ABÎME
Les versions françaises traduisent ainsi plusieurs mots hébreu et
grec dont le sens n'est pas exactement semblable.
Dans Ps 64:7 130:1, l'hébreu indique simplement ce qui est
profond; dans Job 26:6 28:22,Pr 15:11 27:20, s'ajoute l'idée
d'un lieu de destruction (le même mot est traduit par néant dans
Ps 88:12). Dans Esa 44:27,Jon 2:4, le terme désigne les
profondeurs de la mer (trad. par gouffre dans Ps 69:3; cf.
Job 41:22,Mic 7:19,Za 10:11).
En général, l'abîme dont il est question dans nos textes français
correspond à l'hébreu tehôm (en grec abussos), et signifie
aussi bien les flots de la mer qu'un gouffre profond, mais en tenant
compte des conceptions cosmologiques des anciens. L'abîme, c'est
l'océan qui a enveloppé autrefois la terre; Dieu l'a enfermé dans des
réservoirs qui depuis lors le contiennent (Ps 33:7, cf. Ge
7:11 8:2).
D'après une croyance commune aux Israélites et aux Babyloniens
(voir Cosmogonie), le Dieu créateur a dû soutenir un combat contre
l'océan et ses monstres (Ps 104,74:13). L'abîme est situé «en
bas», sous la terre (Ge 49:25); c'est un lieu désolé, sans
firmament par-dessus, sans fondement par-dessous (Hén. 18:12).
Le livre d'Hén., et les Apo en général, en font le lac de feu
destiné au châtiment du Malin et de ses suppôts, sous la surveillance
de l'ange Uriel; tel est le sens également de 2Pi 2:4, où
l'original emploie le mot de la mythologie grecque: Tartare.--Ces
flots de l'abîme représentent parfois les fleuves infernaux que la
croyance populaire plaçait sur le chemin du cheol (voir ce mot);
l'abîme devient ainsi l'une des parties du cheol, la pire de toutes
(Ps 88:12, cf. Ps 55:23).
Une conception très différente, empruntée aux idées populaires de
l'époque, se fait jour dans Lu 16:26; l'abîme, désigné ici par
un mot grec (chasma) qu'on ne rencontre que là, c'est le gouffre
profond qui sépare dans la mort les méchants et les justes. Les
images de cette parabole ne doivent pas être prises à la lettre;
elles ne sont en effet que le cadre extérieur et pittoresque de
pensées plus profondes. La parabole nous donne une leçon avant tout
morale et religieuse; elle nous rappelle qu'il faut songer au
prochain, non jouir égoïstement, et qu'il faut écouter les messages
religieux de ceux que Dieu nous envoie. Edm. R.