APOCRYPHES
(les livres apocryphes de l'A.T.). On désigne de ce nom un certain
nombre d'écrits qui ne figurent pas dans la Bible hébraïque, mais qui
ont été introduits dans sa traduction grecque, dite version des LXX,
d'où ils ont passé dans la Bible latine et dans toutes les Bibles
anciennes et modernes jusqu'au début du XIX e siècle. Apocryphe
est la transcription d'un mot grec qui veut dire «caché». On cachait
des livres sacro-saints, qu'on tenait à dérober aux profanes. On
cachait aussi des ouvrages d'origine incertaine et de valeur douteuse
qu'on tenait plus ou moins pour suspects. C'est en cette acception
défavorable que le terme d'apocryphe a été appliqué aux écrits de
l'A.T. dont nous parlons. Il va sans dire que ceux qui les ont
ajoutés à la Bible ne leur accolaient point cette épithète; ils n'en
ont pas fait non plus un groupe à part. Les tenant en la même estime
que le reste des livres saints, ils les y ont mêlés étroitement et
les ont dispersés dans les diverses parties du recueil sacré. Par
ex., un des plus anciens manuscrits des LXX, le Vaticanus, donne
le 3 e livre d'Esdras entre les Chroniques et Esdras,
la Sagesse de Salomon et la Sagesse de Sirach entre Job et
Esther, Judith et Tobit après Esther, Baruch après
Jérémie, la Lettre de Jérémie après les Lamentations.
La liberté avec laquelle on traitait ainsi les Écritures ne
surprendra pas, si l'on se souvient qu'à l'époque où la Bible fut
traduite en grec, ni le contenu ni l'ordre n'en étaient
définitivement fixés. On la complétait encore en Palestine, au milieu
du II e siècle av. J.-C. Les Juifs d'Egypte, qui formaient une
colonie nombreuse et puissante, ne se firent donc pas scrupule
d'ajouter aux livres saints qui leur venaient de la métropole,
d'autres écrits qu'ils jugeaient précieux et capables d'édifier les
fidèles. L'Église chrétienne primitive sanctionna en quelque sorte
leur procédé, puisqu'elle adopta la Bible grecque. Et elle ne fit que
suivre l'exemple des Juifs d'Alexandrie lorsqu'à l'A.T. elle ajouta
le Nouveau.
D'assez bonne heure, des doutes furent exprimés sur tel ou tel
des livres saints qui n'appartenaient pas à la Bible hébraïque. C'est
ainsi qu'un ami d'Origène, Julius Africanus, voulait exclure
l' Histoire de Suzanne, incorporée dans la traduction grec de
Daniel. Ces protestations isolées eurent peu d'écho.
Le premier docteur chrétien qui songea à contester l'ensemble des
écrits introduits par les LXX dans le recueil des Saintes Écritures,
et qui les traita d'apocryphes, fut Jérôme, l'auteur de la Vulgate
(IV e siècle). Chargé par le pape Damase d'une révision
de la Bible latine, dont il circulait des copies diverses et plus ou
moins altérées, il recourut aux sources et fut amené à suspecter tous
les livres de l'A.T. qui ne se trouvent pas dans le canon hébreu; il
déclara dans son Prologus galeatus (préface aux livres de Samuel
et des Rois) que ces écrits devaient être rangés parmi les apocryphes
et n'appartenaient pas au canon. Néanmoins, il n'osa pas rompre avec
la coutume et les admit dans sa traduction. Les idées de Jérôme
furent vivement combattues dans l'Église, en particulier par
Augustin, et la tradition ancienne fut confirmée: tous les livres
admis par les LXX demeurèrent réputés canoniques.
Au XVI e siècle, beaucoup d'écrivains protestants se rallièrent
plus ou moins aux vues de Jérôme. Luther admit bien dans sa Bible
allemande tous les Apocryphes, mais il les rejeta à la fin de l'A.T.
et les fit précéder de cette notice: «Livres qui ne doivent pas être
estimés à l'égal de la Sainte Écriture, mais qui pourtant sont utiles
et bons à lire.» L'Église luthérienne s'en tint à cette façon de
voir. Les calvinistes jugèrent les Apocryphes avec plus de sévérité.
Robert Olivétan, dans sa traduction française de la Bible (1535), les
donne en appendice, comme Luther, avec cet avertissement: «Les livres
qui précèdent (l'A.T.) se trouvent en langue hébraïque et sont reçus
de tous. Les suivants sont dits apocyphes... ils n'existent plus
ni en hébreu ni en caldéen et ne sont reçus ni tenus pour légitimes
ni par les Hébreux, ni par l'Église, ainsi que réfère saint Jérôme.
Ils ont été corrompus et falsifiés en maints passages.» La révision
de 1588 est plus nette encore: «Ces livres ne sont pas divinement
inspirés, comme le reste des Saintes Écritures, et ne doivent pas
être produits publiquement en l'Église pour servir de règle aux
articles de foi, ni même aux points de vérité de l'histoire sainte.»
L'Église catholique demeura fidèle à la pensée d'Augustin. Le
célèbre concile de Trente (1546) proclama la canonicité des livres
apocryphes contenus dans la Vulgate, à l'exception toutefois des 3 e
et 4 e livres d'Esdras et de la Prière de Manassé. Quelques docteurs
essayèrent, plus tard, de faire une distinction entre les livres de
l'A.T. hébreu et les Apocryphes, en donnant à ceux-ci l'appellation de
deutérocanoniques. Mais cette tentative eut peu de succès, et le
concile du Vatican (1870) confirma le décret du concile de Trente.
La polémique qui s'établit entre le catholicisme et la Réforme,
au sujet des Apocryphes, amena les protestants à les traiter avec une
sévérité croissante. En Hollande, il fut très sérieusement question
de les exclure de la Bible. Il y parut même une édition qui ne
les contenait pas (Leyde 1665). Les partisans de la coutume eurent de
la peine à faire décider leur maintien par le Synode de Dordrecht.
Les Bibles protestantes continuèrent à les imprimer, mais en leur
infligeant des préfaces de plus en plus dures. «Ces livres, disait
David Martin, en 1707, sont lus de fort peu de monde, et si on en
excepte l'Ecclésiastique, la Sapience, le I er livre des Macchabées
et le ch. 7 du 2 e, tout le reste ne vaut presque pas la peine d'être
lu.»
Dans de telles conditions, il était inévitable que le maintien
des Apocryphes dans les Bibles protestantes finît par apparaître
comme un scandale. Ce sentiment se manifesta avec une force
particulière en Ecosse, au début du XIX e siècle, dans des milieux
fortement attachés au dogme de l'inspiration littérale des Écritures.
On y jugea intolérable que la parole humaine fût associée, dans un
même volume, à la Parole de Dieu. Tel fut aussi l'avis de quelques
Sociétés bibliques locales, affiliées à la Société Biblique de
Londres, et elles réussirent à obtenir de cette dernière que les
Apocryphes fussent exclus de toutes ses éditions (1826). Les Sociétés
bibliques du continent persistèrent, pour la plupart, à les imprimer,
mais il parut de plus en plus des éditions qui ne les donnaient pas,
et le nombre de leurs lecteurs alla sans cesse en diminuant. En
France tout au moins, ils sont à peu près abandonnés, à l'heure
actuelle, et on ne les trouve plus guère que dans une publication
spéciale de la Société Biblique de Paris (1909).
Que faut-il penser des griefs formulés contre les Apocryphes? Le
plus important--et sans lequel sans doute on n'eût jamais eu l'idée
d'en chercher d'autres--c'est l'absence de ces livres de la Bible
hébraïque. Mais pourquoi les Juifs de langue grecque n'auraient-ils
pas eu le droit, aussi bien que leurs coreligionnaires de Palestine,
d'avoir leurs écrits sacrés? Les chrétiens ne se sont-ils pas cru
autorisés à ajouter le N.T. à l'Ancien? Au surplus, ils adoptèrent,
dès l'origine, non pas la Bible hébraïque, mais la Bible grecque,
avec son ordre et son contenu particuliers. On aurait compris que la
Réforme, voulant retourner aux sources les plus anciennes, eût
abandonné la Bible des LXX pour lui substituer celle des Hébreux.
Mais ce n'est pas le parti qui fut adopté. On garda la Bible grecque,
avec sa disposition spéciale des matières, en y retranchant les
écrits qui ne figuraient pas dans le canon hébr., ce qui donna à la
Bible protestante un certain air de Bible expurgée.
Pour renforcer leur position, les partisans de l'exclusion des
Apocryphes avancèrent d'autres arguments. Ces livres, disaient-ils,
n'ont pas été reçus de tous, et ils citaient naturellement l'opinion
de Jérôme. Mais ils oubliaient volontiers deux faits essentiels:
1° la thèse de l'auteur de la Vulgate n'avait été
admise que par une petite minorité, et elle a été condamnée par
l'Église;
2° beaucoup de livres de l'A.T. et du N.T., en
dehors des Apocryphes, ont été plus ou moins contestés, par ex. chez
les Juifs, Ézéchiel, Esther, le Cantique des cantiques et
l'Ecclésiaste; chez les chrétiens, l'Apocalypse, l'épître aux
Hébreux, les Pastorales et jusqu'à l'év. de Jean. On appauvrirait
sérieusement la Bible, si l'on n'y voulait maintenir que les écrits
reçus partout et par tous.
On a encore élevé des objections contre le contenu des
Apocryphes: on a critiqué leur morale, leur piété, leurs dogmes et
jusqu'à leurs miracles. Reproches injustes ou tout au moins exagérés.
Les Apocryphes sont des écrits parfaitement sains et qui peuvent être
mis sans aucun inconvénient entre les mains de tous. Ils ont des
conseils d'une prudence parfois poussée jusqu'à l'égoïsme, mais ce
trait se retrouve ailleurs aussi dans l'A.T. La piété qu'ils
expriment n'est peut-être pas toujours héroïque, mais elle est
simple, sans trop de mièvrerie ni de formalisme. Leur dogmatique
diffère fort peu de celle des livres du canon hébreu. Elle n'apporte
guère comme nouveautés que l'affirmation très nette de la
résurrection (2Ma 7) et celle de l'immortalité de l'âme
(Sagesse de Sal. en particulier Sag 2:23 3:9 5:16), idées qui étaient
étrangères à l'antique religion d'Israël (la résurrection apparaît
timidement dans le livre de Da 12:2, et dans un chap. tardif
de Esa 26:19).
On a beaucoup reproché aux Apocryphes quelques passages qui
semblaient confirmer des doctrines spécifiquement catholiques:
l'intercession des anges (Tob 12:12) et des
saints (2Ma 15:14,Bar 3:4), la rédemption des âmes après
la mort et l'efficacité des prières pour les trépassés (2Ma
12:42-45), et enfin le mérite des oeuvres (Tob 4:7
12:8-14,Sir 3:30). Mais cette dernière idée remplit l'A.T. et
apparaît même dans le Nouveau (Jas 2:24). Quant à l'intercession
des anges, elle n'est pas dans le texte allégué: (Tob 12:12)
n'affirme rien de plus que Ap 8:4 (les anges portent à Dieu les
prières des hommes). En ce qui concerne l'expiation pour les morts,
mentionnée occasionnellement (2Ma 12:45), elle n'est
certes pas plus choquante que le baptême pour les morts (1Co
15:29). Les raisons mises en avant pour écarter les Apocryphes ne
semblent donc pas décisives. Il n'en est aucune qu'on ne pût faire
valoir aussi bien contre tel ou tel des autres livres du canon.
On doit reconnaître toutefois que les Apocryphes ne sont pas ce
qu'il y a de plus précieux dans le recueil sacré. Ils ne se
distinguent pas par leur puissance spirituelle. Leurs auteurs sont
des épigones, plus imitateurs que créateurs. Ils vivent sur la
révélation de l'ancien Israël bien plus qu'ils ne la continuent. Le
souffle prophétique leur fait presque entièrement défaut. Si leur
exclusion est fort regrettable au point de vue historique, elle ne
fait perdre à la Bible rien d'essentiel au point de vue religieux.
Ni les manuscrits des LXX ni les éditeurs modernes ne sont
d'accord soit sur le nombre des Apocryphes, soit sur l'ordre dans
lequel il convient de les ranger. Ceux que le concile de Trente a
proclamés canoniques sont les suivants: Tobit (ou Tobie),
Judith, Additions à Esther, Sagesse de Salomon (ou Sapience),
Sagesse de Jésus fils de Sirach (ou Ecclésiastique), Baruch,
avec la Lettre de Jérémie, Additions à Daniel, 1 et 2 Macchabées.
On ajoute généralement à cette liste la Prière de
Manassé et le 3 e livre d'Esdras (admis tous deux en appendice
dans la Vulgate), souvent aussi 3 Macchabées, et quelques fois
4 Esdras (appendice de la Vulgate) et 4 Macchabées. Nous ne
retiendrons pas ces deux derniers livres; voir pour l'un Apocalypses
et pour l'autre Pseudépigraphes.
Les Apocryphes peuvent être classés comme suit, d'après leur caractère
littéraire:
A. Livres historiques : 1 et 2Mac
B. Récits patriotiques et religieux : 3Mac; Tobit; Judith; Additions
à Est; 3Esdras; Suzanne; Bel; le Dragon (ces trois derniers sont
des additions à Daniel).
C. Écrits lyriques et prophétiques : Prière d'Azarias (addition à
Daniel); Prière de Manassé; Baruch; Lettre de Jérémie.
D. Livres d'enseignement moral et religieux : Sagesse de Jésus
fils de Sirach; Sagesse de Salomon.
Le I er livre des Mac. «Macchabée», dérivé probablement de
l'hébreu maqqaba (marteau), était le surnom de Judas, l'un des
fils du prêtre Mattathias, protagoniste de l'insurrection juive
contre les rois de Syrie. Ce nom a été étendu aux membres de sa
famille, puis à sa dynastie et enfin aux martyrs du judaïsme quels
qu'ils fussent (d'où la désignation de 3 et 4 Mac, livres qui n'ont
aucun rapport avec la race de Judas). 1Mac raconte l'histoire du
peuple juif pendant quarante années (de l'avènement d'Antiochus
Épiphane à Jean Hyrcan, 175-135 av. J.-C). Il fait le récit des
luttes qui lui assurèrent l'indépendance pour plus d'un siècle. C'est
un des meilleurs livres d'histoire de la Bible. Chronologie uniforme
et précise. Narration simple, claire, suivie, sans exagérations ni
légendes, et remarquablement impartiale. L'auteur anonyme, qui vivait
très près des événements qu'il rapporte, et qui a pu en connaître des
témoins, paraît s'être exactement renseigné. Quoique ses dires ne
soient pas exempts d'erreurs de détail, ils semblent dignes de foi.
Ses indications géographiques sont justes et ses assertions
concordent avec celles des historiens païens. On peut douter
cependant de l'authenticité des pièces diplomatiques dont il cite un
assez grand nombre (lettre du roi de Sparte Arius au grand-prêtre
Onias, lettres des Romains à Judas et à ses frères Jonathan et Simon,
etc.). Ces documents, comme les discours des personnages mis en
scène, paraissent avoir été librement reconstitués. Certains même ont
dû être forgés de toutes pièces. Le livre, très probablement écrit en
hébreu ou en araméen (d'après le style et aussi d'après les témoignages
d'Origène et de Jérôme), a dû voir le jour vers la fin du II e siècle
ou le commencement du I er siècle avant notre ère.
Le 2° livre des Mac. ne fait pas suite au I er.
Il raconte les événements survenus entre 176 et 161 av. J.-C. Le
récit proprement dit est précédé de deux lettres adressées aux Juifs
d'Egypte par les Juifs de Palestine, pour les engager à célébrer la
fête de la Purification du Temple, instituée par Judas Macchabée
(1Ma 4:41 et suivants, 2Ma 10:1-8). Ces
documents sont apocryphes et ne sont probablement pas de l'auteur de
l'histoire proprement dite. L'histoire elle-même, qui commence ch.
2:19, se donne comme l'abrégé d'un grand ouvrage composé par Jason de
Cyrène. Ce n'est là vraisemblablement qu'un artifice littéraire. Le
récit n'a aucune des qualités de celui de 1Mac Il est déparé par des
inexactitudes et des exagérations manifestes: qu'on lise seulement
10:18-23, où 9.000 hommes s'étant réfugiés dans deux tours, Judas
en tue 20.000, après qu'un certain nombre se sont échappés! Seuls les
ch. 3 et 4, qui racontent les intrigues des familles sacerdotales à
Jérusalem et qui expliquent fort bien l'intervention des rois de
Syrie dans les affaires intérieures de la Judée, avec les
persécutions qui s'ensuivirent, présentent une réelle valeur
historique. Signalons, à un autre point de vue, les récits de
martyres, principalement celui du ch. 7, qui ont été certainement
dramatisés, mais qui ne manquent pas de grandeur. Ils ont ému et
réconforté beaucoup de chrétiens à travers les siècles. Le livre,
écrit dans une bonne langue grecque, mais qui pèche pourtant par
l'abus de la rhétorique, paraît dater des environs de l'ère
chrétienne. Son auteur a dû être un pharisien, très zélé pour la Loi,
très attaché aux principes théocratiques, fortement imbu du mépris et
de la haine de l'étranger. Son ignorance de la topographie de la
Palestine autorise à penser qu'il vivait dans la «diaspora» (voir ce
mot), en Egypte probablement.
Le 3e livre des Mac. est un conte plutôt qu'une
histoire. Il raconte les persécutions que le roi d'Egypte Philopator
(226-204 av. J.-C.) aurait fait subir aux Juifs établis dans ce pays.
Il se distingue par une rhétorique fort ampoulée et par des récits de
miracles fantastiques. Son origine peut être placée après celle de 2
Mac, un peu avant la destruction du Temple par Titus (70 ap. J.-C).
L'auteur, anonyme, est resté inconnu, comme ceux des deux livres
précédents.
Tobit est une charmante nouvelle, qui eut beaucoup de succès
dans l'antiquité, et qui plaît aujourd'hui encore. Elle nous fait
pénétrer dans la vie intime d'une digne et pieuse famille juive, qui
aurait vécu dans la déportation à Ninive. Elle fut écrite très
probablement en gr, par un auteur inconnu. On n'en peut déterminer
avec quelque certitude ni le lieu ni la date, qui semble en tout cas
antérieure à l'ère chrétienne.
Judith aussi est un conte, dû à un auteur anonyme, qui voulait
exalter les sentiments patriotiques et religieux des Juifs.
L'héroïne, Judith, une belle et pieuse Israélite, sort de sa ville
assiégée et, simulant la trahison, pénètre dans le camp du général
assyrien Holopherne. Ayant conquis le chef païen par son intelligence
et son charme, elle réussit, par la protection divine, à lui couper
la tête, un jour que le sommeil de l'ivresse l'avait terrassé, et
elle ramène le sanglant trophée dans la place de Betyloua. Ce
dramatique récit, qui a inspiré maintes tragédies, a dû être composé
en hébreu ou en araméen (Jérôme affirme l'avoir lu dans cette langue),
aux environs de l'an 100 av. J.-C.
Les Additions à Esther se composent de sept fragments divers
intercalés dans ce livre, peut-être par son traducteur grec. Celui-ci
a pu les puiser dans la tradition car l'histoire d'Esther a inspiré
tout un cycle de légendes. Les «Additions» sont antérieures à
Josèphe, qui les a utilisées dans les Antiquités juives (fin du I
er siècle). On n'en peut préciser autrement la date. Dans le présent
ouvrage, les références relatives à ce livre suivent la numérotation
de ces morceaux telle que la donne l'édition française de la Soc.
Biblique de Paris (Apocr.)
Le Troisième livre d'Esdras est, semble-t-il, un fragment
d'une traduction grec qui comprenait les livres des Chroniques,
d'Esdras et de Néhémie. Cette version, plus élégante que celle des
LXX, a été utilisée par Josèphe, qui l'a connue dans sa forme
actuelle. La partie qui en subsiste comprend la fin de 2 Chr., Esdras
et la fin de Néhémie. Elle se ramène au texte hébr., auquel elle
ajoute trois morceaux, dont deux fort courts et insignifiants.
L'autre, qui occupe deux chap. (3 et 4), peut s'intituler «Les trois
pages de Darius». Trois jeunes gardes du corps de ce souverain se
livrent à un tournoi oratoire, chacun faisant l'éloge de ce qu'il
estime être le plus puissant en ce monde: le vin,--le roi,--les
femmes et la vérité. Il y a de l'ingéniosité dans ces développements,
et même de l'éloquence, surtout dans l'éloge de la vérité. Ce
fragment a été composé très probablement en grec; on ne peut dire
s'il appartenait primitivement au texte grec de 3 Esdras, ou s'il y a
été interpolé. 3 Esdras est désigné par l'abréviation Apocr. Esd dans
le présent ouvrage.
Additions à Daniel . Cinq fragments assez courts, dont les
trois premiers: Suzanne, Bel et le Dragon, n'ont aucun
rapport avec le livre de Daniel. Ils y ont été ajoutés (ordinairement
à la fin) parce que Daniel en est le héros. «Suzanne» est un joli
conte bien connu, qui met en lumière la chasteté d'une jeune femme
juive et la sagesse de Daniel encore enfant. «Bel» et «le Dragon»
tournent en dérision le culte des idoles. La prière d'Azarias et
le Cantique des trois jeunes gens (cf. Da 1:6 et suivants)
sont un ou deux morceaux lyriques intercalés entre Da 3:23 et
3:24. Il n'est pas sûr qu'ils aient été composés tout exprès pour
illustrer le contexte où nous les trouvons, ni qu'ils soient de
l'auteur de la version grec de Daniel. Peut-être même sont-ils la
traduction d'un original hébreu. Ni la date, ni l'auteur, ni le lieu
d'origine des «Additions à Daniel» ne sauraient être précisés. Le
plus probable, c'est qu'ils sont contemporains de la vers. grec du
livre hébr., ou un peu antérieurs.
La prière de Manassé est une brève composition lyrique (15
versets), inspirée par 2Ch 33:12-16. Il ne peut s'agir en aucune
façon du texte authentique de la prière que mentionne le passage cité.
Le livre de Baruch est un petit écrit en cinq courts chap.,
attribué à Baruch, secrétaire du prophète Jérémie. (cf. Jer 32:12
36:4-26) Il se compose de trois morceaux: le premier (en prose) est
une confession des péchés d'Israël, précédée d'une notice sur le
«livre de Baruch»; le deuxième (en vers) est un éloge de la Sagesse;
le troisième (en vers également) contient trois chants sur la
captivité et le retour. L'origine de ces fragments sans unité réelle
est inconnue. Ils sont postérieurs, en tout cas, au livre de Daniel,
que le premier a imité et dont il a même reproduit textuellement
quelques lignes.
La Lettre de Jérémie , adressée aux captifs qui vont être
emmenés à Babylone, est une composition apocryphe suggérée par Jer
29. Elle s'applique surtout à démontrer le néant des idoles. Elle
imite Esa 41 Esa 42 Esa 43 Esa 44 Jer 10 Ps 115 Ps 135.
L'origine en est inconnue.
La Sagesse de Jésus fils de Sirach (ou Siracide), que
les Latins ont nommée l'Ecclésiastique, est le plus gros des livres
apocryphes (51 ch.). L'auteur, qui se désigne lui-même (50:27),
s'appelait Jésus, fils de Sirach (texte grec) ou Siméon, fils de
Jésus, fils d'Éléazar, fils de Sira (texte hébr.). Il paraît avoir
dirigé, à Jérusalem, une école de «sagesse», c-à-d. d'enseignement
moral et religieux, et il a écrit son livre pour conserver le
souvenir de ses leçons. Le contenu de l'ouvrage est analogue à celui
des Proverbes. Il est en général plus religieux. Cependant il lui
arrive de descendre à des sujets très terre à terre: il donne des
conseils sur la politesse et même des prescriptions sur l'indigestion
et la colique! Sa morale est saine et ferme, mais souvent assez dure
et voisine de l'égoïsme. Ayant observé les hommes avec soin, il a
conservé sur eux peu d'illusions, et moins encore sur les femmes. Il
invite ses lecteurs à se défier de leurs semblables, et même de leurs
amis. La fin du traité est consacrée à l'éloge des «Pères», depuis
Adam jusqu'à Simon, fils d'Onias, auquel est consacré un assez long
développement. On a l'impression que l'auteur a vu de ses yeux
officier ce grand-prêtre (219-199 av. J.-C). Cela permettrait de
placer la composition du livre au début du II e siècle avant notre
ère. Cette date est également suggérée par la préface du traducteur
grec, qui se donne comme le petit-fils de l'auteur, et qui déclare
s'être fixé en Egypte la trente-huitième année du roi Évergète
(170-116), soit en 132. La Sagesse de Sirach fut écrite en hébreu et
en vers, suivant l'usage adopté pour ce genre littéraire (voir
Proverbe). Le texte original, que Jérôme encore a connu, disparut
ensuite. Il a été retrouvé en partie, au cours des dernières années
du XIX e siècle, dans une antique synagogue du Caire. Les feuillets
exhumés, dont beaucoup sont en mauvais état, appartiennent à quatre
manuscrits différents et donnent environ les deux tiers de l'ouvrage.
La Sagesse de Salomon (ou Sapience) ne provient
certainement pas du fils de David, mais elle lui ferait honneur.
C'est, de tous les Apocryphes, celui qui contient le plus de pensée
et de poésie. La première partie (ch. 1-9) est d'une grande beauté:
elle est consacrée à l'éloge de la «Sagesse», qui est célébrée
magnifiquement. Dans la deuxième partie (10-19), l'auteur semble
s'être proposé de montrer les révélations de la Sagesse dans
l'histoire d'Israël, mais, arrivé à la sortie d'Egypte, il s'embarque
dans des subtilités parfois ingénieuses mais fort alambiquées, et il
s'y noie. Il y a cependant, là encore, une page extrêmement
remarquable sur la grandeur et la bonté de Dieu (Sag 11:20 - 12:2
12:11-18). L'auteur est un Juif demeuré fortement attaché à sa
religion et à son peuple, mais qui s'est nourri de la philosophie
grecque. Il lui a emprunté notamment l'idée de l'immortalité de
l'âme, qu'il développe avec beaucoup d'éclat. Mais il est plutôt
poète que dialecticien: l'art de systématiser sa pensée n'est pas son
fort. A ce point de vue, il est bien resté israélite. Il vivait
probablement à Alexandrie, au I er siècle av. notre ère. C'est un
précurseur de Philon. On a cru reconnaître dans le N.T. quelques
échos de son livre (cf. Ro 1:18-32 et Sag 13 -14). La langue
originale est certainement le grec.
SOURCES LES PLUS IMPORTANTES.--Le texte grec se trouve dans
toutes les éditions des LXX Il a été publié à part, par Fritzsche,
Libri Apo cryphi Veteris Testament, Leipzig 1871. Le commentaire
le plus étendu qui en ait été donné est le Kurzgefasstes
exegetisches Handbuch zu den Apohryphen des A. T. de Fritzsche et
Grimm, 6 vol., Leipzig 1851-1860. Traductions: en français, la
Bible de Reuss (6e et 7e p.), Paris 1878-1S79 (avec introd. et
comment.); la Vers. Crampon 1905; les Livres Apocr. de VA.T.,
Soc. Bibl. de Paris 1909 (avec introd. et notes); en allemand, die
Apokryphcn des A.T., sous la direction de Kautzsch, Tubingue 1900
(avec introd. et notes); en anglais, the Apocrypha and
Pseudepi-grapha of the O.T., par R.-H. Charles, 2 vol., Oxford 1913
(trad. annotée), et W.O. OEsterley, The Books of the Apocrypha, 3
e éd., London 1916. L. R.
Pour le N.T., voir Évangiles apocryphes.