PÉCHÉ (7.)

VII Les épîtres.

Les apôtres continuent l'enseignement du Maître. Dans leur
prédication et dans leurs écrits ils font, eux aussi, une large place
à la préoccupation du mal qu'il s'agit de condamner et de détruire:
par là ils sont amenés à confirmer et à développer le témoignage du
Sauveur et à apporter de nouveaux enrichissements à la doctrine
biblique du péché.

1.

PAUL.

Au point de vue qui nous occupe, la conversion de l'apôtre Paul sur
le chemin de Damas a un double et décisif résultat. D'abord elle
conduit Paul au sentiment poignant de son péché, l'obstacle qui
jusqu'alors l'avait éloigné de la vérité et du Messie. Ensuite, elle
le détache brusquement et radicalement des cadres étroits du judaïsme
et l'oriente vers la conception d'un salut qui est universel, comme
la corruption elle-même. L'autorité avec laquelle Paul s'exprime au
sujet du péché lui vient de l'expérience de sa conversion et de son
ardent désir de conduire les âmes au salut.

L'apôtre s'attache d'abord à démontrer l'universalité du péché
et, en Israélite profondément attaché à la Révélation biblique, il le
fait en s'appuyant sur l'Écriture. Il relève toute une série de
passages où la souillure universelle est affirmée (Ro 3:10,18)
et il déclare très justement: «L'Écriture a tout enfermé sous le
péché, afin que ce qui avait été promis fût donné par la foi en
Jésus-Christ à ceux qui croient» (Ga 3:22).

Deux données de la Parole de Dieu semblent particulièrement aptes
à rendre évidente l'universalité du péché: la chute originelle
qu'affirme le livre de la Genèse, et le rôle de la loi que Moïse a
donnée à son peuple.

Les déclarations de Paul sur le péché d'Adam et sur les
conséquences qui en découlent pour l'ensemble de l'humanité (Ro
5:12,21, cf. 1Co 15:21 et suivant) ont exercé une grande
influence sur le développement de la pensée chrétienne. Mais il faut
se garder d'attribuer à l'apôtre des doctrines que la théologie
postérieure a tirées de ses écrits: soit l'idée que les hommes,
existant en germe dans leur premier ancêtre, auraient péché avec lui
(traduction fautive: «en qui tous péchèrent», Ro 5:12), soit
celle qu'Adam serait tombé en sa qualité de représentant de la race
et qu'en lui toute l'humanité aurait fauté, soit enfin la théorie
moderne de l'hérédité, d'après laquelle le premier homme aurait légué
à ses descendants une nature entachée de péché.--Non, ce que cherche
Paul dans son exposé, c'est d'établir entre Adam et Jésus-Christ un
parallèle qui lui permette d'éclairer l'oeuvre du Sauveur. Le premier
homme a péché et, à sa suite, tous ses descendants, ce Par un seul
homme, le péché est entré dans le monde» (Ro 5:12). C'est là une
constatation qui ne tend nullement à ôter au pécheur sa liberté et sa
responsabilité, mais qui prouve l'étendue de la corruption. A la
suite du péché d'Adam, la mort a fait son entrée sur la terre. «La
mort s'est étendue sur tous les hommes parce que tous ont péché»
(verset 12). Seulement, le Christ est venu, et «par un seul acte de
justice» (verset 18),» par l'obéissance d'un seul» (verset 19) il
crée une humanité nouvelle, où se manifestera «la justification qui
donne la vie» (verset 18). De cet exposé se dégage pour nous une
pensée extrêmement claire--celle que veut nous communiquer l'apôtre:
c'est que l'homme, dès l'origine, est plongé dans le péché et en
subit la condamnation, qui est la mort, tant qu'il ne participe pas à
l'oeuvre du salut accomplie par Jésus-Christ.

Pour faire comprendre à ses lecteurs la puissance universelle du
péché, Paul invoque encore le fait de la loi. Et ici aussi il
découvre un parallélisme, non plus entre l'humanité naturelle et
l'humanité régénérée, mais entre l'ancienne et la nouvelle alliance.
Avant la loi, l'humanité, fille d'Adam, était assujettie au péché.
Après la loi, et malgré la loi, elle subit cette même domination qui,
grâce à la loi, s'avère réellement universelle.--Les Juifs ont bien
tort de mettre dans la loi leur gloire et leur espérance de salut. La
loi ne procure pas la justice et la vie: elle montre, au contraire,
son impuissance à y conduire. «Tous ceux qui s'attachent aux oeuvres
de la loi sont sous la malédiction; car il est écrit: Maudit est
quiconque n'observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi
et ne le met pas en pratique» (Ga 3:10, cf. De 27:26). Du
reste, admettre le salut par la loi, ce serait rendre inutile
l'oeuvre du Christ. «Si la justice s'obtient par la loi, Christ est
donc mort en vain...S'il eût été donné une loi qui procure la vie, la
justice viendrait réellement de la loi» (Ga 2:21 3:21). Donc,
sous le règne de la loi, comme avant la loi, le péché subsiste et
avec lui la condamnation.--Mais il faut aller plus loin encore et
voir dans la loi un facteur incontestable du péché. Avant la loi,
l'homme ignorait son péché: la loi a essentiellement pour rôle de lui
en donner conscience, «C'est par la loi que vient la connaissance du
péché...Je n'ai connu le péché que par la loi» (Ro 3:20 7:7).
Or, la responsabilité est en raison directe du degré de connaissance:
la loi, bien loin d'exclure le péché, devient en quelque sorte la
cause du péché. «Le péché n'est pas imputé quand il n'y a pas
loi» (Ro 5:13). «Sans la loi, le péché est mort» (Ro 7:8).
Mais: «Quand le commandement vint, le péché reprit vie...Ainsi le
commandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à la
mort» (Ro 7:9,13). «La loi est intervenue pour que l'offense
abondât» (Ro 5:20). «La loi produit la
colère».--Seulement (Ro 4:15) c'est précisément en cela que la
loi se montre utile: elle manifeste, dans toute son horreur, le mal
et la condamnation qu'il entraîne; elle prouve l'absolue nécessité de
l'oeuvre de Jésus-Christ; elle est «le pédagogue qui nous conduit à
Christ» (Ga 3:24), précisément parce qu'elle met en lumière la
pleine universalité du péché humain.

L'expérience corrobore entièrement les enseignements de
l'Écriture au sujet de l'universelle culpabilité et de l'universelle
condamnation.--Paul connaissait bien les païens: aussi peut-il
brosser un tableau dramatique de leur épouvantable corruption (Ro
1:24-32). Leur odieuse immoralité a sa,source profonde dans leur
éloignement volontaire d'un Dieu qui se fait connaître dans ses oeuvres et qu'ils
sont inexcusables d'avoir abandonné pour le culte des faux dieux
(verset 18,24). Et l'apôtre peut aussi rappeler aux chrétiens sortis
du paganisme leur misère morale antérieure.--Mais (Eph 2:2 et
suivant
) les Juifs sont coupables, eux aussi, parce qu'avec des
connaissances plus complètes ils commettent les mêmes iniquités. Ils
sont plus condamnables encore, puisque leurs lumières sont plus
grandes. Et Paul a les mêmes accents que son Maître pour flétrir leur
péché et pour dévoiler leur hypocrisie.--Enfin (Ro 2:1,29 10:3),
s'examinant lui-même, après avoir dépeint ses contemporains, Paul se
trouve atteint lui aussi par une semblable maladie. Dans une page
dramatique, il décrit la puissance que le péché avait sur lui, à un
moment où il ne bénéficiait pas encore de la grâce divine: «Je suis
charnel, vendu au péché...Je ne fais pas le bien que je veux, et je
fais le mal que je ne veux pas...Le péché habite en moi...» (Ro
7:11-25). Et, avec une profonde humilité, il déclare souvent à quel
point, personnellement, il avait besoin du pardon divin.
«Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont
je suis le premier» (1Ti 1:15, cf. 1Co 9:27 15:9,2Co 12:9).

Ainsi, que l'on parte de l'Écriture ou de l'expérience, et que
cette expérience se fasse dans le domaine social ou dans la
conscience individuelle, la conclusion est la même et elle est
décisive: «Il n'y a point de distinction, car tous ont péché et sont
privés de la gloire de Dieu» (Ro 3:23).

Le péché est un fait universel, mais d'où vient-il?--Par delà les
actions mauvaises ou «péchés», Jésus avait vu leur principe permanent
et caché, «le péché)>. Il avait montré que les manifestations
extérieures du mal répondent à une disposition secrète du coeur
humain, qui donne son orientation à la vie tout entière et la
gouverne du dedans.--Paul, de même, ne se contente pas de mettre en
lumière les ravages extérieurs du mal. Il se livre à une étude
psychologique extrêmement poussée de la nature humaine et fait voir
que le péché a sa source dans le fond même de l'être; par suite, il
exerce sa puissance de domination sur l'existence tout entière.
«...Ce qui est bon, je le sais, n'habite pas en moi, c'est-à-dire
dans ma chair...Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est pas moi
qui le fais, c'est le péché qui habite en moi...Je vois dans mes
membres une autre loi...qui me rend captif de la loi du péché, qui
est dans mes membres. Misérable que je suis! Qui me délivrera du
corps de cette mort?».--Cette (Ro 7:14,25,6:12,14) nature
essentiellement corrompue qui constitue notre état de péché, Paul
l'appelle de différents noms: le vieil homme (Ro 6:6,Eph 4:22,Col
3:9), l'homme naturel ou ce psychique» (1Co 2:14), la chair; et
à ces diverses entités il oppose: l'homme nouveau (Eph 4:24,Col
3:9), l'homme spirituel ou «pneumatique» (1Co 3:1), l'esprit.

C'est donc à un véritable dualisme moral que Paul semble aboutir,
et certains théologiens ont vu dans la pensée paulinienne l'intrusion
d'éléments empruntés à la philosophie grecque et, en particulier, au
platonisme. Il y a là, nous semble-t-il, une erreur profonde.--Platon
établit, dans l'ordre de la réalité et dans celui de la connaissance,
une opposition absolue entre les choses matérielles, le domaine du
changeant, du relatif, de l'apparence, et la réalité immuable,
éternelle, le monde des «Idées», entre la connaissance sensible qui
s'en tient au phénomène, et la connaissance rationnelle qui porte sur
l'essence véritable et dont le point culminant est l'intuition
intellectuelle. Doctrine essentiellement intellectualiste, d'où
l'élément proprement moral paraît absent: la matière, en effet, y est
tenue pour mauvaise dans son essence, et non pas par suite d'une
transgression coupable; d'autre part, pour être dans la vérité et
dans le bien, il suffit de faire un bon usage de la raison.--La
pensée paulinienne est très différente et ne peut être pleinement
saisie que si on la considère, non pas dans son prétendu rapport avec
le platonisme, mais comme le développement d'une notion
essentiellement biblique. Paul, en effet, emploie le terme «chair»
dans son sens purement hébraïque, celui que Jésus lui-même lui a
donné (Mt 26:41,Jn 8:15). Voir Chair.

La chair, c'est d'abord la créature avec toutes les limitations
qui lui viennent de l'existence terrestre. Paul écrit, par exemple:
«Ce fut à cause d'une infirmité de la chair que je vous ai pour la
première fois annoncé l'Évangile» (Ga 4:13). Il parle des
«tribulations de la chair» (1Co 7:28). Vivre sur la terre, au
lieu de s'en aller auprès du Christ, c'est «demeurer dans la
chair» (Php 1:22-24). Quand Paul est «absent de corps», que ses
paroissiens ne voient pas «son visage en la chair», ii est avec eux
«en esprit».--En (Col 2:1-5) second lieu, d'une manière dérivée,
l'apôtre entend par «la chair» l'homme que le péché a profondément
corrompu et qui se refuse à suivre les directions de l'Esprit. «Nous
vivions autrefois selon les convoitises de notre chair et de nos
passions, accomplissant la volonté de la chair et de nos pensées, et
nous étions par nature des enfants de colère comme les
autres...» (Eph 2:3). «Je dis donc: Marchez selon l'Esprit et
vous n'accomplirez pas les désirs de la chair. Car la chair a des
désirs contraires à ceux de l'Esprit...» (Ga 5:16 et suivant).

A la chair ainsi comprise, Paul rattache étroitement les passions
coupables, les «convoitises charnelles» comme «l'impudicité, la
dissolution, l'idolâtrie,...l'ivrognerie, les excès de table et les
choses semblables». Notons toutefois que parmi «les oeuvres de la
chair» il énumère des péchés qui ont leur origine, non pas dans le
corps, mais dans l'âme elle-même, tels que «l'idolâtrie, la magie,
les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les
disputes, les divisions, les sectes, l'envie» (Ga 5:19,21). Nous
avons ainsi la preuve que, dans un sens second, la chair ne peut être
identifiée au corps, à la matière: elle est la condition de l'homme
qui, avec son corps et son âme, avec toutes ses facultés, s'oppose à
la volonté divine.--Ce (cf. 1Co 3:1,4,Eph 2:3) n'est pas tout:
pour l'apôtre, le corps, «les membres», «la chair» sont si peu, dans
leur nature essentielle, la source du péché, que, quand ils sont
régénérés par l'Esprit, ils deviennent des forces au service du bien,
«Ne livrez pas vos membres au péché, comme des instruments
d'iniquité; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu, comme étant vivants,
de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres comme des
instruments de justice» (Ro 6:13, voir verset 19,1Co 9:27,Ga
2:20). La vie du Christ se manifeste ainsi dans notre chair
mortelle (2Co 4:11).

En résumé, il faut distinguer soigneusement les deux sens
pauliniens du mot «chair». La chair peut être le corps, mais Paul ne
professe en aucune façon la théorie grecque suivant laquelle, par son
essence matérielle, le corps serait nécessairement le siège du mal,
car le corps peut être régénéré par l'Esprit pour être mis au service
de la justice et de la sainteté. D'autre part, la chair est aussi,
pour l'apôtre, le siège du péché: c'est qu'alors il s'agit non plus
simplement du corps, mais de cette tendance profonde, en l'homme, à
se séparer de son Créateur et à se révolter contre sa loi sainte:
dans un tel cas, elle intéresse l'âme tout autant que le corps, elle
est l'homme tout entier, privé de l'Esprit divin et en rébellion
contre lui. On voit combien, dans un cas comme dans l'autre, Paul est
loin du dualisme platonicien.

Quand l'homme est «chair» et non pas «esprit», quand il suit
orgueilleusement les pensées et les penchants de son propre coeur,
quand, par là, il s'oppose aux directions divines et subit la
domination du péché (Ro 1:21,Eph 2:3 Col 2:18),

de néfastes conséquences en découlent pour lui. D'abord, il
ignore tout de la vérité divine, de la vérité nécessaire à son âme,
il est plongé dans les ténèbres. «L'homme naturel ne reçoit pas les
choses de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les
connaître, parce que c'est spirituellement qu'on en
juge».--Ensuite (1Co 2:14,3:1,2Co 4:4,Ro 1:25 6:19), il est
incapable d'accomplir le bien qu'il voudrait faire et l'emprise que
le péché exerce sur lui est un véritable esclavage.--Enfin (Ro
6:16,22 7:14-25), il est en butte à la malédiction divine, et son
châtiment suprême, c'est la mort (Ro 6:23), non pas tant la mort
physique («tous meurent en Adam», 1Co 15:22; cf. Ro
5:12,14) que la mort spirituelle, celle-ci étant l'éloignement
radical de Dieu, source unique de la vie. «L'irritation et la colère
à ceux qui, par esprit de dispute, sont rebelles à la vérité et
obéissent à l'injustice. Tribulation et angoisse sur toute âme
d'homme qui fait le mal...» (Ro 2:8 et suivant,. 6:9 7:5
8:6,13,1Co 15:56,Eph 2:1-3).

Telles sont les conclusions auxquelles Paul aboutit, à son tour,
dans son étude approfondie du péché, de son action universelle, de
ses causes intimes et de ses tragiques conséquences. Mais si l'apôtre
indique avec une éloquence aussi dramatique la puissance destructrice
du péché, c'est afin de faire ressortir avec d'autant plus de vigueur
la nécessité de l'oeuvre rédemptrice accomplie par le Sauveur, tout
particulièrement dans sa mort et dans sa résurrection.--Pour arriver
au salut, le chrétien doit s'associer si étroitement à la mort et à
la résurrection du Christ, qu'il les réalise en lui-même par une
expérience toute personnelle. Il était mort dans ses péchés, mais il
doit accepter une autre mort, salutaire cette fois-ci, celle qui
consiste à «mourir au péché», à «crucifier la chair avec ses passions
et ses convoitises» (Ro 6:2,11 8:2,14,Ga 5:24,Col 2: et
suivant
). Mort avec le Christ, il ressuscite avec lui et accède à une
vie nouvelle, la vie sainte et féconde de l'Esprit (Eph 2:1,5,Ga
2:20). Sans doute, il ne réalise pas du premier coup la perfection
morale et il devra continuer à lutter contre l'influence pernicieuse
du mal. Mais son Sauveur, désormais,» vit en lui» (Ga 2:20) et
agit sur lui comme «un esprit vivifiant» (1Co 15:45). Par là, il
possède «les armes de l'Esprit» qui lui permettront de lutter
victorieusement contre l'adversaire et de réaliser dans toute sa
plénitude sa vocation divine (Eph 6:11,17,2Co 6:7 10:4,Ro
13:12,1Ti 1:18).

2.

JEAN.

Suivant la pensée de l'apôtre Jean, telle qu'elle est exprimée dans
le 4 e évangile et dans les épîtres, il y a ici-bas un conflit
tragique entre la vérité et l'erreur, la lumière et les ténèbres, la
vie et la mort. Jésus a été envoyé sur la terre pour lutter contre
les forces du mal et pour sauver le monde (Jn 1:29 3:16 et
suivant
, 1Jn 3:5,8 4:9, etc.). Mais les hommes n'ont pas voulu
accueillir celui qui leur apportait la lumière et la vie (Jn 1:11
5:40).

Le péché reçoit donc des déterminations nouvelles. Il est le
refus de l'homme de s'assimiler la révélation divine; il est
l'opposition à l'oeuvre de Jésus-Christ, malgré toutes les preuves de
la vérité de son message et de la puissance de son action.--Il se
ramène à l'incrédulité, puisqu'il consiste à nier la divinité du
Sauveur et à ne pas vouloir aller à lui: ne pas confesser le Christ,
c'est le fait d'un antéchrist (Jn 5:40 16:8,1Jn 2:22 4:3). Le
péché se réduit aussi au mensonge, car il se manifeste comme une
rébellion contre la lumière et comme un aveuglement
volontaire (Jn 3:18-21 8:44 9:41). Enfin, il suppose également
la haine de Dieu, dont on se refuse à accepter l'amour et à chercher
la gloire.--Ces (Jn 5:42-44 15:23-25) divers caractères du péché
nous font voir en lui un état de révolte contre l'ordre de choses
providentiellement établi par Dieu. Il est le refus d'accepter la
volonté de Dieu et sa loi de sainteté et d'amour (1Jn 3:10).
«Quiconque pèche transgresse la loi, et le péché est la transgression
de la loi» (1Jn 3:4). Voilà peut-être la définition la plus
précise que la Parole de Dieu nous donne du péché.

Le royaume des ténèbres, c'est ce que l'apôtre Jean appelle «le
monde» (voir ce mot). «Le monde entier est sous la puissance du
Malin» (1Jn 5:19). «Celui qui pèche est du diable» (1Jn
3:8). Il y a une opposition absolue entre le monde et Dieu: celui
qui aime le monde ne possède pas l'amour de Dieu et celui qui n'a pas
l'amour de Dieu se laisse dominer par le désir des biens
passagers (1Jn 2:15,17). Parce qu'il est en lutte avec Dieu et
avec celui que Dieu a envoyé, le monde s'oppose aux enfants de
lumière: il les hait et il les persécute, comme il l'a fait pour leur
Maître (Jn 15:18,22). Les ennemis du Dieu de vérité et de ses
enfants sont ligués sous le commandement du «Prince de ce monde», le
diable ou le Malin, mais celui-ci ne pourra pas éviter le jugement
qui fondra sur lui à l'avènement de la lumière par le triomphe de
Jésus-Christ (Jn 8:44 12:31 14:30 16:11). En face du monde, nous
trouvons les enfants de Dieu (voir art.). Sans doute, ils vivent dans
le monde, mais ils ont rompu avec la vie du monde: (Jn 17:15 et
suivant
) ils sont nés à une existence nouvelle et engendrés de
Dieu (Jn 3:3,1Jn 3:9 5:18). Une existence ainsi transformée est
délivrée du péché. Sans doute, le péché est absolument universel et,
avant l'intervention de la grâce divine, le chrétien était, lui
aussi, sous sa domination. «Si nous disons que nous n'avons pas de
péché, nous nous séduisons nous-mêmes et la vérité n'est point en
nous» (1Jn 1:8). Mais il suffit que l'enfant de Dieu confesse
ses péchés: il recevra le pardon que Jésus-Christ lui assure auprès
du Père par une double oeuvre d'expiation et d'intercession (1Jn
1:9 2:1 et suivant, Jn 14:16 17:11,13).--Une fois pardonné,
le chrétien ne doit plus pécher. Puisqu'il est né de Dieu, le péché
devient une impossibilité spirituelle (1Jn 3:9 5:18, 3_Jean 11).
Désormais l'enfant de Dieu s'efforce de demeurer en Christ et de
suivre, dans son existence journalière, la vivante leçon de choses
que lui donne le Sauveur: il tend à une parfaite ressemblance avec
Celui en qui il n'y a pas de péché (Jn 13:15 15:4,1Jn 2:6 3:5
et suivant). Une vie sans péché est la raison d'être du message du
salut (1Jn 2:1, cf. Jn 20:31).

3.

ÉPITRE AUX HEBREUX,

Pour l'auteur de cette épître, le péché se caractérise par le fait
qu'il souille la conscience (Heb 9:14) et sépare l'homme de
Dieu (Heb 12:14). C'est une puissance qui enveloppe sa victime
et l'empêche de poursuivre sa course «dans la carrière qui lui est
ouverte» (Heb 12:1).

Grâce au sacrifice de Jésus-Christ, la culpabilité peut être
enlevée. Les institutions mosaïques, «ombres des biens à venir», se
montraient radicalement impuissantes à «ôter le péché». Ce contraste
entre l'ancienne et la nouvelle alliance prouve la supériorité de la
seconde sur la première: par celle-là seule les consciences sont
affranchies et trouvent un libre accès auprès de Dieu (Heb
10:1-4,10-14,18-20 9:9,11-14),

Il existe pourtant une catégorie de péchés que le sang du Christ
ne saurait effacer et pour lesquels il ne reste que l'attente
terrible du jugement: ce sont les péchés accomplis volontairement et
avec la pleine connaissance de la vérité, ceux que l'on commet après
avoir déjà fait l'expérience du salut; ils impliquent le mépris du
sacrifice de Jésus-Christ et constituent un véritable blasphème
contre le Saint-Esprit; par eux, on crucifie à nouveau le Fils de
Dieu et on l'expose à l'ignominie.--De (Heb 6:4,8 10:26,31 12:16
et suivant) tels péchés rappellent le beyad rââh de l'ancienne
alliance, péché volontaire qui ne comportait pas d'annulation (No
15:30 et suivant), alors que le bichegâgâh, faute commise sans
intention, laissait la place au pardon procuré par les sacrifices
expiatoires (Le 4 Le 5,No 15:22-29). Ces péchés peuvent
être identifiés plus exactement encore avec «le péché contre le
Saint-Esprit» dont Jésus disait qu'il ne pouvait être pardonné (voir
plus haut), ou avec ce «péché qui va à la mort» dont parle l'apôtre
Jean et pour lequel il déclare qu'il est inutile d'intercéder,
puisque le pardon ne peut plus intervenir (1Jn 5:16 et suivant).

Le croyant doit donc rester inébranlable dans la foi et dans la
sainteté; il ne faut pas qu'il se laisse décourager par l'épreuve ou
par la persécution. La souffrance peut, au contraire, être pour lui
un heureux moyen d'avancement spirituel. Pour en éprouver tout le
bénéfice, le disciple du Maître n'a qu'à suivre l'exemple «du chef et
du consommateur de la foi», sur lequel il s'agit de tenir les yeux
fixés. Ne voyons-nous pas que le Sauveur a appris l'obéissance par
les choses qu'il a souffertes et que, par elles aussi, il est parvenu
au plus haut degré de perfection et de gloire? (12:2 5:7,9 2:10, cf.
1Pi 4:1 et suivant).

VIII Conclusion.

Seules, les vérités éternelles possèdent, dans l'écoulement humain,
un caractère de fixité absolue. Cette unité profonde de la pensée
religieuse au milieu de la diversité et de l'évolution mouvante
constitue une des preuves les plus frappantes de l'inspiration de
l'Écriture. Une illustration remarquable de cette vérité générale
nous est fournie par la doctrine biblique du péché.

La notion du mal moral apparaît dès l'entrée de la Bible, dans
les traditions les plus anciennes sur l'origine de l'espèce humaine.
Elle a, de prime abord, ses traits bien caractéristiques. Nous la
retrouvons chez les écrivains postérieurs, toujours la même, mais
avec ces développements, ces enrichissements qu'apporte la vie, au
cours de l'histoire du peuple d'Israël et au travers des diverses
phases de la révélation: la Loi, les Prophètes, les Écrits sacrés.
Alors Jésus vient et il fonde son oeuvre de rédemption et de salut
sur cette conception du péché, qui lui vient de l'A.T., mais qu'il
approfondit et revivifie à son tour et dont ses continuateurs, les
apôtres, feront également le point de départ solide de leur oeuvre de
mission et d'évangélisation.

C'est dire la capitale importance de ce grand fait, de ce fait
tragique, si méconnu et si négligé par les hommes: le péché.
Maeterlinck écrivait: «Il est utile que l'on s'efforce d'élever sa
vie...Mais cela même n'est pas indispensable, et que la différence
aux yeux d'un Dieu doit paraître petite...» Le célèbre moraliste
disait aussi que le péché, chez l'homme, devait produire chez Dieu
l'impression que nous font des petits chiens jouant sur un tapis. Il
y a là deux attitudes opposées entre lesquelles il faut choisir:
celle de la Bible, celle de l'Évangile, celle de l'Église, celle de
Dieu lui-même d'une part, et d'autre part celle du scepticisme, celle
de l'immoralisme, celle du monde et du Prince de ce monde. Ne pas
croire au péché, avec les déterminations si précises que la Parole de
Dieu nous apporte en ce qui le concerne, c'est ne rien comprendre au
message de l'Évangile et c'est rester enfermé, sans espoir de salut,
dans ces ténèbres et cette misère morales et spirituelles, où nous
voyons actuellement l'humanité. Mais arriver, grâce à la Bible et
sous l'action de l'Esprit divin, à la juste notion de notre grande
misère et au sentiment exact de la situation anormale où vivent et
meurent les hommes, c'est être disposé à s'ouvrir aux vérités de la
religion et à la grâce de Dieu. Que l'humanité contemporaine se
laisse éclairer par la Bible sur la tragique réalité de son péché,
elle sera bien près alors de revenir à son Dieu et de découvrir son
Sauveur. Th. C.