SACRIFICES ET OFFRANDES (1.)

Il s'agit ici des sacrifices tels qu'ils existaient en Israël, de
leur valeur et des différentes formes qu'ils ont revêtues. Pour plus
de clarté nous distinguons deux grandes périodes: Israël avant
l'exil, Israël après l'exil.

I Avant l'exil.

Dans l'ancien Israël nous ne trouvons que des données éparses. Il n'y
a pas de document exposant d'une manière systématique et complète
tout ce qui concerne les sacrifices. Un tel document n'existe
qu'après l'exil. C'est la partie du Pentateuque qu'on désigne
aujourd'hui sous le

nom de Code sacerdotal ou, par abréviation, P (voir Sources).
Nous ferons abstraction de ce code dans cette première partie, ou
nous n'y ferons que de brèves allusions.

1.

IDEE D'OFFRANDE.

La conception fondamentale du sacrifice dans l'ancien Israël est
celle d'un don fait à la divinité pour la remercier de ses bienfaits
passés et pour implorer de nouvelles bénédictions. Comme on ne paraît
pas devant un roi terrestre sans lui apporter un présent qui le
dispose favorablement envers le suppliant, de même on ne paraît pas
devant l'Éternel les mains vides (Ex 34:20). C'est le sens
évident des premiers sacrifices mentionnés dans la Bible, ceux de
Caïn et d'Abel (Ge 4:3-5, cf. Jug 6:17-21 13:13-21,1Ro 3:4
et suivants, etc.).

Sous cette signification générale percent d'anciennes notions qui
n'étaient peut-être pas toujours conscientes chez les sacrifiants et
qui ont fini par disparaître complètement pour faire place à des
notions plus spirituelles. Ces anciennes notions expliquent la raison
pour laquelle on offrait à Dieu certaines choses plutôt que d'autres,
les termes que l'on employait pour exprimer l'effet produit sur la
divinité et le sens que l'on donnait aux sacrifices dans des
occasions spéciales.

On n'offrait à Dieu que des choses servant également à la
nourriture des hommes. Ceci ne se comprend bien que si l'on
concevait, à l'origine, la divinité comme ayant elle aussi besoin de
nourriture, et que si le sacrifice était envisagé comme un repas
qu'on lui présentait. Aussi dans les temps les plus anciens lui
apportait-on son offrande apprêtée de la même façon que des mets
destinés aux hommes (voir les passages précités de Jug 6 Jug 3).
Mais on n'avait pas tardé à se rendre compte que la divinité ne se
nourrissait point de la même manière que les hommes; aussi prit-on de
bonne heure l'habitude de brûler sur l'autel les biens qu'on lui
offrait. Ils étaient présentés sous la forme la plus immatérielle,
sous celle d'un parfum que la divinité aspirait et qui lui apportait
pleine satisfaction. C'est de là que vient l'expression «sacrifice de
bonne odeur» (litt., odeur d'apaisement) pour désigner un sacrifice
agréable à l'Éternel. L'expression se trouve pour la première fois à
propos du sacrifice de Noé (Ge 8:21); l'ensemble de la phrase a
encore une tournure très primitive: «Et l'Éternel flaira un parfum de
bonne odeur, et il dit en son coeur...» Dans les temps postérieurs il
va sans dire qu'on ne prit plus l'expression au pied de la lettre,
mais on continua à l'employer: elle est très fréquente dans Ézéchiel
et dans le Code sacerdotal (post-exilique), où elle n'a plus qu'une
valeur figurée. C'est la même signification figurée que revêtent
l'expression «aliment de Dieu» appliquée au sacrifice (Le
21:8-17, Sg.; cf. Le 3:11,16) et celle de «table de Dieu»
appliquée à l'autel (Mal 1:7); mais l'existence même de ces
termes suppose à l'origine une conception très naturaliste des
offrandes que l'on faisait à la divinité. Les prophètes et les
représentants supérieurs de la religion sont arrivés plus tard à une
notion purement spirituelle des sacrifices, (cf. Ps 50) mais on
peut se demander si la notion première d'une chose dont la divinité
avait besoin pour elle-même n'existait pas encore à l'état latent
dans les conceptions populaires. C'est ce qui expliquerait le zèle
que l'on mettait à multiplier les sacrifices, quand on voulait
honorer Dieu d'une façon particulière. Peut-être aussi ne
continuait-on à les présenter que parce qu'ils étaient la coutume
antique et sacrée d'adorer l'Éternel, et ne se mettait-on pas en
peine de savoir pourquoi Dieu voulait être adoré de cette façon-là
plutôt qu'autrement. En tout cas, le sacrifice était l'acte religieux
par excellence, celui dans lequel et par lequel l'homme s'approchait
de son Dieu et se mettait en relations personnelles avec Lui.

2.

IDEE DE REPAS.

Ce qui a contribué à donner au sacrifice cette signification, c'est
qu'à l'origine il n'était pas seulement une offrande d'aliments à la
divinité, mais, dans certains cas tout au moins, un repas que l'homme
partageait avec Dieu; et cette conception avait subsisté à travers
les siècles. L'homme qui offrait un sacrifice invitait en quelque
sorte Dieu à paraître dans le sanctuaire; il lui donnait, comme lui
appartenant (car ils venaient de lui), les biens qu'il avait
apportés, et quand la part de Dieu était faite, il reprenait ce dont
il avait besoin pour se nourrir lui-même. On a appelé cela un repas
de communion. (cf. Ex 24:11) D'autres historiens veulent en
rester à la première idée d'un don fait à la divinité; mais, même si
l'on insiste sur ce caractère de don, il n'en reste pas moins que la
présence du fidèle dans le sanctuaire et sa participation à un repas
dont la divinité avait eu les prémices entraînaient nécessairement
l'idée de communion. Chez les anciens Arabes, après l'immolation de
la victime, la communauté se tenait un instant tranquille et muette
autour de l'autel: c'était le moment pendant lequel la divinité
s'approchait et prenait sa part du sacrifice. Aussi les sacrifices
avaient-ils leur place toute marquée dans les occasions solennelles
où l'homme fait alliance avec Dieu (voir, pour Abraham, Ge 15,
et, pour l'alliance du Sinaï, Ex 24:4,8).

Les sacrifices ne créaient pas seulement un lien entre les hommes
et Dieu; ils unissaient plus étroitement les hommes entre eux. Les
mêmes sentiments animaient ceux qui se présentaient ensemble devant
l'autel, et dans le repas qui suivait les participants mangeaient des
mêmes victimes dont une partie avait été offerte à la divinité. Ils
se sentaient un devant Dieu. Les sacrifices réguliers étaient donc
des fêtes de famille ou des fêtes d'une communauté plus étendue dans
lesquelles s'affirmait tout à nouveau la solidarité des membres les
uns avec les autres. (cf. 1Sa 1:1 9:13 20:6) Les sacrifices
individuels devaient être rares dans l'ancien Israël, sauf occasions
spéciales (Jug 6:19 et suivants, Gédéon; 1Ro 3:4, Salomon,
etc.). Dans les repas qui accompagnaient les sacrifices de
communauté, la joie pouvait dépasser quelquefois les bornes du
permis; voir les reproches d'Héli à Anne (1Sa 1:13 et suivant).
Pourtant des règles assez sévères étaient imposées à ceux qui
voulaient s'approcher de l'autel: il fallait laver ses vêtements,
s'abstenir de tout ce qui était impur (Ex 19:10 et suivants), et
même avoir auparavant renoncé aux relations conjugales pendant
quelques jours (1Sa 21:5, cf. Ex 19:15).

Sur les distinctions des lois de pureté, voir Pur et impur.

3.

LES DIVERS SACRIFICES.

Il y en avait différentes espèces. Mais, en fait, nous sommes peu
informés sur ce point dans l'ancien Israël. Nous n'avons rien
d'analogue à ce que nous trouvons dans le Code sacerdotal. Les
anciennes législations sont absolument muettes, et nous devons nous
contenter de quelques passages isolés. Les plus explicites sont
2Sa 6:17 et suivant et 1Ro 8:62-64, qui mentionnent deux
espèces de sacrifices de victimes animales: le zèbakh (sacrifice)
et la ôlâh (holocauste, appelé kâlil dans 1Sa 7:9 et
De 33:10). Le zèbakh avait sans doute plusieurs variétés; la
plus fréquente, en tout cas la seule mentionnée, était le sacrifice
d'actions de grâces (chelem, plur, chelâmim employé souv,
comme singulier) ou sacrifice de prospérité. Les deux sens sont
possibles; le plus probable est celui de sacrifice d'actions de
grâces (1Sa 10:8 11:15 13:9,2Sa 6:17,1Ro 3:15,Ex 24:5 etc.).
Même quand le mot zèbakh est employé seul, il désigne
généralement un chelem. Dans les sacrifices d'actions de grâces,
le sang et quelques parties de la victime, spécialement la graisse,
étaient seuls offerts sur l'autel; une part était réservée aux
prêtres (1Sa 2:12,17,De 18:3), le reste revenait aux sacrifiants
qui le mangeaient près du sanctuaire.

Dans l'holocauste, en revanche, la victime entière était consumée
par le feu (Jug 6:19 et suivant, etc.). Mais l'holocauste était
sans doute rarement offert seul. (comme 1Sa 7:9,1Ro 3:4
18:30-39) Ailleurs les sacrifices d'actions de grâces figurent à
côté des holocaustes ou de l'holocauste (2Sa 6:17 et suivant,
1Ro 8:62,64). L'holocauste était envisagé comme la forme la plus
haute d'offrande de victime animale. Le mot par lequel il est
généralement désigné: ôlâh (de la rac. âlâh =monter), ne
signifie pas par lui-même «consumé entièrement par le feu», mais
devait s'appliquer primitivement à la victime (ou à la partie de la
victime) qui était offerte sur l'autel. Un terme étymologiquement
plus exact est celui de kâlil (=consumé entièrement), mais dans
le langage actuel de l'A.T, une ôlâh est toujours un kâlil

Le sacrifice d'expiation (khattâth) et le sacrifice de
culpabilité (âchâm) ne figurent avant l'exil ni dans la
législation, ni dans l'histoire, sauf peut-être 2Ro 12:16. Dans
ce passage il s'agit exactement d'amendes, qui n'étaient pas versées
dans le trésor du temple, mais étaient remises aux prêtres. Peut-être
y a-t-il une certaine relation entre ces amendes et les sacrifices du
même nom dans le Code sacerdotal; mais on ne peut rien affirmer de
précis à ce sujet, quoique la place importante que le âchâm et le
khattâth occupent déjà dans la législation d'Ézéchiel permette de
supposer qu'ils existaient avant l'exil; en tout cas, ils ne jouaient
alors qu'un rôle secondaire.

A côté des victimes animales, on pouvait offrir à l'Éternel des
fruits de la terre: vin, blé, huile, etc. (voir Ex 22:29,
prémices [premiers produits) de la moisson et de la vendange; Ex
23:15,Jug 6:19, pains sans levain; 1Sa 21:1,9, pains de
proposition). Plus tard on a réservé pour ces offrandes non
sanglantes le terme de minkhâ (=offrande, oblation), mais avant
l'exil il désignait une offrande quelconque, sanglante ou non
sanglante (Ge 4:3,5,1Sa 2:17).

4.

LE RITUEL.

Sur le rituel du sacrifice, les lois anciennes ne donnent que de
rares indications. Elles précisent que le premier-né de la vache ou
de la brebis, qui appartient de droit à l'Éternel, comme les prémices
de la moisson et de la vendange, ne peut être présenté à l'autel que
huit jours après sa naissance (Ex 22:30); elles interdisent de
cuire un chevreau dans le lait de sa mère (Ex 23:19 34:26,De
14:21), d'offrir avec du pain levé le sang de la victime sacrifiée
et de garder sa graisse jusqu'au matin (Ex 23:18). D'après Ex
34:25, cette dernière prescription vise spécialement le sacrifice
de la Pâque. La défense de cuire un chevreau dans le lait de sa mère
avait sans doute pour origine une croyance superstitieuse; ce n'était
pas affaire de sentiment. L'emploi du pain levé était autorisé dans
certains sacrifices (Am 4:5).

Le Deutéronome n'est guère plus explicite que les premières
législations. Il donne (De 14:4-20) la liste des animaux purs et
impurs; il fixe (De 18:3 et suivant) la part qui revient aux
prêtres dans les sacrifices d'actions de grâces et leur attribue la
jouissance des prémices; il ajoute (De 26:1-11), pour la
présentation de ces dernières qui doivent être tout d'abord déposées
devant l'autel, une très belle liturgie indiquant la manière de
procéder, avec la prière à prononcer par l'Israélite. C'est un
morceau unique en son genre avant l'exil.

Pour avoir quelques renseignements précis sur le rituel des
autres sacrifices, il faut recourir aux livres historiques. Les
principaux passages sont Jug 6:19,21 13:15,20, qui parlent des
holocaustes de Gédéon et de Manoah, le père de Samson, et 1Sa
2:12,17, qui raconte la façon fâcheuse dont les fils d'Héli
réclamaient leur part dans les sacrifices d'actions de grâces. Il
résulte de ces passages que la chair des victimes était ordinairement
bouillie avant d'être brûlée sur l'autel, soit tout entière
(holocauste), soit en partie (la graisse dans les sacrifices
d'actions de grâces), que les prêtres recevaient ensuite leur part et
que le reste servait au repas des sacrifiants. Les fils d'Héli en
revanche voulaient avoir de la viande crue pour pouvoir la rôtir, et
ils se servaient eux-mêmes dans la marmite, avant qu'elle fût
entièrement bouillie et avant qu'on eût brûlé la graisse sur l'autel.
C'est le sens le plus naturel du passage 1Sa 2:12-17.
D'autres interprètes le comprennent autrement: ils pensent que la
graisse était brûlée crue sur l'autel, et que les fils d'Héli
réclamaient leur portion en viande crue avant même que l'Éternel fût
servi (voir verset 158); mais l'ensemble du passage n'est pas
favorable à cette interprétation, qui est suggérée par le désir de
faire disparaître toute différence entre la coutume ancienne (viande
bouillie) et la coutume postérieure qui était de brûler crue la chair
présentée à l'autel (voir Lévitique). Mais si la chair était
ordinairement bouillie, elle ne l'était pas en toute circonstance. Le
rituel de la Pâque (Ex 12:1-11), probablement très ancien,
quoique nous ne le connaissions que par le Code sacerdotal, prouve
que dans certains cas la viande était consacrée crue à l'Éternel et
mangée rôtie par les sacrifiants. Il est du reste possible que le
rituel ne fût pas le même dans tous les sanctuaires et qu'il y eût
différentes manières de présenter la chair à l'autel.

Les passages No 23:1,3,1Sa 7:9,1Ro 18:30,39 concernent des
faits spéciaux et ne peuvent servir à préciser le rituel des
sacrifices ordinaires; de même tous les autres passages où les
sacrifices sont mentionnés sans aucun détail sur la manière de
procéder.

Un rituel particulier était celui des sacrifices d'alliance (voir
ce mot). Les victimes étaient coupées par le milieu, les morceaux
séparés étaient placés en face l'un de l'autre, et les contractants
passaient entre ces morceaux (Ge 15:9,17,Jer 34:18). La forme
n'est pas la même dans Ex 24: une partie du sang des victimes
est offerte à Dieu sur l'autel et l'autre partie est répandue sur le
peuple (verset 6,8); mais le sens est identique: les contractants
sont unis par le fait qu'ils ont passé entre les mêmes victimes ou
qu'ils ont été aspergés de leur sang.

5.

VALEUR DES SACRIFICES.

La valeur des sacrifices ordinaires ne variait pas essentiellement de
l'un à l'autre. Ils étaient toujours un don que le sacrifiant faisait
à Dieu pour lui rendre grâces ou pour obtenir des bénédictions. Mais,
comme les circonstances sont infiniment diverses et que les biens
souhaités ne sont pas toujours les mêmes, ils prenaient une
signification spéciale suivant les occasions. C'était tout
particulièrement le cas lorsque les rapports de l'homme avec Dieu
étaient troublés et qu'il s'agissait de les rétablir en se conciliant
la faveur divine. Les sacrifices avaient alors une valeur
propitiatoire, mais elle ne semble pas avoir été, dans l'ancien
Israël, attachée essentiellement, comme plus tard (Le 17), à la
présentation sur l'autel du sang de la victime immolée; elle l'était
au sacrifice dans son ensemble. La valeur spéciale du sacrifice
venait de l'intention spéciale de celui qui l'offrait. Or, il va de
soi que quand on avait intérêt à obtenir une grâce particulièrement
importante, comme le rétablissement des relations normales avec Dieu,
on offrait un sacrifice qui coûtât davantage qu'un autre, et une
victime animale valait plus qu'une offrande de vin ou de fruits. Un
sacrifice propitiatoire ne se faisait donc pas, dans la règle, sans
effusion de sang. Le sacrifice annuel de la Pâque nous permet
cependant de penser que la signification spécifique du sang n'était
pas inconnue à l'ancien Israël; ce sacrifice avait une portée
propitiatoire, et le rite indique que sa valeur résidait dans
l'aspersion du sang, à laquelle on attribuait le pouvoir de mettre
les hommes à l'abri du châtiment divin. Nous pouvons voir ici le
germe de la théorie plus développée du Code sacerdotal.

Il convient du reste de remarquer que l'on cherchait à éloigner
la colère de Dieu non pas seulement pas des sacrifices, mais dans
certains cas avant tout par la prière et par le jeûne (y. ces mots).
Pour la prière, cf. Jos 7:6 et suivants; pour le jeûne, 1Sa
7:6,Jug 20:26,2Sa 12:16,1Ro 21:12-27. Dans d'autres cas le jeûne
était simplement un signe de tristesse et de deuil (2Sa 1:12
3:35).

6.

SACRIFICES HUMAINS.

C'était la façon extrême d'offrir à la divinité une victime qui la
disposât favorablement à l'égard des hommes. Ils n'ont jamais été
légalement admis en Israël. Cependant quelques récits nous montrent
qu'ils n'étaient pas absolument contraires aux conceptions de la
religion populaire, et qu'ils ont existé à certains moments; par
exemple au temps de Jephté (Jug 11:29-31 34-40) Le sens du récit
est très clair, quoique l'auteur omette de préciser tous les détails.
Jephté promet, si Dieu lui accorde la victoire sur les Ammonites,
d'offrir en holocauste à l'Eternel la première personne qui, des
portes de sa maison, viendra à sa rencontre; c'est malheureusement sa
fille qui sort la première au-devant de lui, avec des tambourins et
des danses, et le père doit accomplir sur elle le voeu qu'il a fait
(verset 39). L'histoire n'est peut-être qu'une légende, mais elle n'a
pu naître que dans un milieu où l'on admettait la légitimité des
sacrifices humains; Un autre cas, très probablement historique, est
celui de Hiel, de Béthel, qui rebâtit Jérico: il en posa les
fondements au prix d'Abiram, son premier-né, et il en posa les portes
au prix de Ségub, son plus jeune fils. Il s'agit ici de «sacrifices
de fondation» qui étaient usités chez les Cananéens. On immolait des
enfants et on plaçait leurs cadavres sous les murs ou sous les portes
des maisons pour en éloigner les mauvais esprits, anciens possesseurs
du sol. On a retrouvé les traces de semblables sacrifices dans les
fouilles faites à Méguiddo, à Thaanac, à Guézer (fig. 90, 91). Plus
tard, sous l'influence du cananéisme toujours vivace et des coutumes
païennes qui s'infiltraient en Israël grâce aux relations plus
étroites avec les autres nations, les sacrifices d'enfants,
spécialement les sacrifices des premiers-nés (voir ce mot), se
multiplièrent. D'après 2Ro 16:3, Achaz déjà (735-720) fit passer
son fils par le feu, mais c'est à l'époque de Manassé (692-640) que
cette coutume abominable eut sa plus grande extension (2Ro 21:6
23:10,Jer 7:31 19:3 32:35,Eze 23:37 16:20). Le dieu auquel les
enfants étaient sacrifiés est appelé tantôt Baal, tantôt Moloc, parce
que c'étaient les dieux qui réclamaient de pareils sacrifices; mais,
d'après Jer 7:31, les Israélites les offraient en réalité à leur
Dieu national, l'Eternel; sans cela le prophète, parlant en son nom,
ne dirait pas: «chose que je n'avais point commandée et qui n'était
point venue à ma pensée». Les sacrifiants eux-mêmes invoquaient sans
doute pour justifier leurs sombres offrandes le passage Ex
22:29: «Tu me donneras le premier-né de tes fils», qu'ils
interprétaient littéralement. Ézéchiel admet peut-être la même
interprétation (20:26), mais il a soin d'ajouter que Dieu n'a donné
un tel commandement que pour augmenter les péchés d'Israël: «afin
qu'ils se souillent par leurs dons et que je les mette en
désolation». Autant dire que ces sacrifices sont absolument
contraires à la vraie volonté de Dieu. D'après Ex 34:20, les
premiers-nés devaient être rachetés, et c'est également le sens de
Ex 22:29.

Les sacrifices humains étaient contraires à tout l'esprit de la
religion d'Israël. Ils sont condamnés par la loi (De 12:31
18:10,Le 18:21 20:2 et suivants) et combattus énergiquement par les
prophètes (cf. les passages de Jer et d'Ezéch, cités plus haut, et en
outre Mic 6:7,Jer 3:24,Ps 106:38). Jérémie en particulier est
très vif contre le haut-lieu de Topheth dans la vallée de Hinnom
(voir ce mot), qui semble avoir été réservé aux sacrifices d'enfants
(Jer 7:31 19:5, cf. 2Ro 23:10). On peut voir dans
l'histoire du sacrifice d'Isaac (Ge 22) une antique mise en
garde contre de pareils sacrifices. Dieu a le droit de réclamer le
fils qu'il a donné, mais il ne veut pas qu'il soit mis à mort; il le
fait remplacer par un bélier.

7.

SIMPLE BOUCHERIE.

Dans les temps anciens, où l'usage de la viande était plutôt rare, il
n'y avait sans doute pas de boucherie d'un animal en dehors des
sacrifices réguliers ou extraordinaires. Les animaux étaient tués
près du sanctuaire local, et une partie de la chair, en tout cas le
sang, était apportée à l'autel. Le sang était considéré comme le
siège de la vie, et en cette qualité il appartenait à Dieu qui est le
dispensateur de la vie. Chose sainte, il était en toute circonstance
défendu de l'absorber et il devait faire retour à la divinité. Voir
1Sa 14:33 où la pierre amenée sur l'ordre de Saül sert d'autel
provisoire (voir verset 35), et 1Ro 1:9 où la pierre de Zohéleth
(voir ce mot) est évidemment un autel destiné à recevoir le sang des
nombreuses victimes immolées par Adonija. Quand le Deutéronome ordonna la
concentration du culte à Jérusalem, il ne fut plus possible d'amener
au sanctuaire tous les animaux qui devaient servir à l'alimentation
du peuple. Alors on distingua très nettement des sacrifices la simple
boucherie, mais la défense de manger du sang fut strictement
maintenue; on sait qu'elle est encore observée par les Juifs. Quand
on tuait un animal, on devait en répandre le sang sur la terre comme
de l'eau. (cf. De 12:15,20-25) C'est de cette façon-là que le
sang faisait retour à la divinité; la chair elle-même n'avait plus
rien de sacré et pouvait être mangée par tous les membres de la
famille, purs ou impurs, aussi bien que celle des animaux (cerf,
gazelle) qui n'étaient jamais offerts en sacrifice.