SERPENT
Au moins huit mots dans l'A.T., trois dans le N.T., s'appliquent à
des serpents: ce nombre témoigne de leur grande quantité en Orient.
Les termes grecs sont traduits exactement dans nos versions; les
termes hébreux le sont beaucoup moins, étant d'ailleurs moins précis.
1.
Le plus fréquent, nâkhach (Ge 3:1,3 etc.),
n'implique aucune distinction d'espèce. En Palestine, pays sec et
chaud qui convient à merveille aux serpents, on n'en compte pas moins
de 33 variétés. Quelques-uns ont des livrées magnifiques; presque
tous sont de taille moyenne; la plupart sont inoffensifs. Les
serpents venimeux sont: le terrible cobra égyptien (naja haje),
deux vipères (vipera Euphratica et
v. ammodytes), un daboia
(d. xanthina) et le dangereux echis arenicola, spécial aux
régions chaudes et sèches. Tous ces ophidiens, sauf le daboia,
appartiennent à la faune du pourtour méditerranéen.
2.
Le pèthèn figure dans six passages (De 32:33,Job 20:14-16,Ps
58:5 91:13 Esa 11:8) il y apparaît comme un serpent venimeux
distinct, gîtant dans les trous, recherché par les charmeurs de
serpents. C'est probablement le cobra égyptien (naja haje),
commun en Palestine méridionale. Il a la faculté de gonfler son cou
et, quand il est excité, il se dresse sur sa queue pour s'élancer:
les monuments égyptiens le représentent souvent dans cette attitude.
Il symbolise l'immortalité; il est aussi l'emblème de la déesse
protectrice de la vallée du Nil et de l'univers. Un globe ailé
flanqué de deux cobras surmonte l'entrée des temples égyptiens. L'art
du charmeur remonte à la plus haute antiquité; il est encore pratiqué
en Afrique et dans l'Inde. On attire le cobra par les sons aigus
d'une flûte, les seuls perceptibles à son ouïe imparfaite; dès que
l'animal a quitté son trou, on le saisit par l'extrémité de la queue
et on le tient à bout de bras, posture dans laquelle il ne peut ni se
retourner ni mordre; quand il s'est épuisé en vains efforts, on le
lance dans une corbeille. La mélodie se poursuit. Quand il se dresse
et fait mine de s'élancer, on rabat le couvercle. La bête finit par
rester tranquille sur sa queue, se balançant de droite à gauche et de
gauche à droite aux sons de l'instrument. Aussitôt que le reptile
manifeste de l'inquiétude, on lui enlève ses crochets. Mais, comme
ils repoussent vite, les charmeurs opèrent en général avec des sujets
offensifs. Ce métier exige du sang-froid, de la dextérité, une grande
douceur dans le maniement des animaux; il est des plus dangereux et
fait souvent des victimes. (cf. Sir 12:13) Certaines
espèces d'ophidiens sont absolument réfractaires à l'apprivoisement;
les cobras sont les plus faciles à dompter, mais il se trouve parmi
eux des individus indomptables. Le serpent «sourd», de Ps 58:5,
est celui qui ne se laisse pas apprivoiser. En réalité, il n'existe
pas de serpents sourds; seulement l'ouïe de ces reptiles est peu
développée, surtout du fait que leur système auditif est dépourvu de
pavillon extérieur. On prétend que les jongleurs, en serrant le cou
du cobra, parviennent à le faire tomber en catalepsie, à le rendre
aussi rigide qu'un bâton. (cf. Ex 4:1,5 etc.)
3.
Le chephîphân, nommé une seule fois dans
l'A.T. (Ge 49:17), est le siffoun des Arabes ou vipère
cornue (cérastes Haselquistii). Il doit cette épithète à deux
protubérances qui surmontent ses yeux. Il est long de moins de 50
cm., grisâtre avec des taches sombres irrégulières. En Afrique il
habite l'Egypte, l'Abyssinie, le Sahara, en Asie l'Arabie Pétrée et
la Palestine méridionale, de préférence dans les déserts sablonneux.
Il se cache dans les trous des chemins (ornières, empreintes) et se
jette sur tout passant. Il inspire aux chevaux la plus vive terreur;
dès qu'ils aperçoivent un céraste, ils tremblent de tous leurs
membres et refusent d'avancer! Cette vipère est très venimeuse: sa
morsure fait mourir un homme en trente minutes. Son attaque sans
provocation la rend plus redoutable que le cobra. Les Danites lui
sont comparés pour leurs procédés de guerre: embuscade, agression
précipitée. On suppose que c'est le genre de serpents qui envahit le
campement des Hébreux au désert;voir (No 21:6) ci-dessous,
parag. 8. L'aspic de Cléopâtre était probablement un céraste.
4.
Le terme ahchoub ne figure également qu'une fois
dans l'A.T. (Ps 140:4); sa signification est difficile à
déterminer: il n'a pas d'équivalent en arabe et son étymologie ne
précise rien. St Paul en citant ce passage (Ro 3:13) rend le mot
hébreu par le grec aspis, terme qui peut s'appliquer à l'une des
deux autres vipères de la faune palestinienne (voir Euphratica et v. ammodytes)
5.
Tsèpha, tsipheânt, qui se retrouvent cinq fois
dans l'A.T. (Pr 23:32 Esa 11:8 14:29 59:5,Jer 8:17), pourraient
représenter la vipère jaune (daboia xanthina), la plus grande, et
la plus redoutable pour sa taille et ses habitudes nocturnes.
6.
Le mot èpheèh (arabe afa), cité trois fois
dans l'A.T (Job 20:16,Esa 30:6 59:5). et généralement rendu par
vipère, désignerait d'après Tristram celle des sables (echis
arenicola), très commune dans les régions désertiques de l'Afrique
du N., de l'Arabie et de la Syrie. De petite taille (environ 30 cm.),
elle est très venimeuse mais moins redoutable que le cobra ou le
céraste.
7.
Le qippôz, mentionné une seule fois (Esa
34:15), est bien un serpent, mais on ne saurait préciser lequel.
8.
Le nom de sârâph (No 21:6-8,De 8:15), serpent
brûlant, fait allusion à la sensation produite par sa morsure. La
presqu'île Sinaïtique compte plusieurs espèces de serpents venimeux,
et il est difficile de désigner à coup sûr celle à laquelle ce terme
convient; mais on y voit généralement le céraste (parag. 3;voir
Serpent d'airain). Le sârâph volant de Esa 14:29 30:6 n'a
rien de commun avec celui du Sinaï; c'est un animal fabuleux. En plus
de ces expressions qui s'appliquent exclusivement à des ophidiens,
certains termes imprécis peuvent en divers passages désigner des
serpents.
Ainsi:
1° Thannîn signifie serpent (Ex 7:9,10,12),
certainement un de ces serpents venimeux que les magiciens égyptiens
avaient l'habitude de charmer. Peut-être a-t-il le même sens dans
De 32:33? Ailleurs il est rendu par monstre marin ou grand
poisson (Ge 1:21,Job 7:12,Ps 148:7,Esa 27:1, etc., Vers. Syn.)
ou par dragon (Ps 91:13,Jer 51:34, Vers. Syn.); dans les
passages où il est question de l'Egypte, il désigne probablement le
crocodile;voir (Ps 74:13,Esa 51:9,Eze 29:3 32:2) Crocodile,
Dragon.
2° Les expressions zôkhalé âphâr =rep- tiles de
la poussière (De 32:24), zôkhalé èrèts =reptiles du
sol (Mic 7:17), désignent ou comprennent aussi des serpents.
3° La ville de Nahas ou du Serpent (1Ch 4:12),
le rocher de Zohéleth ou du Reptile (1Ro 1:9) gardaient
peut-être dans leurs noms le souvenir d'un culte cananéen primitif.
Dans le grec du N.T., ophis s'applique aux serpents en
général, échidna à tous les serpents venimeux (Mt 3:7,
etc.). La «vipère» de saint Paul à Malte (Ac 28:3) est
généralement identifiée à la vipera aspis, répandue dans toutes
les grandes îles méditerranéennes, et aujourd'hui disparue de Malte;
toutefois, d'après Ramsay (Luke the Physician, London 1908, pp.
63ss), il faudrait y voir un petit serpent constrictor, ressemblant
beaucoup à une vipère mais sans crochets à venin, qui se fixe
solidement par les mâchoires et reste suspendu au membre attaqué sans
pourtant en endommager la peau: le texte dit précisément «s'attacha à
sa main» (kathêpsen) et non «la mordit». Pour l' aspis de
Ro 3:13, voir plus haut, parag. 4. Dans les LXX, le basilikos
(=[serpent] royal) est sans doute l'uraeus doré qui
ornait la couronne pharaonique. Le nom de basilic, qui pour
l'antiquité représentait un reptile fabuleux, est employé dans
quelques anciennes versions comme synonyme de vipère ou d'aspic.
La Bible, en dehors des traits relevés ci-dessus, tire des
applications figurées: des cachettes des serpents dans les trous des
murailles (Am 5:19,Eccl 10:8); de leurs oeufs à l'éclosion
dangereuse (Esa 59:5); de leur venin, souvent attribué par
l'erreur populaire à la piqûre de leur langue (Job 20:16); de
leur reptation qui semble les condamner à lécher la poussière (Ge
3:14,Esa 65:25,Mic 7:17), et qui ne laisse aucune trace derrière
eux (Pr 30:19); dé leur voisinage effrayant, symbole des
châtiments de Dieu (Sir 10:11 25:16 39:30, Sag 17:9).
Considéré comme le plus rusé des animaux (Ge 3:1), il représente
le Tentateur dans le récit de la chute (voir ce mot), la tentation à
fuir. (d'après Sir 21:2) Jésus fait plusieurs allusions au
péril mortel du serpent, des vipères (Mt 7:10 parallèle Lu
11:11,Lu 10:19,Mr 16:18), où il voit après Jean-Baptiste une image
saisissante de la funeste méchanceté des Pharisiens formalistes
(Mt 3:7 parallèle Lu 3:7,Mt 12:34 23:33). En une occasion,
cependant, il donne en exemple à ses disciples la «prudence» du
serpent (Mt 10:16), --précaution pour ne pas s'exposer, habileté
à se dissimuler et à s'échapper; mais en ajoutant aussitôt l'exemple
complémentaire: simplicité de la colombe (voir ce mot), il indique
bien la nécessité d'un correctif à l'emblème du serpent, qui demeure
malgré tout péjoratif.
Le serpent a joué un grand rôle dans les antiques cosmogonies
(voir ce mot), en Egypte, Caldée, Perse; l'allusion d'Amos (Am
9:3) au serpent qui habite le fond de la mer pourrait viser le
mythe babylonien de Tiâmat. Le serpent apparaît souvent dans
l'histoire des religions comme l'emblème du mal, (Bible: Ge 3,Ap
12:9,14 et suivant; Zoroastrisme) ou comme un mystérieux être
malfaisant à apaiser par offrandes et cultes (fétichisme, taoïsme,
hindouisme, Egypte [cf. Sag 11:15], Grèce, etc.); c'est quelquefois
un attribut, tenu dans la main des statues d'Astarté; il est aussi
associé à la médecine et à la pharmacie: temple d'Esculape, caducée
de Mercure, etc. (voir art. suivant). E. D. et Jn L.