PROPITIATION

Plus peut-être qu'aucune autre notion religieuse, la notion de
propitiation est familière aux cultes païens. Le terme «propitiation»
désigne soit l'action d'apaiser le dieu irrité, de gagner la faveur
du dieu indifférent, soit les moyens employés pour parvenir à cette
fin. Chez celui qui la recherche, la propitiation implique la
conscience d'une faute ou le sentiment d'un abandon, avec, dans l'un
et l'autre cas, la persuasion que la bienveillance de la divinité à
qui la propitiation est offerte vaut d'être obtenue.

1.

Le Primitif a la conviction que son existence est enveloppée, dominée
par des puissances mystérieuses dont il connaît mal la nature et la
volonté, dont il redoute le mécontentement, avec lesquelles il sait
qu'il ne pourrait entrer en lutte. Maladies et déceptions, pertes
matérielles et blessures, tous les événements pénibles, tous les
accidents inopportuns sont la preuve du courroux de ces puissances;
la démarche la plus urgente et la plus sage est, évidemment, de les
amener à des dispositions plus sympathiques. Confondues avec les
forces de la nature au stade de l'animisme, conçues sous des formes
analogues au mode des individus humains au stade des religions
naissantes, l'homme a toujours le souci d'être en paix avec elles;
dans le premier stade il faut surtout éviter leur contact qui
troublerait l'existence, dans le deuxième stade il faut chercher leur
présence pour recevoir l'aide indispensable. Et c'est souvent par les
mêmes opérations: prières, offrandes, holocaustes, que l'homme essaie
d'obtenir tantôt l'éloignement, l'abstention des pouvoirs redoutés,
tantôt l'intervention, la collaboration des pouvoirs invoqués. La
propitiation se rapporte uniquement à la deuxième attitude. Elle est
un acte positif, à fond moral ou rationnel, même quand ses motifs
semblent contredire la morale ou la raison, par lequel le croyant
s'efforce d'entrer ou de rentrer en rapport avec son Dieu. Par là
elle se sépare nettement de tout ce qui ressortit aux multiples
manifestations de la magie et elle appartient à la religion
proprement dite.

Si les sentiments sont divers qui inspirent le Primitif, opposés
même selon les circonstances: crainte ou gratitude, désir de succès
ou de délivrance, intérêt général ou délivrance exceptionnelle, la
propitiation répond chez lui à l'un de ses instincts partout
manifesté.

Le civilisé antique est sur ce point frère du Primitif. Il suffit
d'évoquer la mythologie grecque et la mythologie romaine pour
enregistrer l'ampleur de la croyance à la nécessité et à l'efficacité
de la propitiation.

Le Grec, amoureux de la lumière et de la beauté, peuple l'Olympe
de dieux revêtus de beauté et de lumière, victorieux des vieux
Titans, présidant à la vie individuelle et sociale des humains. Très
loin de la morale, très près de l'homme, leurs passions éclatent
comme des orages et la destinée des habitants de la terre peut en
être bouleversée. La négligence à leur égard les offusque, la trop
grande félicité excite leur jalousie; l'homme n'est jamais assuré de
leur constance et de leur bonté. Malheurs personnels, ruines
familiales, défaites nationales sont imputés, par delà les causes
terrestres apparentes, à la volonté des dieux. La plus élémentaire
raison conduit à se prémunir contre leur déplaisir, à s'assurer leur
concours favorable ou tout au moins leur neutralité. Homère abonde en
descriptions de sacrifices d'animaux offerts aux divinités pour
gagner leurs bonnes grâces. En des heures solennelles, le sacrifice
prenant un caractère tragique opérait plus efficacement sur l'humeur
et l'action du dieu: il devenait un sacrifice humain. Agamemnon
cherche à effacer l'offense qui a blessé Diane en immolant sa fille
Iphigénie; Ménélas, bloqué par des vents contraires, offre quelques
adolescents égyptiens pour pouvoir continuer son voyage, et
Thémistocle offre trois prisonniers pour s'assurer la victoire avant
le combat de Salamine; quand sévissait la peste, l'oracle de Delphes
ordonnait habituellement un sacrifice expiatoire humain.

Plus portés vers l'ordre, la précision, la règle, les Romains se
plaisent à mettre chaque domaine de l'existence sous la direction
d'un dieu spécial, mais, ceci fait, ils restent à la merci de ses
dispositions changeantes. Les rites et les cultes devaient assurer
quelque continuité aux bienfaits des dieux. Et le jus divinum n'a
d'autre but que de procurer la pax deorum. Le plus ancien collège
de prêtres connu, «les frères arvales», appelait par des processions
en plein champ l'attention de la déesse de la terre; si un danger
imprévu, menaçant les moissons, montrait quelque relâchement dans la
protection attendue, le don de deux agneaux noirs passait pour la
raviver.

L'institution des flamines, origine d'un culte d'État, est
destinée à veiller à l'intérêt général, à côté des cultes privés par
lesquels les familles acquièrent l'appui des Pénates et des Lares. Le
plus grand bénéfice attendu des dieux était le maintien de «la paix
romaine». Comme les fautes à leur égard pouvaient être réelles
quoique involontaires, des cérémonies périodiques, les lustrations,
étaient destinées à purifier les êtres terrestres par des actes
symboliques empruntant l'eau ou le feu, à se concilier les êtres
célestes par l'offrande d'une victime. Les événements importants:
déclaration de guerre, mise à la voile d'une flotte, etc., étaient
précédés des mêmes précautions et des mêmes implorations. Lorsque,
par des signes funestes: tonnerre par temps clair, éclipses de
soleil, pluies de pierres ou de sang, etc., les dieux laissaient
comprendre leur dépit, il était d'usage de recourir pour regagner
leur mansuétude à des lustrations supplémentaires.

Plus tard, sous l'influence grecque, s'introduisirent de
nouvelles formes de propitiation, tels le lectisternium, festin
public servi aux divinités, la supplicatio, pèlerinage répétant
d'un temple à l'autre les appels à la clémence du ciel, le piaculum,
sacrifice qui comportait une notion nouvelle, la notion
de compensation pour l'atteinte portée à la majesté ou aux ordres des
dieux.

2.

Du plan naturel où se meut le Primitif, du plan social où se tient le
Grec, du plan légal où agit le Romain, l'A.T, passe au plan moral.
Dans l'A.T., les relations de Dieu et de l'homme ont lieu sous le
signe de la grâce divine. Israël n'est pas seulement en rapport avec
Dieu parce qu'il fait partie de la création, parce qu'il est membre
de l'humanité, parce qu'il est régi par le destin qui gouverne le
monde, mais parce que Dieu l'a appelé, l'a choisi; il est le peuple
élu; le lien général qui unit tous les êtres à Dieu, le Créateur, se
précise, se transforme en un lien spécial; entre Dieu et Israël il y
a une alliance. Cette faveur qui lui vaut d'insignes privilèges lui
fait porter, par réciprocité morale, une responsabilité accrue. Chez
lui la faute devient le péché; chez lui, plus que chez toute autre
race, la propitiation sera une nécessité. Nécessité d'autant plus
rigoureuse que si les dieux païens participent de la faiblesse
humaine, en contraste irréductible avec eux et avec elle, le Dieu
d'Israël est saint.

La sainteté est l'attribut spécifique de Jéhovah, le vrai Dieu,
le seul Dieu (Le 11:44 19:2 20:26 21:7,1Sa 6:20). L'élection est
un acte de sa libre miséricorde (Ps 15:2,Esa 5:16,Os 11:9). Elu
par Jéhovah, Israël a par ce fait le gage certain que son Dieu est à
son égard plein de bonté paternelle (Ex 4:22,Joe 2:13,Esa 1:2).
Mais parce que Jéhovah est saint, il s'oppose irrémissiblement à
toute compromission avec le mal; il abandonnera donc à lui-même le
pécheur si le pécheur ne se repent, il condamnera toute forme et
toute manifestation d'idolâtrie, et l'A.T, parlera de la jalousie de
Dieu, de la colère de Dieu (voir ces mots).

Le Dieu saint exige, par suite, qu'Israël, son peuple, devienne
lui-même saint. L'effort vers la sainteté sera, chez l'Israélite, la
véritable réponse à l'appel de Dieu; un effort qui implique la
consécration progressive et constante de la personne et de la vie,
c'est-à-dire un effort trop grand pour l'homme si l'homme est seul à
le poursuivre. De là vient la grande place donnée dans la loi de
Moïse aux sacrifices par lesquels l'homme confesse sa culpabilité et
traduit son besoin de pardon.

Cette interprétation ne va pas sans discussion dans la pensée
moderne. A entendre quelques théologiens, et surtout les disciples de
Ritschl, le sacrifice mosaïque est essentiellement un témoignage de
bonne volonté, bien moins un aveu de péché qu'un engagement de rester
fidèle à l'alliance divine. Dès lors il conviendrait de rectifier la
traduction des LXX qui a rendu le verbe hébreu kipper =couvrir,
par le verbe gr. hilaskesthaï =rendre propice. L'Israélite,
membre de l'alliance, savait qu'à ce titre il possédait la
bienveillance de Dieu, et que, s'il persévérait, autant que faire se
pouvait, dans les observances religieuses, morales, civiles que ce
titre entraînait, Dieu lui garderait et lui multiplierait sa
bienveillance. Mais il ne cessait pas, cependant, d'être un homme,
une fragile créature, si fragile qu'il ne saurait s'approcher à
découvert de Jéhovah, du Tout-Puissant, sans être anéanti par la
majesté et la gloire divines. Aussi, quand il entre dans le
sanctuaire où siège son Dieu, l'Israélite se couvre-t-il, se
protège-t-il en interposant le sacrifice comme une sorte de bouclier
entre sa misérable faiblesse et l'omnipotence redoutable du Très-Haut.

Quelques textes, si on les détache de leur contexte, donnent un
semblant de base à cette métaphysique (De 5:23,25,Ex 23:20,1Sa
6:19 et suivant). Celle-ci est étrangère à l'esprit et à la lettre
des péricopes visées.

Schématiquement, les sacrifices (voir ce mot) dans l'ancienne
alliance se rangent en deux classes: les holocaustes et les
offrandes. L'holocauste consistait dans le sacrifice d'une victime;
une offrande s'y ajoutait, mais le sacrifice était l'acte
prédominant. L'offrande consistait dans le don de certains produits
de la terre. Partie très importante de la religion mosaïque, ils sont
ordonnés, réglés avec un soin minutieux, et placés sous l'autorité
d'hommes spécialement éduqués: les sacrificateurs.

Le rite des holocaustes était constant: l'Israélite amenait la
victime à l'entrée de la tente d'assignation; il lui imposait les
mains; l'immolation suivait, accomplie par le donateur lui-même,
d'après Le 1:3, ou le plus souvent par le sacrificateur. Parmi
les diverses phases de la cérémonie dont beaucoup sont secondaires,
l'imposition des mains est à remarquer. Elle est le centre religieux
de ce grand acte du culte, et, sauf erreur, un geste original
appartenant en propre à la religion d'Israël. On a voulu y voir le
symbole de la substitution de l'animal à l'homme, d'un animal
rituellement pur à l'homme moralement impur, celui-ci se déchargeant
de ses péchés sur celui-là, celui-là étant mis à mort à la place de
celui-ci. D'une part, les textes n'appuient pas cette hypothèse.
D'après Le 1:4, l'imposition des mains a lieu afin que la
victime soit agréée en faveur de celui qui l'offre. Les textes,
d'autre part, ne fournissent de façon explicite aucune explication
théorique. Mais l'imposition des mains (voir art.) est, en général,
un signe de consécration, et le contexte du Lévitique rend cette
interprétation préférable à toute autre. L'Israélite attestait qu'il
présentait, d'un coeur contrit, l'holocauste, en témoignage à la fois
des fautes qu'il avait commises et de son espoir dans la bonté de
Jéhovah.

Des holocaustes avaient une signification déterminée: holocaustes
de louanges, ils rendaient grâces pour une bénédiction exceptionnelle
et, semble-t-il, inattendue; holocaustes de reconnaissance, ils
avaient le même sens que les précédents mais se rapportaient à une
délivrance sollicitée et accordée; holocaustes volontaires, ils
traduisaient une ferveur spontanée, un sentiment de libre gratitude à
côté des manifestations prévues par la Loi.

L'holocauste pour le péché avait une haute valeur religieuse. Il
impliquait, comme les autres, la conscience des transgressions dont
l'homme s'était rendu coupable; ils s'accompagnait, en outre, d'une
confession publique de ces transgressions, les unes concernant les
manquements connus à la Loi, les autres consistant en violations
commises par pure imprudence ou même commises sans le savoir.

Vis-à-vis de la majesté sainte de Jéhovah, l'homme ne savait
jamais être juste; l'holocauste pour le péché proclamait cette tare
originelle, universelle et représentait une sorte de réparation. Les
rites spéciaux du «Jour des Expiations» se rattachent à l'holocauste
pour le péché; ils rappelaient non plus à l'individu concret mais au
peuple entier, et aux grands-prêtres eux-mêmes, l'indispensable
nécessité de veiller pour ne pas offenser Jéhovah.

Parmi les offrandes, les unes étaient collectives comme celle des
prémices de la moisson présentées pendant la Pâque, ou celle des
pains de proposition présentés pendant le sabbat; les autres étaient
personnelles, comme celle qui chez les indigents était donnée à la
place d'une colombe, ou celle que le prêtre devait apporter après sa
consécration, ou encore celles qui étaient faites pour souligner le
prix attaché à un voeu (voir ce mot).

Indépendamment du sens particulier de tel ou tel acte déterminé
du culte, un sens général se retrouve dans tous, aussi bien dans les
offrandes les plus simples que dans les plus grands holocaustes.
Offrande et holocauste étaient, du côté de l'homme, un sacrifice
selon la signification littérale du terme, un acte qui coûtait
quelque chose, qui entraînait une privation, un renoncement. C'est un
mâle qu'il faut choisir pour l'holocauste, un mâle sans défaut pris
parmi les animaux purs. Et l'offrande n'est jamais faite avec des
fruits que la terre produit spontanément, mais avec des fruits dus au
travail de l'homme. Le besoin indispensable de la faveur de Jéhovah,
l'importance de ne pas l'aliéner quand on la possédait, de la
reconquérir quand on l'avait perdue, en d'autres termes le permanent
besoin de propitiation est la grande pensée inspiratrice de tout le
rituel du Lévitique; avec des contours plus ou moins nets mais
partout discernables, elle forme l'unité fondamentale des multiples
cérémonies, elle en est l'explication générale.

Sans doute la privation, le renoncement, conséquences de
l'holocauste et de l'offrande, sont en grande partie d'ordre
matériel. Tels quels ils conduisaient Israël, ils le préparaient à un
stade plus élevé, à la privation et au renoncement d'ordre moral.
Sans ces derniers, les premiers couraient le risque grave de
satisfaire non pas Dieu mais l'homme; le sacrifice qui coûtait à
l'homme pouvait devenir un sacrifice qui rapportait si la faveur de
Jéhovah était due en retour, si l'alliance était conçue comme un
contrat où l'homme donne pour que Dieu rende. C'était là l'opinion
païenne, c'était l'opinion qui menaçait de ruiner le progrès
religieux d'Israël: une propitiation qui jouerait automatiquement,
mécaniquement, et créerait pour l'homme une sorte de droit sur Dieu,
obtiendrait le pardon et le secours non de l'amour de Dieu mais en
vertu d'une obligation exercée sur la volonté divine.

La lutte contre cette funeste déviation fut l'une des tâches du
prophétisme. Le message des prophètes a un double contenu: positif
quant à la révélation plus complète de la nature et du but de Dieu,
négatif quant à la réaction inlassable contre le sacrilège du
matérialisme utilitaire de la piété, contre la réduction des rapports
avec Dieu à des actes rituels. Amos (Am 5:22) dira: «Quand vous
me présentez des holocaustes et des offrandes je n'y prends aucun
plaisir»; Osée (Os 6:6) différenciera religion et culte: «J'aime
la piété et non les sacrifices»; Ésaïe (Esa 1:11) proclamera le
néant des cérémonies légales: «Qu'ai-je à faire de la multitude de
vos sacrifices!»

Avec les prophètes, en même temps que la notion de péché
s'individualise, que la notion de personne morale s'approfondit, la
notion de propitiation, logiquement, dépasse le domaine rituel pour
occuper le domaine spirituel. Et l'Eternel fait miséricorde non parce
que l'homme observe des jours de fête ou des prescriptions légales,
mais parce que l'amour divin est l'unique motif de la création et de
l'élection. Assurément, cet amour ne se répand pas au hasard, n'agit
pas sans discernement comme une force de la nature; parce qu'il est
l'amour du Dieu qui est toujours le Dieu trois fois saint, il exige
certaines conditions que le coeur humain doit remplir; ces conditions
elles-mêmes sont devenues dans le prophétisme purement spirituelles,
et ce sont la repentance, la prière, la contrition, la foi,
l'espérance qui sont les moyens d'obtenir la propitiation.

Un autre moyen apparaît, pour la première fois, chez les
prophètes et, çà et là, dans les Psaumes, qui va prendre une valeur
notable: la souffrance. Le lien est, psychologiquement, naturel entre
le péché, la souffrance et la propitiation. Puisque le péché a pour
conséquence et pour châtiment la souffrance, il est normal que la
souffrance soit, en un sens, comme une expiation du péché, et, par
suite, procure en quelque sorte une propitiation pour ce péché. Mais
ce point de vue intellectuel n'est pas celui des prophètes: c'est du
seul point de vue moral qu'ils envisagent le rôle de la souffrance;
et ce sont essentiellement, peut-être même uniquement, les
souffrances des justes qui ont une valeur propitiatoire; les
déclarations du chap. 53 d'Ésaïe en sont le plus illustre et le plus
émouvant témoignage.

3.

Le N.T. résume et unifie tous les modes et moyens de propitiation en
Jésus-Christ, et la propitiation n'est pas seulement mise en rapport
avec sa personne et avec son oeuvre, mais elle est placée dans leur
dépendance immédiate.

Les termes techniques qui l'expriment sont cependant très rares
dans les livres de la nouvelle alliance, bien plus rares que dans
ceux de l'ancienne alliance. Le verbe hilaskesthaï =rendre
propice, ne se rencontre que deux fois: «O Dieu, sois propice envers
moi...», prie le péager (Lu 18:13); «Il fallait un grand-prêtre
semblable à ses frères pour faire la propitiation des péchés du
peuple» (Heb 2). Les substantifs dérivés ne sont pas plus
fréquents; hilasmos est employé deux fois: «Jésus-Christ est une
propitiation pour nos péchés et pour les péchés du monde
entier» (1Jn 2:2); «Dieu nous a aimés et a envoyé son Fils comme
une propitiation pour nos péchés» (1Jn 4:10); hilastèrion
est employé deux fois également: «Dieu a destiné Jésus à être une
propitiation» (Ro 3:25); Heb 9 5 ne concerne pas
Jésus-Christ, mais décrit le tabernacle et mentionne le couvercle
d'or de l'arche comme «propitiatoire».

Toutefois ce petit nombre de vocables ne signifie pas le peu
d'importance de la réalité. La propitiation fait corps, dans les
données des évangiles et des épîtres, avec la rédemption. La
rédemption est le vocable le plus compréhensif; il désigne le fait du
salut dans sa portée sans limites, englobant le passé; le présent et
l'avenir, rénovant l'homme et la nature, le corps et l'âme,
s'étendant au peuple d'Israël, au peuple de la nouvelle alliance, à
tous les peuples de la terre. La propitiation est un moment de cette
seconde création qui s'appelle la rédemption.

De plus, la propitiation ne se distingue que difficilement de
telle autre notion relative à l'action de Jésus-Christ, et, entre
autres, de la notion de réconciliation. Paul déclare: «Par
Jésus-Christ nous avons obtenu la réconciliation avec Dieu» (Ro
5:11); «Dieu a réconcilié le monde avec lui en Christ» (2Co
5:19). Le verbe grec de ce dernier texte, katallasseïn, a le
sens premier et général: modifier une situation de manière à
l'améliorer, modifier un rapport de manière à le restaurer, à
l'affermir. C'est là, exactement, le résultat de la propitiation. On
a quelquefois entendu la propitiation comme une cause de la
réconciliation, en alléguant que la réconciliation est un résultat
obtenu sans indication du moyen pour l'obtenir; la distinction est
spécieuse car il en est de même de la propitiation; le moyen par
lequel a été procurée la propitiation demande à être déterminé tout
comme le moyen par lequel a été procurée la réconciliation. Or, le
N.T. fait provenir propitiation et réconciliation non seulement du
même auteur, Jésus-Christ, mais du même acte, le sacrifice de
Jésus-Christ.

Enfin il paraît vraiment inutile d'essayer de dissocier la
propitiation et la substitution, la substitution qui répond mieux que
l'expiation à la langue et à la pensée du N.T. (voir Expiation).
L'une et l'autre notions indiquent identiquement ce qu'a été l'oeuvre
historique de Jésus-Christ, expliquent de la même manière le
«comment» de la rédemption. L'analyse des textes le montre
clairement. Un théologien très conservateur, Grétillat, a écrit:
«Nous adoptons le terme de propitiation de préférence à celui qui est
le plus usité en français, expiation, comme traduisant plus
exactement les termes bibliques.» (Dogmatique, t. IV, p. 276.)
Non seulement les termes sont synonymes mais les faits sont
interchangeables: la propitiation s'est opérée par la substitution de
Jésus-Christ à l'homme, la substitution de Jésus-Christ à l'homme a
été une propitiation.

Il convient donc de tenir compte, en étudiant la propitiation,
des passages contenant la chose bien qu'ils ne contiennent pas le
mot. Ceux qui mentionnent la propitiation suffisent d'ailleurs à
établir l'interdépendance affirmée. (Pour Ro 3:25, voir
Expiation)

De Lu 18:13 ressort seulement, mais nettement, que la seule
prière exaucée est celle qui est tout d'abord une confession des
péchés, un appel à la grâce de Dieu pour que Dieu daigne se montrer
propice. La nécessité de la propitiation pour l'homme, pour tout
homme, y compris les prétendus justes, est implicitement enseignée.

Le contexte de Heb 2:17 développe cette thèse que pour
porter secours à la race d'Abraham, le Propi-tiateur devait devenir
membre de cette race, et, puisque ceux-ci ont en partage la chair et
le sang, avoir lui-même la chair et le sang en partage (verset 14).
Comme si cette caractéristique ne suffisait pas, il répète: «Il
fallait qu'il fût semblable à ses frères en toutes choses» (verset
17). «En toutes choses» (=kata panta) est absolu. C'est une
réelle humanité que celle du Christ. Elle ne consiste pas à revêtir
la personne de Jésus d'une forme différente, d'un organisme charnel
voilant une nature secrète; le Christ traverse les souffrances et les
épreuves (Heb 2:18) et même les tentations (Heb 4:15) qui
affectent la simple humanité; la similitude touche à l'identité.
Pourquoi cette transformation de celui qui était «le reflet de la
gloire de Dieu et l'empreinte de son être» (Heb 1:3),
transformation qui est considérée comme obligatoire: «il
fallait»? (Heb 2:17) «Afin d'être, répond l'épître, un souverain
sacrificateur miséricordieux et fidèle auprès de Dieu pour faire la
propitiation des péchés du peuple.» Cette propitiation n'était donc
possible que si Jésus était devenu homme, que si Jésus homme, à la
place de ses frères, obtenait pour eux la réconciliation qu'ils ne
pouvaient par eux-mêmes obtenir. Substitution et propitiation ne vont
pas l'une sans l'autre; l'une et l'autre présentent sous deux aspects
le même acte de renoncement et d'amour.

Les deux textes 1Jn 2:2 4:10 sont commentés plus que
traduits par certaines versions avec la périphrase «victime de
propitiation»; le grec porte le seul terme hilasmos,
propitiation; Jésus est la propitiation. Sans doute, le commentaire
s'accorde avec l'ensemble de l'épître, mais il est incomplet et la
traduction littérale est seule correcte.

1Jn 2:1 invite les destinataires de la lettre à ne point
pécher. Ce conseil a le caractère formel d'un commandement. Pourtant
les lecteurs auxquels l'auteur le donne gardent, à côté de leur foi,
l'originelle et insurmontable faiblesse, et le péché proscrit jette
son ombre et exerce sa domination même sur la voie de la
sanctification. Mais il faut bannir, malgré cette humiliante
expérience, tout découragement, car si le croyant pèche encore, il a,
auprès du Père, un garant, un répondant, Jésus-Christ le Juste.
Jésus-Christ le Juste est qualifié pour ce rôle d'intercesseur, de
médiateur, parce que, d'après 1Jn 2:2, il est «la propitiation
pour nos péchés». Dans l'A.T, la personne qui opère la propitiation
et l'offrande qui sert de propitiation sont séparées; la séparation
s'efface dans l'épître aux Hébreux; dans le johannisme l'effacement
de la séparation est achevé: le Christ est à la fois propitiateur et
propitiation. Voilà pourquoi le sens du texte est affaibli si l'on
traduit hilasmos par «victime de propitiation», car Jésus-Christ
n'est pas seulement la rançon offerte, il est aussi celui qui offre
la rançon.

Sans se servir du mot technique, l'évangile de Jean exprime une
idée analogue par l'image de (Jn 1:29): «Voici l'agneau de Dieu
qui ôte les péchés du monde.» D'autre part, l'action du Propitiateur
s'exerce encore après l'accomplissement de la propitiation
historique; elle est analogue à l'intervention que Jésus promet à ses
disciples (Jn 14 et Jn 16), à l'intercession que mentionne
l'épître aux Hébreux: (Heb 7:25) «Jésus peut sauver parfaitement
ceux qui s'approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour
intercéder en leur faveur», à la médiation dans laquelle Paul pose
l'un des fondements de la certitude chrétienne: «Qui condamnera?
Jésus-Christ est mort, bien plus il est ressuscité, il est à la
droite de Dieu et il s'entremet pour nous» (Ro 8:34).

La propitiation concerne les péchés des croyants et «les péchés
du monde entier», de tout le cosmos. L'opposition entre le croyant et
le monde ne vise pas chez Jean, comme souvent chez Paul, les
chrétiens et les Juifs, mais les chrétiens et les païens, les «brebis
du bon Berger» et les autres membres de la race humaine. Les lecteurs
de l'épître étaient en grande partie sortis du paganisme; le
particularisme juif n'avait point de sens pour eux et n'était point
un péril. Mais ils ne devaient pas se considérer eux-mêmes et leurs
frères en la foi comme les seuls élus, se prévaloir comme d'une grâce
à eux seuls accordée de l'état de choses nouveau instauré par le Fils
de l'homme; toutes les créatures étaient appelées avec eux et comme
eux à participer au salut, avec eux et comme eux elles étaient mises
au bénéfice de la propitiation de Jésus-Christ. L'universalisme
relatif à la propitiation rejoint l'universalisme relatif à la
rédemption; ce tout universel a évidemment des parties universelles;
limitée au moment de sa réalisation historique, comme tout fait
concret accompli sur la terre, la propitiation n'a de limites ni dans
le temps ni dans l'espace; Jésus-Christ a été et il demeure le
Propitiateur pour le monde entier.

1Jn 4:10 ramène la propitiation à sa source première: elle
est une attestation de l'amour de Dieu, elle vient de l'amour de
Dieu. L'épître est ici encore un écho de l'évangile: «Dieu a envoyé
son Fils comme propitiation pour les péchés.» Il faut souligner
l'affirmation capitale que ce n'est pas la propitiation qui éveille
ou attire l'amour de Dieu. Il y a un renversement complet entre la
conception païenne qui regarde la faveur de la divinité comme une
récompense, ou tout au moins comme une réponse, et la conception
chrétienne qui situe en Dieu toute initiative. Ce n'est donc pas la
propitiation qui nous vaut l'amour de Dieu, c'est l'amour de Dieu qui
nous vaut la propitiation. Ni oeuvre, ni offrande, ni mérite, ni
prière, ni sacrifice n'émeuvent le coeur de Dieu pour le rendre
miséricordieux; c'est du coeur du Père, c'est de sa miséricorde
éternelle que viennent la révélation et la rédemption. «Ce n'est pas
nous qui avons aimé Dieu, mais c'est lui qui nous a aimés et a envoyé
son Fils comme propitiation.» Il y a assez de lumière dans cette
parole pour se borner à la citer.

4.

Pourtant la déclaration de Jean et les multiples déclarations
analogues, si elles sont évidentes en elles-mêmes, posent un
problème: puisque Dieu est l'initiateur de la propitiation opérée par
le Christ, comment la propitiation opérée par le Christ est-elle
offerte à Dieu? Si, avant toute propitiation, Dieu nous aime, quelle
est la nécessité, quelle est l'utilité de la propitiation?

L'union à rétablir entre Dieu et l'homme n'a pas été rompue des
deux côtés; les témoignages bibliques sont unanimes à faire porter à
une seule personne, à la personne de l'homme, la responsabilité de la
rupture. Paul, qui formule avec le plus d'ampleur et résout avec le
plus de netteté le problème de la réconciliation, ne parle nullement
d'un changement qui doit survenir dans les dispositions de Dieu. On
l'a vu, réconciliation et propitiation sont des notions similaires.
La propitiation, la réconciliation ne rendent pas Dieu autre qu'il
n'était auparavant; c'est. d'un changement dans les dispositions de
l'homme qu'il s'agit; la propitiation, la réconciliation modifient la
situation de l'homme vis-à-vis de Dieu.

2Co 5:17,19 rattache le renouvellement de toutes choses à sa
cause première qui est le dessein de Dieu et résume ce renouvellement
dans la réconciliation. Le rôle du propitiateur, du médiateur, est à
peu près passé sous silence, et seules sont en présence les deux
parties: Dieu et l'homme. En présence mais non opposées, car une
seule partie est hostile, l'homme, et c'est l'autre partie, c'est
Dieu qui, voulant gagner sa créature pécheresse, entreprend de
rétablir des rapports nouveaux avec elle, c'est Dieu qui opère
lui-même ce rétablissement. Le verset 19 insiste sur le fait que si
le Christ est le moyen dont Dieu s'est servi pour racheter
l'humanité, Dieu cependant et Dieu seul a résolu, a conduit
l'entreprise de la nouvelle création. «Tout vient de Dieu qui nous a
réconciliés avec lui par le Christ.»

Par contre, Eph 2:13,16 met au premier plan la personne du
Propitiateur. La situation est la même que dans le texte précédent:
un éloignement, une séparation dont l'homme est le mauvais ouvrier et
qui le laissent «sans Dieu et sans espérance dans le monde». Pareille
aussi est la tâche: détruire l'inimitié, réconcilier avec Dieu. Le
Christ l'assume, la porte à la perfection par son sacrifice; le verbe
composé du verset 16, apokatallasseïn, renforçant l'idée du verbe
simple, note que la propitiation, la réconciliation, a été complète.
L'oeuvre du médiateur est définitive. Elle ouvre à jamais «un accès
auprès du Père»; elle est universelle: les païens comme les Juifs
sont «membres de la famille de Dieu» (verset 19). Mais sous quelque
forme qu'elle soit présentée, quels que soient les détails
historiques plus ou moins mis en relief, la propitiation a une
origine identique, et le contexte la rappelle quand le texte ne
l'indique pas expressément; c'est «la richesse de la miséricorde de
Dieu», c'est «le grand amour dont il nous a aimés» (Eph 2:4) qui
motivent l'apparition du Propitiateur dans le monde.

Col 1:19 juxtapose l'action de Dieu que relève 2Co 5:18
et suivants et l'action du Christ que relève Eph 2:13 et
suivants
: «Il a plu à Dieu de réconcilier en Christ toutes choses
avec lui-même.» En Christ, par le moyen, par l'intermédiaire du
Christ. La propitiation du Christ est la cime culminante dans la
chaîne des faits de l'histoire du salut. Celle-ci commence avec la
chute de l'homme, se poursuit dans le paganisme où le souci de rendre
la divinité propice tourmente la conscience naturelle, se précise
dans le peuple d'Israël où la législation et le culte mosaïques
révèrent le vrai Dieu, révèle l'oeuvre même de Dieu dans l'oeuvre de
Jésus de Nazareth. Elle se perpétue ensuite de siècle en siècle,
s'élargit jusqu'aux extrémités de la terre, atteint les bornes de
l'univers, mais la propitiation du Christ met du définitif dans le
cours incessant des choses, du divin immuable dans les actions et les
réactions des hommes. Avant le Christ il n'y avait que du
préparatoire, il n'y a rien de nouveau après le Christ, parce que
dans le Christ et par le Christ Dieu intervenait personnellement. La
doctrine religieuse vraie sera essentiellement l'explication de
l'enseignement du Christ; l'activité religieuse féconde sera
principalement la propagation et l'imitation de l'action du Christ.
Le plan de Dieu n'est pas modifié mais du côté de Dieu,
objectivement, il est totalement accompli; il se réalise,
subjectivement, du côté de l'homme, par degrés, par étapes. Et dans
cette progression qui se continue par «le ministère de
réconciliation», selon l'expression paulinienne, non seulement la
volonté de Dieu qui a décidé et la volonté du Christ qui a effectué
la propitiation demeurent solidaires, mais elles sont confondues, et
si bien qu'en scrutant l'intervention divine dans le monde ou dans
son propre coeur, le croyant ne saurait discerner ce qui vient de
Dieu et ce qui vient du Christ.

Or la constatation que selon le N.T. (dont il serait superflu de
multiplier les citations parce qu'elles se répètent simplement l'une
l'autre) et selon l'expérience religieuse, Dieu est tout ensemble
celui qui veut et celui qui procure la propitiation, rend plus
inévitable l'interrogation déjà énoncée: pourquoi la propitiation?

5.

C'est que le Dieu de la Bible et le Dieu de la conscience morale est
justice comme il est amour. Si c'est l'amour qui est le plus souvent
invoqué dans le N.T., si même, par comparaison, la justice semble peu
citée, elle n'en apparaît pas moins comme un attribut majeur de Dieu.
Considérée chez l'homme, la justice est la conformité à la loi;
considérée chez Dieu, la justice est le maintien de la loi, la
garantie du respect qui lui est dû et de la domination qu'elle doit
exercer. Dans l'A.T, ou dans le N.T. la justice n'est pas envisagée
dans l'abstrait, métaphysiquement, mais comme une caractéristique de
l'attitude de Dieu vis-à-vis des hommes, dans le concret, moralement.
Inséparable de la sainteté dans l'A.T., elle est pour le N.T.
1nséparable de l'amour. Ici et là elle est l'un des mobiles de
l'action de Dieu, l'un des aspects de cette action. La justice
intervient pour garder les fidèles, pour avertir les pécheurs, et
dans l'un et l'autre cas elle réagit contre les influences opposées
au plan de Dieu concernant le destin de l'humanité.

L'influence contraire, qui résume, renferme, engendre toutes les
autres, celles-ci n'étant que ses manifestations diverses, est le
péché (voir ce mot). Le péché est ce que Dieu ne voulait pas puisque
le péché est la ruine de l'harmonie de la création; il est ce que
Dieu ne saurait admettre puisque le péché est la contradiction de la
sainteté constitutive de l'être de Dieu et du but assigné à la
créature humaine. L'A.T, prescrivait: «Soyez saints car je suis
saint» (Le 19:2); le N.T. redit: «Soyez parfaits comme votre
Père céleste est parfait» (Mt 5:48). L'homme étant libre, a
refusé de tendre vers cet idéal, il est devenu pécheur; il ne peut
désormais cesser d'être pécheur; il est par suite éloigné à jamais de
Dieu.

Or, parce qu'il est saint, Dieu ne saurait pactiser avec le péché
en restant en relation avec l'homme pécheur. Il est exact de soutenir
que le péché a étendu sa répercussion jusqu'à Dieu; à cause du péché,
Dieu, en vertu de sa justice, demeure séparé du pécheur,
transgresseur de sa loi; Dieu se contredirait lui-même si, au nom
même de la loi qu'il a établie, il ne réagissait pas contre celui qui
la viole. Cette réaction de Dieu, énergiquement soulignée dans
l'A.T., l'est de même dans le N.T.; elle y est pareillement désignée
par les termes éminemment expressifs de «colère» (Ro 9:22,1Th
5:9), «inimitié» (Ro 5:10), qui traduisent l'incompatibilité
absolue de la volonté de Dieu et de la conduite de l'homme. Il y a
entre elles une opposition que la sainteté ne saurait accepter, que
le péché ne saurait surmonter. Dieu ne peut pas ne pas vouloir ce
qu'il a voulu dès l'origine: voir l'homme lui devenir semblable en
s'élevant vers la sainteté; et l'homme ne peut pas se dégager de son
péché, même s'il s'y efforçait, pour se réconcilier avec Dieu.

Il faut que, d'une part, pour reprendre ses rapports avec
l'homme, Dieu constate que cet homme a obéi à la loi de sa destinée,
a atteint la sainteté, et d'autre part il faut, pour appeler Dieu,
que l'homme sache Qu'en dépit de son péché Dieu lui est propice. La
double condition est pour l'homme une double impossibilité. C'est par
Jésus-Christ que la double impossibilité est surmontée. A la place de
l'homme, Jésus homme réalise la sainteté proposée à l'homme, et
l'homme sait qu'au nom de Jésus homme, Dieu pardonne et accueille
(voir Expiation). Jésus est le Propitiateur qui rétablit entre Dieu
et l'homme l'union rompue par le péché, qui ouvre un libre cours à
l'amour du Père en lui ramenant ses fils prodigues.

Et bien que Dieu ait l'initiative de la propitiation (c'est de sa
part que le Christ vient dans le monde), bien que Dieu soit lui-même
auteur de la propitiation (Il agit avec le Christ et par le Christ),
cependant il est vrai de soutenir qu'en un sens, Dieu par
Jésus-Christ devient propice à l'homme. Comme le péché a étendu sa
répercussion sur Dieu, la propitiation a sur Dieu un effet direct.
Par Jésus-Christ, l'homme saint qui présente à Dieu sa sainteté pour
les hommes ses frères, Dieu que le péché éloignait s'est rapproché de
l'homme, Dieu qui réagissait contre le péché s'est réconcilié avec
l'homme, Dieu que le péché arrêtait, tout en demeurant le Dieu juste,
témoigne directement son amour à l'homme. Il y a donc une
transformation dans les rapports de Dieu avec l'humanité, sans que,
d'ailleurs, une atteinte soit portée à l'immutabilité du «Père des
lumières, en qui il n'y a aucune variation ni ombre de
changement» (Jas 1:17). Car la pensée de la rédemption est une
pensée éternelle de Dieu. Si la prévision de la chute est inséparable
du don de la liberté à l'homme, la prévision de la réparation est
inséparable de la création de l'homme susceptible de pécher. L'amour
infini de Dieu qui appelait l'homme à la vie ne l'abandonnait pas sur
la route de la mort; la propitiation est l'accomplissement en un
moment déterminé de l'histoire, par un moyen historique déterminé, de
la volonté toujours la même de Dieu: recevoir dans sa grâce l'homme
qui aura consenti à se laisser sauver. And. A.