PAIN

(Hébr. lèkhèm, qui se trouve dans le nom de Bethléhem =maison du
pain.)

Chez les Hébreux. le pain était la base même de
l'alimentation: «manger le pain» était, en effet, synonyme de
«prendre un repas» (Ge 31:54,Ex 2:20 18:12); nos versions
donnent quelquefois une traduction équivalente (Jer 41:1 52:33,Lu
14:1). Le pain était fait soit de froment soit d'orge, et, dans les
temps difficiles, d'épeautre et de millet (Eze 4:9).

Les paysans et les pauvres mangeaient habituellement du pain
d'orge (Jug 7:13,2Ro 4:42,Jn 6:13), les riches du pain de
froment. Une fois le grain criblé et vanné (voir Agriculture), il
était pilé dans un mortier, ou bien, le plus souvent, broyé dans un
moulin à deux meules, dont la supérieure, mobile, était maniée à bras
ou tournée par un animal ou un esclave (No 11:8,De 24:6,Jug
9:53,2Sa 11:21,Job 41:15,Mt 18:6 24:41).

Il y avait trois qualités de farine: la guèrès ou grain broyé
en semoule (Le 2:14,16); la qèmakh ou gruau
ordinaire (No 5:15,2Ro 4:41); la sôleth ou fleur de
farine (Ge 18:6,Ex 29 2-40,1Ro 4:22,Eze 16:13-19). On
travaillait sans doute la pâte dans des sortes de pétrins; mais ce
mot traduit inexactement l'hébreu mich'èrèt de Ex 8:3 (Sg.,
7:28), Ex 12:34 (VS., corbeille) et De 28:5-17 (VS. et Sg.,
huche): il s'agit là d'un récipient où l'on déposait la pâte avant
qu'elle fût levée. On la faisait lever en y incorporant un peu de
pâte fermentée (voir Levain). Les matstsoth étaient des pains
sans levain (Ge 19:3,Ex 12:39,1Sa 28:24).

Le pain avait la forme d'un disque, peu épais, de la grandeur
d'une assiette: on l'appelait kikkar ; ce mot hébr., qui signifie
cercle, n'est pas rendu littéralement dans les versions
françaises (Ex 29:2 Jug 8:5,1Sa 2:36 10:3,Pr 6:26), et l'on
disait: «un cercle de pain», comme on dit aujourd'hui «une miche de
pain».

On connaissait plusieurs genres de cuisson. Un premier procédé
consistait à chauffer fortement des pierres plates (1Ro
19:6;voir Charbon) ou des plaques de fer (1Ch 9:31) sur
lesquelles on déposait le pain, que l'on recouvrait, sans doute, de
braises chaudes et qu'il fallait retourner pour en assurer la cuisson
égale des deux côtés (Os 7:8). On usait aussi de fours
portatifs, assez semblables à de grandes cruches de terre, à
l'intérieur desquels on plaçait le pain à cuire. Il y avait enfin des
fours fixes, à demi creusés dans le sol et plafonnés d'argile. A
l'époque patriarcale, chaque mère de famille cuisait chaque jour le
pain de la maisonnée; ce fut toujours l'usage à la campagne (Ge
18:6,Le 26:26,1Sa 8:13 28:24,Mt 13:33).

Chaque maison avait sa huche (De 28:5,17) ou coffre à pain.
A Jérusalem, il y eut, par la suite, des boulangeries de
commerce (1Sa 8:13,Jer 37:21,Os 7:4-6). Pour la consommation, le
pain n'était pas coupé, mais rompu (Mt 26:26).

Outre le pain, on confectionnait des gâteaux de toute
espèce: (Ge 40:17,No 11:8,1Ro 14:3) gâteaux azymes, pétris à
l'huile et cuits au four, à la poêle ou sur le gril (Ex 29:2,Le
2:4-7); galettes azymes arrosées d'huile (id.); beignets au
miel (Ex 16:31); gâteaux aux raisins (2Sa 6:19,1Ch 16:3,Ca
2:5,Os 3:1,Esa 16:7). Voir Pains de proposition.

La valeur du pain comme denrée précieuse entre toutes était
particulièrement comprise dans les pays d'Orient et aux anciennes
époques où, faute de communications rapides, chaque village et chaque
province dépendaient pour leur subsistance du succès de leurs propres
récoltes: le pain est ainsi devenu l'emblème des conditions de la vie
assurées par la Providence divine (Esa 55:10,2Co 9:10).

Force et soutien de l'homme (Ps 104:15,Ge 18:5,Esa 3:1),
c'est l'aliment nécessaire (Sir 29:21), jour après jour, à
renouveler constamment; aussi Jésus résume-t-il nos prières pour les
bienfaits matériels dans la demande: «Donne-nous aujourd'hui notre
pain quotidien» (Mt 6:11, cf. Pr 30:8); il choisit comme
exemple de prières la requête de l'enfant ou de l'ami pour avoir du
pain (Lu 11:3,5 et suivant). Le pain et l'eau constituent le
minimum nécessaire à l'existence (No 21:5,1Ro 13:8 18:4,Job
22:7,Eze 4:17 etc.).

Le pain en abondance représente la vie aisée, normale
(Lu 15:17, cf. Ps 37:25,Jer 44:17), du reste assurée par le
travail régulier (Pr 12:11 31:14). Peut-être faut-il interpréter
dans ce sens le conseil imagé: «Jette ton pain à la surface des eaux,
etc.» (Ec 11:1), soit qu'il s'agisse de confier aux navires le
produit de son labeur et ses marchandises, en s'attendant à faire à
leur retour de fructueux bénéfices, soit qu'il s'agisse de
générosité, suivant le proverbe: un bienfait n'est jamais perdu. (cf.
Lu 16:9)

La privation de pain constitue un des pires malheurs;
(Ps 102:10,La 4:4, Sir 34:25) quand l'Éternel «brise tout
bâton de pain» (expression littérale dans Ps 105:16,Eze 4:16,Le
26:26), c'est le terrible fléau de la famine. Le fidèle croyant
sait partager son pain avec l'affamé (Esa 58:7 Eze 18:7). Ce
partage entre hôte et convive est le symbole même de l'hospitalité;
il serait injurieux, en acceptant d'être reçu, d'apporter soi-même
son pain: d'où la défense de Jésus aux Douze d'en emporter dans leur
tournée (Mr 6:8); c'est une abominable trahison que de se
retourner contre celui dont on a mangé le pain (Ps 41:10,Jn
13:18); mais la vraie charité sait donner à manger même à l'ennemi,
s'il a faim (Pr 25:21,Ro 12:20). Par là, diverses locutions
hébraïques associent la nourriture aux sentiments et au caractère, en
disant littéralement: le pain de la douleur (Ps 127:2, cf. Ps
42:4), le pain du deuil (Os 9:4), le pain de l'intelligence,
que donne la sagesse (Sir 15:3); dans Sir
23:17, le pain désigne par euphémisme l'aliment dont se repaissent
les passions déréglées.

Dans le ministère même de Jésus, le pain illustre la tragique
opposition entre la matière et l'esprit, entre la foule et le
Sauveur: sa première tentation, celle d'employer sa puissance à
s'épargner les tourments de la faim (Mt 4:4), a été vaincue au
nom du grand principe: «L'homme ne vivra pas seulement de pain, mais
de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (De 8:3).
Lorsque, par compassion pour les multitudes affamées, le Seigneur
multiplie les pains (Mr 6:34 et suivants;voir art. suiv.), il se
heurte à leur recherche intéressée, à leur point de vue uniquement
matériel, et il cherche à les élever de la «nourriture qui périt» à
«celle qui subsiste jusque dans la vie éternelle»: (Jn 6:26 et
suivant
) il compare à la manne (voir ce mot) le «pain du
ciel» (Jn 6:32), le «pain de Dieu» (Jn 6:33), le «pain de
vie»--il l'est lui-même! (Jn 6:35-48); dans ce «pain vivant
descendu du ciel», il annonce le don de sa chair «pour la vie du
monde» (Jn 6:51); toute cette grande page johannique est la
proclamation anticipée de la communion en son corps et son sang qu'il
enseignera aux Douze la veille de sa mort, en leur distribuant le
pain et le vin, emblèmes de son sacrifice (1Co 11:23 et
suivants
). Ressuscité, ils le reconnaîtront à sa façon de rompre le
pain (Lu 24:30,35). Désormais, leur union fraternelle comme leur
union spirituelle avec leur divin Maître s'affirmera et se fortifiera
dans leurs repas de disciples (voir Agape, Cène), rompant ensemble,
en souvenir de lui, le pain (Ac 2:42,46 20:7,11,1Co 10:16 et
suivant
). Ch. K. et Jn L.