SANG

Comme la plupart des peuples orientaux, les Hébreux ont considéré le
sang avec un sentiment de crainte religieuse: il était à leurs yeux
chose sacrée parce qu'ils y voyaient le véhicule de la vie. «L'âme de
la chair, disaient-ils, est dans le sang» (Le 17:11), ou même,
de façon plus catégorique encore: «L'âme de toute chair, c'est son
sang»: (Le 17:14,De 12:23) cette conception résultait, sans
doute, du fait d'observation courante qu'avec le sang qui s'écoule
d'un corps s'échappe en même temps la vie.

De cette façon de voir dérivait toute une série de tabous,
d'usages et de prescriptions d'ordre rituel ou social (voir
Sacrifices).

1. Interdiction absolue de faire entrer le sang dans
l'alimentation (De 12:16,23,Le 3:17 7:27 17:10,12,14 Ge 9:4);
les animaux de boucherie ne devaient être ni assommés, ni étouffés,
mais toujours égorgés: leur sang devait être «répandu comme de l'eau
et recouvert de terre» (De 12:24 15:23,Le 17:13,Eze 24:7); même
pour le gibier tué à la chasse on devait veiller avec soin à en
exprimer tout le sang avant de le cuire (Le 17:13). C'était une
abomination de violer ces prescriptions (1Sa 14:31-35,Eze
33:25), et quiconque s'en rendait coupable devait être «retranché du
milieu du peuple», c'est-à-dire exclu de la communauté
théocratique (Le 17:10,14). Les règles rabbiniques de la mise à
mort des animaux destinés à l'alimentation étaient d'une minutie
extrême. Au début du christianisme, on attachait encore tant
d'importance à cette interdiction dans les milieux judéo-chrétiens
que ceux-ci obtinrent du concile de Jérusalem qu'elle fût nettement
imposée aux païens convertis (Ac 15:29 21:25). Voir Pur et impur.

2. Obligation de recueillir à part le sang des
victimes des différents sacrifices: il ne devait pas être brûlé avec
la chair et la graisse, mais, selon les cas, répandu en aspersion
autour de l'autel ou sur les cornes de l'autel (Le 1:5,11,15
3:2,8,13 4:5-7 5:9).

3. Valeur attribuée au sang comme moyen de sceller
solennellement un pacte (cf. Ge 15:10,17,Jer 34:18) et d'établir
une sorte de lien de vie entre les parties contractantes (Ex
24:4,8,Heb 9:18-21); cette idée se retrouve dans le symbole de la
sainte Cène (1Co 11:25,Mt 26:28) et dans les notions de
propitiation et d'expiation (voir ces mots) appliquées au sacrifice
de Jésus-Christ (Heb 13:20).

4. Recherche de la protection par le sang dont on
enduit les portes des maisons: (Ex 12:7) rite en rapport avec la
fête de l'agneau pascal.

5. Emploi du sang à titre de symbole ou même d'agent
dans les cérémonies de purification rituelle, qu'il s'agisse d'êtres
vivants ou de choses inanimées (Le 14:4-7,14,49-53).

6. Pratique de la vengeance du sang: étant admis que
dans le sang versé par meurtre réside l'âme de la victime qui crie et
appelle son vengeur (Ge 4:10,Job 16:18), c'était un devoir de
prendre vie pour vie (Ex 21:23,Le 24:18,De 19:21,Ge 9:6,Jug
8:18-21,2Sa 3:27 14:4-7). Voir Vengeur du sang.

Le sang est naturellement très souvent mentionné dans la Bible,
au sens propre (1Ro 22:35,Mr 5:25,29 etc.) et en divers sens
figurés. Il représente le plus souvent la victime d'une mort
violente (De 22:8,Mt 27:24 et suivant, etc.), et plus
spécialement d'un crime (Pr 1:16, Sir 8:16 12:16 etc.);
d'où la personnification mise dans les locutions courantes: le sang
innocent (Pr 6:17,Esa 59:7,Mt 27:4 etc.), la voix du sang qui
crie (Ge 4:10, 2Ma 8:3), et le symbolisme du sang dans
l'Apocalypse à propos des martyrs (Ap 6:10 17:6 18:24 etc.).

Signalons aussi la métaphore poétique désignant le vin comme le
sang des raisins, ou de la vigne (De 32:14, Sir 39:26
50:15). L'événement tragique auquel il est fait allusion dans Lu
13:1 dut consister en une répression de surprise commandée par
Pilate aux soldats romains, qui durent égorger sur place des
Galiléens en train d'offrir des sacrifices; un incident analogue est
rapporté dans Josèphe (Ant., XVII, 9:3).

--La sueur de sang dont la mention est due au seul évangéliste
médecin (Lu 22:44) rappelle des cas constatés par la science, où
sous l'effet de grandes émotions le sang traverse la paroi des
vaisseaux et transpire par les pores avec la sueur.

--De même l'épanchement de sang et d'eau, sous le coup de lance
porté au côté du Seigneur crucifié, permet de penser que sa mort
était due à une rupture du coeur, qui pouvait être suivie, à
l'intérieur du péricarde, d'une décomposition du sang extravasé en
grumeaux rouges et en sérum aqueux. L'Église primitive a vu là un
symbole des sacrements. (cf. 1Jn 5:6-8)

--Pour l'expression «la chair et le sang», au sens de nature
humaine et parenté humaine (Mt 16:17,Ga 1:16 etc.), voir Chair 2.

--Pour le «champ du sang», voir Aceldama.