MOAB, MOABITES
1.
Géographie.
Les Moabites habitaient le plateau à l'Est de la mer Morte; leurs
voisins étaient au Sud les Édomites, au Nord les Ammonites et à l'Est
les bédouins du désert. L'élégie qu'on lit dans Esa 15 décrit le
pays de Moab dans son étendue la plus vaste, depuis «les eaux de
Nimrim» vis-à-vis de Jérico, jusqu'au «torrent des Saules» au Sud de
la mer Morte (presque 100 km.), bien qu'à l'époque de Moïse les
Moabites eussent perdu leur territoire au Nord de l'Arnon (No
21:26). Leurs villes principales, du N. au Sud, étaient Hesbon,
Médéba, Dibon, Ar-Moab (voir Ar), au Nord de l'Arnon (No
21:27-30) et, au Sud, Kir-Moab (Esa 15);
voir Kir-Moab, Kir-Haréseth, Rabbath-Moab. Les villes nommées par
Mésa dans son inscription sont toutes, sauf Hauronan, au Nord de
l'Arnon, dans le territoire contesté.
2.
Origine.
Les Moabites ont certainement occupé leur pays avant 1250 av. J.-C,
et probablement après 1400, puisqu'ils ne sont pas nommés dans la
correspondance de Tell el-Amarna. Ce sont des Sémites, ou plus
exactement des Hébreux comme les Israélites, les Ammonites et les
Édomites. D'après une tradition injurieuse (Ge 19:36), les
Moabites seraient le produit d'une union incestueuse de Lot (le neveu
d'Abraham) avec sa fille aînée (d'après les LXX, ibid., Moab
signifie issu du père, en hébreu mê-âb). Les Hébreux nous
semblent être d'origine arabe, bien que bon nombre de savants les
rattachent aux Araméens. D'après De 2:10 et suivant, avant
l'invasion moabite, le pays était habité par des géants, dont le nom
était Émim.
3.
Histoire.
Ramsès II (1292-1225) nomme les Moabites parmi les peuples qu'il
soumit en Syrie. Peu après, lorsque Moïse eut conduit les Israélites
à Kadès, Sihon, roi des Amoréens, avait occupé la partie
septentrionale de Moab et avait choisi Hesbon comme sa
capitale (No 21:26-30). Soit que les Moabites aient appelé les
Israélites à leur secours (d'après la géniale hypothèse de Wellhausen),
soit que quelques tribus de Kadès aient vu dans ce conflit une
occasion pour occuper le territoire dont elles avaient besoin, Israël
battit Sihon et Ruben occupa son territoire, tandis que Gad et la
moitié de Manassé s'établissaient plus au nord.
Ce résultat de l'intervention des Israélites ne pouvait pas
plaire aux Moabites: leur roi Balak eut recours à Balaam pour les
maudire (No 22-24), mais sans succès. Ce ne fut qu'après
l'invasion du pays de Canaan que Ruben fut décimé et assimilé peu à
peu par les Moabites (cf. Ge 49:3 et suivant, De 33:6)
qui poussèrent leur conquête même au-delà du Jourdain, jusqu'au jour
où Éhud assassina leur roi Églon (Jug 3:12-30)
Les Moabites furent hostiles à Saül (1Sa 14:47) et prêts à
rendre service à son adversaire David (1Sa 22:3 et suivant).
Quand David devint roi, à la suite de sa guerre contre les Ammonites,
il battit les Moabites (fig. 159), tua deux tiers des prisonniers, et
imposa un tribut au pays. (d'après 2Sa 8:2, texte rédactionnel)
Les Moabites semblent avoir secoué le joug israélite après la mort de
David (cf. 1Ro 11:1-7,33) et ils restèrent indépendants jusqu'au
règne d'Omri.
Dans sa célèbre inscription, Mésa (voir ce mot) déclare en effet
qu'Omri (887-875) occupa la partie du pays de Moab au Nord de
l'Arnon, et qu'il fortifia Médéba, Ataroth, Nébo, Jahats. D'abord
Mésa paya son lourd tribut à Achab (2Ro 3:4), mais plus tard, au
cours des guerres des Israélites contre les Syriens (1Ro 22), il
réussit à reconquérir la partie de son territoire qu'Omri avait
occupée et il fortifia si bien les points stratégiques (voir la stèle
de Mésa) que, dans la suite, cette région fit partie intégrante du
pays de Moab. (cf. Am 2:2,Esa 15,Jer 48,Eze 25:9) Tandis que
cette révolte de Mésa aurait atteint son but avant la mort d'Achab
d'après le compte rendu moabite, elle aurait éclaté sous le
successeur d'Achab d'après 2Ro 3:5,27 (sous sa forme laconique,
le verset 27 nous fait entrevoir la terreur panique qui s'empara de
l'armée israélite à la suite du sacrifice du premier-né de Mésa).
Les petits conflits de frontière ne cessèrent pas,
(cf. 2Ro 13:20) mais il n'y eut plus de guerre entre Israël et
Moab, à moins que Jéroboam II (785-744) n'ait soumis une partie du
pays de Moab, comme le pensent certains historiens d'après 2Ro
14:25. (cf. Am 6:14) Depuis 732 jusqu'à 625, les Moabites
furent tributaires de l'Assyrie: Salamanou fit acte de soumission à
Téglath-Phalasar III en 732; en 711, les Moabites s'allièrent avec
les Égyptiens contre Sargon II, mais ils se soumirent bientôt,
puisque, en 701, Kemos-Nadab, roi de Moab, paya son tribut à
Sennachérib, de même que Moutsouri à Assarhaddon en 673 et
Ka[ma]s-Khaltâ à Assourbanipal.
Le tribut des Moabites, sous les derniers rois d'Assyrie,
s'élevait à une mine d'or (Harper, Assyrian Letters, n° 632;
trad. Pfeiffer dans Journ. of Bibl. Liter., 47 [1928], p. 185).
Bien qu'en 593 les Moabites eussent été sur le point de se révolter
contre Nébucadnetsar (Jer 25:21 27:3), ils se gardèrent bien
d'aider les Juifs vaincus dans la catastrophe de 586: ils restèrent
soumis, ne furent point molestés et purent offrir un asile à des
fuyards juifs (Jer 40:11). Cependant la nation des Moabites
devait disparaître peu à peu, dans le siècle qui suit, devant les
incursions des bédouins du désert (Eze 25:8,11). Tandis que les
Édomites abandonnèrent leur pays à ces nomades, qui fondèrent là le
royaume des Nabatéens (voir ce mot), les Moabites furent peu à peu
absorbés; déjà dans Ne 4:7, les «Arabes» apparaissent à la place
des Moabites, bien que l'ancien nom se lise encore dans Da 11:41
et dans Josèphe (Ant., XIII, 13:5 14:2, etc.).
4.
Religion.
Le dieu national des Moabites s'appelait Kémos: ils étaient le
«peuple de Kémos» (No 21:29) de même que les Israélites étaient
le peuple de JHVH. La religion des Moabites est très semblable à
celle des Israélites avant Amos (les deux peuples parlaient aussi la
même langue): les sanctuaires s'appelaient «hauts-lieux»; en guerre,
la défaite était attribuée à la colère de la divinité, et, dans des
crises exceptionnelles, on avait recours au sacrifice humain (2Ro
3:27) ou à l'interdit (stèle de Mésa); dans les sanctuaires on
pratiquait la prostitution sacrée (No 25:1-3). Les Moabites
adoraient aussi des divinités secondaires, Astar-Kemos (l'épouse de
Kémos?), Dawdoh (divinité de Gad?), Nébo, et probablement aussi les
Baalim ou Baals.
BIBLIOGRAPHIE. Voir Mésa, Israël.--G.A. Smith, Hist. Geogr,
pp. 557-571; Charles-F. Jean, Le Milieu Biblique av. J.-C, 2
vol., 1922-1923. R.H. Pf.