SCYTHES

1.

Sources historiques.

A part les allusions assez vagues contenues dans la Bible et sur
lesquelles nous allons revenir, nos connaissances sur les Scythes
dans l'antiquité proviennent des inscriptions assyriennes, des
auteurs classiques et des fouilles archéologiques dans la région du
fleuve Kouban au Nord du Caucase et du Dnieper inférieur, dans la
Russie méridionale. Les Ashgouzaï
(ou Ishgouzaï), dans les
inscriptions d'Assarhaddon et d'Assourbanipal (681-626 av. J.-C),
sont sans doute les Scythes d'Hérodote (I, 103-106; IV, 1-144;
etc.), d'Hippocrate (De Aere, 24-30), de Diodore de Sicile, de
Strabon, etc.; ce nom assyrien apparaît dans l'A.T, sous la forme
Askénaz, probablement une erreur pour Asgouz (Ge 10:3,1Ch
1:6,Jer 51:27).

2.

Histoire.

La langue des Scythes, à en juger par les quelques mots qu'on nous en
a transmis, appartient au groupe iranien (indo-européen), bien que
certains groupes des Scythes d'origine iranienne aient subi des
infiltrations de type mongolien (turco-tatar). Au VIII e siècle av.
J.-C, les Scythes, poussés par des hordes mongoliennes, attaquent les
Cimmériens (Gomer, Ge 10:2 et suivant) en les forçant à passer
au Sud du Caucase. Les Cimmériens attaquent le royaume d'Ourartou
(Arménie) vers 710, se battent contre les Assyriens, et, en 652, ils
mettent en déroute Gygès roi de Lydie. Les Scythes, de leur côté,
suivent les Cimmériens au Sud du Caucase et s'établissent à l'Est de
ce peuple, dans la région du lac d'Ourmia. Bartatoua roi des Scythes
(qu'Hérodote appelle Protothyès) s'allie avec Assarhaddon roi
d'Assyrie (681-669), dont il aurait épousé la fille. Pendant le'
règne d'Assourbanipal (669-626), les Scythes sont encore les alliés
des Assyriens dans leurs guerres contre les Mèdes et même contre les
Égyptiens: en effet Hérodote raconte que les Scythes firent (vers
630) une incursion contre l'Egypte: Psammétique I er (663-609) les
rencontra en Palestine «et les persuada, au moyen de dons et de
prières, de ne pas avancer plus loin», mais au retour quelques
Scythes pillèrent le temple d'Aphrodite à Askalon. On suppose que des
Scythes s'établirent à cette époque dans la vieille ville forte de
Beth-Séan, puisque son nom, après l'époque d'Alexandre, est
Scythopolis (cf. Jug 1:27,Jug 3:10, 2Ma 12:29 dans LXX):
«Les Scythes ravagèrent la Palestine et occupèrent Beth-Schan, qui
fut appelée d'après leur nom Scythopolis» (Syncellus, éd.
Dindorf, I, 405). Après avoir détruit Ninive en 612, les Mèdes se
tournèrent contre les Scythes, en massacrèrent un grand nombre, et
forcèrent les autres à retourner dans la Russie méridionale (cette
victoire fut commémorée par une fête appelée Sacaea): c'est là que
Darius I er les attaqua sans beaucoup de succès vers 516. Le seul
vestige que les Scythes, qui avaient dominé en Asie pendant 28 ans
(Hérodote), laissèrent au Sud du Caucase après 600, consiste en deux
noms: Scythopolis et Sacaea.

3.

Les Scythes dans la Bible.

A part les allusions à Askénaz déjà citées, ils ne sont nommés dans
la Bible que dans Col 3:11, où le mot «Scythe» est employé dans
le sens de «plus barbare que les barbares»: sur la cruauté
proverbiale des Scythes, voir 2Ma 4:47,3Ma 7:5; Josèphe,
Contre Àpion, II, 37. Magog (Ge 10:2,1Ch 1:5, cf. Eze
38:2 39:6,Ap 20:8) est interprété dans le sens de «Scythes» par
Josèphe (Ant., I, 6:1), Jérôme et d'autres; cette hypothèse n'est
pas absurde (en raison de la position assignée à Magog entre les
Cimmériens [Gomer] et les Mèdes [Madaï]), mais, en tout cas, le nom
Magog (voir ce mot) est inconnu en dehors de la Bible. Gog, prince de
Rosch, de Mésec et de Tubal, est en rapport avec le pays de Magog
(Eze 38:2, cf. Ap 20:8): personnage eschatologique plutôt
que proprement historique, il forme le sujet d' Eze 38 et 39.
Qui se cache sous ce nom énigmatique? Les conjectures abondent: on y
a vu Gygès (E. Meyer), Antiochus III (Polychronius [427 ap. J.-C],
Grotius), Alexandre le Grand (H. Winckler, T. Nöldeke, C.C. Torrey),
Mithridate VI le Grand [123-63 av. J.-C] (N. Schmidt).

Enfin on reconnaît généralement des allusions à l'invasion des
Scythes en Palestine (vers 630) dans Jer 4:5,31 5:15,17
6:1,8,22-26 (quelques critiques ajoutent aussi Jer 8:14-17
10:18-22), et, avec moins d'assurance, dans Sop 1,2,Joe 2:20,De
28:49,57. Il paraît que déjà Photius voyait dans Jer 6:22-26
une allusion aux Scythes, mais c'est J.G. Eichhorn (1819) qui formula
l'hypothèse que le prophète écrivit les chap. 4 à 6 sous l'impression
accablante de l'approche des Scythes. Cette théorie a été acceptée
par la plupart des exégètes et des historiens de l'A.T.; cependant
Fritz Wilke (voir Bibliographie) a montré que, somme toute,
«l'hypothèse scythe» repose sur des bases assez précaires et que
Jérémie et les autres auteurs bibliques nommés plus haut font
probablement allusion à l'invasion des Caldéens de Nabuchodonosor (de
même Lucien Gautier).
BIBLIOGRAPHIE
--L. Gautier, Introd. A.T., vol. I, parag. 194. R.H. Pf.