aventure, n'ayant point Dieu dans ses pensées ; mais Dieu est venu le surprendre, en le réveillant peut-être par quelque prédication ou par un entretien, peut-être par quelque événement, solennel, ou bien encore par l'action directe de son Esprit qui convainc, et, sans employer aucun moyen extérieur. Alors ce pauvre pécheur éprouve le désir de fuir la colère à venir, et il se rend tout, exprès là où il pourra apprendre le moyen d'y échapper. S'il rencontre un prédicateur qui parle à son cœur, il est saisi et se met à sonder les Ecritures « pour voir s'il en est ainsi », Et plus il entend de prédications, plus il lit la Bible, et plus aussi il est convaincu, plus il médite le jour et la nuit. Il peut encore arriver qu'il trouve un livre qui lui explique et lui confirme ce qu'il a entendu, ce qu'il a lu dans la parole de Dieu. A l'aide de ces divers moyens, les flèches de la conviction s'enfoncent toujours plus avant dans son âme. Bientôt il commence à parler de ces choses de Dieu qui remplissent continuellement son esprit ; bientôt il commence à parler à Dieu lui-même, à le prier ; et pourtant la honte et la crainte l'accablent tellement qu'il sait à peine quoi dire. Mais, qu'il sache quoi dire ou non, il ne peut plus s'empêcher de prier ; s'il ne peut faire mieux, ce sera « par des soupirs qui ne se peuvent exprimer (Ro 8 : 26)  ». Il se demande si « celui qui est haut et élevé, qui habite dans l'éternité (Esa 57 : 15) » fera attention à un pécheur tel que lui ; et alors il se sent attiré à prier avec ceux qui connaissent le Seigneur, avec les fidèles dans la grande assemblée. Mais, une fois là, il remarque que les autres s'approchent de la table du Seigneur, Il se rappelle que Jésus a dit :

« Faites ceci (1Co 11 : 24) » « Mais, se dit-il, je ne le fais pas. C'est que je suis un trop grand pêcheur ; je ne suis pas en état de communier ; je n'en suis pas digne ». Ces scrupules l'arrêtent quelque temps ; mais il finit par les surmonter. Et c'est ainsi qu'il persévère à suivre la voie du Seigneur : il écoute la prédication, il lit, il médite, il prie, il participe à la sainte Cène, jusqu'à ce qu'enfin le Seigneur, se servant du moyen qu'il jugera à propos, vienne dire à son âme : « Ta foi t'a sauvée ; va-t'en en paix (Lu 7 : 50) ! »

En constatant cette méthode suivie par Dieu, nous pourrons déterminer quels sont les moyens à recommander dans divers cas. Si quelque moyen est de nature à agir efficacement sur un pécheur ignorant et indifférent, ce sera sans doute la prédication ou des entretiens. Et c'est là ce que nous lui recommanderions, si toutefois il pense jamais à son salut. Dans le cas d'une personne qui commence à sentir le fardeau de ses péchés, la prédication et la lecture de la parole de Dieu, et même d'autres livres sérieux, peuvent servir à produire des convictions plus profondes. On pourra aussi lui conseiller de méditer ce qu'elle lit, afin que cela agisse pleinement sur son cœur. Elle fera également bien d'en parler à cœur ouvert, surtout à ceux qui marchent dans le même chemin. Et quand le trouble et le chagrin s'emparent de cet homme, ne convient-il pas alors de l'exhorter à répandre son âme en la présence de Dieu, « à prier toujours et à ne point se relâcher (Lu 18 : 1) ? » S'il sent que ses prières sont insuffisantes, ne vous ferez-vous pas ouvriers avec Dieu pour l'engager à monter à la maison du Seigneur et à prier avec ceux qui craignent l'Eternel ? Et lorsqu'il fera cela, les paroles de son Sauveur près de s'immoler lui reviendront à la mémoire ; et ce sera pour nous un signe évident que nous devons saisir ce moment pour seconder les efforts du Saint-Esprit. C'est ainsi que, pas à pas, nous pourrons conduire cette âme dans l'usage des moyens institués par Dieu, suivant en cela non pas notre volonté propre, mais les indications de la Providence et de l'Esprit qui marchent devant nous et nous frayent, la voie.

Néanmoins, la Bible d'un côté ne prescrit rien d'absolu quant à la méthode à suivre dans ces cas-là, et de l'autre côté ni la Providence ni le Saint-Esprit, n'en suivent aucune exclusivement : les moyens par lesquels Dieu attire les hommes et leur fait trouver ses bénédictions, sont modifiés de mille manières, par toutes sortes de combinaisons et de transpositions. La sagesse consiste à suivre toujours les indications de la Providence et de l'Esprit de Dieu ; à nous laisser guider (surtout quant aux moyens de grâce qui nous sont personnellement nécessaires), soit par les circonstances providentielles qui nous fournissent l'occasion d'employer tantôt l'un, tantôt l'autre de ces moyens, soit encore par notre propre expérience, ce qui est bien la méthode dont l'Esprit de Dieu, agissant librement, se sert le plus souvent pour opérer dans nos cœurs. Quoi qu'il en soit, il y a une règle générale et qui convient parfaitement à tous ceux qui soupirent après le salut de Dieu. La voici : toutes les fois que l'occasion s'en présente, usez de tous les moyens de grâce que Dieu a institués ; car qui sait par le moyen duquel Dieu viendra au devant de vous dans sa grâce salutaire ?

Quant à la manière d'en user, d'où dépend en réalité l'efficacité du moyen pour transmettre à celui qui s'en sert les bénédictions du Seigneur, voici ce qu'il faut observer. D'abord, toujours se rappeler, toujours bien sentir que Dieu est par-dessus tous les moyens. Craignez donc de borner le Tout-Puissant. Il lait ce qu'il veut et quand il lui plaît. Il peut communiquer sa grâce soit par le canal de quelqu'un des moyens qu'il a institués, soit en dehors de tous ces moyens. Peut-être agira-t-il de cette dernière façon ! « Qui est-ce qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son conseiller (Ro 11 : 34) ? Attendez sa venue de moment en moment. Ce pourra être au moment où vous vaquez à ses ordonnances, ou bien avant, ou bien après ; ou même quand vous êtes empêché de le faire ; il n'y a point d'empêchement pour lui : il est toujours prêt, toujours capable de sauver, toujours disposé à sauver ! « C'est l Eternel : qu'il fasse ce qui lui semblera bon (1Sa 3 : 18) ! »

En second lieu, avant d'employer un moyen de grâce quelconque, cherchez à vous pénétrer de cette conviction qu'il ne possède par lui-même aucune vertu. Par lui-même c'est une chose sans valeur, sans vie, sans efficacité ; en dehors de l'action de Dieu, c'est comme une feuille morte, comme une ombre. Dites-vous encore ceci « Il n'y a pour moi aucun mérite à en faire usage ; il n'y a rien là qui puisse en soi plaire à Dieu, rien qui puisse me procurer une de ses faveurs, pas même une goutte d'eau pour me rafraîchir la langue ! Mais je fais cela, parce que Dieu me l'ordonne ; c'est parce qu'il m'invite à l'attendre ainsi que j'attends de cette façon sa miséricorde gratuite d'où découle mon salut ! »

Mettez-vous bien ceci dans l'esprit que le simple accomplissement d'une œuvre (opta operatum) ne sert de rien, qu'il n'y a de puissance pour sauver que dans l'Esprit de Dieu ; qu'il n'y a de mérites que dans le sang de Jésus-Christ ; que, conséquemment, même les choses que Dieu a instituées ne peuvent procurer des grâces à l'âme si l'on ne se confie en Dieu et en Dieu seul. D'un autre côté, celui qui se confie véritablement en lui ne saurait être privé de la grâce divine, fût-il privé de tous les moyens extérieurs, fût-il emprisonné dans les entrailles de la terre !

En troisième lieu, tout en usant de tous les moyens de grâce, n'y cherchez que Dieu seul. Dans toutes ces choses extérieures que vous emploierez, regardez uniquement à la puissance de son Esprit, aux mérites de son Fils. Ne vous laissez pas absorber par l'acte lui-même ; sinon, tout votre travail est peine perdue. Il n'y a que Dieu qui puisse rassasier votre âme. Cherchez donc à le voir en tout, au travers de tout et par-dessus tout.

Souvenez-vous aussi qu'il ne faut employer les moyens que comme des moyens, et comme instigués en vue, non de leur valeur intrinsèque, mais du renouvellement de votre âme dans la justice et dans une sainteté véritable. S'ils y aident, tout va bien ; sinon, cela n'est qu'ordures et crasse sans valeur.

Enfin, lorsque vous avez fait usage de quelque moyen de grâce, ayez soin de ne pas vous en croire meilleur, de ne pas vous en féliciter, comme si vous aviez fait quelque chose de bien grand. Ce serait empoisonner tout ce que vous auriez fait. Dites-vous plutôt : « A quoi me servirait tout cela, si Dieu en était absent ? Ne serait-ce pas comme un nouveau péché ? Seigneur, sauve-moi, ou je péris ! Ne m'impute point ce péché-là ! » Mais si Dieu était là, si son amour remplissait votre cœur, alors vous avez en quelque sorte oublié l'acte extérieur que vous accomplissiez. Vous voyez et savez et sentez que Dieu est pour vous tout en tout. Abaissez-vous, humiliez-vous devant lui,-donnez-lui toute gloire. « Qu'en toutes choses Dieu soif glorifié par Jésus-Christ ! (1Pi 4 : 11 » Que tout ce qui est en vous s'écrie : « Je chanterai à jamais les bontés de l'Eternel ; je proclamerai de ma bouche ta fidélité, d'âge en âge (Ps 89 : 1) ! »



Romains 2,29

1733, prêché devant l'Université d'Oxford

 

« La circoncision est celle du cœur, qui se fait selon l'Esprit et non selon la lettre ». (Ro 2 29.)

 

Une remarque bien triste qu'a faite un homme excellent, c'est qu'on ne peut prêcher maintenant les devoirs les plus essentiels du christianisme sans courir risque d'être pris, par une grande partie des auditeurs, pour un homme qui annonce des doctrines « nouvelles ». La plupart ont si bien « laissé écouler » la substance de cette religion dont ils retiennent encore la profession, que dès qu'on leur propose, l'une de ces vérités qui distinguent l'esprit de Christ de l'esprit du monde, ils s'écrient : « Nous t'entendons dire certaines choses fort étranges, nous voudrions bien savoir ce que c'est » ; — quoiqu'on ne leur prêche que « Jésus et la résurrection » , avec cette conséquence rigoureuse qui en résulte : Si Christ est ressuscité, vous devez mourir au monde pour ne vivre qu'à Dieu.

Dure parole pour l'homme naturel, qui est vivant au monde et mort à Dieu ; parole qu'on ne lui persuadera pas facilement de recevoir comme vérité de Dieu, à moins que, par l'interprétation, on ne la rende vaine et sans effet. Quand les paroles de l'Esprit de Dieu sont prises dans leur sens simple et naturel, il ne les reçoit point ; « elles lui sont une folie » et « il ne peut même les entendre, car c'est spirituellement qu'on en juge » ; - pour les comprendre, il faut nécessairement ce sens spirituel qui ne s'est point encore éveillé en lui, et dans l'absence duquel il rejette, comme imagination des hommes, ce qui est la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu ».

Que « la circoncision » soit « celle du cœur, qui se fait selon l'esprit et non selon la lettre » , — que la marque distinctive d'un vrai disciple de Christ, d'une âme agréable à Dieu, ne soit ni la circoncision, ni le baptême, ni rien d'extérieur, mais un bon état d'âme, un cœur et un esprit « renouvelés à l'image de celui qui nous a créés » , c'est une de ces vérités qui ne se discernent que spirituellement. Et c'est ce que l'apôtre indique lui-même en ajoutant : « Un tel homme tire sa louange, non des hommes, mais de Dieu » Comme s'il disait : Qui que tu sois, toi qui suis ainsi ton Maître, n'espère pas que le monde, que les hommes qui ne le suivent pas, te disent : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur ! » Sache que la circoncision du cœur, le sceau de ta vocation, est une folie pour le monde. Résigne-toi à attendre ta louange jusqu'au jour où ton Seigneur paraîtra. En ce jour-là, tu seras loué de Dieu, dans la grande assemblée des hommes et des anges.

Je me propose de rechercher d'abord en quoi consiste cette circoncision du cœur, et d'indiquer ensuite quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen.

I

Recherchons d'abord en quoi consiste cette circoncision du cœur, qui recevra sa louange de Dieu. D'une manière générale, c'est cette disposition d'âme que l'Écriture appelle sainteté et qui implique directement la purification de tout péché, de toute souillure de la chair et de l'esprit  » ; qui suppose, par conséquent, que nous avons revêtu les vertus qui étaient en Christ, et que nous sommes renouvelés « dans l'esprit de notre entendement pour être « parfaits comme notre Père qui est dans les cieux est parfait ».

Mais, pour entrer dans les détails, la circoncision du cœur renferme l'humilité, la foi, l'espérance et la charité. L'humilité, juste appréciation de nous-mêmes, nettoie nos âmes de cette haute estime de nos perfections, de cette fausse idée de nos talents et de nos mérites, qui est le vrai fruit d'une nature corrompue. Elle exclut entièrement cette vaine pensée : Je suis riche, je suis sage, je n'ai besoin de rien ; elle nous convainc d'être, par nature « pauvres, misérables, aveugles et nus » ; elle nous montre que ce qu'il y a de mieux en nous n'est encore que péché et vanité ; que la confusion, l'ignorance et l'erreur dominent notre intelligence ; que des passions insensées, terrestres, sensuelles, diaboliques usurpent le gouvernement de notre volonté ; en un mot, qu'il n'y a « rien d'entier en nous » , et que tous « les fondements » de notre nature « sont renversés ».

En même temps nous recevons la conviction que nous sommes incapables par nous-mêmes de sortir de notre misère ; que, sans l'Esprit de Dieu, nous ne pouvons faire autre chose qu'entasser péché sur péché ; que lui seul peut opérer en nous, par sa toute-puissance, soit la volonté du bien, soit l'exécution ; et qu'il nous est non moins impossible de produire en nous une bonne pensée sans l'assistance surnaturelle de cet Esprit, que de nous créer ou de nous renouveler nous-mêmes en justice et en vraie sainteté.

Le résultat nécessaire de cette juste idée de nos péchés et de notre impuissance naturelle, c'est le mépris de cette « gloire qui vient des hommes », de cet honneur qu'on rend d'ordinaire à nos mérites supposés. Celui qui se connaît lui-même n'estime ni ne désire des applaudissements qu'il sait ne pas mériter. C'est pourquoi il « lui importe fort peu d'être jugé d'aucun jugement d'homme ». La comparaison de ces jugements, favorables ou défavorables, avec le témoignage de sa conscience au dedans, lui donne toute raison de penser que le monde est comme le Dieu de ce monde, qui fut « menteur dès le commencement ». Et, même quant à ceux qui ne sont pas du monde, quoi qu'il désire, si c'est la volonté de Dieu, qu'ils le regardent comme quelqu'un qui veut être un fidèle économe des biens de son Seigneur, si cela peut lui donner le moyen de se rendre plus utile à ses frères ; toutefois ne désirant leur approbation pour aucun autre motif, il est bien loin d'en faire son appui ; car il est assuré que, ce que Dieu veut, il aura toujours des instruments pour l'accomplir, puisqu'il peut « de ces pierres mêmes » se préparer des serviteurs qui fassent sa volonté.

Telle est cette humilité d'esprit qu'ont apprise de Christ ceux qui suivent son exemple et marchent sur ses traces. Et cette connaissance de leur misère, qui les nettoie toujours plus de l'orgueil et de la vanité, les dispose à embrasser avec empressement la seconde grâce renfermée dans la circoncision du cœur, savoir cette foi qui seule est capable de les rétablir, qui est le seul remède donné, sous les cieux, pour guérir leur maladie.

Le vrai conducteur des aveugles, la sûre lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le parfait docteur des ignorants et des simples, c'est la foi. Mais une foi « qui soit puissante, par la vertu de Dieu, pour renverser les forteresses », pour abolir tous les préjugés d'une fausse raison, toutes les maximes erronées que révèrent les hommes, toutes les mauvaises coutumes, toute cette « sagesse du monde qui est folie devant Dieu », une foi qui puisse détruire toutes les imaginations, tous les raisonnements, « tous les conseils et toute hauteur qui s'élève contre la connaissance de Dieu, et amener toutes les pensées captives et les soumettre à l'obéissance de Christ ».

A celui qui a cette foi, « toutes choses sont possibles ». Dieu a illuminé les yeux de son entendement et il reconnaît quelle est sa, vocation, savoir, de glorifier le Dieu qui l'a racheté à si grand prix, de le glorifier dans son corps et dans son esprit qui, maintenant, lui appartiennent par rédemption aussi bien que par création. Il sait « quelle est l'infinie grandeur du pouvoir » de Celui qui, ayant ressuscité Christ d'entre les morts, peut aussi, « par son Esprit qui habite en nous », nous ressusciter de la mort du péché. C'est cette foi qui est notre victoire sur le monde ; cette foi qui n'est pas seulement un ferme assentiment à toute la Bible, et en particulier à cette vérité : que Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs ; — « qu'il a porté nos péchés en son corps sur le bois ; — qu'il est la propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux de tout le monde  » ; — mais qui est, de plus, la révélation de Christ en nous, Une assurance, une conviction divine de sa miséricorde, de son amour libre et gratuit pour nous, pécheurs ; la ferme confiance que le Saint-Esprit nous inspire, en la miséricorde divine, la confiance par laquelle tout vrai croyant peut s'écrier : « Je sais que mon Rédempteur est vivant » - que, « j'ai un avocat auprès du Père » ; que Jésus-Christ, le Juste, est « la propitiation pour mes péchés », « qu'il m'a aimé, qu'il s'est donné lui-même pour moi  » ; — et que, réconcilié moi-même avec Dieu par lui, j'ai, « par son sang, la rédemption, la rémission des péchés ».

Une telle foi ne peut manquer de montrer avec évidence le pouvoir de son auteur ; elle le fait en délivrant les enfants de Dieu du joug du péché, en « purifiant leurs consciences des œuvres mortes », et les purifiant de telle sorte qu'ils ne sont plus contraints d'obéir au péché dans sers convoitises ; mais qu'au lieu de lui « livrer leurs membres comme instruments d'iniquité, ils se consacrent maintenant entièrement à Dieu, « comme de morts étant faits vivants ».

Ceux qui par la foi sont ainsi nés de Dieu, ont aussi la ferme consolation de l'espérance. C'est la troisième chose comprise dans la circoncision du cœur : savoir le témoignage que leur propre esprit leur rend, aussi bien que l'Esprit de Dieu d'être les enfants de Dieu. Au fond, c'est aussi le Saint-Esprit qui leur donne cette joyeuse confiance d'avoir un cœur droit devant Dieu, c'est lui qui les assure qu'ils font maintenant par sa grâce les choses qui lui sont agréables, qu'ils sont maintenant dans le sentier qui mène à la vie et qu'ils persévéreront par la bonté de Dieu jusqu'à la fin. C'est lui qui leur donne une espérance vive de recevoir de Dieu toutes sortes de biens, une perspective joyeuse de cette couronne de gloire qui leur est réservée dans les cieux. Par cette ancre ferme, le chrétien demeure inébranlable au milieu des flots agités de ce monde, également à l'abri de deux funestes écueils : la présomption et le désespoir. Il n'est ni découragé par une fausse idée de la « sévérité » du Seigneur, ni prêt à « mépriser les richesses de sa bonté ». On ne le voit ni craindre que la course qui lui est proposée ait des difficultés au-dessus de la force qu'il a pour les vaincre, ni s'attendre à les trouver si légères qu'elles cèdent dans la lutte avant qu'il ait déployé toute sa force. Si, d'un côté, l'expérience qu'il a déjà dans le combat chrétien l'assure que « son travail ne sera, pas vain », s'il fait, selon son pouvoir tout ce qu'il a. occasion de faire, elle ne lui laisse point, de l'autre, la vaine pensée qu'aucune vertu puisse être déployée, aucune louange obtenue par des cœurs lâches et des mains languissantes, par d'autres que ceux qui, poursuivant le même but que le grand apôtre des Gentils, disent comme lui :

« Je cours, non à l'aventure ; je frappe, mais non pas en l'air ; mais je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même rejeté ».

C'est par la même discipline que tout « bon soldat de Christ » doit s'endurcir à supporter les travaux ; affermi et fortifié par ce moyen, il pourra renoncer non seulement aux œuvres de ténèbres, mais à tout désir, à toute affection qui n'est point conforme à la loi de Dieu. Car « quiconque a cette espérance en lui » dit saint Jean, « se purifie lui-même, comme lui aussi est pur ». Il s'applique chaque jour, par la grâce de Dieu et par le sang de l'alliance, à nettoyer les derniers recoins de son âme des convoitises qui la possédaient et la souillaient auparavant ; à se purifier d'impureté, d'envie, de malice, de colère, de toute passion ou disposition qui est selon la chair, qui en découle ou qui flatte sa corruption ; car il sait que son corps étant le temple de Dieu, il ne doit y admettre rien de profane ou d'impur et que la sainteté convient pour toujours à la demeure qu'a daigné choisir l'Esprit de sainteté.

Mais il te manque encore une chose, ô homme, qui que tu sois, qui joins à une humilité profonde, à une foi ferme, une vive espérance, et qui as ainsi, en grande partie, nettoyé ton cœur de sa souillure native. A toutes ces choses, ajoute encore, si tu veux être parfait, l'amour ; tu auras alors la circoncision du cœur. La charité est « le but du commandement, l'accomplissement de la loi ». Ce qui se dit de la charité, ce sont des choses glorieuses : elle est l'essence, l'esprit, la vie de toute vertu. Elle n'est pas seulement « le premier et le grand commandement », mais la réunion de tous les commandements en un. « Toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables » ou honorables ; « s'il y a quelque vertu ou quelque louange », tout cela se résume en un seul mot : — la charité. Dans l'amour est la perfection, la gloire, le bonheur. Car voici la loi royale du ciel et de la terre : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton, âme de toute ta pensée et de toutes tes forces ».

Ce n'est pas que ce commandement nous défende d'aimer autre chose que Dieu, car il renferme aussi l'amour pour nos frères ; ni qu'il nous interdise, comme quelques-uns en ont eu l'étrange idée, de prendre plaisir en autre chose qu'en Dieu. C'est faire faire de Celui qui est la source de la sainteté l'auteur direct du péché, puisqu'il a rendu le plaisir inséparable de l'usage des choses par lesquelles il nous faut soutenir la vie qu'il nous a donnée. Tel n'est évidemment pas le sens de son commandement. Mais le Seigneur lui-même et ses apôtres nous l'expliquent trop fréquemment et trop clairement, pour qu'il y ait de l'incertitude. Tous d'une voix ils nous rendent témoignage que ces diverses déclarations : « Le- Seigneur ton Dieu est un seul Seigneur  » ; - « tu n'auras point d'autre Dieu que moi  » ; - « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force », — reviennent à dire : le seul Bien parfait sera votre but suprême. Ne désirez, pour elle-même, qu'une chose, la jouissance de Celui qui est tout en tous. Ne proposez à vos âmes qu'un seul bonheur, — l'union avec Celui qui les a faites, la « communion avec le Père et avec le Fils », l'union avec le Seigneur dans un même Esprit. Vous n'avez qu'un seul but à poursuivre jusqu'à la fin : jouir de Dieu dans le temps et dans l'éternité. Désirez les autres choses, en tant, seulement, qu'elles concourent à celle-ci. Aimez la créature, en tant seulement qu'elle conduit au Créateur. Mais qu'en toutes vos démarches, ce soit là, votre glorieux point de mire. Que toute affection, toute pensée, toute parole, toute œuvre y soit subordonnée. Dans vos craintes, dans vos désirs, dans tout ce que vous fuyez ou recherchez, et quoi que vous puissiez faire, penser ou dire, que tout se rapporte à votre félicité en Dieu, le but, comme la source unique de votre être.

N'ayez, nous disent le Seigneur et ses apôtres, d'autre but, d'autre but suprême que Dieu. Ainsi notre Seigneur : « Une seule chose, est nécessaire », et « si ton oeil est simple » c'est-à-dire uniquement fixe, sur cette seule chose, « tout ton corps sera éclairé ». Ainsi l'apôtre Paul : « Je fais une chose, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ ». Ainsi saint Jacques : « Pécheurs, nettoyez vos mains, et vous qui avez le cœur partagé, purifiez vos cœurs ». Ainsi saint Jean

« N'aimez point le monde, ni les choses qui sont dans le monde ; car tout ce qui est dans le monde, la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, ne vient point du Père, mais du monde ». — Chercher son bonheur dans ce qui flatte, soit la convoitise de la chair, en charmant les sens extérieurs ; soit la convoitise des yeux ou de l'imagination, par sa nouveauté, sa grandeur et sa beauté ; soit l'orgueil de la, vie, par la pompe, la grandeur, le pouvoir, ou par l'admiration et les applaudissements qui en sont la conséquence ; — cela n'est, point du Père, — cela ne vient ni n'est approuvé du Père des esprits, — mais est du monde ; c'est la marque distinctive de ceux qui disent : « Nous ne voulons point que celui-ci règne sur nous ».

II

Maintenant que j'ai achevé de montrer en quoi consiste cette circoncision du cœur, qui obtiendra la louange de Dieu, il me reste à présenter quelques réflexions qui découlent naturellement de cet examen et par lesquelles chacun peut juger s'il appartient lui même à Dieu ou au monde.

1° Et d'abord on voit clairement, par ce qui précède, que nul ne peut prétendre à la louange qui vient de Dieu, s'il n'a un cœur circoncis, s'il n'est petit à ses propres yeux, vil et sans valeur à son propre jugement ; s'il n'est profondément convaincu de cette corruption innée, par laquelle il a si complètement perdu la justice originelle, étant enclin à tout mal, sans amour pour le bien, corrompu et abominable ; ayant cette affection de la chair qui est inimitié contre Dieu, qui ne se soumet pas à la loi de Dieu et ne peut s'y soumettre ; s'il ne sent continuellement au plus profond de l'âme, que sans l'action habituelle de l'Esprit, il ne peut ni penser, ni désirer, ni dire, ni faire rien de bon, ni d'agréable à Dieu.

Personne, n'a de titre à la louange de Dieu, jusqu'à ce qu'il sente qu'il a besoin de Dieu ; jusqu'à ce qu'il cherche effectivement « la gloire qui vient de Dieu seul », qu'il cesse de désirer, de rechercher celle qui vient des hommes, ne faisant exception que pour celle qui se rattache à l'approbation de Dieu.

2° Une autre vérité qui résulte naturellement de ce que nous avons dit, c'est que nul n'obtiendra la louange qui vient de Dieu, si son cœur n'est circoncis par la foi, — par cette foi qui est un « don de Dieu  » ; si désormais refusant d'obéir à ses sens, à ses appétits, à ses passions, ou même à cette aveugle conductrice d'aveugles, à cette raison naturelle, si idolâtrée du monde, — il ne vit et marche par la foi, il ne se conduit en toutes choses « comme voyant Celui qui est invisible », ne regardant pas aux choses temporelles qu'on voit, mais aux « choses éternelles qu'on ne voit point » et dans toutes ses pensées, ses actions et ses conversations, dans ses désirs et ses desseins, montrant qu'il est « entré au dedans du voile » où Jésus est assis à la droite de Dieu.

Plût à Dieu qu'ils connussent mieux cette foi, ceux qui emploient tant de temps et de peine à poser un autre fondement ; à baser la religion sur l'éternelle, convenance des choses, sur l'excellence intrinsèque de la vertu et sur la beauté des actions qui en découlent ; sur les raisons d'être, comme ils les appellent, du bien et du mal, et sur les relations mutuelles des êtres ! Ou leurs expositions sont conformes à la vérité scripturaire, ou elles y sont contraires ; si elles y sont conformes, pourquoi détourner des hommes droits « des choses les plus importantes de la loi » et leur embrouiller l'esprit par un nuage de termes qui n'interprètent les plus simples vérités que pour les obscurcir ? Et si elles y sont contraires, qu'ils considèrent qui est l'auteur de cette doctrine ; si ce peut être un ange du ciel, puisqu'il prêche un autre Évangile que celui de Jésus-Christ ; et quand ce serait un ange, nous savons que Dieu lui-même a prononcé sa sentence : « Qu'il soit anathème ! »

Si notre Évangile nous montre la foi comme le seul fondement des bonnes œuvres, et Christ comme le seul fondement de la foi, il nous enseigne tout aussi clairement que nous ne sommes point ses disciples tant que nous refusons de le reconnaître pour l'auteur de nos œuvres, aussi bien que de notre foi, lesquelles il nous inspire et qu'il rend parfaites par son Esprit. « Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de Christ, celui-là n'est point à lui ». Cet Esprit seul peut ressusciter les morts, les animer du souffle de la vie chrétienne, et, par la grâce dont il les prévient et les accompagne, accomplir et réaliser leurs bons désirs. « Tous ceux qui sont ainsi conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu ». Telle est la courte et simple exposition que Dieu nous donne de la vraie religion et de la vertu ; et « personne ne peut poser d'autre fondement ».

3° Il découle encore de ce que nous avons dit que nul n'est véritablement « conduit par l'Esprit », si cet « Esprit ne rend témoignage avec son esprit qu'il est enfant de Dieu  » ; s'il ne voit devant lui le prix et la couronne, s'il ne « se réjouit dans l'espérance de la gloire de Dieu ». Qu'elle est donc grande l'erreur de ceux qui ont enseigné que dans le service de Dieu ne doit point entrer la recherche de notre bonheur ! Au contraire, Dieu nous enseigne expressément et à plusieurs reprises, à avoir égard à la rémunération, à mettre en balance avec nos peines « la joie qui nous est proposée », et avec « notre légère affliction du temps présent, le poids éternel d'une gloire infiniment excellente ». Oui, nous sommes « étrangers à l'alliance de la promesse », jusqu'à ce que Dieu, « selon sa grande miséricorde, nous ait fait renaître en nous donnant une espérance vive de posséder l'héritage qui ne se peut corrompre, ni souiller, ni flétrir ».

Mais s'il en est ainsi, il est grand temps qu'ils prennent garde à leurs âmes, ceux qui, loin de sentir la joyeuse assurance de remplir les conditions de l'alliance et l'espérance d'avoir part à ses promesses, trouvent à redire à l'alliance elle-même et à ses conditions, et prétendent qu'elles sont trop sévères et que jamais personne n'a pu ni ne pourra s'y conformer. Qu'est-ce autre chose qu'accuser Dieu et lui reprocher d'être un maître dur, qui exige de ses serviteurs plus qu'il ne leur donne le moyen d'accomplir ? Comme s'il se moquait de ses faibles créatures en les liant à des impossibilités, en leur commandant de vaincre là où ni leur propre force, ni même sa grâce ne peuvent leur suffire !

Peu s'en faut qu'il n'y ait dans ces blasphèmes de quoi tranquilliser la conscience de ceux qui, se jetant dans un autre extrême, espèrent d'accomplir les commandements de Dieu sans aucun travail ! Mais quel vain espoir, pour un enfant d'Adam, de s'attendre à voir le royaume de Dieu et de Christ sans lutter, sans s'efforcer d'abord « d'entrer par la porte étroite  » ; pour un homme conçu et né dans le péché et qui n'est que méchanceté au dedans, d'espérer jamais « devenir pur comme son Seigneur est pur », à moins de marcher sur ses traces, de se charger chaque jour de sa croix, de « couper sa main droite, de s'arracher l'oeil droit et de le jeter loin de lui  » ; vain espoir de rêver le renouvellement de ses opinions, de ses sentiments, de ses pensées, la sanctification entière de son esprit, de son âme, de son corps, sans renoncer à soi-même continuellement et en toutes choses !

N'est-ce pas là le moins que nous puissions inférer de notre citation de saint Paul, qui, bien que vivant pour l'amour de Christ, « dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les misères et les persécutions, dans les afflictions extrêmes », bien que recommandable par toutes sortes de signes et de miracles et ayant été « ravi au troisième ciel », n'en estimait pas moins, comme on l'a dit avec énergie, « que toutes ses vertus seraient mal assurées, et même son salut en danger, sans ce renoncement constant à lui-même ? » « Je cours », dit-il, « non pas à l'aventure, je frappe, mais non pas en l'air », par où il nous montre bien que celui qui ne court pas ainsi, qui n'exerce pas ainsi, jour par jour, le renoncement, court à l'aventure et sans plus d'effet que celui qui frappe en l'air.

4° Enfin (et c'est la dernière observation que nous tirons de ce qui précède), c'est aussi inutilement qu'il parle « de combattre le combat de la foi », c'est vainement qu'il espère atteindre la couronne incorruptible, celui dont le cœur n'est pas circoncis par la charité. L'amour, qui retranche à la fois la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, qui engage l'esprit, l'âme, le corps, en un mot, notre être entier dans la poursuite de ce seul objet, la charité est si essentielle à l'enfant de Dieu, que sans elle on est considéré devant le Seigneur comme « mort en vivant ». « Quand même je parlerais toutes les langues des hommes et même des anges, si je n'ai point la charité, je ne suis que comme l'airain qui résonne ou comme la cymbale qui retentit. Et quand même j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et la science de toutes choses ; et quand même j'aurais toute la foi jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien ». Bien plus, « quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres et que même je livrerais mon corps pour être brûlé, si je n'ai point la charité, cela ne me sert de rien ».

En elle est donc le sommaire de la loi parfaite ; en elle est la vraie circoncision du cœur. Que l'esprit retourne avec tout le cortége de ses affections, à Dieu qui l'a donné ! Que les fleuves retournent au lieu d'où ils découlent ! Dieu ne veut point de nous d'autres sacrifices que le sacrifice du cœur ; c'est là celui qu'il a choisi. Qu'il lui soit offert continuellement par Christ, dans les flammes d'un saint amour. Et qu'aucune créature ne soit admise à le partager avec Lui : car Dieu est un Dieu jaloux. Il ne partage point son trône avec un autre : il veut régner sans rival. Qu'aucun désir, aucun dessein n'y soit admis qui n'ait Dieu seul pour objet suprême. Ainsi marchèrent jadis ces enfants de Dieu qui, quoique morts, nous disent encore : « Ne désirez de vivre que pour louer le nom du Seigneur ; que toutes vos pensées, vos paroles et vos œuvres tendent à sa gloire. Attachez votre cœur à Lui, et, entre les autres choses, à celles seules qui sont en Lui et de Lui. Que votre âme soit tellement remplie de son amour, que vous n'aimiez rien, si ce n'est point Lui ! Ayez des intentions pures dans toutes vos actions, un constant désir de sa gloire. Fixez vos regards sur la sainte espérance de votre vocation, et faites-y servir toutes les choses de ce monde ». Alors, et seulement alors, nous avons en nous « les sentiments qui étaient en Jésus-Christ  » ; lorsque dans tout mouvement de nos cœurs, de nos lèvres, de nos mains, nous ne nous proposons rien qui n'ait Dieu pour but et qui ne lui soit soumis ; lorsque aussi dans nos actions, nos pensées, nos paroles, nous cherchons à faire, « non pas notre volonté », « mais la volonté de celui qui nous a envoyés  » ; lorsque, « soit que nous mangions, ou que nous buvions, ou que nous fassions quelque autre chose, nous faisons tout pour la gloire de Dieu ».



Jean 3,8

1748

 

II en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit (Jea 3 : 8).

 

Quel est l'état de tout homme qui est « né de l'Esprit » , — né de nouveau, né de Dieu ? Que signifient ces expressions : être fils ou enfants de Dieu ; avoir l'esprit d'adoption ; et que supposent-elles ? En quoi consistent ces privilèges ? Qu'est-ce que la nouvelle naissance ?

Peut-être n'est-il pas nécessaire d'en donner une définition, puisque l'Ecriture n'en donne point. Mais puisque la question est, pour tout fils d'homme, du plus grand intérêt (car il est écrit : Si quelqu'un n'est né de nouveau, né de l'Esprit, il ne peut voir le royaume de Dieu), je me propose d'en indiquer simplement les marques, telles que je les trouve dans l'Écriture.

I

La première de toutes et le fondement des autres, c'est la foi. « Vous êtes tous » , dit saint Paul, « les enfants de Dieu par la foi en Jésus-Christ ». (Gal 3 : 26) « A tous ceux qui L'ont reçu », dit saint Jean, « Il leur a donné le pouvoir (grec : exousian droit, privilège) de devenir enfants de Dieu », savoir : à ceux qui croient en son nom, lesquels (lorsqu'ils ont cru) ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair (par une naissance naturelle), ni de la volonté de l'homme (comme ces enfants que les hommes adoptent et qui n'éprouvent aucun changement intérieur par suite de leur adoption), mais qui sont « nés de Dieu ». (Jea 1 : 12-13) Saint Jean ajoute encore, dans sa première épître : « Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ». (1Jn 5 : 1)

Mais quelle est la foi dont parlent ici les apôtres ? Ce n'est pas simplement une foi doctrinale ou spéculative. Ce n'est pas simplement un assentiment au dogme que « Jésus est le Christ », ni même à tous les dogmes contenus dans notre Credo, ou dans l'Ancien et le Nouveau Testament comme étant dignes d'être crus. Car alors (chose horrible à dire) les démons seraient enfants de Dieu, puisqu'ils ont cette foi et ils croient (et ils en tremblent) que Jésus est le Christ, et que toute l'Écriture, étant inspirée de Dieu, est véritable comme Dieu.

Ce n'est point un simple assentiment à la vérité divine, fondé sur le témoignage de Dieu ou sur les miracles ; car, eux aussi, ils entendirent le Fils de Dieu, ils le reconnurent pour témoin fidèle et véritable. Ils ne purent se dispenser d'admettre son témoignage, soit quant à Lui-même, soit quant au Père qui L'avait envoyé. Ils virent aussi les œuvres de Sa puissance, et crurent qu'il était « issu de Dieu ». Mais en dépit de cette foi, ils sont encore « dans les abîmes de ténèbres, réservés pour le jugement dernier » (2Pi 2 : 4)

Car tout cela n'est rien de plus qu'une foi morte. La vraie, la vivante foi chrétienne, dont on peut dire que celui qui la possède est enfant de Dieu, n'est pas seulement un acte de l'intelligence, mais c'est une disposition que Dieu Lui-même opère en son cœur ; c'est la ferme confiance en Dieu, par laquelle il s'assure, qu'à cause des mérites de Christ, ses péchés lui sont pardonnés et qu'il a retrouvé la faveur de Dieu. C'est-à-dire qu'il a commencé par se renoncer à lui-même ; que pour être « trouvé en Christ » , et rendu agréable par Lui, il rejette toute « confiance en la chair  » ; que « n'ayant pas de quoi payer », ne se fiant à aucune œuvre de justice qu'il ait faite, il vient à Dieu comme un pécheur, perdu, misérable, condamné, sans ressources ; comme un homme qui a la bouche fermée, et qui est reconnu « coupable devant Dieu. « Ce sentiment du péché (que ceux qui médisent de ce qu'ils ignorent appellent, en général, désespoir) joint à une pleine et ineffable conviction que notre salut ne vient que de Christ, et à un vif désir de ce salut, doit précéder la foi vivante, la confiance en Celui qui a accompli la loi par Sa vie et payé notre rançon par Sa mort. Cette foi, par laquelle nous sommes enfants de Dieu, ne se borne donc pas à une simple croyance de tous les articles que nous professons, c'est de plus une confiance véritable en la miséricorde de Dieu, par Jésus-Christ Notre Seigneur.

Un fruit immédiat et constant de cette foi par laquelle nous sommes enfants de Dieu, un fruit qui ne peut en être séparé, non, pas même pour une heure, c'est la puissance sur le péché ; — sur le péché extérieur, quelle qu'en soit la nature ; sur toute parole ou action mauvaise ; car, partout où le sang de Christ est ainsi appliqué, il « purifie la conscience des œuvres mortes », — et sur le péché intérieur ; car le sang de Christ purifie le cœur de tout mauvais désir et de tout mauvais penchant. Ce fruit de la foi est décrit abondamment par saint Paul, dans le sixième chapitre de son Epître aux Romains : « Nous qui sommes (par la foi) morts au péché, dit-il, comment y vivrions-nous encore ?... Notre vieil homme a été crucifié avec Christ, afin que le corps du péché soit détruit, et que nous ne servions plus le péché... Reconnaissez que vous êtes morts au péché, et vivants pour Dieu en Jésus-Christ, Notre Seigneur. Que le péché ne règne donc plus en vos corps mortels,... mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants de morts que vous étiez... Car le péché n'aura plus de domination sur vous... Rendez grâces à Dieu de ce qu'après avoir été esclaves du péché,... vous en avez été affranchis et êtes devenus les esclaves de la justice ».

Ce privilège inestimable des enfants de Dieu n'est pas moins fortement affirmé par Saint Jean, surtout en ce qui regarde l'empire sur le péché extérieur. Après s'être écrié, comme tout émerveillé de la profondeur et de la richesse de la grâce de Dieu : « Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Mes bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons que quand il paraîtra, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est (1Jn 1 : 3) ; » — iI ajoute peu après : « Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ; parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu. (1Jn 3 : 9) » « Oui » , sans doute, dira quelqu'un, « celui qui est né de Dieu ne fait point habituellement le péché ». — Habituellement ! Où prenez-vous ce mot ? Je ne le vois point ; il n'est point écrit dans le Livre. Dieu dit simplement : « Il ne fait point le péché ». Et toi, tu ajoutes, habituellement ! Qui es-tu pour corriger les oracles de Dieu, pour « ajouter aux paroles de ce livre ? » Prends garde, je te prie, que « Dieu ne t'ajoute toutes les plaies qui y sont écrites ! » surtout si le commentaire que tu ajoutes est tel qu'il absorbe entièrement le texte, en sorte que par cette tromperie des hommes et cette adresse qu'ils ont de séduire artificieusement, la précieuse promesse disparaisse et la Parole de Dieu soit anéantie. Oh ! prends garde, toi qui retranches quoi que ce soit de ce livre, de manière à en affaiblir le sens et à n'y laisser qu'une lettre morte, prends garde que Dieu ne retranche ta portion du livre de vie !

Cherchons dans le contexte l'interprétation que l'apôtre donne lui-même de ses paroles. Il avait dit au verset cinq : « Vous savez que Jésus-Christ a paru pour ôter nos péchés, et il n'y a point de péché en lui ». Quelle est sa conclusion ? « Quiconque demeure en lui ne pèche point ; quiconque pèche ne l'a point vu ni ne l'a point connu. (1Jn 3 : 6) » Puis, avant de réitérer avec force cette importante doctrine, il donne cet avertissement bien nécessaire : « Mes petits enfants, que personne ne vous séduise (1Jn 3 : 7) » ; car plusieurs chercheront à le faire, plusieurs voudront vous persuader que vous pouvez être injustes et commettre le péché, tout en étant enfants de Dieu ! « Celui qui fait ce qui est juste, est juste comme Lui aussi est juste. Celui qui pèche est du diable ; car le diable pèche dès le commencement ».

Puis vient le passage cité : « Quiconque est né de Dieu ne pèche point, parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ». « C'est à ceci », ajoute l'apôtre, « que l'on reconnaît les enfants de Dieu et les enfants du diable ». Pécher ou ne pas pécher, telle est la marque facile à identifier. Et l'apôtre nous dit encore, dans le même sens, au cinquième chapitre : « Nous savons que qui conque est né de Dieu ne pèche point ; mais celui qui est né de Dieu se conserve lui-même et le malin ne le touche point. (1Jn 5 : 18) » La paix est un autre fruit de cette foi vivante. Car « étant justifiés par la foi (ayant tous nos péchés effacés), nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ (Ro 5 : 1) ». En effet, c'est un legs que le Seigneur lui-même, la veille de sa mort, fit solennellement à tous ses disciples. « Je vous laisse la paix » , leur dit-il (à vous qui « croyez en Dieu et qui croyez aussi en moi » ), « je vous laisse ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne s'alarme point ». (Je 14 : 27) Et au chapitre 16 : « Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la paix en moi ». (Jea 16 : 22) C'est la paix de Dieu qui « surpasse toute intelligence » , cette sérénité de l'âme qu'il n'est pas donné à l'homme naturel de concevoir, et que l'homme spirituel lui-même ne peut trouver de termes pour exprimer. Et c'est une paix que toutes les puissances de la terre et de l'enfer réunies ne sauraient lui enlever. Les flots et les orages se déchaînent contre elle, mais ne peuvent l'ébranler ; car elle est fondée sur le roc. En tous lieux, en tous temps, elle garde les cœurs et les esprits des enfants de Dieu. Qu'ils souffrent ou qu'ils soient à l'aise, qu'ils soient malades ou bien portants, dans la pauvreté ou dans l'abondance, ils sont heureux en Dieu. Il ont appris à être toujours contents, en quelque position qu'ils se trouvent, et même à rendre toujours grâces à Dieu par Jésus-Christ ; étant assurés que ce qui est, l'est pour le mieux, puisque c'est, à leur égard, la volonté de Dieu ; en sorte que, quelles que soient les vicissitudes de la vie, « leur cœur demeure ferme, se confiant en l'Eternel ».

Il

La seconde marque, selon la Bible, qui distingue ceux qui sont nés de Dieu, c'est l'espérance, comme nous le montrent ces paroles de Pierre, écrivant à tous les enfants de Dieu alors dispersés : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui, par sa grande miséricorde, nous a fait renaître, en nous donnant une espérance vive (1Pi 1 : 3) ou vivante » L'apôtre la désigne ainsi parce qu'il y a une espérance morte, aussi bien qu'une foi morte ; une espérance qui ne vient point de Dieu, mais de l'ennemi de Dieu et des hommes ; et c'est ce que prouvent ses fruits ; car, étant le produit de l'orgueil, elle engendre à son tour toute sorte de mal en paroles et en œuvres ; tandis que quiconque a en Christ cette espérance vivante, est « saint comme Celui qui l'appelle est saint  » ; quiconque peut dire en vérité à ses frères en Christ : « Bien-aimés, nous sommes dès à présent enfants de Dieu, et nous le verrons tel qu'il est », « se purifie lui-même comme Lui aussi est pur ».

Cette espérance suppose d'abord le témoignage de notre propre esprit ou de notre conscience, nous assurant que « nous marchons en simplicité et en sincérité selon Dieu » , puis le témoignage de l'Esprit de Dieu, « rendant témoignage avec notre esprit ou à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu », et que, « si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ ».

Remarquons bien ce que Dieu Lui-même nous enseigne, ici, touchant ce glorieux privilège de ses enfants. Qui nous représente-t-Il comme rendant témoignage ? Ce n'est pas seulement notre propre esprit, c'en est un autre, savoir l'Esprit de Dieu : C'est Lui qui « rend témoignage à notre esprit ». Et que témoigne-t-Il ? « Que nous sommes enfants de Dieu » et, par conséquent, « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec Lui (Ro 8 : 16-17) », si nous renonçons à nous-mêmes, si nous nous chargeons chaque jour de notre croix, si nous endurons volontiers pour Lui les persécutions et les opprobres « pour être aussi glorifiés avec Lui ». Et en qui l'Esprit de Dieu rend-il ce témoignage ? En tous ceux qui sont enfants de Dieu. Car c'est par cela même que l'apôtre, aux versets précédents, prouve qu'ils le sont : « Tous ceux », dit-il, « qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, sont enfants de Dieu. Ainsi vous n'avez pas reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! »

Puis il ajoute : « C'est ce même Esprit qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ».

Le changement du pronom au 15° verset, mérite notre attention : « Vous avez reçu l'Esprit d'adoption, par lequel nous crions : Abba, Père ! » Vous tous qui êtes enfants de Dieu, vous avez, comme fils, reçu ce même Esprit d'adoption, par lequel nous crions Abba, Père : nous apôtres, prophètes, enseignants (car cette interprétation est bien permise), nous par qui vous avez cru, nous, « les ministres de Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu ». Comme nous n'avons, vous et nous, qu'un seul Seigneur, ainsi nous n'avons qu'un seul Esprit ; comme nous n'avons qu'une foi, nous n'avons qu'une espérance. Vous et nous, nous sommes scellés du même « Esprit de promesse » qui est les arrhes de votre héritage comme du nôtre, et cet Esprit témoigne également à vos esprits comme aux nôtres, que nous sommes enfants de Dieu.

Et c'est ainsi que s'accomplit cette parole : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ». (Jea 16 : 22) Car il est clair que si la tristesse peut, avant ce témoignage, remplir notre cœur (ou plutôt doit, en quelque mesure, le remplir lorsque nous gémissons sous la crainte et sous le sentiment de la colère divine), dès l'instant qu'un homme sent ce témoignage en lui-même, « sa tristesse est changée en joie ». Quelle qu'ait été auparavant sa douleur, dès que cette heure est venue, il ne se souvient plus de son angoisse, tant est grande la joie qu'il a d'être né de Dieu. Vous êtes encore « privés du droit de cité en lsraël », parce que vous sentez que vous n'avez pas cet Esprit ; que vous êtes « sans espérance et sans Dieu dans le monde ». Mais quand le Consolateur sera venu,  « alors vous vous réjouirez », et même « votre joie sera parfaite », et « nul ne vous ravira votre joie (Jea 16 : 22)  ». « Nous nous réjouissons en Dieu », direz-vous alors, « par notre Seigneur Jésus-Christ, par qui nous avons obtenu la réconciliation », « par qui nous avons accès à cette grâce, dans laquelle nous nous tenons fermes et nous nous réjouissons dans l'espérance de la gloire de Dieu. (Ro 5 : 2) »

Vous que Dieu a « régénérés en vous donnant une espérance vivante », dit saint Pierre « vous êtes gardés par la puissance de Dieu, par la foi, pour obtenir le salut ; en quoi vous vous rejouissez, quoique maintenant vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi vous tourne à louange, à honneur et à gloire lorsque Jésus-Christ paraîtra  » ; Lui que vous n'avez pas vu, mais en qui « vous vous réjouissez d'une joie ineffable et glorieuse. (1Pi 1 : 5) » Oui vraiment, ineffable ! Il n'appartient pas à une langue humaine de décrire cette joie qui est par le Saint-Esprit. C'est « cette manne cachée que nul ne connait que celui qui la reçoit ».

Mais ce que nous savons, c'est que non seulement elle demeure, mais déborde dans les profondeurs de l'affliction. « Les consolations du Dieu fort sont-elles trop petites » pour ses enfants, quand tout bien terrestre leur fait défaut ? Au contraire : là où les souffrances abondent, les consolations de son Esprit surabondent ; tellement que les fils de Dieu « se moquent de la désolation », du mal, de la disette, de l'enfer et du sépulcre ; car ils connaissent Celui « qui tient les clés de la mort et du séjour des morts » et qui bientôt jettera toute souffrance dans l'abîme où elle sera pour toujours engloutie ; ils entendent déjà cette grande voix du ciel, disant : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes et il habitera avec eux ; ils seront son peuple et Dieu sera lui-même avec eux. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur ; car les premières choses ont disparu. (Apo 21 : 3-4) »

III

La troisième marque distinctive de ceux qui sont nés de Dieu, et la plus grande de toutes, c'est l'amour, « l'amour de Dieu répandu dans leurs cœurs par le Saint-Esprit qui leur a été donné ».  (Ro 5 : 5) « Parce qu'ils sont fils, Dieu a envoyé dans leur cœur l'Esprit de son Fils, criant Abba ! Père. (Gal 4 : 6) » Par cet Esprit, regardant toujours à Dieu comme à leur Père réconcilié et qui les aime, ils crient à Lui pour leur pain quotidien et pour tout ce qui leur est nécessaire, soit pour le corps, soit pour l'âme. Ils répandent sans cesse leur cœur en sa présence, « sachant qu'ils obtiennent les choses qu'ils Lui demandent. (1Jn 5 : 15) » Tout leur plaisir est en Lui. Il est la joie de leur cœur, leur « bouclier et leur très grande récompense ». Il est l'objet de leurs désirs ; « leur nourriture, leur breuvage est de faire sa volonté  » ; « leur âme est rassasiée comme de moelle et de graisse, et leur bouche le loue avec un chant de réjouissance ». (Ps 63 : 5)

Et ici s'applique aussi ce que dit l'apôtre : « Quiconque aime celui qui l'a engendré, aime aussi celui qui est né de lui. (1Jn 5 : 1) » Son esprit se réjouit en Dieu son Sauveur. Il aime « le Seigneur Jésus en toute sincérité ». Il est « uni au Seigneur dans un même esprit », son âme se repose sur Lui. Il est pour elle tout aimable et « le porte-étendard entre dix mille ». Il peut dire de cœur et avec intelligence : « Mon Bien-aimé est à moi et je suis à Lui. (Ca 2 : 16) » « Tu es plus beau qu'aucun des fils des hommes ; la grâce est répandue sur tes lèvres ; c'est pourquoi Dieu t'a béni éternellement ». (Ps 45 : 3)

Le fruit nécessaire de cet amour pour Dieu est l'amour pour notre prochain, pour toute âme que Dieu a faite, sans excepter nos ennemis, ceux-là mêmes qui maintenant « nous méprisent et nous persécutent », l'amour par lequel nous aimons tout homme comme nous-mêmes, comme nous aimons nos propre âmes. L'expression dont se sert le Seigneur est encore plus forte quand Il nous dit « de nous aimer les uns les autres comme II nous a aimés ». Le commandement qu'il écrit dans le cœur de quiconque aime Dieu n'est donc rien de moins que ceci : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Mais nous avons connu ce qu'est l'amour, en ce que Jésus-Christ a donné sa vie pour nous ; nous devons donc, nous aussi, donner notre vie pour nos frères. (1Jn 3 : 16) Si nous nous sentons prêts à cela, alors nous aimons véritablement notre prochain. « Alors nous connaissons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères. (1Jn 3 : 14) » « A ceci nous connaissons que nous sommes nés de Dieu, que nous demeurons en Lui et Lui en nous, parce qu'il nous a donné de son Esprit (1Jn 4 : 13) » d'amour. « Car l'amour est de Dieu, et quiconque aime (ainsi) est né de Dieu et il connaît Dieu. (1Jn 4 : 7) »

Mais, objectera-t-on, l'apôtre dit encore : « C'est en ceci que consiste l'amour de Dieu, que nous gardions ses commandements. (1Jn 5 : 3) » Oui, et cela n'est pas moins vrai de l'amour du prochain. Mais qu'en voulez-vous conclure ? Que l'observation du commandement extérieur est tout ce que renferme ce précepte d'aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée, de toute notre force et notre prochain comme nous-mêmes ?

Que l'amour de Dieu n'est pas une affection de l'âme, mais seulement un service extérieur ; que l'amour du prochain n'est pas une disposition du cœur, mais seulement une série d'œuvres extérieures ? Le simple énoncé d'une interprétation aussi extravagante suffit pour la réfuter. La pensée de l'apôtre est incontestablement que le signe ou la preuve que nous gardons le premier des commandements de Dieu, qui est de l'aimer, c'est si nous gardons le reste de ses commandements. Car le vrai amour, s'il est une fois répandu dans nos cœurs, nous pousse à le faire ; si nous aimons Dieu de tout notre cœur, nous ne pouvons que le servir de toutes nos forces.

Voici donc le deuxième fruit de l'amour de Dieu (pour autant toutefois qu'on peut l'en distinguer) : l'obéissance universelle à Celui que nous aimons : la conformité à sa volonté : l'obéissance à tous les commandements de Dieu, intérieurs et extérieurs : l'obéissance du cœur et de la vie, dans toutes nos dispositions et dans toute notre conduite. Et parmi nos dispositions, une des plus saillantes, c'est d'être « zélé pour les bonnes œuvres  » ; c'est d'avoir faim et soif de faire à tous les hommes toute sorte de bien ; c'est de se réjouir « de dépenser et d'être dépensé pour eux », pour tout fils d'homme ; n'attendant point de récompense en ce monde, mais seulement dans la résurrection des justes.

IV

Telles sont, d'après les Écritures, les marques évidentes de la nouvelle naissance. Telle est la réponse que Dieu lui-même faite à cette grave question : Qu'est-ce qu'être né de Dieu ? et, si nous consultons les oracles de Dieu, « tel est l'homme qui est né de l'Esprit ».

Etre fils ou enfant de Dieu, c'est, au jugement de l'Esprit Saint, croire en Dieu, par Christ, de telle manière qu'on ne « commet point le péché », et qu'on jouit, en tous temps et en tous lieux, de cette « paix de Dieu qui surpasse toute intelligence ». C'est espérer en Dieu, par le Fils de son amour, de telle manière que vous n'ayez pas seulement une bonne conscience, mais encore l'Esprit de Dieu, « témoignant à votre esprit que vous êtes enfants de Dieu », d'où résulte nécessairement que vous vous réjouissez en Celui « par qui vous avez obtenu la réconciliation ». C'est d'aimer, plus que vous n'aimâtes jamais aucune créature, le Dieu qui vous a tant aimés, en sorte que vous ne pouvez qu'avoir pour tous les hommes le même amour que pour vous-mêmes ; un amour qui, non seulement brûle toujours dans vos cœurs, mais dont les flammes réchauffent toutes vos actions, toute votre conduite, et font de toute votre vie « une œuvre d'amour », une obéissance permanente aux commandements qui nous disent : « Soyez miséricordieux comme Dieu est miséricordieux  » ; « Soyez saints car je suis saint  » ; « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

Or, quiconque est ainsi né de Dieu « connaît les choses qui lui sont données de Dieu », il sait qu'il est enfant de Dieu, et il « peut assurer son cœur devant lui ». Chacun d'entre vous qui a fait attention à mes paroles ne peut donc pas ne point reconnaître et sentir si, à cette heure, il est ou n'est pas enfant de Dieu. Répondez à Dieu et non à un homme ! Point de subterfuge ! Il ne s'agit pas de votre baptême, mais de ce que vous êtes maintenant. L'esprit d'adoption est-Il maintenant dans votre cœur ? Interrogez votre cœur. Je ne demande pas si vous fûtes « nés d'eau et d'esprit », mais êtes-vous maintenant les temples du Saint-Esprit qui habite en vous ? J'admets que « vous avez été circoncis de la circoncision de Christ (selon l'image par laquelle saint Paul désigne le baptême) », mais l'Esprit de gloire, l'Esprit de Christ repose-t-Il maintenant sur vous ? sans quoi, « avec votre circoncision vous devenez incirconcis ».

Ne dites donc pas en vous-mêmes : « J'ai été baptisé une fois, je suis donc maintenant enfant de Dieu ». Conséquence hélas ! tout à fait insoutenable. — Ils ont été baptisés tous ces gourmands, ces ivrognes, ces menteurs et ces jureurs, ces moqueurs et ces médisants, ces impurs, ces voleurs, ces extorqueurs ! Qu'en dites-vous ? Sont-ils maintenant enfants de Dieu ? En vérité, je vous dis, à vous, qui que vous soyez, à qui s'applique l'une de ces désignations précédentes : « Votre père c'est le diable, et vous faites les œuvres de votre père ». Au nom de Celui que vous crucifiez de nouveau, et dans les termes qu'Il employait pour vos prédécesseurs circoncis, je vous crie : « Serpents, race de vipères, comment éviterez-vous le jugement de la géhenne ? »

Comment, à moins que vous ne naissiez de nouveau ! Car maintenant vous êtes morts dans vos fautes et dans vos péchés. Dire qu'il n'y a de nouvelle naissance que dans le baptême, c'est donc vous sceller pour la damnation, vous condamner à l'enfer sans secours, sans espérance. Et n'est-ce pas ce que quelques-uns trouveraient bon et juste ? Dans leur zèle pour l'Éternel des armées, ils disent peut-être : « Oui, retranche ces pécheurs, ces Amalécites ! Que ces Gabaonites soient exterminés ! Ils ne méritent rien de moins ! » — sans doute, ni moi, ni vous non plus. Ce que je mérite, ce que vous méritez aussi bien qu'eux, c'est l'enfer ; et c'est par pure miséricorde que, contre nos mérites, nous n'avons pas été jetés nous-mêmes dans le feu qui ne n'éteint point. « Mais nous avons été lavés », direz-vous ; « nous sommes nés de nouveau d'eau et d'esprit ». Eux aussi ; cela n'empêche donc point que vous soyez aussi peu avancés qu'eux. Ne savez-vous pas que « ce qui est élevé devant les hommes est en abomination devant Dieu ? (Lu 16 : 15) » Venez, saints du monde, venez, gens honorés des hommes, qui d'entre vous jettera le premier la pierre contre eux, contre ces misérables indignes de vivre, contre ces prostituées publiques, ces adultères, ces meurtriers ? Mais apprenez d'abord ce que signifient ces paroles : « Celui qui hait son frère est un meurtrier. (Jea 3 : 15) » « Celui qui regard une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. (Mat 5 : 28) » « Hommes et femmes adultères, ne savezvous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? (Jas 4 : 4) »

« En vérité, en vérité, je vous le dis », vous aussi, « il faut que vous naissiez de nouveau ». « A moins que vous ne naissiez », vous aussi, « de nouveau, vous ne pouvez voir le royaume de Dieu ». Ne vous appuyez plus sur ce bâton brisé, en disant que vous êtes né de nouveau au moment de votre baptême. Qui est celui qui nie que vous étiez alors faits enfants de Dieu et héritiers du royaume des cieux ? Mais, en dépit de tout cela, vous êtes maintenant enfants du diable, de sorte que vous devez naître de nouveau. Et que Satan ne vous persuade pas de disputer sur les mots dans un sujet si clair. Vous avez vu quelles sont les marques des enfants de Dieu : baptisés ou non baptisés, si vous ne les avez pas, il vous faut les recevoir, ou bien vous ne manquerez pas de périr éternellement. Et si vous êtes baptisés, votre seul espoir c'est qu'après avoir été enfants du diable, malgré votre baptême, vous pouvez encore recevoir « le droit d'être faits enfants de Dieu », vous pouvez « recevoir l'Esprit d'adoption, qui crie dans vos cœurs : Abba, Père ! (Ro 8 : 15) »

Amen, Seigneur Jésus ! Que celui qui préparera son cœur pour rechercher de nouveau ta face, reçoive cet Esprit d'adoption et puisse s'écrier : Abba, Père ! , qu'il puisse encore croire en ton nom pour être fait enfant de Dieu, pour savoir, pour sentir qu'il a par ton sang la rédemption, la rémission des péchés, et qu'il ne peut pécher parce qu'il est né de Dieu ! Qu'il puisse « renaître » encore pour avoir une espérance vive, pour « se purifier lui-même comme tu es pur ! » Etant fils, qu'il soit, par l'Esprit d'amour et de gloire reposant sur lui, « nettoyé de toute souillure de la chair et de l'esprit »,  et rendu capable « d'achever sa sanctification dans la crainte de Dieu ! (2Co 7 : 8) »

 


1 Jean 3,9

1748

 

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». (1Jn 3 : 9)

 

On a souvent supposé qu'être né de Dieu et être justifié c'est tout un ; que les mots de justification et de nouvelle naissance ne sont que des désignations différentes d'une seule et même chose ; puisqu'il est certain, d'un côté, que quiconque est justifié est aussi né de Dieu ; et de l'autre, que quiconque est né de Dieu est aussi justifié ; et que ces deux grâces de Dieu sont données simultanément au croyant. A l'instant où ses péchés sont effacés, il est aussi né de nouveau.

 

Mais bien qu'il soit reconnu que la justification et la nouvelle naissance sont inséparables quant au temps, il est pourtant facile de les distinguer et de reconnaître que ce sont deux choses très différentes quant à leur nature. La justification n'implique qu'un changement relatif, la nouvelle naissance implique un changement réel. En nous justifiant, Dieu fait quelque chose pour nous ; en nous régénérant il fait l'œuvre en nous. La justification change nos relations avec Lui, en sorte que d'ennemis nous devenons enfants ; la nouvelle naissance change le fond de notre âme, en sorte que de pécheurs nous devenons saints. Celle-là nous rend la faveur de Dieu, celle-ci son image. L'une ôte la coulpe, l'autre la puissance du péché : ainsi donc, unies quant au temps, elles n'en sont pas moins pleinement distinctes.

 

Bien des auteurs qui ont traité ce sujet sont tombés dans les idées les plus confuses pour n'avoir pas discerné combien est grande la différence entre la nouvelle naissance et la justification, surtout lorsqu'ils ont voulu expliquer et définir le grand privilège que l'apôtre attribue ici aux enfants de Dieu :

« Quiconque est né de Dieu ne fait point le péché ». Pour nous faire une juste idée de ce    privilège, il peut être nécessaire  de considérer : 1 ° quel est le vrai sens de cette expression : « Quiconque est né de Dieu  » ; puis 2° de rechercher dans quel sens l'apôtre dit : « qu'il ne fait point le péché ».

 

I

 

Considérons d'abord quel est le vrai sens de cette expression : « Quiconque est né de Dieu ». L'idée générale que nous en donnent tous les passages de l'Ecriture où elle se trouve, c'est que cette expression ne désigne pas seulement le baptême, ou un changement extérieur quelconque, mais qu'elle suppose un grand changement intérieur, opéré dans l'âme par la puissance du Saint-Esprit ; un changement dans toute notre manière d'être ; car, du moment que nous sommes nés de Dieu, les conditions de notre vie sont changées ; nous sommes, pour ainsi dire, dans un monde nouveau.

 

Le choix même de cette expression se comprend facilement. Quand ce grand changement s'opère, on peut dire, à proprement parler, que nous naissons de nouveau, tant est grande la ressemblance entre les circonstances de la naissance naturelle et celles de la naissance spirituelle. Cette ressemblance est telle que considérer les circonstances de la naissance naturelle est le moyen le plus simple de comprendre la naissance spirituelle.

 

L'enfant qui n'est point encore né subsiste, il est vrai, par l'air. aussi bien que tout être vivant, mais il ne le sent pas plus qu'il ne sent autre chose, si ce n'est d'une façon très imparfaite. Il n'entend que peu ou point, les organes de l'ouïe étant encore fermés. Il ne voit rien, car ses yeux sont fermés et il est environné d'épaisses ténèbres. A mesure que le temps de sa naissance approche, il y a, sans doute, en lui quelques mouvements qui le distinguent d'une masse inerte ; mais les sens lui manquent ; ces avenues de l'âme sont encore tout entièrement fermées. Il n'a, en conséquence, presque aucun rapport avec ce monde visible, ni aucune connaissance, aucune conception, aucune idée des choses qui s'y passent.

 

S'il est étranger au monde visible, ce n'est pas qu'il en soit éloigné (il en est très près : il en est entouré dé tous côtés) ; mais, c'est d'un côté, parce qu'il est privé des sens qui, en s'éveillant dans l'âme, peuvent seuls le mettre, en communication avec le monde matériel, et de l'autre à cause de ce voile épais qui l'en sépare et à travers lequel il ne peut rien distinguer.

 

Mais l'enfant n'est pas plutôt venu au monde, qu'il entre dans une existence toute nouvelle. Il sent maintenant l'air qui l'environne et qui, a chaque expiration, se répand en lui de tous côtés, pour entretenir la flamme de la vie : et il en tire un accroissement continuel de force, de mouvement, de sensations ; ses

sens physiques étant tous éveillés maintenant et mis en rapport avec leurs objets.

 

Ses yeux sont maintenant ouverts pour saisir la lumière qui, l'inondant silencieusement, lui fait connaître, en se manifestant elle-même, une variété infinie d'objets qui lui étaient naguère entièrement inconnus. Ses oreilles sont ouvertes et les sons les plus divers y retentissent. Chaque sens est exercé sur ce qui lui convient ; et le monde visible pénétrant librement par ces avenues de l'âme, elle acquiert de plus en plus la connaissance des choses sensibles, de toutes les choses qui sont sous le soleil.

 

Il en est de même de la naissance de l'enfant de Dieu. Avant que ce grand changement s'opère, quoique subsistant par Celui « en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être », il ne discerne point Dieu, il n'a pas le sentiment, la conscience intime de sa présence. Il n'a point conscience de ce divin souffle de vie, sans lequel il ne pourrait subsister un moment ; et les choses de Dieu lui sont étrangères et ne font aucune impression sur son âme. Dieu ne cesse de l'appeler d'en haut, mais il n'entend point : « comme l'aspic sourd qui n'écoute point la voix des enchanteurs, du charmeur expert en charmes ». Il ne voit point les choses de l'esprit de Dieu ; car les yeux de son entendement sont fermés et son âme entière est couverte et environnée de ténèbres. Il peut sans doute avoir quelques lueurs, quelques faibles commencements de mouvement et de vie spirituelle ; mais n'ayant point encore les sens spirituels qui seuls peuvent lui faire saisir les choses spirituelles, il ne « discerne point les choses de l'Esprit de Dieu  » ; « et il ne peut les connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en juge ».

 

De là vient qu'il est presque absolument étranger au monde invisible et qu'il en soupçonne à peine l'existence. Non qu'il en soit éloigné, il en est, au contraire, enveloppé, environné de toutes parts. L'autre monde, comme on l'appelle, n'est pas loin de chacun de nous : il est au-dessus, au-dessous de nous et à nos côtés, mais il est vrai que l'homme naturel ne le discerne point ; soit parce qu'il lui manque les sens spirituels, par lesquels seuls on discerne les choses de Dieu : soit à cause du voile épais qui l'en sépare et qu'il ne peut percer.

 

Mais quand il est né de Dieu, né de l'Esprit, comme les conditions de son existence sont changées ! Son âme entière sent et discerne Dieu, et il peut dire, par une sûre expérience : « Tu m'environnes, soit que je marche, soit que je m'arrête  » ; je te retrouve dans toutes tes voies ; « tu me tiens serré par derrière et par-devant, et tu as mis sur moi ta main ». Le souffle de Dieu pénètre immédiatement dans l'âme ; nouvellement née ; et ce souffle de Dieu retournes à Dieu ; sans cesse reçu par la foi, sans cesse il retourne à Dieu par l'amour, par la prière, la louange, l'action de grâces ; car l'amour, la louange, la prière, sont le souffle de toute âme vraiment née de Dieu. Et par cette respiration d'un nouveau genre qui entretient la vie spirituelle, cette même vie s'accroît ; jour après jour, avec la force, le mouvement, la sensibilité spirituelle, tous les sens de l'âme étant maintenant éveillés et capables de discerner ce qui est bien ou mal spirituellement.

 

Les yeux de son entendement » sont « ouverts maintenant, et « il voit Celui qui est invisible ». Il voit « quelle est l'infinie grandeur de sa puissance » et de son amour envers ceux qui croient. Il voit que Dieu est miséricordieux envers lui, qu'il est réconcilié par le Fils de son amour. Il discerne clairement et l'amour par lequel Dieu pardonne et toutes « ses grandes et précieuses promesses ». « Dieu qui, au commencement, dit que la lumière sortît des ténèbres, a répandu et répand « sa lumière » dans son cœur, pour « l'éclairer de la connaissance de la gloire de Dieu, en la face de Jésus-Christ ». Maintenant les ténèbres sont passées et il demeure dans la lumière de la face de Dieu.

 

Ses oreilles sont ouvertes maintenant, et Dieu ne l'appelle plus en vain. Il entend, il suit la vocation céleste, il connaît la voix de son Berger. Tous ses sens spirituels étant éveillés, il est positivement en relation avec le monde invisible, et sans cesse il fait de nouveaux progrès dans la connaissance des choses qu'il n'était point entré dans son cœur de concevoir. Il sait maintenant ce qu'est la paix de Dieu, ce qu'est la joie du Saint-Esprit, ce qu'est l'amour de Dieu répandu dans les cœurs de ceux qui croient en Lui par Jésus-Christ. Débarrassé du voile qui interceptait auparavant la lumière et la voix, la connaissance et l'amour de Dieu, celui qui est né de l'Esprit demeure dans l'amour ; « il demeure en Dieu et Dieu en lui ».

 

Il

 

Après avoir vu ce que signifie cette expression : « quiconque est né de Dieu », il nous reste, en second lieu, à examiner en quel sens l'apôtre dit que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ».

 

Or celui qui est né de Dieu, de la manière que nous avons décrite, qui continuellement reçoit de Dieu dans son âme le souffle de vie, l'influence de l'Esprit de grâce, et qui la reporte continuellement vers Dieu ; celui qui croit et qui aime, qui, par la foi, a le sentiment continuel de l'action de Dieu sur son esprit, et, par une sorte de réaction spirituelle, lui rend incessamment cette grâce en amour, en louanges, en prières ; celui-là seulement ne fait point de péché « pendant qu'il se conserve ainsi » lui-même ; mais tant que cette « semence demeure en lui, il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu ».

 

Par le péché j'entends ici le péché extérieur, dans le sens ordinaire du mot ; une transgression actuelle et volontaire de la loi, de la loi révélée et écrite, de tout commandement de Dieu, reconnu pour tel au moment même où on le transgresse. Mais quiconque est né de Dieu, tant qu'il demeure dans la foi et dans l'amour, dans l'esprit de prière et d'action de grâces, ne commet ni ne peut commettre ainsi le péché. Tant que, de cette manière, il est dans la foi et dans l'amour de Dieu par Christ, et qu'il répand son âme en sa présence, il ne peut transgresser volontairement aucun commandement de Dieu ; cette semence qui demeure en lui, cette foi qui produit l'amour, la prière, l'action de grâces, l'oblige à s'abstenir de choses qu'il sait être une abomination devant Dieu.

 

Mais ici se présente immédiatement une difficulté, une difficulté telle que plusieurs l'ont trouvée insurmontable, et qu'elle les a induits à nier la claire affirmation de l'apôtre et à faire bon marché du privilège des enfants de Dieu.

 

En effet, nous voyons ceux que nous ne pouvons nier avoir été vraiment nés de Dieu (puisque l'Esprit de Dieu dans sa parole leur a rendu son témoignage infaillible) ; nous les voyons non seulement pouvoir commettre, mais commettre réellement le péché et même des péchés grossiers. Nous les voyons transgresser des lois divines claires et manifestes, en disant ou faisant ce qu'ils savaient être défendu de Dieu.

 

Ainsi David était incontestablement né de Dieu, avant d'être oint roi sur Israël. Il savait en qui il avait cru ; « il était fort dans la foi, donnant gloire à Dieu ». « L'Eternel est mon berger » dit-il, « je n'aurai point de disette. Il me fait reposer dans les parcs herbeux et il me conduit le long des eaux tranquilles. Même quand je marcherai par la vallée de l'ombre de la mort, je ne craindrai aucun mal, car tu es avec moi (Ps 23) ». Il était rempli d'amour et il s'écrie : « Je veux t'aimer, mon Dieu, ma force. Le Seigneur est mon rocher, la corne de mon salut et mon refuge (Ps 18 : 1,2) ». C'était un homme de prière, qui répandait son âme en tout temps devant son Dieu, il abondait dans la louange et les actions de grâces : « Ta louange », dit-il, « sera continuellement dans ma bouche (Ps 34 : 1) » ; « tu es mon Dieu fort, je te célébrerai ; tu es mon Dieu, je t'exalterai (Ps 118 : 28)  ». Il était né de Dieu, et pourtant il put commettre, il commit le péché ; que dis-je ? l'horrible péché d'adultère et de meurtre.

 

Même après que le Saint-Esprit eut été plus abondamment répandu et que « la vie et l'immortalité

eurent été manifestées par l'Evangile », nous trouvons encore de pareils exemples écrits, sans doute, pour notre instruction. Ainsi celui qui (probablement pour avoir vendu ses biens et en avoir appliqué le prix au soulagement de ses frères) fut surnommé par les apôtres eux-mêmes Barnabas, c'est-à-dire fils de consolation (Act 4 : 36,37), qui était si estimé à Antioche, qu'il fut choisi d'entre tous les disciples pour porter avec Saul les aumônes destinées aux frères de Judée (Act 11 : 29,30) ; ce Barnabas qui, à son retour de Judée, fut mis à part solennellement par le Saint-Esprit, d'entre les autres prophètes et docteurs, « pour l'œuvre à laquelle Dieu l'avait appelé (Act 13 : 1,4) » pour accompagner parmi les Gentils, le grand apôtre, et pour être, en tout lieu, son compagnon d'œuvre, fut néanmoins si peu conciliant dans la contestation qu'il eut avec Paul au sujet de Jean surnommé Marc, qui les avaient quittés dès la Pamphylie et ne les avait pas accompagnés dans l'œuvre, qu'il abandonna lui-même cette œuvre pour prendre Marc, et fit voile pour l'île de Chypre, quittant celui à qui il avait été associé par une direction si immédiate du Saint-Esprit (Act 15 : 35,39).

 

Mais l'exemple que Paul nous rapporte dans l'Épître aux Galates est encore plus étonnant que ceux-là. « Quand Pierre », nous dit-il, « vint à Antioche », — Pierre, déjà avancé en âge, le zélé Pierre, le premier des apôtres, est l'un de ces trois qui avait été distingués par le Seigneur, — « je lui résistai en face, parce qu'il méritait d'être repris. Car avant que quelques-uns fussent venus de la part de Jacques, il mangeait avec les Gentils : — les païens convertis, ayant été spécialement enseigné de Dieu qu'il ne devait « tenir aucun homme pour impur ou souillé (Act 10 : 28)  ». — « Mais dès qu'ils furent venus, il se retira et se sépara des Gentils, craignant ceux de la circoncision. Et les autres Juifs usaient aussi de la même dissimulation que lui, de sorte que Barnabas même se laissait entraîner à dissimuler comme eux. Mais quand je vis qu'ils ne marchaient pas de droit pied selon la vérité de l'Evangile, je dis à Pierre, en présence de  tous : Si toi qui es Juif, vis comme les Gentils et non comme les Juifs » - non selon les prescriptions extérieures de la loi, « pourquoi obliges-tu les Gentils à judaïser (Gal 2 : 11) ? » Nous avons donc ici un péché évident, incontestable, commis par un homme qui était sans aucun doute enfant de Dieu. Mais comment concilier cela avec le sens littéral de cette assertion de saint Jean, que « celui qui est né de Dieu ne fait point le péché ? »

 

Je réponds : Ce que nous avons déjà avancé, c'est qu'aussi longtemps que « celui qui est né de Dieu se conserve lui-même » — (et il le peut par la grâce de Dieu) — « le malin ne le touche point  » ; mais que s'il ne se conserve pas lui même, s'il ne demeure pas dans la foi, il peut pécher aussi bien qu'un autre homme. Il est dès lors aisé de comprendre comment, malgré la chute de tel de ces enfants de Dieu, la grande vérité déclarée par l'apôtre demeure ferme et inébranlable. Il ne se conserva point par cette grâce qui lui était suffisante pour se garder. Il tomba par degrés, d'abord dans un péché intérieur négatif, ne « rallumant » pas « le don de Dieu » qui était en lui, négligeant de veiller, de prier et de « courir vers le prix de sa vocation céleste  » ; puis dans un péché intérieur positif, inclinant vers le mal, ouvrant son cœur à quelque mauvais penchant, perdant bientôt sa foi, sa vue du pardon et de la grâce de Dieu, et par suite son amour ; alors devenu faible comme un autre homme, il put commettre même le péché extérieur et grossier.

 

Appliquons ceci à l'exemple de David. David était né de Dieu, et par la foi, il voyait Dieu. Il l'aimait en sincérité. Il pouvait vraiment dire : « Quel autre que toi ai-je au ciel ? Voici, je n'ai pris plaisir sur la terre qu'en toi ». Mais il y avait toujours dans son cœur cette corruption de nature qui est la semence de tout mal.

 

« Il se promenait sur la plate-forme du palais royal (2Sa 11 : 2) », louant, peut-être, le Dieu qu'aimait son âme, quand ses regards tombèrent sur Bathscébah. Ici s'élève une tentation, une pensée tendant au mal. L'Esprit de Dieu ne manque pas de l'en convaincre il distingue, sans doute, cette voix bien connue, mais il ne chasse point cette pensée, et la tentation commence à le dominer. Son esprit en est souillé ; il voit encore Dieu, mais déjà plus obscurément. Il l'aime encore, mais non pas au même degré, ni avec la même ardeur. Cependant l'Esprit de Dieu, quoique contristé, continue à le reprendre ; et sa voix, quoique toujours plus faible, lui dit encore tout bas : « Le péché est à la porte ; regarde vers moi et sois sauvé ! » Mais fermant l'oreille, il regarde, non point vers Dieu, mais vers l'objet défendu, jusqu'à ce qu'enfin la nature l'emporte sur la grâce et allume la convoitise dans son âme.

 

L'oeil de son âme se referme maintenant, et Dieu disparaît. La foi, communication divine et surnaturelle avec Dieu, et l'amour de Dieu, cessent en même temps ; il se précipite comme un coursier dans la bataille, et, de gaîté de cœur, il commet le péché grossier.

 

Vous voyez ici le passage graduel de la grâce au péché : la semence divine et victorieuse de la foi et de l'amour demeure dans l'homme qui est né de Dieu. Par la grâce, « il se garde lui-même et ne peut faire le péché ». Une tentation s'élève ; que ce soit du monde, de la chair ou du diable, peu importe. L'Esprit de Dieu l'avertit que le péché est à la porte et lui recommande plus expressément la vigilance et la prière. Il cède, en quelque mesure, à la tentation qui commence à lui plaire. Il a contristé le Saint-Esprit, sa foi devient plus faible et son amour se refroidit. L'Esprit le reprend avec plus de force : « C'est ici le chemin, marches-y ». Il se détourne de cette voix qui le blesse et prête l'oreille à la voix du tentateur qui lui plaît. La convoitise naît et grandit dans son âme jusqu'à en chasser la foi et l'amour ; dès lors il est capable de commettre le péché grossier ; car Dieu s'est retiré de lui.

 

Prenons un autre exemple : l'apôtre Pierre était rempli de foi et du Saint-Esprit ; et par là se conservant lui-même, il avait une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes.

 

Marchant ainsi dans la simplicité et dans la sincérité devant Dieu, « il mangeait avec les Gentils avant

que des messagers vinssent de la part de Jacques », sachant que rien de ce que Dieu a purifié n'est impur ou souillé.

 

Mais « lorsqu'ils furent venus », la tentation s'éleva en lui « de craindre ceux de la circoncision » (c'est-à-dire les Juifs convertis qui étaient zélés pour la circoncision et les autres rites mosaïques) et d'estimer la faveur et la gloire venant de ces hommes plus que la gloire de Dieu.

 

L'Esprit de Dieu l'avertit de l'approche du péché ; néanmoins il céda, en quelque mesure, à cette crainte coupable, et sa foi et son amour furent en proportion affaiblis.

 

Dieu lui reprocha de donner lieu au diable ; mais refusant d'écouter le bon Berger, il s'abandonna à cette crainte servile et éteignit l'Esprit.

 

Dieu disparut alors, la foi et l'amour s'éteignirent, et il commit le péché extérieur : ne marchant pas « de droit pied, selon la vérité de l'Evangile », il se sépara de ses frères en Christ, et par son exemple, si ce n'est même par ses avis, il contraignit les Gentils de judaïser, de se remettre de nouveau sous ce joug de servitude dont Jésus-Christ les avait affranchis. Il est donc incontestable que celui qui est né de Dieu, se gardant lui-même, ne commet ni ne peut commettre le péché ; et néanmoins, s'il ne se garde point lui-même, il peut commettre, de gaîté de cœur, toutes sortes de péchés.

 

III

 

Des considérations qui précèdent, nous pouvons apprendre :

 

1 ° à résoudre une question qui a souvent embarrassé des âmes sincères. Le péché précède-t-il ou suit-il la perte de la foi ? Un enfant de Dieu perd-il sa foi pour avoir péché ? Ou faut-il qu'il perde sa foi avant de pouvoir pécher ? — Je réponds : Il faut bien que quelque péché d'omission, pour le moins, précède la perte de la foi ; quelque péché intérieur : mais le péché extérieur ne peut être commis que s'il a perdu la foi.

 

Plus un croyant examinera son cœur, plus il sera convaincu que la foi, opérant par la charité, exclut tout péché, intérieur ou extérieur, de l'âme qui veille et prie. Mais qu'alors même nous sommes sujets à la tentation, surtout du côté des péchés qui nous enveloppaient autrefois aisément ; que si l'oeil de l'âme se fixe avec amour sur Dieu, la tentation s'évanouit bientôt ; mais que si, au contraire, comme le dit saint Jacques, nous sommes « tirés et amorcés » loin de Dieu « par notre propre ; convoitise », la convoitise, après avoir conçu ; enfante le péché, et ayant, par ce péché intérieur, détruit notre foi, elle nous précipite si bien dans les pièges du diable, que nous sommes capables de commettre toutes sortes de péchés extérieurs.

 

2° Nous pouvons apprendre, en second lieu, de ce qui a été dit, ce qu'est la, vie de Dieu dans l'âme d'un croyant ; en quoi elle consiste et ce qu'elle suppose nécessairement. Elle suppose nécessairement l'inspiration continue du Saint-Esprit ; la pénétration du souffle de Dieu dans l'âme et le retour continuel de ce souffle vers Dieu ; une action continuelle de Dieu sur l'âme et la réaction de l'âme sur Dieu ; la présence non interrompue du Dieu d'amour ; manifestée au cœur et perçue par la foi, et un retour non interrompu d'amour, de louanges et de prières, par lequel nous offrons toutes nos pensées, nos affections, nos paroles et nos œuvres, en sacrifice saint et agréable à Dieu par Jésus-Christ.

 

Et c'est ce qui nous montre : 3° l'absolue nécessité de cette, réaction de l'âme (s'il nous est permis de l'appeler ainsi) pour que la vie divine s'y maintienne. Car il est évident que Dieu ne continue pas à agir sur l'âme ; si l'âme ne réagit sur Dieu. Il nous prévient sans doute par les marques de sa bonté. Il nous aime le premier et se manifeste à nous. Quand nous sommes encore loin, il nous appelle, et fait luire sur nous sa lumière. Mais si nous n'aimons point alors Celui qui nous aima, le premier, si nous n'écoutons pas sa voix, si nous détournons de lui nos yeux, pour ne point voir la, lumière qu'il répand sur nous, son Esprit ne conteste point toujours ; il se retire par degrés et nous abandonne à nos propres ténèbres. Son souffle ne continue point en nous si notre âme cesse de le lui renvoyer, si nous cessons de lui offrir, par notre amour, nos prières et nos actions de grâces, le sacrifice qui lui est agréable.

 

4° Apprenons enfin à suivre cette recommandation du grand apôtre : « Ne t'élève point par orgueil, mais crains ». Craignons le péché, plus que la mort ou l'enfer. Redoutons d'une crainte, non servile, mais jalouse, de nous appuyer sur la tromperie de nos propres cœurs. « Que celui qui est debout prenne garde qu'il ne tombe ». Celui même qui maintenant est affermi dans la grâce et dans la foi qui surmonte le monde peut néanmoins tomber dans le péché intérieur, et par là faire naufrage quant à la. foi Et qu'il est facile, dès lors ; au péché extérieur de reprendre son empire ! Toi donc, homme de Dieu, veille pour entendre toujours la voix de Dieu. Veille pour prier sans cesse ; répands en tous temps, en tous lieux, ton cœur en sa présence ! Ainsi tu pourras toujours croire, toujours aimer et ne jamais « faire le péché ».

 

Jérémie 23,6

1765

 

C'est ici le nom dont on l'appellera : L'Eternel notre justice. (Je 23 : 6)

 

Combien de querelles, et quelles épouvantables querelles, il y a eu ici-bas à propos de religion ! Et Cela non pas seulement parmi les enfants du monde, parmi ceux qui ignorent ce qu'est la vraie religion, mais encore parmi les enfants de Dieu eux-mêmes, parmi ceux qui ont éprouvé que « le règne de Dieu est au-dedans de nous (Lu 17 : 21) », qui ont connu « la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit (Ro 14 : 17)  ». Combien d'entre ces derniers, et dans tous les siècles, au lieu de s'unir contre l'ennemi commun, ont tourné leurs armes les uns contre les autres, et ainsi non seulement gaspillé un temps précieux, mais encore affaibli les bras de leurs frères, et, de cette façon, entravé l'œuvre si importante de leur commun Maître ! Que de fois les faibles ont été scandalisés par cette conduite, les impotents spirituels égarés, les pécheurs encouragés à ne tenir aucun compte de la religion et à mépriser ceux qui en font profession ! Et que de fois « les saints qui sont sur la terre ; (Ps 16 : 3) » ont dû « pleurer en secret (Je 13 : 17) ; » sur cet état de choses !

 

Quiconque aime Dieu et le prochain donnerait tout au monde, souffrirait quoi que ce soit, pour apporter remède à ce grand mal, pour arrêter les disputes entre enfants de Dieu, pour rétablir et maintenir entre eux la paix. En vue de résultats si désirables, il pourrait tout sacrifier, sauf la possession d'une bonne conscience. Mais s'il ne nous est pas possible à cet égard de « faire cesser les guerres jusqu'au bout de la terre (Ps 46 : 10) », si nous ne pouvons pas rapprocher les uns des autres tous les enfants de Dieu, que du moins chacun de nous fasse ce qu'il pourra ; qu'il contribue, ne fût-ce que ses deux pites, à cette œuvre excellente. Bienheureux ceux qui aident tant soit peu à faire régner « paix et bienveillance parmi les hommes (Lu 2 : 14) », et surtout parmi les hommes de bien, parmi ceux qui sont enrôlés sous le drapeau du « Prince de la paix » (Esa 9 : 5), et conséquemment tenus d'avoir, « autant qu'il dépend d'eux, la paix avec tous les hommes (Ro 12 : 18)  ».

 

On se serait considérablement rapproché du but, si l'on pouvait amener les gens de bien à s'entendre. Nombre de querelles viennent de simples malentendus. Il arrive souvent que ni l'une ni l'autre des parties ne comprend la pensée de ceux avec lesquels elle est en désaccord ; et il en résulte qu'elles s'attaquent violemment, lorsqu'il n'y a entre elles aucun motif sérieux de division. Mais il n'est pas toujours facile d'en convaincre les personnes intéressées, surtout si la passion s'en mêle ; c'est alors chose bien malaisée, et pourtant pas impossible, pourvu que nous l'entreprenions en nous confiant, non point en nous- mêmes, mais en celui à qui tout est possible. C'est lui qui peut promptement dissiper les nuages, répandre la lumière dans les cœurs et les rendre capables de se comprendre et de comprendre « la vérité qui est en Jésus (Eph 4 : 21)  ».

 

Les paroles de notre texte expriment un des points les plus importants de cette vérité : « C'est ici le nom dont ou l'appellera : L'Eternel notre justice ». Voilà, en effet, une vérité qui fait partie de l'essence même du christianisme qui en soutient tout l'échafaudage. On peut, à coup sûr, dire d'elle ce que Luther disait d'un autre article de foi qui se rattache étroitement à celui-ci, que c'est « articulus stantis vel cadentis ecclesiae » , une doctrine avec laquelle l'Eglise se tient debout ou tombe. C'est bien certainement la colonne et la base de cette foi qui seule procure le salut, de cette foi catholique ou universelle, qu'on trouve chez tous les enfants de Dieu et que nous devons conserver « pure et sans tache » (Jas 1 : 27), si nous ne voulons pas périr éternellement.

 

Ne semblerait-il pas naturel et raisonnable que tous ceux qui invoquent le nom de Christ fussent d'accord sur ce point, quelles que soient leurs différences de vues à d'autres égards ? Hélas ! qu'il est loin d'en être ainsi ! Il n'y a presque pas de question sur laquelle ils s'entendent moins, sur laquelle ceux qui professent de suivre Jésus-Christ paraissent aussi absolument éloignés et incapables de s'entendre. Je dis paraissent ; car je suis convaincu que, dans bien des cas, leurs divergences ne sont qu'apparentes. Entre eux il y a plutôt différence de mots que de sentiments ; ils sont plus rapprochés par la pensée que par le langage. Mais il y a positivement une énorme différence de langage, non seulement entre protestants et catholiques romains, mais entre protestants et protestants, voire même entre ceux qui professent de croire également à la justification par la foi, et qui sont, du même avis sur toutes les autres doctrines fondamentales de l'Evangile.

 

Si les chrétiens sont séparés ici plutôt par leurs opinions que par leurs expériences, plutôt même par les expressions qu'ils emploient que par les opinions qu'ils ont, comment se fait-il que les enfants de Dieu se disputent aussi violemment sur cette question ? On peut expliquer leur conduite par diverses raisons. La principale, c'est qu'ils ne se comprennent pas réciproquement ; ajoutez à cela qu'ils tiennent trop exclusivement à leur opinion et à leur façon particulière de l'exprimer.

 

Pour écarter, en quelque mesure du moins, ces obstacles et pour arriver à nous entendre sur ce point, je veux essayer, avec l'aide du Seigneur, de montrer d'abord ce qu'est la justice de Christ ; et ensuite à quel moment et dans quel sens elle nous est imputée ; puis je me propose de conclure par une application brève et directe.

 

I

 

Qu'est-ce que la justice de Christ ? Elle est double il y a sa justice divine et sa justice humaine.

 

Sa justice divine fait partie de sa nature divine, en tant qu'il est « celui qui existe »  (Apo 1 : 4), celui « qui est Dieu au-dessus de toutes choses, béni éternellement (Ro 9 : 5) », l'Etre suprême, éternel, qui est « égal au Père, quant à sa divinité, bien qu'inférieur à lui par son humanité (Symbole de saint Athanase)  ». Cette justice divine de Jésus-Christ consiste donc dans sa sainteté éternelle, essentielle, immuable, dans son équité, sa miséricorde et sa vérité qui sont infinies, tous attributs dans lesquels le Père et lui sont un.

 

Mais, à mon sens, il n'est pas directement question ici de la justice divine de Christ. Personne, peut-être, ne voudrait soutenir que cette justice-là nous est imputée. Tous ceux qui croient à la doctrine de l'imputation, appliquent ce terme exclusivement, ou tout au moins principalement, à la justice humaine de Jésus.

 

La justice humaine de Jésus appartient, à sa nature humaine, en tant qu'il est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ. homme (1Ti 2 : 5) » Elle peut se diviser en justice intérieure et justice extérieure. Sa justice intérieure était l'image de Dieu empreinte sur toutes les facultés, sur tous les attributs de son âme. C'était la reproduction de la justice divine, autant qu'elle peut se communiquer à une âme humaine. C'était une fidèle image de la pureté de Dieu, de son équité, de sa vérité, de sa miséricorde. En Jésus cette justice embrassait aussi l'amour, le respect, la soumission vis-à-vis de son Père, l'humilité, la débonnaireté, la douceur, l'amour pour le genre humain perdu ; enfin, tous les sentiments qui sont saints et célestes ; et chacun de ces sentiments il le possédait dans sa plénitude, sans mélange de défauts ou d'impuretés.

 

Ce fut la moindre partie de sa justice extérieure qu'il ne fit rien de mal, qu'il ne commit aucun péché dans sa conduite, qu' « il ne s'est point trouvé de fraude dans sa bouche » (Esa 53 : 9 1Pi 2 : 22), qu'il n'a jamais prononcé une parole répréhensible, jamais accompli un acte répréhensible. Tout cela ne constitue qu'une justice négative, mais telle pourtant que jamais elle n'a été, jamais elle ne peut être le partage d'un autre homme né de femme. Mais la justice extérieure de Jésus fut elle-même positive ; car « il a bien fait toutes choses (Mr 7 : 37) ; » toutes les fois qu'il parla, toutes les fois qu'il agit, ce fut pour faire exactement « la volonté de Celui qui l'avait envoyé (Jea 4 : 34)  ».

 

Pendant tout le cours de sa vie, il fit, la volonté de Dieu sur la terre comme les anges la font dans le ciel. Chacun de ses actes et chacune de ses paroles étaient toujours ce qu'il fallait qu'ils fussent. Son obéissance fut complète et dans l'ensemble et dans les détails : il accomplit « tout ce qui est juste (Mat 3 : 15)  ».

 

Mais cette obéissance comportait bien plus que tout cela. Elle consista pour lui, non seulement à agir ; mais aussi à souffrir, à souffrir toute la volonté de Dieu, depuis le jour où il entra dans le monde jusqu'à celui où il « a porté nos péchés en son corps sur le bois (1Pi 2 : 24) », et où, les avant pleinement expiés, « il baissa la tête et rendit l'esprit. (Jea 19 : 30)  ». On désigne habituellement cette portion de la justice de Christ sous le titre de justice passive, et le reste sous celui de justice active. Mais puisque, en réalité, l'une n'a jamais été séparée de l'autre, il est inutile que, soit en en parlant, soit en y pensant, nous fassions cette distinction. C'est en embrassant ce double aspect de la justice de Christ qu'il est, appelé « l'Eternel notre justice ».

 

lI

 

Mais à quel moment pouvons-nous dire en toute vérité : « l'Eternel notre justice ? » En d'autres termes, quand est-ce que la justice de Christ nous est imputée, et dans quel sens l'est-elle ?

 

En passant le monde en revue, on découvre que les hommes sont tous ou croyants ou incrédules. Les gens raisonnables ne contesteront point la vérité de cette première assertion, que la justice de Christ est imputée à tous les croyants, mais qu'elle ne l'est pas aux incrédules.

 

Mais quand est-elle imputée aux croyants ? Evidemment dès qu'ils croient ; dès ce moment la justice de Christ leur appartient. Elle est imputée à quiconque croit et dès qu'il croit ; la foi et la justice de Christ sont inséparables ; car si on croit selon la parole de Dieu, on croit à la justice de Christ. Il n'y a de vraie foi, de foi justifiante, que celle qui a la justice de Christ pour objet.

 

Il est vrai que tous les croyants pourront bien ne pas s'exprimer de la même façon, ne pas parler un même langage. Il ne faut pas s'y attendre, et il ne serait pas raisonnable de l'exiger. Mille raisons peuvent les amener à employer des expressions différentes — mais cette diversité d'expressions n'est pas nécessairement le fruit d'une différence dans les sentiments. La même pensée, exprimée par plusieurs individus, le sera dans des termes différents par chacun d'eux. Il n'y a rien de plus ordinaire que cela ; mais on n'en tient pas suffisamment compte. Une même personne, parlant du même sujet à deux époques un peu éloignées, aurait bien de la peine à retrouver les mêmes expressions, bien que ses sentiments n'aient pas changé. Pourquoi donc voudrions-nous exiger que les autres se servissent exactement des mêmes termes que nous ?

 

Faisons encore un pas. Les autres hommes peuvent avoir non seulement un langage différent du nôtre, mais même des opinions différentes, et cependant « avoir eu en partage avec nous ; une foi de même prix (2Pi 1 : 1) » Il peut se faire qu'ils ne discernent  pas exactement, la grâce dont ils jouissent ; leurs idées peuvent être moins claires que les nôtres, sans que leurs expériences religieuses soient moins réelles. On trouve de grandes inégalités parmi les hommes au point de vue des qualités morales, et surtout des facultés intellectuelles ; ces inégalités naturelles sont encore accrues par les différentes méthodes d'éducation. De fait, cela seul amène des différences d'opinion presque incroyables sur divers sujets ; et pourquoi pas sur celui-ci tout comme sur les autres ? Mais, bien qu'il y ait, de la confusion et de l'inexactitude dans les idées et dans le langage de certains hommes, il est très possible que leur cœur soit attaché à Dieu en son Fils bien-aimé et qu'ils aient vraiment part à sa justice.

 

Ayons donc pour les autres toute l'indulgence que nous voudrions que l'on eût pour nous si nous étions à leur place. Qui donc ne sait (pour revenir encore à une des choses que nous avons dites), qui ne sait quelle est la, grandeur de l'influence de l'éducation ? Et qui oserait, connaissant cela, s'attendre à ce qu'un catholique romain pensât ou parlât avec clarté sur ce sujet ? Et pourtant, si nous avions pu entendre Bellarmin lui-même, mourant, répondre à ceux qui lui demandaient lequel des saints il voulait, implorer : « Fidere meritis Christi tutissimum ; le plus sûr est de se confier dans les mérites de Christ  » ; aurions-nous osé affirmer que ses vues erronées l'empêchaient d'avoir part à la justice de Christ ?

 

Mais dans quel sens cette justice est-elle imputée aux croyants ? Dans ce sens que tous ceux qui croient sont pardonnés et reçus par Dieu, non point à cause de quelque mérite qui est en eux ou de quelque chose qu'ils ont faite, qu'ils  font ou qu'ils pourront faire ; mais entièrement et uniquement pour l'amour de ce que Jésus-Christ a fait et a souffert pour eux. Je le répète : ce n'est pas à cause de quelque chose qui est en eux ou qu'ils ont faite, à cause de leur justice ou de leurs œuvres. « Il nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais selon sa miséricorde (Tit 3 : 4,5)  ». — « Vous êtes sauvés par grâce, par la foi ; ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie (Eph 2 : 8,9)  ». Nous sommes sauvés uniquement pour l'amour de ce que Christ a fait et a souffert pour nous. Nous sommes « justifiés gratuitement par sa grâce, par la rédemption qui est en Jésus-Christ (Ro 3 : 23)  ». C'est par là que nous obtenons la faveur de Dieu, et c'est par là aussi que nous la conservons. C'est de cette façon que nous nous approchons d'abord de Dieu, et c'est de la même façon que nous continuons à le faire toute notre vie. C'est dans un seul et même « chemin nouveau et vivant » (Heb 10 : 20) que nous marchons, jusqu'au jour où notre esprit retourne à Dieu qui l'a donné.

 

Telle est la doctrine que j'ai constamment crue et enseignée depuis près de vingt-huit ans. Je l'annonçai à tout le monde en l'année 1738, et je l'ai fait de nouveau dix ou douze fois depuis cette époque, en employant les termes suivants (ou d'autres qui reviennent au même), tirés du recueil des Homélies de notre Eglise (L'Eglise anglicane) : « Ces choses doivent nécessairement se rencontrer dans notre justification : du côté de Dieu, sa grande miséricorde et sa grande grâce ; du côté de Jésus, la satisfaction donnée par lui à la justice divine ; de notre coté enfin, la foi aux mérites de Christ. De telle sorte que, dans notre justification, la grâce de Dieu n'exclut pas la justice de Dieu, mais seulement celle de l'homme, comme cause méritoire de notre justification ». - « Il est dit que nous sommes justifiés seulement par la foi, afin d'exclure tout mérite provenant de nos œuvres et d'attribuer à Jésus-Christ seul tout le mérite de notre justification. Noire justification découle gratuitement de la pure miséricorde de Dieu. Car, lorsque le monde entier n'eût pu fournir la moindre portion de notre rançon, il lui a plu, sans que nous l'eussions en rien mérité, de nous préparer le corps et le sang de Christ qui ont payé notre rançon et apaisé sa justice. Jésus-Christ est donc maintenant, la justice de tous ceux qui croient véritablement en lui ».

 

Les cantiques que je publiai un an ou deux plus tard, et qui depuis lors ont été réimprimés plusieurs fois (ce qui montre clairement que mes sentiments n'ont pas changé), ces cantiques tiennent le même langage. Si je voulais en citer tous les passages qui se rapportent à ce sujet, il me faudrait transcrire ici une grande partie de ce recueil. Il suffira d'en prendre pour échantillon un qui a été réimprimé il y a sept, ans, puis il y a cinq ans, de nouveau il y a deux ans, et enfin il y a quelques mois

 

De mon âme, ô Jésus, la robe sans défaut

 

Et la beauté, ce sont ton sang et ta justice.

 

Si j'en suis revêtu, ce terrestre édifice

 

Peut s'embrasser ; joyeux mon cœur regarde en haut 1

 

Le cantique tout entier, du commencement à la fin, exprime les mêmes sentiments.

 

Dans le sermon sur la justification que je publiai d'abord il y a dix-neuf ans, puis de nouveau il y a sept ou huit ans, j'exprime les mêmes pensées dans les termes suivants :

 

« En considération de ce que le Fils de Dieu « a souffert la mort pour tous (Heb 2 : 9) », Dieu a « réconcilié le monde avec soi, en ne leur imputant point leurs péchés (2Co 5 : 19)  ». Ainsi, pour l'amour de son Fils bien-aimé et de ce qu'il a fait et a souffert pour nous, Dieu s'engage (en y mettant une seule condition, que lui-même nous aide à remplir), à nous affranchir du châtiment mérité par nos péchés, à nous faire rentrer dans sa faveur, et à rendre à nos âmes mortes la vie spirituelle, prémices de la vie éternelle ».

 

Ces sentiments sont exprimés d'une manière plus étendue et plus détaillée dans le traité sur la justification que je fis paraître l'an dernier ; « Si, par cette expression : Imputer la justice de Christ, nous voulons dire communiquer celle justice (y compris son obéissance, tant active que passive), dans les fruits qu'elle a produits dans les privilèges, grâces et bénédictions qu'elle nous procure, on peut dire, dans ce sens, que le croyant est justifié par l'imputation de la justice de Christ. La signification de ces mots sera donc que Dieu justifie le croyant pour l'amour de la justice de Christ, et non à cause d'une justice qui lui serait propre. De même Calvin a dit (Institution, liv. 2, ch 17) : « Christ, par son obéissance, nous a procuré et mérité la grâce et la faveur de Dieu le Père ». Et plus loin : « Christ, par son obéissance, nous a acquis et procuré la justice ». Et encore : « Toutes ces expressions, que nous sommes justifiés par la grâce de Dieu, que Christ est notre justice, que la justice nous a été procurée par la mort et la résurrection de Christ, disent la même chose, savoir que la justice de Christ, tant active que passive, est la cause méritoire de notre justification et nous a obtenu cette grâce de Dieu que, dès que nous croyons, nous sommes par lui considérés comme justes ».

 

Mais peut-être quelqu'un me dira-t-il : « Comment donc affirmez-vous que la foi nous est imputée à justice ? » Saint Paul l'affirme à plusieurs reprises, et c'est pour cela que je l'affirme, moi aussi. La foi est imputée à justice à tout croyant, savoir la foi à la justice de Christ, ce qui est absolument ce que nous avons déjà dit ; car, en employant ces termes, je veux seulement dire que nous sommes justifiés par la foi et non par les œuvres, ou bien encore que celui qui croit est pardonné et reçu par Dieu uniquement à cause de ce que Jésus-Christ a fait et a souffert.

 

— « Mais le croyant n'est-il pas enveloppé ou revêtu de la justice de Christ ? » Oui, incontestablement ; et c'est pour cela que tout cœur croyant peut adopter le langage du cantique cité plus haut et qui signifie : Pour l'amour de la justice active et passive, je suis pardonné et reçu par Dieu.

 

— « Mais ne devons-nous pas quitter les misérables haillons de notre justice propre avant d'être revêtus de la justice sans tache de Christ ? » Oui, certainement c'est-à-dire, pour parler simplement, que nous devons nous repentir avant de pouvoir croire à l'Evangile. Il faut que nous ne comptions  plus du tout sur nous-mêmes pour pouvoir nous appuyer véritablement sur Jésus-Christ. Si nous ne commençons pas par renoncer à toute confiance en notre propre justice, nous ne saurions avoir une confiance sincère en la sienne. Aussi longtemps que  nous comptons sur quelque chose que nous pouvons faire, il est impossible que nous mettions une foi entière en ce que Jésus a fait et a souffert. D'abord, il nous faut

nous regarder nous-mêmes comme condamnés à mort (2Co 1 : 9) ; » puis, nous pourrons croire en celui qui a vécu et est mort pour nous.

 

— « Mais ne croyez-vous pas à une justice inhérente ? » Oui, sans doute ; mais en la mettant à sa place, c'est-à-dire non comme moyen de trouver grâce devant Dieu, mais comme fruit de cette bénédiction, non comme tenant lieu de la justice imputée, mais comme en étant la conséquence. Je crois, en effet, que Dieu met sa justice en tous ceux auxquels il l'a imputée. Je crois que « Jésus-Christ nous a été fait, de la part de Dieu, sanctification aussi bien que justice (1Co 1 : 30) » c'est-à-dire qu'il justifie mais  aussi sanctifie tous ceux qui croient en lui. Ceux à qui la justice de Christ a été imputée sont rendus justes par l'Esprit de Christ, sont « renouvelés et créés à l'image de Dieu dans une justice et une sainteté véritables. (Eph 4 : 23,24)  ».

 

- « Mais ne mettez-vous pas la foi à la place de Christ et de sa justice ? » Aucunement ; je prends bien soin de mettre chaque chose à sa place. La justice de Christ est le fondement unique et entier de toutes nos espérances. C'est par la foi que, sous l'action du Saint-Esprit, nous pouvons bâtir sur ce fondement. Dieu nous donne cette foi, et dès ce moment nous sommes reçus par Dieu, non pas pourtant à cause de cette foi, mais à cause de ce que Jésus a fait et a souffert pour nous. Vous le voyez, chacune de ces choses est à sa place, et aucune d'elles n'est en conflit avec les autres. Nous croyons, nous aimons et nous nous efforçons de marcher sans reproche dans tous les commandements du Seigneur ; mais, tout en vivant ainsi, nous renonçons à nous-mêmes et cherchons notre refuge dans la justice de Jésus. Nous regardons sa mort comme notre unique fondement, et c'est au nom de Jésus que nous réclamons notre pardon et le salut éternel.

 

Je ne nie donc pas davantage la justice de Christ que je ne nie sa divinité : et l'on aurait aussi peu de raison de m'accuser de la première de ces a choses que de la seconde. Je ne nie pas non plus l'imputation de cette justice : sur ce point-là encore on m'accuse  faussement et méchamment. J'ai toujours proclamé et je proclame encore constamment que la justice de Christ est imputée à quiconque croit. Qui sont d'ailleurs ceux qui le nient ? Ce sont tous les incrédules, baptisés ou non, tous ceux qui osent dire que le glorieux Evangile de notre Seigneur Jésus-Christ  est une fable composée avec artifice ; ce sont tous les Ariens et tous les Sociniens : ce sont tous ceux qui nient la divinité absolue du Seigneur qui les a rachetés. Ceux-là ne peuvent faire autrement que de nier sa justice divine, puisqu'ils le considèrent comme un simple homme ; et ils nient sa justice humaine, en tant qu'imputée à qui que ce soit, car ils croient que chacun trouve grâce par sa propre justice

 

La justice humaine de Christ, tout au moins quant à son imputation et comme la cause unique et parfaite de la justification du pécheur devant Dieu, est aussi reniée par tous les membres de l'Eglise de Rome qui sont conséquents avec les principes de leur Eglise. Mais il y en a certainement parmi eux beaucoup qui, en fait d'expérience religieuse, valent mieux que leurs principes, et qui, tout en étant bien éloignés de parler de ces vérités d'une façon satisfaisante, ont une expérience intime bien supérieure à ce qu'ils savent exprimer. Tout en n'ayant à l'égard de cette grande vérité que des vues et un langage qui sont erronés, ils n'en croient pas moins du cœur, et, ils s'appuient sur Jésus-Christ seul en vue de leur salut présent et éternel.

 

On peut ajouter à ceux-là les membres des Eglises réformées, auxquels on applique ordinairement le nom de Mystiques. Un des principaux, dans ce siècle, a été, en Angleterre, M. Law. C'est une chose  bien connue  qu'il niait absolument  et hautement l'imputation de la justice de Christ, tout aussi hautement que ce Robert Barclay qui ne craignait pas de dire : « Justice imputée, absurdité imputée ! » Le gros de la communauté à laquelle on donne le nom de Quakers partage les mêmes vues. D'ailleurs, la plupart de ceux qui se considèrent comme membres de l'Eglise anglicane ignorent complètement ces choses, ne savent rien de la justice imputée de Christ, ou bien ils la nient, et la justification par la foi du même coup, comme étant contraires à la pratique des bonnes œuvres. Il y a encore à ajouter à cette énumération un grand nombre de ceux qu'on appelle communément Anabaptistes, et des milliers de Presbytériens et d'Indépendants, que sont venus récemment éclairer les écria du docteur Taylor. Je ne me sens pas appelé à juger ces derniers : je les laisse au jugement de celui qui les a créés. Mais quelqu'un oserait-il affirmer que tous ces Mystiques, et M. Law en particulier, tous ces Quakers, tous ces Presbytériens, tous ces Indépendants et tous ces Anglicans, dont les opinions ou le langage laissent à désirer, ne possèdent aucune connaissance expérimentale de la religion chrétienne, et qu'ils sont conséquemment dans un état de perdition, « n'ayant point d'espérance, et étant sans Dieu dans le monde ? (Eph 2 : 12) » Quelles que soient la confusion de leurs idées et l'incorrection de leur langage, ne peut-il pas y en avoir beaucoup parmi eux dont le cœur est droit devant Dieu et qui de fait connaissent « l'Eternel notre justice ? »

 

Quant à nous, béni soit Dieu I nous ne sommes pas de ceux qui ont, à l'égard de cette doctrine, des idées obscures ou un langage incorrect. Nous ne renions ni le fait ni l'expression ; mais, pour cette dernière, nous ne cherchons  pas à l'imposer aux autres. Qu'ils l'emploient, ou bien tel ou tel autre terme qui leur paraît plus entièrement biblique, peu importe, pourvu que leur âme ne se confie qu'en ce que Jésus-Christ a fait et a souffert, et n'attende que de là le pardon, la grâce et la gloire. Je ne saurais mieux rendre mes sentiments à cet égard qu'en citant ces paroles de M. Hervey, qui mériteraient d'être écrites en lettres d'or : « Nous ne nous préoccupons pas de faire adopter une série particulière de termes religieux. Que les hommes s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels repentants, qu'ils s'appuient sur ses mérites comme sur leur ressource la plus chère, et ils sont incontestablement dans le chemin de la vie éternelle.

 

Est-il nécessaire, est-il possible d'en dire davantage ? Tenons-nous en à cette déclaration, et toute discussion au sujet des diverses façons de s'exprimer est comme coupée à la racine. Oui, tenons-nous en à ces paroles :

 

« Tous ceux qui s'humilient aux pieds de Jésus comme des criminels repentants et s'appuient sur ses mérites comme sur leur ressource la plus chère, sont dans le chemin de la vie éternelle ». Après cela, sur quoi disputerait-on ? Qui est-ce qui nie cela ? Ne pouvons-nous pas tous nous rencontrer sur ce terrain ? A propos de quoi nous querellerions-nous ? Voici un homme de paix qui propose aux parties belligérantes les fermes d'un accommodement. Nous ne demandons pas mieux, et nous les acceptons, les signons des deux mains et de tout cœur. Et si quelqu'un refuse d'en faire autant, mettez une marque à côté du nom, de cet homme ; car il est un ennemi de la paix, il trouble Israël, il nuit à l'Eglise de Dieu.

 

Tout ce que nous craignons en ceci, c'est que quelqu'un ne se serve de ces expressions : « La justice de Christ » , « la justice de Christ m'est imputée » , comme d'un manteau pour couvrir son iniquité. Nous avons vu cela mille fois. Un homme, par exemple, est repris à cause de son ivrognerie ; « Oh ! répond-il, je ne prétends pas du tout être juste par moi-même ; c'est Christ qui est ma justice ». On dit à un autre que « les injustes et les ravisseurs n'hériteront. point le royaume de Dieu (1Co 6 : 9,10)  ». Il répond avec une assurance parfaite : « En moi-même je suis injuste, mais j'ai en Christ une justice sans tache ». Et c'est ainsi qu'un homme a beau n'avoir de chrétien ni les dispositions ni la conduite, il a beau ne rien posséder des sentiments qui étaient en Jésus-Christ et ne marcher en rien comme il a marché, il n'en résiste pas moins victorieusement à toute accusation ; car il a pour cuirasse ce qu'il appelle « la justice de Christ ».

 

C'est pour avoir vu bien des cas déplorables de ce genre que nous tâchons de ne pas abuser de ces expressions. Et je sens que je dois vous avertir, vous qui en faites un usage fréquent ; je dois vous supplier, au nom du Dieu sauveur auquel vous appartenez et que vous servez, de mettre tous ceux qui vous entendent en garde contre l'abus de telles expressions. Avertissez les (peut-être écouteront-ils votre voix !) de ne pas « demeurer dans le péché afin que la grâce abonde (Ro 6 : 1) », de ne pas faire « Christ ministre du péché (Gal 2 : 17) », de ne pas anéantir ce décret solennel de Dieu : « Sans la sanctification, personne ne verra le Seigneur (Heb 12 : 14) », et cela en se persuadant faussement qu'ils sont saints en Christ. Dites-leur que, s'ils demeurent dans l'iniquité, la justice de Christ ne leur servira de rien. « Criez à plein gosier » (Esa 58 : 1) (n'y a-t-il pas lieu de le faire ?) que la justice de Christ nous est imputée précisément « afin que la justice de la loi soit accomplie en nous (Ro 8 : 4) », et afin « que nous vivions dans le siècle présent dans la tempérance, dans la justice et dans la piété (Tit 2 : 12)  ».

 

Ill

 

Il ne me reste plus qu'à faire une application brève et directe de ce que je viens de dire. Tout d'abord, je m'adresserai à ceux qui font une violente opposition à l'emploi des termes que nous venons d'expliquer et sont tout disposés à condamner comme antinomiens tous ceux qui s'en servent. Mais n'est-ce pas là trop redresser l'arc et le courber en sens contraire ? Pourquoi condamner tous ceux qui ne parlent pas absolument comme vous ? Pourquoi leur chercher querelle parce qu'ils emploient les expressions qui leur conviennent, ou pourquoi vous en voudraient-ils de ce que vous faites de même ? Si l'on vous tracasse à cet égard, n'allez pas imiter une étroitesse que vous blâmez. Et dans ce cas, laissez-leur la liberté qu'ils devraient vous laisser. D'ailleurs, pourquoi se fâcher contre une expression ? — « Mais on en a fait abus !

Et de quelle expression n'a-t-on pas abusé ? Ainsi, il faut empêcher l'abus, mais non supprimer l'usage. Par-dessus tout, n'allez pas oublier l'importante vérité que ces termes expriment : « Toutes les bénédictions dont je jouis, toutes les espérances que je possède dans le temps et pour l'éternité, tout cela m'est donné entièrement et uniquement pour l'amour de ce que Jésus a fait et, a souffert pour moi ! »

 

En second lieu, je veux dire quelques mots à ceux qui tiennent beaucoup à employer les expressions en question. Laissez-moi vous demander si vous ne trouvez pas que je suis allé assez loin. Que peut-on raisonnablement désirer de plus ? J'accepte tout entier le sens que vous attachez à ces termes, c'est-à-dire que nous devons toutes nos grâces à la justice de Dieu notre Sauveur. Je consens, d'ailleurs, à ce que vous vous serviez de telle ou telle expression que vous préfèrerez et à ce que vous la répétiez mille fois, pourvu que vous n'en fassiez pas le pernicieux usage contre lequel vous et moi devons également protester. Pour moi, j'emploie fréquemment cette expression de justice imputée, et souvent je l'ai mise sur les lèvres de tout mon auditoire (Par ses cantiques – Trad.). Mais laissez-moi à cet égard ma liberté de conscience ; laissez-moi exercer mon jugement en toute liberté. Qu'il me soit permis d'employer ces termes toutes les fois qu'ils me sembleront préférables à d'autres ; mais ne vous emportez pas contre moi si je ne trouve pas bon de répéter la même formule toutes les deux minutes. Vous pouvez le faire, si vous y tenez ; mais ne me condamnez pas si je ne le fais pas. N'allez pas pour cela me faire passer pour un papiste ou pour « un ennemi de la justice de Christ ». Supportez-moi, comme je vous supporte, sans quoi nous n'accomplirons pas la loi de Christ. Ne poussez pas les hauts cris et ne vous mettez pas à proclamer que je renverse les bases du christianisme. Ceux qui me traitent ainsi me traitent bien injustement : que le Seigneur ne le leur impute point ! Depuis de longues années, je pose le même fondement que vous ; « car personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ. (1Co 3 : 11) » Et sur ce fondement je bâtis, comme vous le faites, la sainteté intérieure et extérieure, mais la sainteté par la foi. N'entretenez donc point en vos cœurs de l'éloignement, de la malveillance, ou même de la méfiance et de la froideur à mon égard. Même en admettant qu'il y eût entre nous divergence de vues, à quoi nous sert notre religion, si nous ne pouvons pas penser librement et laisser les autres faire de même ? Pourquoi ne me pardonneriez-vous pas aussi volontiers que je vous pardonne ? Mais, là vrai dire, il n'y a entre nous que des différences d'expression, et à peine cela, puisqu'il s'agit seulement de savoir si l'on emploient plus ou moins fréquemment un terme particulier. Assurément,

il faut avoir bien envie de se quereller pour trouver là une pomme de discorde. Oh ! ne fournissons plus, pour de semblables bagatelles, à nos adversaires communs une occasion de blasphémer ! Otons plutôt désormais tout prétexte à ceux qui ne cherchent qu'un prétexte. Unissons enfin (et que ne l'avons-nous fait plus tôt !) unissons nos cœurs et nos mains pour servir notre glorieux Maître. Puisque nous avons « un seul Seigneur, une seule foi, une seule espérance par notre vocation, (Eph 4 : 4,5) » fortifions-nous les uns les autres en notre Dieu, et, d'un seul cœur comme d'une même bouche, confessons au monde entier « l'Eternel notre justice ! »

 


 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 


 

 


 

 


 

 

 

 

 

 

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Numérisation Yves PETRAKIAN

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