RÉVÉLATION
(Hébr. gâlâh; grec apokalupsis, du verbe apokalupteïn
=révéler, découvrir, d'où apocalypse =révélation.)
Le mot révélation signifie au sens large toute action par
laquelle une chose cachée est dévoilée aux sens de l'homme,
découverte à son esprit, rendue évidente à son sens intérieur (Pr
25:9,Mt 10:26). Toute connaissance nouvelle est, à la bien prendre,
une révélation. Dans le domaine religieux, révélation et connaissance
de Dieu sont des notions corrélatives: on peut, à cet égard, parler
de la révélation de Dieu que donnent la nature (Ps 19:2,5,Ro
1:20) et la conscience humaine (Ro 2:14).
La Bible emploie ce terme (ou celui de manifestation révélatrice)
pour parler des choses qui passent du monde invisible dans le monde
visible: le retour du Christ (Lu 17:30,1Co 1:17,Col 3:4 etc.),
la manifestation des enfants de Dieu dans leur gloire quand Jésus
sera manifesté (Ro 8:18 et suivant, Col 3:4,1Pi 5:1 4:13),
l'apparition du royaume de Dieu (Lu 19:11,Mr 9:1), la fin du
monde avec la manifestation de l'Homme d'iniquité et le jugement de
Dieu (2Th 2:3,Ro 2:5). La venue du Christ sur la terre,
envisagée comme la réalisation d'un arrêt divin préexistant, et son
apparition après la résurrection sont aussi appelées des
révélations (1Pi 1:20,1Ti 3:16,Mr 16:12-14,Jn 21:1-14,Ac
10:40). Mais il y a en outre nombre de passages où, tant
dans l'A.T, que dans le N.T., le mot révélation est employé pour
indiquer le cas où Dieu communique ses intentions et sa volonté, non
par des apparitions visibles, mais par sa parole (1Sa 2:27 3:17,21
9:15 Am 3:7 Esa 22:14 Matthieu 16:17 1Co 2:10 Eph 3:5 1Pi 1:12 etc.) et
aussi par «son bras» (Esa 52:10 53:1,Ps 98:1, etc., ici la
«révélation» voisine avec le «prodige»). Jésus révèle le Père (Mt
11:27,Jn 17:6). En lui la révélation par la parole et la révélation
par les actes se confondent; c'est par ce double moyen qu'il
manifeste sa gloire et celle de Dieu (Jn 2:11 14:8 et suivant).
Nous voici arrivés au sens du mot révélation qui fait
l'originalité même de la Bible: Dieu se manifestant à Israël, lui
parlant, le dirigeant par ses messagers. Tout l'ensemble de cette
initiative divine au sein de l'histoire du peuple élu est désigné, en
théologie, par le mot révélation. C'est cette notion que nous allons
maintenant étudier, en l'envisageant sous les aspects suivants:
1° son affirmation,
2° sa possibilité,
3° ses moyens,
4° sa crédibilité,
5° sa méthode,
6° son aboutissement.
1.
Affirmation.
La Bible renferme l'affirmation très nette et souvent répétée que
Dieu s'est révélé aux hommes. On peut même dire que ce qui distingue
à première vue la Bible des divers livres religieux de l'antiquité
c'est que, dans les écritures saintes des autres peuples, l'homme
cherche Dieu et l'appelle, tandis que d'un bout à l'autre de la Bible
Dieu cherche l'homme et lui parle.
Écartons d'abord une notion trop simpliste de l'action de Dieu
dans l'histoire d'Israël. Edouard Naville (Archéol. de l'A.T.,
1914) a dit très justement: «Pour la mentalité des anciens peuples
une pensée n'existe pas indépendamment de son expression extérieure:
elle doit être énoncée. Dans bien des cas, en traduisant ces textes
anciens dans un langage moderne nous devrions dire «il pense» au lieu
de «il dit». Le mot «dit» n'exprime souvent qu'une activité de
l'esprit, une pensée, un désir ou toute autre action mentale.» La
justesse de cette remarque apparaît clairement dans des passages
comme Ge 1:26 3:22 6:7. Il en est de même dans bien d'autres cas
où l'expression «Dieu a dit», «l'Éternel a dit», doit être simplement
interprétée comme ceci: «Dieu a inspiré», «l'Éternel a suggéré»,
l'homme en faisant telle chose a considéré qu'il agissait sous
l'action de Dieu ou qu'il accomplissait un acte conforme à sa
volonté. Si nous voulions donner dans les textes bibliques un sens
absolu à tous les passages où se trouve «Dieu dit», nous devrions
aussi donner un sens absolu aux inscriptions des peuples voisins
d'Israël, où la même expression se rencontre. Ainsi, la stèle de Mésa
(voir ce mot) s'exprime tout comme certains annalistes hébreux;
seulement ici c'est le dieu Kamos qui parle au roi de Moab: «Kamos me
dit...», «alors Kamos me dit...», etc. Cette remarque faite par
scrupule scientifique, il n'en demeure pas moins que la Bible est
toute pleine d'interventions de Dieu, de révélations émanant de lui.
On y sent que, sous une forme ou sous une autre, Dieu mène
l'histoire, qu'il appelle et qu'il instruit ses ouvriers, portant à
la connaissance de l'intelligence ou de la conscience humaine des
vérités que ni l'une ni l'autre n'aurait pu découvrir par elle-même.
Dieu enseigne dans sa révélation ce qui, suivant l'expression
biblique, n'aurait pu «monter au coeur de l'homme».
Nous ne pouvons songer à donner ici tous les passages de la Bible
qui attestent cette intervention révélatrice de Dieu, sous des formes
variées et par les messagers les plus divers, depuis la
préhistoire (Ge 2:16 3:14-19 6:13,21 etc.), en passant par la
période patriarcale (Ge 12:1-3 13:14-17 15:1-6 17:1-21 etc.) et
le temps de Moïse (Ex 3:6-19 7:1-19 14:26 19,20), jusqu'au
ministère des prophètes (1Ro 17:2 et suivant, Am 3:7,Esa
7:3 et suivant, Jer 1:2,Eze 1:3,Da 2:19 et suivant,
cf. 1Pi 1:10-12) et à l'époque de Jésus et de ses apôtres
(cf. Lu 1 et Lu 2,Mt 1 et Mt 2,Mt 11:25,27,Lu 10:21 et
suivant, Mt 16:17,Jn 15:15 16:12 et suivant, etc., Ga
1:12,15-17,2Co 12:1,Ga 2:2,Eph 3:3,1Co 2:10,Ro 16:25,Ga 3:23,Eph
1:17,1Co 14:30, etc., et l'ensemble de l'Apocalypse dont le nom
signifie révélation). Si l'Ancien et le Nouveau Testaments réunis
portent encore aujourd'hui le nom de Bible, c'est-à-dire «le livre
par excellence», c'est parce que l'expérience des siècles les a fait
considérer comme le recueil des révélations de Dieu à l'humanité.
2.
Possibilité.
La révélation--intervention surnaturelle du Créateur pour éclairer et
pour orienter sa créature--n'a aucun sens pour quiconque ne croit pas
que Dieu est la personne parfaite, c'est-à-dire une personnalité
toute-puissante et toute-libre. Mais on ne voit pas pour quelles
raisons celui qui croit que Dieu est la personnalité puissante et
libre par excellence tiendrait pour impossible la révélation.
Serait-ce au nom de la fixité des lois de la nature? Mais qui donc
connaît toutes ces lois, toutes les résultantes de leurs
combinaisons, et à qui Dieu a-t-il dit qu'il s'était fait esclave de
leur jeu, tel que nous le connaissons avec nos lumières imparfaites?
Mettrons-nous le Créateur au-dessous de sa créature, qui peut, elle,
avec sa courte science, affirmer sa liberté en obligeant les lois à
se contredire, à se plier à des desseins qui ne sont pas conformes à
leur cours naturel? (voir Miracle). Et dans le domaine moral
mettrons-nous aussi le Créateur au-dessous de sa créature en lui
interdisant ce que peut un père de famille qui poursuit l'éducation
de son enfant et qui intervient dans sa vie pour l'instruire, le
préserver, l'attirer vers le bien, le porter dans les moments où sa
force est défaillante, le mettre à même de faire les expériences qui
formeront sa personnalité? Refuser à Dieu le pouvoir de se révéler
quand et comme il veut, c'est l'isoler dans une grandeur imaginaire,
le faire inférieur à l'homme qu'il a créé à son image, le lier à la
nature qui est son oeuvre, d'un mot c'est le nier en tant que Dieu;
et voilà pourquoi l'on n'a jamais vu une forme quelconque de théisme
retenir les hommes et les amener à un progrès effectif. De ceux qui
avaient cru trouver dans ces systèmes la satisfaction de leurs
besoins religieux, les uns ont abandonné la religion elle-même, les
autres sont allés au christianisme.
Du côté de l'homme, tout concourt aussi à manifester les
possibilités de la révélation. Que nous enseigne sa nature physique?
Bergson a montré de façon lumineuse que la pensée n'est pas le
produit du cerveau, que le travail du cerveau ne correspond pas à la
totalité de la conscience, en sorte que la mort du cerveau n'entraîne
pas la mort de la conscience, mais qu'au contraire la vie mentale
déborde la vie cérébrale et que le cerveau se borne à traduire en
mouvements une petite partie de ce qui se passe dans la conscience,
d'où il suit que là survivance après la mort du corps devient
vraisemblable même pour la philosophie dont l'observation patiente se
tient en dehors de toute métaphysique. Le cerveau se trouve donc
impressionné par infiniment plus d'idées et d'influences qu'il n'en
peut enregistrer, «l'esprit déborde le cerveau de toute part». De
quel droit, dès lors, nierions-nous que l'Esprit de Dieu puisse se
trouver au nombre des agents qui impressionnent le cerveau et entrer
ainsi par le travail du cerveau dans ce que Bergson appelle le
«cadre moteur de la vie»? Et de même que nous constatons qu'une
intoxication passagère du cerveau par l'alcool ou l'opium, à plus
forte raison l'intoxication durable de l'aliénation, peuvent
entraîner une perturbation complète, un abaissement, une dissolution
de la vie mentale (cf. Bergson, Energie spirituelle, p. 80), ne
pourrions-nous pas constater aussi qu'une illumination venue d'en
haut et impressionnant le cerveau peut, au lieu de la troubler,
sublimer la vie mentale et introduire un élément divin dans le cadre
moteur de la vie? Or, non seulement l'homme peut, comme on vient de
le voir, subir ces influences, mais il les souhaite; sa personnalité,
pleine d'idéalisme inassouvi et soumise au péché par des instincts
dominateurs, appelle la manifestation divine. L'histoire des
religions comme la confession de consciences individuelles sont là
pour en témoigner. Ce n'est pas seulement l'Hébreu, c'est l'homme qui
dit à Dieu par la voix du psalmiste: «Mon coeur me dit de ta part:
Cherchez ma face. Je chercherai ta face, ô Éternel» (Ps 27:8).
Cette réalité humaine a inspiré l'invocation de saint Augustin: «Tu
nous as faits pour toi-même, ô Seigneur, et notre coeur est inquiet
tant qu'il ne repose pas en toi.» Pourquoi cette inquiétude? Parce
que tout en nous se révolte à la pensée que le péché pourrait avoir
le dernier mot ici-bas et que, d'autre part, notre expérience nous
enseigne que livrés à nous-mêmes nous ne pouvons pas le vaincre,
l'extirper de la terre; il faut donc, vu les hontes, les angoisses et
les douleurs du monde, qu'une puissance salutaire intervienne, fasse
une trouée qui nous libère; il faut une révélation d'en haut.
Celle-ci n'est pas seulement possible, elle est nécessaire, elle est
postulée. L'appel à Dieu du prophète Ésaïe rend bien le cri qui sort
des entrailles de l'humanité: «Oh! si tu déchirais les cieux et si tu
descendais!»
3.
Moyens.
On demande: par quels moyens Dieu peut-il communiquer avec les
hommes? Il serait plus sage de dire: est-il un seul moyen qui soit
interdit au Créateur lorsqu'il veut communiquer avec sa créature? De
quel droit limite-t-on son pouvoir? Si un père de famille, qui sait
que les tempéraments de ses enfants et leur développement sont
divers, adapte ses moyens d'éducation aux fins qu'il poursuit,
combien plus le Père céleste doit-il, avec les ressources illimitées
que lui assurent sa toute-sagesse et sa toute-puissance, diversifier
les formes de son action pour mener à bien ses desseins d'amour!
Nous distinguons ici, aussitôt, deux catégories de moyens:
(a) L'intervention directe, impérative: la vocation.
Dieu arrête un homme sur son chemin et cet homme, subjugué par un
contact inattendu, retourné par un appel qui lui vient du dehors, qui
s'impose à lui par vision ou audition, subit l'influence, s'incline
dans l'adoration et entre dans une vie nouvelle qui fait de lui un
révélateur des volontés divines. Inspiré, il devient inspirateur.
Tels les personnages qui nous sont familiers dans l'histoire
biblique: Abraham, Moïse, Samuel, Amos, Ésaïe, Jérémie, Saul de
Tarse. Quand Jésus, au bord du lac de Galilée, dit à Pierre et à
Jean: «Suivez-moi!», il accomplit dans le cadre de sa vie historique
l'acte générateur par lequel Dieu s'est assuré ses ouvriers tout le
long du développement de la révélation biblique. La révélation ici
intervenue est de l'ordre absolu; elle a pour but de rendre visible
l'invisible, sensible le spirituel. L'homme n'est pas un pur esprit,
sa certitude n'est emportée que quand tout son être peut être
convaincu. Si les disciples, au matin de Pâques, ont été mis en
présence du tombeau vide, si Jésus leur a accordé des apparitions
pendant quarante jours, c'est parce qu'il savait que si pour eux la
résurrection n'avait été qu'une affirmation spirituelle, ils
n'auraient pas marché. A plus forte raison, les hommes de l'ancienne
alliance avaient-ils besoin de voir l'invisible dans des
manifestations où Dieu, si j'ose dire, venait à eux de l'extérieur,
s'adressait à leurs sens. Nous ne sommes pas en mesure de dire
exactement ce qui s'est passé à Caran, au désert de Madian, au Sinaï,
dans les vocations des juges ou des prophètes, non plus que dans tous
les cas où l'A.T, parle d'apparitions divines ou de «signes», mais
nous pouvons tenir pour certain qu'on ne saurait ramener l'ensemble
de ces apparitions à des phénomènes spirituels et intérieurs sans
manquer à l'élémentaire psychologie; c'est mal connaître l'homme que
de s'imaginer que pour lui une idée nouvelle devient une idée-force
tant qu'elle n'est qu'une abstraction. La première fois qu'elle se
propose à lui, pour qu'elle s'impose à lui, il faut qu'elle se pose
devant lui. Il y a quelque chose de vrai dans le dicton du bon sens
populaire: «Je ne crois que ce que je vois.» L'homme a besoin de voir
pour croire, c'est-à-dire que le monde invisible et suprasensible
s'incarne et, ne serait-ce qu'à titre de symbole (voir ce mot), rend
assimilables à son être de chair les réalités qui le dépassent. Pour
rendre accessible à l'homme la réalité de l'amour de Dieu il a fallu
la vue du Crucifié pendu au Calvaire. Quand l'homme peut dire: «J'ai
vu, j'ai entendu, j'ai touché» (Ac 10:41,1Jn 1:1,1Co 15:8), il
n'y a point de raisonnement qui le puisse ébranler. Cet ordre de
certitude qui n'est pas communicable donne à celui qui la possède une
assurance, un ascendant, contre lesquels la contradiction ne peut
rien. Il se fera tuer plutôt que d'abjurer. A cette catégorie de
certitude appartiennent, d'une façon générale, les miracles dont les
hommes de Dieu ont été les objets et les témoins. A ce propos, Rothe
a écrit une parole profonde, qu'on ne saurait trop méditer: «C'est
pour la révélation elle-même, au moment même où elle s'effectue, que
le miracle est important, puisqu'une révélation ne saurait
s'accomplir sans miracles, et non pas pour nous qui avons vu passer
dans la conscience générale ce que le miracle révélateur était
primitivement destiné à annoncer. Ce n'est pas dans l'intérêt de la
dogmatique que j'admets le miracle, mais parce que je ne puis m'en
passer pour expliquer certains faits de 1 histoire. Bien loin de
rompre les mailles du tissu historique, ils me permettent de franchir
les profondes lacunes qu'il présente.» Par miracles révélateurs nous
devons entendre ici la révélation par l'intervention directe et
surnaturelle de Dieu dans l'histoire. La vie d'Israël, le temps de
Jésus et des apôtres ont été baignés dans la lumière de cette
révélation-là: Dieu saisissable dans ses actes. On peut discuter ici
ou là tel récit de miracle, telle interprétation d'annaliste hébreu,
mais l'ensemble demeure. La Bible est pleine de surnaturel; elle en
vit. On ne saurait l'en dépouiller sans la vider de l'atmosphère où
ses acteurs respirent; alors se poserait la question par où le
miracle éconduit serait de nouveau ramené: comment ces acteurs
ont-ils pu agir, être parmi les autres hommes des porteurs de la
vérité, vivre saintement, enthousiasmer par leur martyre, donner à
l'humanité le branle d'où le monde moderne est sorti, s'ils étaient
des hommes de mentalité moins saine que le reste du genre humain,
c'est-à-dire des hallucinés?
(b) L'intervention subjective, par les rêves, les
transes de l'extase, la réponse à la prière, à la méditation
soutenue. Interventions divines par phénomènes intérieurs où l'Esprit
de Dieu est à l'oeuvre et dans lesquelles le sujet n'est pas pris à
l'improviste, à l'état de passivité, mais où sa participation mentale
est, sinon toujours consciente, du moins toujours active. S'il a des
visions, s'il entend des voix, s'il reçoit des réponses, s'il se sent
ravir au-dessus de lui-même, il se rend compte que tout cela se passe
à l'intérieur de son âme. Il s'agit ici de phénomènes de l'ordre de
ceux que la psychothérapie moderne appelle «des représentations
mentales vives». Quiconque reçoit ainsi des révélations de
Dieu--révélations qui voisinent avec l'intuition--sait que ces
interventions divines ont été préparées en lui et qu'il s'est élevé
lui-même, par l'effort de son âme, à la rencontre de Dieu. Jérémie,
Ézéchiel, Daniel, saint Jean dans l'extase de Patmos, saint Paul
quand il a entendu la parole révélatrice:
«Ma grâce te suffit», ont connu cet ordre-là de révélation. Et de
même Moïse, qui nous apparaît dans sa vie comme un géant de la
prière. Quand Jésus s'isolait sur la montagne et y passait la nuit en
prière, c'était pour puiser en son Père la puissance révélatrice
qu'il épanchait ensuite sur ses disciples.
Les révélations de la première catégorie sont une irruption dans
la vie de l'homme, elles le terrassent. Pour obtenir les révélations
de la seconde catégorie, l'homme se met dans la possibilité de les
recevoir. Elles sont pour lui des exaucements. Ensemble, et sous des
formes infiniment variées, dont le comment garde un élément de
mystère, comme toute chose à laquelle Dieu participe, ces deux
catégories nous expliquent ce qu'on doit entendre par les moyens de
révélation dont Dieu s'est servi et que la Bible nous rapporte.
4.
Crédibilité.
De l'antique bacchant qui se disait enthéos =divinement inspiré,
jusqu'au grand hystérique qui gesticule dans les hôpitaux de
Sainte-Anne ou de la Salpêtrière, sans oublier le faux prophète qui
prétendait apporter au roi d'Israël une «parole de Dieu», l'histoire
de l'humanité est tout encombrée par les donneurs d'oracles. La
plupart sont sincères. Lesquels méritent crédit?
La conjugaison de l'activité mentale et de l'activité pragmatique
est, pour la psychothérapie moderne, le critère le plus sûr en
matière de diagnostic pathologique. Le manque d'adaptation à la
réalité de la révélation apportée par un mystique quelconque oriente
l'hypothèse du psychiatre vers le trouble mental. Cette constatation
nous conduit, pour ce qui est du domaine religieux, à la conclusion
que la révélation ne vaut en tant que manifestation divine que dans
la mesure où celui qui l'apporte la justifie par la santé morale et
sociale de ses actes. Par définition même, une révélation (acte de
lever le voile), si elle est d'origine divine, doit avoir pour effet
d'élargir l'horizon moral et religieux et d'y apporter plus de
lumière. Le premier bénéficiaire de cette surnaturelle
intensification des moyens mentaux et moraux doit être celui-là même
qui en est l'objet.
Voici Mahomet, qui a connu la religion et la morale des deux
Testaments; il se donne comme porteur d'une révélation nouvelle
supérieure. En réalité, le Coran nous présente, au point de vue
éthique et spirituel, un stade fort inférieur à celui de l'Évangile.
Le Coran est une régression vers la vie charnelle; et le prophète
d'Allah, dans sa pragmatique, ne s'est point fait faute d'en tirer
profit. En dépit des progrès rapides de sa religion, dont l'activité
missionnaire, sans coûter des millions, multiplie ses victoires grâce
au dévouement des sectateurs de l'islam en Asie et en Afrique,
Mahomet, grand visionnaire, initiateur religieux, politique de génie
et puissant meneur d'hommes, n'a pas été un révélateur. Voici des
gens qui, tout en restant sur le fondement évangélique, se sont
retirés du monde, désintéressés de la peine des hommes, enfermés dans
un égoïsme contemplatif. Quand, l'imagination surexcitée par des
exercices dévots, ils croient entendre des voix célestes et se
prennent pour des organes de la révélation, ne ressemblent-ils pas à
ces enfants qui écoutent dans une conque le mugissement de la mer,
sans se douter que la coquille leur renvoie simplement le bruissement
de leurs artères? Si l'on prend, au contraire, des vies comme celle
de Jeanne d'Arc, de Catherine de Sienne, de sainte Thérèse, de saint
François d'Assise, etc., on y peut signaler des choses étranges, mais
la hauteur morale, la valeur de l'activité pratique de ces grands
mystiques obligent de s'incliner devant l'illumination divine qui
leur a été accordée. Le monde a été meilleur du fait qu'ils ont vécu:
ils n'étaient donc pas des hallucinés.
Si maintenant nous nous tournons vers la Bible, nous y
constatons au plus haut point l'accord entre la vie mentale et la vie
pragmatique chez les porteurs de la révélation. Tous ont été des
hommes d'action. Non seulement les lumières apportées par les témoins
de Dieu dans l'histoire attestent un progrès continu--c'est comme un
jour qui se lève--, mais nous les voyons vivre d'une vie tellement en
harmonie avec l'enseignement révélé qu'ils apportent, que nous sommes
contraints de croire non seulement à leur sincérité et à leur
courage, mais au fait qu'ils ont représenté sur la terre une vie
supérieure à laquelle ils n'ont pu atteindre que parce qu'ils avaient
été touchés par l'Esprit. Comparez aux hommes parmi lesquels ils
vivaient des individualités comme Moïse, Elie, Jérémie,
Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Paul, et vous aurez tôt fait de
vous apercevoir que l'ordinaire humain ne suffit pas pour expliquer
de pareilles vies. Dieu était là; et, comme Jésus le dira un jour: la
sagesse a été justifiée par ses enfants.
Si la révélation relative s'incarnait relativement dans les
hommes de la Bible, co-ouvriers de Dieu pour le salut de l'humanité,
que dirons-nous de l'apparition de Jésus-Christ, couronnement de la
préparation révélatrice de vingt siècles chez les Abrahamides et
réalisation vivante de ce que les prophètes d'Israël avaient annoncé?
«On ne retrouve jamais chez Jésus, dit Strauss, des échos d'un passé
douloureux, comme chez saint Paul, Augustin, Luther; Jésus était une
belle nature qui se développa d'elle-même et s'accusa toujours plus,
sans qu'aucune conversion fût nécessaire.» Cet hommage rendu à la
personne du Christ par un des plus célèbres adversaires de la
révélation surnaturelle dans l'histoire, fournit à cette révélation,
sans qu'il le veuille, la preuve décisive de sa crédibilité. Puisque
Jésus, parmi les types les plus hauts de l'humanité, a été le seul
qui n'ait pas eu besoin de se convertir, puisqu'il a établi la
maîtrise morale de Dieu sur lui-même et par lui sur les autres, il a,
d'une façon unique et inexplicable par les moyens accoutumés, atteint
le but que Dieu s'était proposé en créant le monde. Il s'est
manifesté dans sa personne la révélation intégrale de Dieu: «Qui m'a
vu a vu le Père» (Jn 14:9). Dès lors, il n'y a plus rien à
révéler, et la religion par laquelle Jésus unit les hommes à Dieu est
bien la religion définitive. Après la clarté diffuse des cultes
rituels, après l'aube et l'aurore grandissante de la révélation dans
l'A.T., le soleil s'est levé et nous pouvons à sa lumière apprendre à
connaître toutes choses (Rothe). En même temps qu'il manifeste une
vie dont la sainteté n'a jamais été atteinte et dont l'influence
régénératrice donne la paix à notre âme, Jésus nous dit qu'il la
tient de Dieu et qu'elle est surnaturelle. C'est bien le moins que
nous le croyions.
5.
Méthode.
Il suffit de lire la Bible d'une lecture courante pour se rendre
compte que la révélation qu'elle renferme ne s'y présente ni comme
une philosophie ni comme une doctrine--encore qu'elle renferme une
philosophie profonde et une doctrine concluante--mais qu'elle se
manifeste dans des faits et dans les vérités qui reposent sur ces
faits. La révélation est une histoire progressive des initiatives de
Dieu et des réactions de l'homme dans le cadre de la vie d'un peuple.
Comment les rapports ont-ils commencé? Mystère. Les premières
pages de la Genèse en disent pourtant assez pour que nous ne
puissions confondre l'humanité primitive avec l'humanité sauvage
actuelle qui n'est qu'une dégénérescence. Il n'y a aucune raison de
douter que l'humanité a commencé comme l'enfant, innocente et
influençable, et que dans le début de son développement normal, Dieu,
son père, a pu nouer avec elle des rapports qui étaient un
commencement de religion. Nier cela sans raison, c'est réduire la
révélation à une perception instinctive--dont il faudrait encore
expliquer l'origine--et, en fait, ramener la religion à des concepts
humains. Or, comme le péché, la tendance au mal dans l'homme et les
attaches de celui-ci avec l'animalité sont des faits d'expérience,
tout concourt à nous faire supposer que si l'homme, malgré ses
dispositions naturelles, cherche Dieu et l'appelle, c'est qu'il l'a
une première fois rencontré.
De cette révélation primitive contrariée et interrompue par la
Chute, est sortie, par un immense détour, l'histoire des religions
humaines jusqu'à la vocation d'Abraham. Là commence une marche
ascendante qui différencie totalement l'histoire religieuse d'Israël
de l'histoire religieuse de ses voisins et parents. «Pourquoi, dit
fort bien Wellhausen, Kamos, le dieu de Moab, ne s'est-il pas mué en
Dieu de vérité et en créateur du ciel et de la terre?» Ce qui est
vrai de Kamos est vrai de tous les dieux adorés en Édom, en Phénicie,
en Caldée. Cette constatation suffit pour prouver la réalité de la
révélation divine de l'A.T, ainsi que son caractère historique et
progressif à travers l'évolution et les révolutions du peuple hébreu.
La révélation de l'A.T, n'était pourtant, suivant le mot de Paul,
que «l'ombre des biens à venir», tant il est vrai que la lumière
apportée par la révélation du N.T. en Christ a été le point
culminant, l'accomplissement de tout ce qui avait existé avant lui.
«Après avoir parlé à nos pères en divers temps et de diverses
manières par les prophètes, Dieu, en ces derniers temps, nous a parlé
par son Fils» (Heb 1:1). Cette thèse inaugurale de la lettre aux
Hébreux résume parfaitement ce qu'a été la révélation dans la
nouvelle alliance. Pas plus qu'on ne peut s'expliquer le processus de
l'idée de Dieu en Israël sans une révélation continue, on ne peut
s'expliquer la personne du Christ par l'histoire humaine et le jeu
des forces naturelles. La plus sûre philosophie est celle qui, devant
la psychologie du Christ, devant ses actes et devant son oeuvre,
postule la révélation de Dieu: la Parole incarnée en Jésus-Christ. En
effet, Jésus, dans sa morale, ne ressemble pas plus aux autres hommes
qu'Israël, dans sa religion, ne ressemble aux autres peuples.
La révélation, diffuse dans les religions païennes, précise et
directe dans l'histoire israélite,--Dieu ayant pris, en limitant sa
révélation à l'expérience d'un peuple, le meilleur moyen pour éviter
qu'elle ne se perdît dans le sable de l'humanité universelle et ne se
corrompît dans la multiplicité des interprétations que lui aurait
donnée la diversité des races et de leur génie--la révélation nous
est parvenue par un livre. Ici encore la méthode de Dieu apparaît
dans sa toute-sagesse. Les traditions orales sont toujours
flottantes, le temps les amplifie, l'imagination les défigure. La
révélation de Dieu, d'abord actes et paroles, est devenue écriture
Grâce à la révélation qu'elle renferme, la Bible ne ressemble pas
plus aux autres livres qu'Israël ne ressemble aux autres peuples ou
que Jésus homme ne ressemble aux autres hommes. L'élément divin est
là. Seulement, si nous voulons en tirer le bénéfice il faut nous
souvenir:
1° que la Bible n'est pas le compte rendu, le
procès-verbal d'une révélation, mais le récit de l'histoire dans
laquelle cette révélation a agi; 2 ° que Dieu dans sa révélation
à travers l'histoire hébraïque a parlé à chaque époque le langage que
cette époque pouvait comprendre, en sorte que telle révélation,
adéquate aux besoins de tel stade, n'est point par cela même adaptée
au stade suivant. Il en est de la révélation dans sa pédagogie comme
de la science dans ses recherches: la vérité se fait jour par une
succession de moyens sans cesse dépassés. C'est la loi du progrès qui
régit l'évolution des hommes. Nier que la révélation ait été
progressive, donner une valeur absolue à tout ce qu'elle a apporté,
appliquer à Abraham la même mesure qu'à saint Paul, c'est
compromettre la révélation dans son cours, en confondant ses éléments
permanents, éternels et justes, comme on en rencontre étape après
étape depuis le début de la Bible, avec les enseignements dispensés à
chaque période du développement pour les besoins immédiats de ce
développement, mais qui, si on veut les maintenir opérants dans
toutes les périodes subséquentes, ne manifestent plus que des
expériences périmées et perdent jusqu'à leur élément de justice. Un
seul livre dans la Bible est à l'épreuve de tous les temps et porte
la révélation absolue: c'est celui qui nous présente la personne du
Christ en qui s'est incarnée la parfaite révélation de Dieu.
Du fait d'avoir vécu à l'époque où cette révélation s'est
produite et d'avoir pénétré dans son intimité, du fait d'avoir été
choisis comme porteurs de cette révélation dans leur activité et dans
leurs écrits, l'ensemble des auteurs du N.T. ont bénéficié--tranchons
le mot--d'une inspiration qui ne s'est plus jamais retrouvée au même
degré et qui fait de leurs écrits les écrits normatifs de la religion
évangélique. Si quelqu'un en doute, qu'il lise la littérature du II e
siècle; qu'il sonde «l'abîme sans fond».Schaff) qui sépare les
oeuvres des Pères de l'Église des oeuvres des apôtres. Comme on l'a
fait remarquer, «la plus belle production du II e siècle, l'Épître à
Diognète, est incomparablement inférieure à n'importe quel livre du
Nouveau Testament; il n'y a pas de descente plus rapide dans
l'histoire que celle qui suit immédiatement l'âge apostolique. Nous
passons tout à coup d'écrits dont la puissance créatrice est
inégalée, à des écrits d'une pauvreté intellectuelle marquée...La
distinction habituellement faite entre les livres canoniques et le
reste est absolument justifiée» (Gwatkin).
Avec le N..T. l'ère de la révélation est close. Cette révélation
sera le point de départ du développement religieux et social au sein
des Églises chrétiennes qui se poursuit depuis vingt siècles et se
poursuivra encore par l'illumination accordée aux témoins de
Jésus-Christ. La raison humaine, la tradition chrétienne, les
institutions ecclésiastiques pourront, si on en use avec
discernement, aider puissamment à ce progrès dans lequel les Églises
s'efforcent de s'assimiler tout le contenu moral, social et religieux
de la révélation. Mais c'est toujours à la révélation biblique qu'il
faut en revenir, puisque aussi bien notre but est la stature parfaite
du Christ, du Christ des Écritures.
Il ne s'agit pas ici de fournir une théorie particulière de
l'inspiration (voir ce mot). L'inspiration des Écritures,
dépositaires de la révélation, participe du mystère de la vie. On la
constate, on ne la définit pas. La régénération spirituelle de ceux
qui y croient est son garant; leur activité en tant qu'imitateurs de
Christ assure son autorité. Aussi, malgré tous les assauts qui ont
été menés contre elle, cette inspiration spéciale et unique de la
Bible a-t-elle été proclamée à travers tous les âges par les Églises
chrétiennes, héritières et dispensatrices de la révélation.
6.
Aboutissement.
A quoi pouvons-nous reconnaître que la révélation a abouti? Nous
avons vu au cours de cette étude que la révélation avait pour but non
d'apporter aux hommes une philosophie plus vraie, une doctrine plus
haute, une morale plus sûre, des expériences plus étendues, mais
qu'en faisant tout cela elle visait plus loin que tout cela et
qu'elle prétendait apporter à l'homme la délivrance de son péché,
l'émancipation; l'unir à son Sauveur par l'énergie divine, faire de
lui l'enfant de Dieu, son adorateur, le co-ouvrier de ses desseins
sur la terre, en attendant qu'il soit l'héritier de sa gloire dans le
ciel. D'un mot, la révélation prétendait rendre à l'homme, toujours
troublé tant qu'il cherche sa fin en lui-même, sa fin en Dieu. Autant
dire que par la révélation l'homme retrouve la destinée que la Chute
lui avait fait perdre. Par le Christ, en qui la révélation
s'accomplit et se communique, l'homme est moralement en santé,
spirituellement en force, temporellement en triomphe, puisque, «si
l'homme extérieur se détruit, l'homme intérieur se renouvelle de jour
en jour», et que celui qui croit a, dès ici-bas, «la vie
éternelle» (2Co 4:16,Jn 6:47). Cet état de l'homme, transformé
par la révélation du Christ, fait naître en lui un sentiment
qu'Adolphe Monod a admirablement exprimé dans son cantique:
Que ne puis-je, ô mon Dieu, Dieu de ma délivrance, Remplir de ta
louange et la terre et les cieux, Les prendre pour témoins de ma
reconnaissance, Et dire au monde entier combien je suis heureux!
Une page de Bergson (ouvr. cit., p. 24) montre ici combien la
philosophie la plus moderne et la plus avertie rejoint aisément, sur
le terrain des réalités psychologiques et morales, les expériences de
la foi: «Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la
vie et sur la destinée de l'homme n'ont pas assez remarqué que la
nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle
nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte.
Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir...La
joie annonce toujours que la vie a réussi, qu'elle a gagné du
terrain, qu'elle a remporté une victoire: toute grande joie a un
accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si
nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout
où il y a joie, il y a création: plus riche est la création, plus
profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse,
parce qu'elle a conscience de l'avoir créé, physiquement et
moralement.»
La constatation que Bergson fait ici, Jésus l'avait faite il y a
deux mille ans lorsque, parlant des destinées célestes de ses
rachetés, pour le moment livrés aux tribulations sur la terre, il
disait: «Quand une femme enfante elle souffre parce que son heure est
venue, mais quand l'enfant est né elle ne se souvient plus de son
angoisse dans la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le
monde. De même, vous êtes maintenant dans la douleur, mais je vous
reverrai, votre coeur se réjouira et personne ne vous ravira votre
joie» (Jn 16:21 et suivant). Personne. La joie fondée sur les
choses de la terre est relative, le monde la détruit. La joie qui
naît du sentiment que notre destinée est atteinte dans la communion
du Christ est absolue, parce qu'en Christ la vie n'a pas de fin.
Voilà pourquoi Jésus, la veille de sa mise en croix, après avoir
expliqué à ses disciples qu'ils étaient désormais alimentés de son
Esprit comme le sarment est pénétré par la sève du cep, conclut: «Je
vous ai dit ces choses afin que ma joie soit avec vous, et que votre
joie soit parfaite» (Jn 15:11). La joie du chrétien, même dans
le sacrifice, dans le dépouillement, sa mort triomphante même dans la
plus douloureuse agonie, sont des preuves suprêmes que la révélation
aboutit à former ici-bas de nouvelles créatures, déjà citoyennes des
cieux. St Paul a chanté cet aboutissement dans l'hymne à la joie qui
clôt le chap. 8 de l'épître aux Romains. Alex. W.