TRAVAIL

Traduction, dans l'A.T., des mots hébreux melâkâh, travail (employé
155 fois dans ce sens), et maaséh, qui signifie plutôt chose
faite, oeuvre (223 fois); et, dans le N.T., des mots grecs ergon
(176 fois, dont 26 dans Jean et 63 dans les ép. de Paul), qui peut
signifier travail ou oeuvre, et kopos (14 fois, dont 10 dans les
ép. de Paul), qui signifie dur travail, peine. Nous avons en outre le
verbe travailler, qui traduit soit ergazesthaï (39 fois, dont 7
Jean et 17 Paul), soit kopiân (23 fois, dont 14 Paul).

Les mots paresse et paresseux (hébreu atsél, grec oknèros (argos))
sont moins fréquents et se trouvent surtout dans les Proverbes
(Pr 6:9 19:15,24 31:27 etc. Ec 10:18, Sir 22:1
37:11), et 3 fois dans le N.T. (Mt 25:26,Ro 12:11), (Vers.
Syn., se relâcher) (Tit 1:12).

Dans beaucoup de cas, il s'agit du travail au sens ordinaire de
labeur; mais en d'autres, surtout dans le N.T., il prend une
signification morale et spirituelle. Il importe de reconnaître
l'enseignement biblique au sujet du travail humain, d'autant plus
qu'une interprétation inexacte de la malédiction d'Adam, courante en
divers milieux de quiétisme contemplatif ou d'irréligion, a vu dans
ce travail une partie de cette malédiction (voir plus loin). A cette
interprétation s'opposent, non seulement les passages de l'A.T., en
particulier des Proverbes, qui recommandent le travail et combattent
la paresse, mais encore le N.T., et surtout l'apôtre Paul qui dans
ses épîtres le présente comme un devoir, comme un des éléments de la
vie chrétienne. Ici, il est nécessaire, pour bien comprendre les
recommandations répétées des épîtres à ce sujet, de se rappeler la
position que le travail occupait dans le monde antique au début de la
mission chrétienne. La société gréco-romaine, dans laquelle la
nouvelle religion a fait ses premiers pas, désorganisée par la guerre
étrangère et la guerre civile, avait vu peu à peu disparaître,
remplacée par des esclaves, la classe moyenne, celle des paysans
libres, qui avaient fait la force d'Athènes et de Rome. A partir du
II e siècle av. J.-C, le nombre des esclaves était allé croissant, et
les campagnes, malgré les efforts du gouvernement, avaient vu
disparaître leur population libre, aussi bien en Italie qu'en Grèce.
Même dans les villes, devenues énormes, beaucoup de métiers étaient
exercés par des esclaves, et beaucoup de citoyens pauvres menaient
une existence précaire, ne trouvant pas d'occupations régulières et
ne tenant pas à en trouver. Le travail, dégradé par ces associations
serviles, était de plus en plus considéré comme indigne d'un homme
libre. Sans doute il devait se trouver encore dans le nord et dans
les provinces de l'Italie, tout au moins dans les campagnes, bien des
populations laborieuses; d'autre part, les distributions régulières
de vivres n'existaient sans doute qu'à Rome. Mais, même en tenant
compte de ces réserves, il est certain que l'oisiveté partielle ou
totale de nombreux individus était dans les grandes villes l'une des
plaies de l'empire romain, qui explique en une forte mesure
l'immoralité, l'instabilité et la férocité de la populace des cités
comme Rome ou Alexandrie, telles qu'elles apparaissent dans
l'histoire générale et dans celle de l'Église. Or le christianisme a
été pendant les premiers siècles une religion surtout urbaine,
prêchée principalement dans les grands centres.

A cet égard, un peuple faisait exception à la règle: les Juifs;
ils avaient reçu de leur formation religieuse, non seulement
l'acceptation, mais même le respect du travail. Il était pour eux la
première obligation révélée par Dieu à l'homme, en Éden (voir ce
mot). Non pas, comme certaines gens se le figurent, dans la
malédiction qui suit la chute: celle-là porte non sur le travail
humain en soi mais sur la peine du travailleur (hébreu etseb
=peine pour l'homme, v. 17, et souffrances, douleurs, qui seront
augmentées, pour la femme, v. 16). Il est vrai, psychologiquement et
socialement, que le péché rend le travail pénible, d'abord en
diminuant le travailleur, puis en multipliant les obstacles à ses
efforts par les fautes de ses semblables et de la société.

Quant au travail en lui-même (qui n'est pas mentionné dans cette description
du châtiment), il était prescrit dès avant la chute, au début du
récit: avant la création de l'homme «il n'y avait personne pour
cultiver le sol», et «Dieu mit l'homme dans le jardin d'Éden pour
le cultiver et le garder ».

Que cette «culture» ne fût pas conçue comme pur délassement d'amateur
des jardins, c'est ce qui ressort du terme original âhad, le
verbe travailler, lequel implique si bien l'effort que le nom
correspondant est l' èbèd, serviteur ou esclave (voir Serviteur);
termes porteurs d'une notion de travail si importante dans la
Révélation qu'ils reviennent plus de 1.200 fois dans l'A.T. C'était
surtout, pour les Juifs, le commandement du Décalogue: «Tu
travailleras six jours» (Ex 20:9,De 5:13). confirmé par tant
d'exhortations de leurs moralistes (Pr 13:4 20:4,13 21:23 24:30
26:13,16 31:10-31 Ec 9:10 11:6, Sir 7:15 etc.), qui
montrent dans le travail équilibré non pas la punition mais la
destinée normale prescrite à l'homme par le Créateur.

C'est ainsi que les rabbins se faisaient un point d'honneur de savoir
travailler de leurs mains: saint Paul en est un cas particulier et
non une exception. Jésus, par son activité continuelle, a donné
l'exemple du travail, et en a fait remonter la loi directement à
Dieu: «Mon Père travaille continuellement; et je travaille, moi
aussi» (Jn 5:17). Le christianisme hérita du judaïsme ce respect
du travail, et il sut faire fructifier ce qu'il avait reçu. Paul
insiste avec force sur le devoir de travailler de ses propres mains,
en rappelant aux membres des Églises l'exemple qu'il leur a
donné (1Co 4:12 9:6,Eph 4:28,1Th 4:11,2Th 3:8,10,11,12).

Les deux exhortations aux Thessaloniciens, dirigées contre le
«désordre», la «conduite irrégulière», ou «mal réglée» (grec ataktos),
ont reçu des récentes études des papyrus grecs du temps
la confirmation que ces reproches ne visent pas des désordres
d'immoralité, mais d'oisiveté:

dans un contrat d'apprentissage (an 66), un père
s'engage à ne pas reprendre son fils pendant une période fixée, et à
le laisser encore en plus de cette période autant de jours que son
garçon serait «déréglé», c'est-à-dire manquerait le travail;

un contrat (an 186) oblige l'apprenti d'un
tisserand, qui aura 20 jours de congé par an, à travailler sans
salaire autant de jours qu'il perdra, soit par «dérèglement», soit
par maladie. Ces intéressants rapprochements prouvent bien qu'il ne
faut pas seulement voir dans ces passages un avertissement aux
chrétiens mystiques qui, dans l'attente de la venue imminente du
Seigneur, avaient abandonné leurs occupations, mais se représenter
aussi les habitudes prises par les destinataires de ces
épîtres, dans la population de Thessalonique ou de Corinthe, de
pratiquer l'oisiveté en vivant d'expédients. Ces exhortations
représentent les premiers des efforts que le christianisme a
poursuivis au cours des âges pour réhabiliter le travail honnête,
déconsidéré dans la société païenne du I er siècle.

En un sens religieux, le terme de travail est employé dans le
N.T. soit pour désigner l'action de Jésus lui-même (par ex. Jn
5:17 9:4), soit celle de ses disciples, en particulier l'activité
missionnaire (par ex. Ro 16:12,1Co 15:58,2Co 10:15 11:23,Php
2:16,1Th 2:9 3:5 5:12, etc.), et, par extension, la vie chrétienne
dans tout ce qu'elle représente de conquérant. Voir Repos.