NOM
I Valeur accordée au nom.
Chez les peuples bibliques comme dans toute l'antiquité et surtout en
Orient, les noms étaient revêtus d'une importance considérable, noms
d'endroits et parfois d'objets aussi bien que de personnes ou de
divinités. A cet égard, la mentalité primitive ressemble à la
mentalité enfantine: «Pour les enfants, le nom fait partie de
l'essence des choses...; il est dans l'objet, non à titre d'étiquette
collée contre l'objet, mais à titre de caractère invisible» (J.
Piaget). Ainsi, pour le non-civilisé, «il y a une relation intime
entre le nom et la chose nommée: le nom révèle la chose,» au point
que «posséder le nom d'un objet, c'est être, croient nombre d'hommes,
en état d'agir sur lui et par lui» (R. Allier). Sur le problème de
l'origine des noms, il y a un essai d'explication étiologique dans le
récit jéhoviste de la création, à propos des animaux, nommés par
l'homme à la vue de chacun d'eux (Ge 2:19 et suivant), comme
dans les nombreuses interprétations étymologiques des noms propres
(voir parag. III). Quelle que soit d'ailleurs son origine, le nom est
tenu pour constitutif de la personnalité, et celle-ci tombe sous
l'influence de qui le connaît; d'où les précautions prises par les
sauvages pour éviter de livrer leur vrai nom, jusqu'à se faire
appeler d'un nom fictif.
Le terme hébreu lui-même (chèm, plur, chemôth) peut
désigner, sous la forme «noms», des personnes connues par leurs noms
(Vers. Syn., nominativement: No 1:2 18 20 3:40 etc.). Le N.T.
emploie dans le même sens le grec onoma (Ac 1:15,Ap 3:4
11:13), usage qui se retrouve dans divers papyrus des premiers
siècles. Les «noms inscrits dans les cieux» (Lu 10:20, Phi 4:3;voir
Livre) représentent les élus eux-mêmes; ceux qui procurent la paix
seront appelés fils de
Dieu (Mt 5:9), parce qu'ils seront fils de Dieu, leur nouveau nom exprimant leur nature
profonde, conforme à celle de Dieu; (cf. Mt 5:45,Lu 20:36) la
persécution rejettera le nom des fidèles comme infâme (Lu 6:22),
parce qu'elle tiendra leur fidélité même pour une infamie.
Le nom d'un individu évoque avec sa personne tous les attributs
plus ou moins indéfinissables qui la constituent; un exemple extrême
se trouve dans les hyperboles poétiques du Cantique: (Ca 1:3)
«Ton nom même exhale comme un parfum», déclaration amenée par jeu de
mots grâce à la ressemblance de chemanèka (=tes parfums) avec chemèka (ton nom).
Le nom que l'on acquiert et qui devient célèbre (1Sa 18:30)
est le renom (2Sa 8:13), la réputation (Ne 6:13), la
gloire (Eze 39:13); il est souvent attribué à JVHH (Jer
32:20,Esa 63:12,14,Da 9:15 etc.); mais les gens de rien sont une
«race sans nom» (Job 30:8). Le nom est un souvenir qu'on laisse
après soi, un monument au sens étymologique de ce mot (Esa 55:13
56:5), ou bien au contraire qui périt oublié (Ps 41:6, Sag
2:4). Le nom d'un homme après sa mort est conservé par ses fils et sa
famille (De 25:6 et suivant, Ru 4:5-10,2Sa 18:18), et
détruire sa postérité c'est exterminer son nom (1Sa 24:22,2Sa
14:7,Job 18:17,Pr 10:7). Il en est de même pour les rois et les
peuples (De 7:2 Esa 14:22 etc.), d'où le programme des
constructeurs de Babel: «se faire un nom» (Ge 11:4); en effet,
«des enfants et la fondation d'une ville perpétuent le
nom» (Sir 40:19). Aussi, nombre de familles, tribus et
nations se réclament-elles d'un héros éponyme, c'est-à-dire dont
elles ont reçu le nom: enfants d'Israël, d'Édom, de Moab, etc.; le
nom de l'ancêtre est fréquemment employé pour désigner les
collectivités: Israël =les Israélites, Édom =les Édomites, Moab =
les Moabites (Esa 11:14-16 etc.). Dans la Table des Peuples
(voir art.) de Ge 10, ceux-ci sont ainsi désignés par l'ancêtre
patronymique, sauf aux verset 1318 où sont nommés au pluriel les
membres eux-mêmes de certains peuples: les Ludim, les Amoréens, les
Cananéens, etc. Ailleurs, les fils d'Ismaël apparaissent à la fois
comme individus et comme tribus: princes et chefs de clans (Ge
25:16); et il arrive souvent que dans les listes généalogiques,
notamment celles de 1Ch 1-9, les noms de personnes correspondent
à des noms de lieux et inversement: Éphrata, père de Bethléhem;
Aschur, père de Thékoa (1Ch 4:4-5 etc.).
Vu l'importance ainsi attribuée aux noms en Orient, il n'est pas
étonnant que les expressions courantes en Occident pour opposer le
vide d'un nom à la réalité, ou pour dénoncer une vertu qui ne l'est
«que de nom» n'apparaissent pour ainsi dire pas dans la Bible. (cf.
Sir 37:1) C'est un juge romain qui méprise les «noms»,
comme les doctrines et la loi juives (Ac 18:15). Noter enfin le
terrible verdict: «Tu as le nom [=la réputation] de vivre, mais
tu es mort» (Ap 3:1).
II Noms divins.
1.
Les divers noms propres donnés à Dieu dans les Écritures, et les
étapes qu'ils représentent au cours de Sa révélation, sont étudiés
dans l'article Dieu [les noms de]. On y voit Sa personne souveraine
et rédemptrice se dégager progressivement, à la vue de ses
adorateurs, du nominalisme matérialiste des cultes primitifs jusqu'au
spiritualisme le plus absolu. L'homme primitif, en effet, suivant le
même raisonnement pour ses dieux que pour ses semblables, s'efforçait
de connaître et de prononcer fort exactement les noms des divinités
qu'il voulait se rendre favorables (notnina numina =les noms
sont des dieux): «l'énoncé de ce vocable (divin) avait, d'après la
mentalité antique, le pouvoir de le faire venir» (Lods). Cette
grossière conception magique s'épura dans la religion d'Israël, qui,
même lorsque l'adorateur «crie à JVHH», n'admet pas que cet appel
nominal puisse faire pression sur le Dieu tout-puissant; le langage
biblique a pu conserver quelques traces de l'antique notion d'une
influence inhérente au nom (cf. Ge 32:29,Jug 13:17 et suivant,
Mr 5:9), mais au lieu du pouvoir du nom sur le Dieu qu'on nomme,
l'Ecriture proclame toujours le pouvoir personnel et libre, absolu,
de Dieu lui-même: Son nom, c'est Sa nature; et puisque Sa nature est
Sa toute-puissance, Son nom c'est Sa puissance agissante, en train de
s'exercer. Cette équivalence ressort d'innombrables parallélismes
hébreux (Ps 54:3,Pr 18:10,No 6:27,Esa 30:27 etc.) et plus
encore de révélations caractéristiques comme celle du nom de JVHH à
Moïse (voir Dieu [les noms de], t. I,-p. 295), du troisième
commandement du Décalogue (voir ce mot, t. I, p. 275), de la prière
sacerdotale (voir art., parag. II). On sait que plus tard, par un
excès inverse, les Juifs évitaient même de proférer, pour ne pas le
profaner, le nom sacré;d'où l'expression: «le Nom», remplaçant JVHH
dans l'hébreu de Le 24:11 (où les rabbins ont même changé le
verbe qâbab-- blasphémer, en nâqab =prononcer, afin de
justifier l'abstention juive du nom sacré), et encore dans
Sir 23:10 (cf. Sag 14:21: «le nom qui n'appartient qu'à un seul»).
La locution «le nom de sa sainteté» (en franc., «son saint nom») est
un hébraïsme pour désigner l'Éternel en mettant l'accent sur cet
attribut de Sa sainteté (Eze 36:22,Ps 103:1,Le 20:3, Sir
17:10 etc.).
2.
La révélation progressive de Dieu à l'homme se complète dans celle de
Jésus-Christ; et les divers noms que lui donnent les livres saints
suivent le développement de l'incarnation et de la rédemption (voir
Jésus-Christ [noms et titres de], Emmanuel, etc). D'autre part,
l'assimilation courante en Israël du nom et de la personne se
retrouve fréquemment appliquée à Jésus; elle était d'ailleurs passée
aussi, en diverses formules, dans la langue commune de l'empire
romain. Comme le nom d'un individu, avons-nous dit (parag. I), évoque
sa personnalité totale, dans son rayonnement extérieur aussi bien que
dans sa nature profonde, le nom de Jésus c'est, avec sa personne
même, son autorité, sa cause, son oeuvre, sa dignité (Mt 10:22,Ac
5:41 8:12 15:26 3Jn 1:7,Ap 2:13 3:8 etc.). L'expression grecque
eïs to onoma =en son nom (avec indication d'une tendance: vers
son nom), se lit dans des inscriptions du I er siècle av.
J.-C, par ex. la mention d'objets vendus à un acheteur «pour le nom
du dieu Zeus»: l'acheteur n'est ici que «le fidéi-commissaire du
domaine sacré» (Waddington, Inscr, grec et latin, Paris 1870); de
même qu'acheter un article au nom de Zeus c'est l'acheter pour qu'il
appartienne à Zeus, de même être «baptisé dans le nom du Père,
etc.» (Mt 28:19), ou «croire dans le nom du Seigneur» (Jn
1:12 2:23 3:18), c'est affirmer par son baptême ou par sa foi que
l'on se livre en la possession même du Père, du Seigneur (Deissmann,
BS, pp. 143SS; NBS, p. 25). «Croire au nom de son Fils
Jésus-Christ» (1Jn 3:23), c'est se donner à la personne filiale
et rédemptrice que nous révèle l'Évangile. Quant à l'expression èn
tô onomati...--au nom de, si fréquente dans le N.T (Mr 9:38 Mt
7:22,Lu 10:17 Ac 4:18 10:48,1Co 5:4 6:11,Eph 5:20 etc.). et devenue
courante dans toutes les langues modernes mais inconnue au grec
classique, on en a trouvé une analogue dans le serment de loyalisme
juré à Caligula par les habitants d'Assos près Troas et signé par
cinq anciens qui, «après avoir prié pour le salut de l'empereur,
célébrèrent un sacrifice au nom de la cité » (simple datif: tô
tes poleôs onomati ; même construction que dans Jas 5:10).
D'où la valeur absolue pour l'Église chrétienne du «nom» de Jésus
le Sauveur--toute-puissance pour le salut du monde--proclamée en des
déclarations apostoliques concordantes et fondamentales. (lire Ac
4:12,Php 2:9,Heb 1:4,1Jn 5:13) A ce nom «éminent», «au-dessus de
tout nom», s'opposèrent bientôt les autorités du monde, juives et
romaines, les «noms blasphématoires» du paganisme oppresseur: (Ap
13:1 17:5) comme les Juifs du temps des Macchabées avaient subi les
persécutions déchaînées contre le «nom» de JVHH (2Ma 8:4,
etc.), de même mais sous une tout autre inspiration, celle du Christ
en personne, les chrétiens souffrirent et moururent pour ce nom; (cf.
Ac 9:16 21:13,1Pi 4:14,Ap 2:3-13 3:8) et le «nom caché» réservé
aux fidèles représente, comme celui qui sera gravé sur les fronts des
rachetés, leur appartenance définitive, éternelle, au Dieu de
Jésus-Christ (Ap 2:17 3:5 14:1 19:12 22:4).
III Noms de personnes.
1.
LEUR ATTRIBUTION.
Il semble qu'à l'origine le nom des enfants fût choisi par la
mère (Ge 4:1-25 29:32 30:6 et suivants, etc.) plus souvent que
par le père (Ge 4:26 35:18). Plus tard ce dernier cas devient
plus fréquent (Ex 2:22,2Sa 12:24,Os 1:4 et suivant, etc.). On
voit même intervenir les voisines (Ru 4:17). D'après divers
savants, le nom de l'enfant était primitivement conçu comme devant
écarter de lui les influences mauvaises. «Pour l'ancien Hébreu le nom
est tout autre chose qu'une résonance. Le nom manifeste la nature
même de celui qui le porte; il n'est nullement indifférent qu'il en
porte un quelconque...L'appel de ce nom, aussi bien que tout mot
prononcé, agit aussitôt extérieurement comme une force absolument
réelle, matérielle, qui met en oeuvre son potentiel...Il ne convient
donc pas de recevoir un nom qui annonce le malheur. Si Rachel
mourante appelle Benoni (=enfant de ma douleur) l'enfant dont la
naissance lui coûte la vie, le père change ce nom en celui de
Benjamin (=enfant de la droite, côté qui apporte le bonheur). Tout
nom doit donc avoir, le plus possible, le son d'un euphémisme...Dans
d'autres cas, le choix d'un nom aussi antipathique que possible, ou
trompeur, peut avoir eu primitivement pour but d'écarter des êtres
redoutés et malfaisants» (Bertholet, Hist. Civ. Isr., p. 182s).
Toujours à cause de cette importance accordée aux noms, leurs
explications étymologiques (1nterprétations populaires, suivant les
assonances plutôt que les règles linguistiques, et parfois
différentes selon les sources) jouent dans l'A.T, un rôle surprenant
pour de modernes Occidentaux. Leur grand nombre dénote une
préoccupation habituelle, tantôt allusion aux circonstances, tantôt
invocation religieuse ou programme de vie, image plus ou moins
inspiratrice: Caïn =l'acquisition (Ge 4:1), Noé =repos (Ge
5:29), Isaac =[l'enfant du] rire (Ge 17 17 18:13), Jacob =
[l'homme du] talon (âkeb) et Esaü =le velu (Ge 25:25 et
suivant); Samuel =exaucement de Dieu (1Sa 1:20), etc. Plus d'une
fois de telles étymologies ne furent que des tentatives pour
expliquer par l'hébreu des noms venus de langues étrangères: le cas
le plus typique est sans doute celui du nom de Moïse, certainement
d'origine égyptienne malgré l'interprétation traditionnelle: (Ex
2:10) sauvé des eaux (voir Moïse, I, 2, et II).
A l'époque de Jésus il sera devenu assez coutumier de perpétuer
les mêmes noms dans une famille; (cf. Lu 1:59 et suivants) cette
habitude, que devaient observer en particulier bien des générations
de rabbins, semble remonter au IV e siècle environ. Chaque individu
ne portait donc qu'un seul nom. Les exemples de surnoms
s'expliquent par une occasion exceptionnelle, généralement un
changement de vie, où le nouveau nom est décerné par une autorité
supérieure; ce nom nouveau peut être en rapport, mais aussi sans
rapport, avec l'ancien: Dieu change Abram en Abraham (Ge 17:5),
Saraï en Sara (Ge 17:15), Jacob en Israël (Ge 32:28), le
Pharaon change Joseph en Tsaphnath-Panéach (Ge 41:45), le
ministre babylonien change les noms de Daniel et de ses compagnons,
qui tous contenaient celui de leur Dieu, en des noms religieux de
Babylone (Da 1:6 et suivant); Jésus change Simon en
Céphas (Mr 3:16). Certains personnages paraissent avoir deux
noms interchangeables: Lévi et Matthieu, Nathanaël et Barthélemy,
Jean et Marc. Ou bien, deux noms sont équivalents par traduction dans
une autre langue: Josué se grécise en Jason et Jésus, Siméon en
Simon, Céphas se traduit par Pierre. D'autres noms sont
complémentaires, suivant les milieux où l'on s'en sert: l'hébreu Saul
et le grec Paul, les formes Silas et Silvain, etc. Enfin certains
surnoms sont destinés à distinguer un personnage des autres porteurs
d'un même nom répandu: Judas. Macchabée, Judas l'Iscariote (cf. Jn
13:26 14:22), Thomas appelé Didyme c-à-d. Jumeau (Jn
20:24), etc. (voir art. à tous ces noms). De bonne heure on avait
été amené à distinguer aussi les individus par l'addition du nom de
leur père: Josué fils de Nun (No 26:65), Judas fils de Simon
Iscariote (Jn 6:71), etc.; parfois aussi par leur lieu
d'origine (2Sa 23:24 et suivants), ce qui nous ramène à
l'observation du parag. I sur l'équivalence de tels noms de lieux
avec tels noms de personnages, ou tels patronymes, ou tels ancêtres
éponymes de familles, clans ou nations.
2.
LEUR COMPOSITION.
Aux temps anciens, les noms propres hébreux sont des appellatifs
courants: Adam =homme, Laban =blanc, Rachel =brebis, Tamar =
palmier, Débora =abeille (pour les noms d'animaux devenus noms de
personnes,voir Animal). Les formes agglutinantes de l'hébreu
permettaient de concentrer en un mot bref les allusions les plus
diverses: Ruben =voyez un fils, Jédida =bien-aimée, Réhum =pris en
pitié, Baruc =béni, Naomi =mon délice; Salomon, de la racine
signifiant «paix», etc. Mais le plus grand nombre des noms propres de
l'A.T, sont des mots composés, voire des phrases complètes, dont la
plupart «théophores», c-à-d, renfermant une appellation de Dieu,
surtout El =Dieu, ou Jah =JVHH, ou sa désignation par une proche
parenté: frère, père, oncle, roi, maître, etc., ou une allusion
claire dans le sujet sous-entendu d'un verbe à la 3° personne: Joseph
=[II] a ôté, ou augmenté, Nathan =[II] a donné (abrév, de Jonathan
=JVHH a donné, ou de Nathanaël =El a donné); Abiel =Dieu est père,
Abija =JVHH est père, Abitub =[Dieu] le père est bon, Eliam =Dieu
est oncle (nom retourné en Ammiel), Élimélec =mon Dieu est roi,
Malchija =JVHH est mon roi, Adonija =JVHH est maître, Ézéchiel =
Dieu est fort, etc. Tous les peuples sémites ont ainsi adopté des
noms théophores avec ceux de leurs grands dieux: en assyr. Assour,
Nébo; en araméen Hadad; en phénic. Astoreth; en égypt. Amon, Thot,
etc. En hébreu la variété des combinaisons possibles est très riche;
même sans connaître cette langue, il est facile de reconnaître les
éléments composants El et JVHH, soit au commencement soit à la fin de
nombreux noms propres (El..., Jéh..., Jo...;el,...ja). Lors de la
restauration juive au retour de l'exil, apparaissent des noms plus
compliqués, véritables professions de foi que l'on a pu comparer aux
prénoms bibliques recherchés qu'affectionnaient les Puritains ou,
encore aujourd'hui, les néophytes de certains milieux pieux peu
cultivés: Tob-Adonija =le Seigneur JVHH est bon (2Ch 17:8),
Eljoénaï =à JVHH sont mes yeux (1Ch 3:23 etc.), Bésodia =dans
le conseil de JVHH (Ne 3:6), Betsaléel =à l'ombre protectrice
de Dieu (Ex 31:2), etc. Il n'est pas jusqu'à la nomenclature de
9 frères (1Ch 25:4) qui ne constitue toute une prière à JVHH
(voir Héman).
N'y a-t-il pas quelque chose de significatif et d'émouvant dans
ce besoin de la piété des pères et des mères, de consacrer leurs
enfants au Seigneur en plaçant d'avance tout leur avenir sous le
signe d'une devise de croyant? Sans doute, cette coutume n'en
présentait pas moins un risque de formalisme dans lequel le judaïsme
est trop souvent tombé, revenant ainsi, par ses formules mêmes de
piété savamment élaborées, à la même erreur que le primitif dans ses
grossières incantations magiques relatives au nom de son dieu.
3.
LEUR EVOLUTION.
Un aperçu d'ensemble sur l'histoire des noms de personnes en Israël
fait donc apparaître un progrès parallèle à celui de la foi en Dieu.
D'abord simples noms d'animaux ou d'objets, ils ne revêtent que
graduellement une portée religieuse; et ce sont en premier lieu des
noms théophores, principalement élohistes, c-à-d. composés avec le
nom générique de la divinité, El; après David, les noms jéhovistes
(avec JVHH) deviennent plus nombreux, et plus encore les noms
semi-divins où l'Éternel est désigné par les termes des relations
domestiques et sociales; ceux-ci disparaissent au temps dur de
l'exil, mais après le retour la ferveur piétiste et l'imploration des
fidèles repliés sur le temple remettent à la mode les noms élohistes
et jéhovistes, en leur trouvant des développements nouveaux
révélateurs des profonds besoins des âmes inassouvies (cf. Gray,
Hébreu Prop. Marnes, pp. 243SS).
A la lumière de ces multiples constatations, le lecteur du
présent ouvrage comprendra pourquoi l'on s'y est astreint à fournir
entre parenthèses le sens de tant de noms propres, dont quelques-uns
apparemment insignifiants. Ces termes n'étaient point usés pour leur
peuple, comme le sont aujourd'hui la plupart de nos prénoms et noms
de famille; mais, à la façon d'une effigie de monnaie toute neuve,
leur étymologie populaire disait aux croyants comme aux étrangers les
préoccupations actuelles des âmes et les solennelles révélations de
leur Dieu. Le nom de Josué leur parlait de sauveur (Sir
46:1), comme plus tard le même nom de Jésus (Mt 1:21). Le style
familier jouait volontiers sur le sens des noms: Nabal,
l'insensé (1Sa 25:25), Onésime, l'utile (Phm 1:10); et
certains textes prophétiques comme ceux de Michée (voir ce mot) sont
émaillés de tels jeux de mots par assonances et consonances.
Ainsi s'explique donc la grande importance attribuée par les
prophètes aux noms symboliques (voir Symbolisme): ceux qu'ils
donnent à leurs enfants, comme Lo-Ammi, Lo-Ruhama, Emmanuel,
Maher-Salal-Has-Baz, etc. (Os 1:4,6-9 2:1,23,Esa 7:14 8:3), sont
pour leurs auditeurs d'inoubliables textes de prédications, une
condensation vivante des plans divins de destruction rétributive et
de grâce salvatrice. D'où la valeur, enfin, des noms nouveaux,
prédiction, sanction et sceau des renouvellements de l'individu et de
la société. (cf. Eze 48:35,Esa 62:1-5 65:15,Jn 1:42,Ap 2:17
3:12 etc.) Tel, le païen aujourd'hui converti et baptisé par le
missionnaire adopte un nom biblique, chrétien, proclamation publique
de sa nouvelle naissance et de sa vie nouvelle en Jésus-Christ.
IV Noms de lieux.
La toponomastique, science de l'étymologie des noms de localités, est
souvent réduite à des hypothèses et sujette à de grandes
incertitudes. Elle l'est particulièrement pour la topographie de
l'A.T. Ces noms sont en général d'époque cananéenne ou
pré-cananéenne, fort antérieurs à l'occupation israélite de la
Palestine et d'une autre provenance que l'hébreu; de plus, ils ont au
cours des âges subi maintes altérations et déformations.
On peut toutefois reconnaître des appellations hébraïques dues:
1° A des particularités naturelles: source (En;
ex. En-Guédi), source jaillissante (Béer; ex. Béer-Séba), eaux
(Mé...), bois ou forêts (Jéarim), hauteurs (Guibéa, Gabaon, Rama),
arbres (figuier: Bethphagé; pommier: Beth-Tappuach; chêne: Éla;
acacia: Abel-Sittim).
2° A des utilisations des sites: camp
(Mahanaïm), tour de garde (Migdol, Méguiddo, Mitspa), village
(Hatser), abri momentané de bergers (Succoth), refuge (Adullam).
3° A d'antiques traditions: Esek, Sitna,
Réhoboth, Béer-Lachaï-Roï (=puits du Vivant-qui-me-voit).
4° A d'anciens clans: Samarie.
5° A des noms d'animaux: Ajalon (=cerf),
Ir-Nahas (=ville du serpent), Beth-Nimra (=maison de la panthère),
etc. On en a relevé deux douzaines, presque la moitié des noms
d'animaux mentionnés dans la Bible; Robertson Smith et d'autres
savants y ont vu, d'ailleurs sans preuve, un indice de primitives
croyances totémiques chez les Sémites. Mais «un groupe humain a pu
prendre le nom d'un animal sans pour cela se croire apparenté à tous
les représentants de l'espèce en question» (Lods, Isr., I, p.
129).
6° A d'anciens sanctuaires, israélites ou
cananéens, dont la localité conserve le nom de la divinité locale,
soit El (Dieu), soit Baal, Anath, Nébo, Samas (le dieu solaire),
etc.; ex., Béthel, Péniel, Migdalel, Bamoth-Baal, Baal-Hatsor,
Beth-Sémès, Anatoth, etc. (voir art. à ces divers noms).
L'inscription de Thoutmès, à Thèbes (environ 1500 av. J.-C),
mentionne Jacobel et peut-être josephel (=Dieu de Jacob, de Joseph),
qui pourraient avoir été des clans du S. de la Palestine.
Jn L.