ZOROBABEL
Prince de Juda, petit-fils du roi Jéchonias (1Ch 3:19), fut le
chef de la première grande caravane des «retournants» de
l'exil (Esd 2:2). C'est gratuitement qu'on l'a identifié
quelquefois à Sesbatsar (voir ce mot), fils de Jéchonias et auquel
Cyrus avait fait remettre les ustensiles du Temple de Jérusalem. Dire
que Zorobabel portait deux noms et que Sesbatsar était son nom
caldéen est un argument sans valeur, parce que Zorobabel est aussi un
nom d'origine babylonienne (=rejeton de Babel). Arguer du fait que
Sesbatsar ne reparaît plus dans la suite, c'est oublier que
Zorobabel, lui aussi, disparaît brusquement des textes pour céder la
place à Josué, et cela sans que le fait soit explicable (cf. Esd
5 et Esd 6).
Toute cette histoire des débuts du retour de l'exil est
fragmentaire et lacunaire. Ce qui paraît certain c'est que,
conformément aux usages des anciens conquérants d'Assyrie, Cyrus a
confié à Zorobabel, auquel son origine royale conférait une grande
autorité sur ses compatriotes, le gouvernement de la petite province
où les Israélites devaient retrouver leur patrie. Quand les exilés se
mirent en route, suivant le long de l'Euphrate puis à travers la
Syrie et la Coelésyrie le chemin que les armées d'Assur et de Babel
avaient si souvent parcouru, ils estimaient, bien sûr, accomplir
l'oracle de Jérémie (Jer 20:10), par lequel le prophète
annonçait qu'après 70 ans Babylone verrait les captifs échapper à son
étreinte. Les textes, tronqués et altérés, probablement même
remaniés, des visions de Zacharie (cf. Ag 2:21 et suivants) nous
montrent que les Juifs et leurs prophètes fondèrent alors sur
Zorobabel le davidique les plus grandes espérances; ils voyaient en
lui le restaurateur d'Israël qui devait en relevant le Temple
inaugurer les temps messianiques.
Zorobabel assisté par Josué, le prêtre, entreprit les travaux de
reconstruction de la Maison de Jéhovah au milieu de démonstrations
éclatantes de joie (Esd 3:7,13). Ensemble ils réorganisent le
culte et célèbrent la fête des Tabernacles (537). Puritains de la
religion restaurée, ils refusent l'aide des Samaritains qui, par
leurs intrigues, obtiennent, sous Cambyse, la cessation des
travaux (Esd 4:4 et suivants). Ceux-ci reprirent la deuxième
année de Darius I er (Esd 4:24, cf. Esd 5:3-6:12). Ce fut
alors que les prophètes exaltèrent Zorobabel. Aggée annonce que la
gloire de cette deuxième Maison dépassera celle de la
première (Ag 2:3 et suivants). Après avoir prophétisé la
destruction des ennemis du peuple élu, il déclare: «En ce jour-là je
te prendrai, Zorobabel, mon serviteur, dit Jéhovah, et je te garderai
comme un sceau (anneau à cachet), car je t'ai choisi» (Ag 2:23).
Oracle significatif pour qui se souvient que Jérémie avait dit de
Jéchonias, le roi infidèle et rejeté: «Quand Jéchonias, roi de Juda,
serait un anneau à ma main droite, je l'arracherai de là» (Jer
22:24). Zacharie le contemporain d'Aggée se répand en louanges
dithyrambiques sur Zorobabel: «Grande montagne, qu'es-tu devant
Zorobabel? une plaine. Ceux qui méprisaient le jour des petits
commencements se réjouiront en voyant le fil à plomb dans les mains
de Zorobabel» (Za 4:6 et suivant).
Il est probable que les passages relatifs au couronnement de
l'homme dont le nom est «Germe», qui «construira le Temple de Jéhovah
et siégera comme roi sur son trône», s'appliquaient dans le texte
primitif à Zorobabel, car ces textes obscurs (Za 6) portent la
trace de sérieux remaniements. D'après Ad. Lods, le sens originel du
morceau Za 6:9-15 serait celui-ci: «Des Juifs de Babylonie
avaient envoyé de l'or en offrande à Jérusalem: le prophète en fit
une couronne pour Zorobabel.» (Lods, Les prophètes d'Israël,
etc., p. 307).
Toute cette agitation autour du nom de Zorobabel, fils d'un roi
rebelle et déporté, dut bien vite exciter les soupçons. On peut
présumer que le chef des exilés, le restaurateur du culte, subit
injustement le sort des prétendants malheureux, qu'il fut mis à mort
ou qu'il alla terminer sa misérable vie dans quelque prison d'État à
Suse ou ailleurs. Les prophètes se turent et les textes de Zacharie
sous leur forme dernière reportèrent sur Josué les honneurs attribués
d'abord à Zorobabel. Ne pouvant obtenir un État, les fils d'Israël se
résignèrent à ne constituer qu'une Église.
Quand la critique moderne conteste l'historicité des événements
du printemps 536, sous prétexte que le livre d'Aggée montrerait
qu'aucun travail de reconstruction du sanctuaire n'avait été
entrepris avant le temps de Darius I er (522), elle sollicite les
textes. Rien, ni dans Esdras, ni dans Aggée, n'oblige de suspecter
les indications précises dans lesquelles il est parlé d'une première
tentative de restauration en 536. Alex. W.