PHILISTINS

1.

Géographie.

Le pays des Philistins comprenait, d'après Jos 13:2 et suivant,
la plaine maritime s'étendant de la frontière égyptienne au Sud
jusqu'à Ékron au Nord et possédait cinq villes principales. (cf.
1Sa 6:17) Il est probable qu'à certaines époques leurs domaines
s'étendaient jusqu'au Carmel. Leur nom, depuis la période grecque,
désigne cependant tout le pays de Canaan (Palestine). Avant l'arrivée
des Philistins, le pays était habité par des Sémites; les villes de
Gaza, Ascalon (fig. 195), Gath. Guézer, et d'autres encore, sont
nommées dans la correspondance de Tell el-Amarna (vers 1400 av.
J.-C.); c'est par anticipation et anachronisme que les Philistins
sont cités dans Ex 13:17 15:14, où nos anciennes versions ont lu
inexactement: la Palestine.

2.

Origine.

Vers 1196, d'après une inscription du pharaon Ramsès III, les
Philistins (Pourasati) et d'autres peuples de la mer pénétrèrent avec
leurs bateaux dans le delta du Nil, tandis que les Libyens
attaquaient l'Egypte de leur côté. Trois ans plus tard, il y eut une
nouvelle tentative d'invasion, qui échoua également: partant de la
côte méridionale de l'Asie Mineure, les Philistins et d'autres
peuplades avancèrent vers l'Egypte le long de la mer; ils ravagèrent
le royaume hittite (qui disparaît à cette date), Carkémis, Arvad,
Chypre, la Syrie. Repoussés par Ramsès III, les Philistins occupèrent
le littoral de Canaan peu de temps après l'invasion des
Israélites.--D'après Am 9 7 , (cf. Jer 47:1,De 2:23,Ge
10:14) Caphtor serait le pays d'origine des Philistins. Caphtor
semble désigner la Crète (cf. les Keftyv, Crétois, des documents
égyptiens); il se peut que quelques groupes de Philistins, en partant
de l'Asie Mineure, aient passé par la Crète: en tout cas, les
Philistins ne sont pas des Crétois (1.xx dans Sop 2:5 et Eze
25:16; cf. Tacite, Hist., 5:2), mais des Cariens (comp, ces
deux passages et 2Sa 20:23,2Ro 11:4,19 où le texte hébreu lit
Kart, c-à-d, probablement Cariens: c'est en suivant la variante
en marge du texte hébr., Kéréthiens [v. ce mot], que nos versions y
ont vu des Crétois; comp, aussi Beth-Car dans 1Sa 7:11).

3.

Histoire.

Après avoir pris possession de la côte, les Philistins formèrent le
dessein de conquérir le pays de Canaan. Les Cananéens, peuple
paisible et habitué à la domination étrangère, n'auraient pas pu
opposer à ces soldats, admirablement organisés et puissamment armés
(cf. l'armure de Goliath, 1Sa 17:5-7), une résistance bien
sérieuse. Mais les Israélites n'avaient pas encore subi l'influence
amollissante d'une civilisation en décadence: fiers de leur
indépendance, bien que sans gouvernement central stable, sans
organisation militaire, sans armement considérable, dès qu'ils se
rendirent compte des intentions des Philistins, ils leur opposèrent
une résistance acharnée. Les débuts du conflit n'ont laissé que des
souvenirs vagues dans l'histoire légendaire de Samson (Jug
13-16); il semble pourtant que la migration de la tribu de
Dan (Jug 18), à laquelle appartenait Samson, ait été le résultat
de la pression des Philistins. Dans la première bataille rangée à
Aphek, «Israël fut battu,...l'arche de Dieu fut prise» (1Sa 4).
Dans une deuxième bataille, les Israélites furent vainqueurs, grâce à
un orage (1Sa 7:7-11). Néanmoins les Israélites étaient les
sujets des Philistins, qui mirent un gouverneur à Guibéa de
Benjamin (1Sa 13:3 «Jonathan tua le gouverneur [litt., la
colonne) des Philistins», cf. 1Sa 10 5 «où se trouve le
gouverneur [litt., la colonne] des Philistins»). Dans cette crise,
les tribus d'Israël se virent forcées de s'unir sous le sceptre d'un
roi. Saül, aidé par un coup hardi de Jonathan et par un tremblement
de terre, mit en déroute l'armée philistine (1Sa 14). Le succès
fut éphémère: quelques années plus tard, les Philistins marchèrent
contre les Israélites avec toutes leurs forces: pour Israël ce fut
une débâcle. Saül, qui avait perdu trois fils dans la mêlée, se tua
de sa propre main (1Sa 31). David était alors un chef de bande
aux ordres d'Akis roi de Gath (1Sa 27); après la mort de Saül,
il se fit couronner roi de Juda (2Sa 2:4) et régna comme vassal
des Philistins. Mais lorsque Isboseth fut tué, sept ans plus tard, et
que David fut devenu roi sur toutes les tribus d'Israël, les
Philistins, alarmés par la puissance de ce royaume rival et
indépendant (2Sa 5:17), marchèrent contre lui, mais sans succès.
C'est que David avait fait son apprentissage militaire chez les
Philistins: il avait, sans doute, organisé son armée d'après leur
modèle et s'était préparé pour le conflit inévitable. David «battit
les Philistins depuis Guéba (ou plutôt Gabaon, d'après LXX et
1Ch 14:16) jusqu'à Guézer» (2Sa 5:25; dans 2Sa 5:17,25
les versets 20,24 semblent être interpolés; d'autre part, l'histoire
qu'on lit dans 2Sa 23:13,17 pourrait bien se rattacher à cette
bataille). La suite du conflit ne nous a été transmise que sous la
forme d'allusions vagues (2Sa 8:1) et de quelques
anecdotes (2Sa 21:1-5,22 23:8-38). Ce qui est certain, c'est
qu'avant la mort de David, les Philistins cessèrent pour toujours
d'être maîtres en Israël et ne jouèrent désormais dans l'histoire
qu'un rôle bien secondaire. Tout ce que nous savons des Philistins
après David provient des inscriptions assyriennes (800-625) et de
quelques allusions isolées comme Esa 14:2,9-31,Jer 47:1,Joe 3:4,Ps
60:10 83:8 87:4 108:10,Ne 13:23, 1Ma 10:83 11:4.

4.

Civilisation.

Les Philistins, les «incirconcis» de race non sémitique, apportèrent
avec eux une culture de type mycénien, semblable à celle des poèmes
homériques. Un seul mot de leur langue a survécu: sérèn =
«prince» (1Sa 5:8 etc.), que l'on compare volontiers avec le
grec turannos (tyran). Parmi les noms propres, Akis est le plus
typiquement philistin; ils sont, pour la plupart, sémitiques. Sur les
bas-reliefs égyptiens, les Philistins se distinguent par un turban à
plumes; Goliath a des jambières métalliques (comme les cnémides des
héros homériques) et une cuirasse (1Sa 17:5). L'arrivée des
Philistins en Palestine marque la transition de l'époque du bronze à
celle du fer (cf. 1Sa 17:7; le passage obscur 1Sa 13:19-22
semble indiquer que les Philistins défendirent aux Israélites l'usage
du fer). Ils avaient (à en juger par Jug 16:23,30) le goût des
jeux athlétiques, auxquels assistaient les femmes aussi bien que les
hommes; chez les Israélites, ces luttes de gladiateurs devenaient des
massacres (2Sa 2:14-16). Les Philistins étaient maîtres dans
l'art de la divination (2Ro 1:2,Esa 2:6). Leurs dieux (Dagon,
Béel-Zébub, Astoreth) ont des noms sémitiques: ce sont probablement
les dieux du pays, avec lesquels ils identifièrent ceux de leur
patrie d'origine.

BIBLIOGRAPHIE. M.A. Meyer, Hist, of the City of Gaza ,
New York 1907. R.A.S. Macalister, The Philistines, Londres
1914. A. Moret et G. Davy, Des Clans aux Empires, Paris 1923.

--Voir aussi art. Israël, Assyrie et Babylonie.

R.H. Pf.