ANGE

Être spirituel, appartenant au monde supraterrestre. (En hébreu
maleak =envoyé, parce que Dieu fait des anges ses messagers; se
dit exceptionnellement d'un prophète: Ag 1:13. En grec aggelos).
Les anges sont appelés fils de Dieu (bené Élohim,
Job 1:6,Ps 89:7) parce que créés de Dieu pour être à lui dans
les cieux, (cf. Eph 2:19) et saints (qedôchim, Ps 89:8)
parce que consacrés et purs.

1. AVANT L'EXIL

(a) L'origine de la croyance aux anges n'est pas
dans l'animisme. Certes, dans son lointain passé, Israël a été baigné
de cette religion des esprits qui, au début, est partout.
Le polydémonisme, la croyance aux esprits individuels des pierres,
des arbres, des sources, des astres, auxquels on offre des dons, a
laissé des traces. Ainsi l'oracle de Sichem (Ge 12:7), la pierre
de Béthel (Ge 28:18). Mais l'élite d'Israël a toujours été plus
ou moins préservée par son sens religieux du foisonnement des
superstitions. Israël s'attache à son Dieu, et la foi en Jéhovah a
fini par absorber tout le besoin d'adoration. Les survivances de
l'animisme sont réduites dès qu'on peut parler de l'histoire
d'Israël, sauf les croyances populaires et les retours offensifs du
paganisme contre lesquels les prophètes ne cessent de lutter. Les
anges viennent à Israël sur le terrain de la révélation, en rapport
avec l'expérience religieuse. Dans une race prédestinée, l'homme
enfermé dans le terrestre, mais entouré de l'infini, s'est ouvert par
l'intuition religieuse aux messages de l'au-delà. Dieu s'est
manifesté à ceux qui pouvaient l'entendre et qu'il avait préparés à
le recevoir. Voici comment Israël s'est représenté les choses.

(b) Premières formes. Si loin qu'on remonte, il
s'agit de messages, de manifestations de Dieu. La plus simple, la
plus grande d'abord: l'ange de l'Éternel (voir ce mot), ange par
excellence, délégué de Dieu, porteur unique de sa volonté, qui tantôt
apparaît comme un envoyé, tantôt parle comme Dieu lui-même (Ge
22:11,18). Avec lui ou sans lui les vieux récits de la Genèse
représentent, sous forme humaine, ces messagers qui annoncent aux
hommes ce qui leur est promis (Ge 18:10), ou les jugements de
Dieu (Ge 19:13). Les anges acceptent l'hospitalité et les
repas (Ge 18:3-8). Mais leur puissance est grande (Ge
19:11). Ils forment un monde habituellement invisible. Jacob voit en
songe les degrés par lesquels les anges montent vers Dieu et
descendent (Ge 28:12). En tel endroit ils sont nombreux et
forment un «camp de Dieu». (Mahanaïm, Ge 32:1 s) On connaît le
beau récit de la lutte de Jacob avec l'ange (Ge 32:24-32). Tout
cela est essentiellement religieux d'esprit et non naturiste. La
Genèse place auparavant un vieux mythe d'un genre tout différent,
l'union des fils de Dieu et des filles des hommes (Ge 6:1-4),
qui prépare la notion de la chute des anges.

(c) A travers l'histoire d'Israël on suit le
développement de la croyance: le rôle éminent de l'ange de l'Éternel,
au buisson ardent (Ex 3:2,8), à travers le désert
(Ex 23:20,23), et constamment ensuite on voit poindre l'idée
d'une hiérarchie: l'armée des anges a un chef qui apparaît à Josué et
garantit la prise de Jérico (Jos 5:13-6:2). On se les représente
comme des esprits (1Ro 22:21) qui sont pleins de sagesse et de
patience (2Sa 14:17). Il est inévitable qu'on les voie à travers
les formes de la vie sociale des temps qui se déroulent. Sous les
rois un prophète décrit le ciel comme une cour, l'Éternel sur son
trône, l'armée des cieux autour de lui (1Ro 22:19). L' armée
des cieux,
ce sont bien les esprits célestes. Ailleurs le même nom
sera donné aux astres (Ne 9:6), mais par personnification (cf.
Job 38:7) et dans la pensée que tout doit se prosterner, devant
Dieu. Ces points de lumière qui faisaient la splendeur des nuits de
l'Orient et que les peuples croyaient vivants et divins, étaient une
invite dangereuse au paganisme (De 4:19), et plus tard une
louange magnifique du Créateur.--Les (Ps 19) anges sont mêlés à
l'histoire d'Israël. L'un d'eux nourrit Élie (1Ro 19:5). Une
armée invisible est près d'Elisée (2Ro 6:17). L'un d'eux est
chargé de punir le peuple par la peste (2Sa 24:16); un autre de
frapper les Assyriens (2Ro 19:35). Le théisme strict, le besoin
de tout faire remonter à une volonté particulière de Dieu, fait que
des missions redoutables et troublantes leur sont confiées (1Ro
22:21).

(d) A côté de l'ange qui a la forme humaine, Israël se
représentait, sous l'influence de l'art oriental, d'autres êtres,
subordonnés, combinant des formes animales, ailés et de figure
humaine, les keroubim qui gardent et veillent pour Dieu (Ge
3:24), et les serafim (Esa 6:2) qui donnent
gloire. (cf. Ap 4:6-8) Voir Chérubin, Séraphin.

2. AVEC L'EXIL, l'angélologie se modifie. D'une part les
religions de l'Orient et leurs croyances sur l'au-delà frappent
l'imagination d'Israël, qui leur fait des emprunts qui mèneront aux
apocalypses. De l'autre, la piété ne cesse pas de s'épurer et de
grandir. Avec les Psaumes, la figure de l'ange pur et puissant qui
sert Dieu se précise. On pressent l'Évangile.

(a) En Babylonie, Israël rencontre les religions
de la Caldée et de la Perse et subit leur influence. Non pour
l'essentiel: le monothéisme est solide, la religion reste intacte.
Mais les croyances à l'au-delà, sobres jusqu'alors, se compliquent.
Babylone a les astres qui sont des dieux, les sept dieux des
planètes, la magie, la démonologie, les êtres symboliques, les images
d'outre-tombe. La Perse a les esprits innombrables, les Fravashis,
âmes des morts, esprits protecteurs. Au-dessus, les Yazatas
(adorables), anges encore subordonnés, ministres d'Ahura-Mazda,
innombrables. A peine y a-t-il en Perse un domaine où un ange ne
serait pas. En haut de la hiérarchie les sept Ameshas Spentas, les
saints immortels, très puissants. Et puis le dualisme, le principe du
mal personnifié en Ahrimân, servi par les daêvas innombrables.
L'hébraïsme n'avait rien de semblable.--Enfin l'eschatologie, la
lutte dramatique du bien et du mal, le triomphe final du Dieu suprême
et juste, qui jugera.

(b) Ézéchiel. Il est difficile de dire ce
qu'Israël a emprunté et ce qui lui est venu de son développement
propre. Pourtant, si l'on étudie de près Ézéchiel, qui a vécu et
écrit en captivité, en le comparant à Jérémie, si simple, et si l'on
pense aux images que le milieu pouvait lui fournir, on voit que les
matériaux de ses peintures lui sont en partie donnés. La grande
vision du début a l'empreinte de l'art assyrien (Eze 1:5 s: les
quatre animaux). Les six anges du châtiment et le septième, une
écritoire à la ceinture (Eze 9:2), rappellent Nabû le septième
dieu-scribe de Babylone; la vision des ossements (Eze 37:1-10)
est apparentée à l'eschatologie perse. L'ange qui mesure et qui a
l'aspect de l'airain (Eze 40:3), les roues vivantes (Eze
1:15 et suivant), le ciel de cristal et le trône de saphir (Eze
1 22,26), l'homme à l'aspect d'airain et de feu, sont des images
nouvelles et typiques chez un écrivain d'une piété et d'une moralité
si fortes.--De même chez Zacharie on voit apparaître l'ange qui
s'entretient avec le prophète, explique les visions, lui sert de
guide (l'ange exégète, comme en Perse); un autre a l'aspect d'un
homme parmi les myrtes (Za 1:8); un autre encore mesure au
cordeau (Za 2:1); deux femmes apparaissent: «elles avaient des
ailes comme celles de la cigogne» (Za 5:9). Des chevaux aux
couleurs symboliques représentent les quatre points cardinaux: «ce
sont les quatre vents des cieux» (Za 6:1-8). Une scène
caractéristique est celle du grand-prêtre Josué, debout devant l'ange
de l'Éternel: Satan se tient à sa droite pour l'accuser; Dieu le
reprend (Za 3:1 et suivants). Ce n'est pas encore le principe du
mal; c'est déjà l'esprit méchant et calomniateur. Job a le même
personnage de Satan se présentant à la cour du ciel, au milieu des
«fils de Dieu» assemblés, et obtenant l'autorisation de mettre Job à
l'épreuve. Aucun dualisme, mais un état d'esprit qui ne saurait se
maintenir et qui s'achemine vers le royaume distinct du mal.--Notons
l'imperfection que le livre signale chez les anges: «Si Dieu n'a pas
confiance en ses saints...».La (Job 15:15) doctrine n'est pas
encore fixée.

(c) Les Psaumes ont sur les anges des notions
pures,--on voudrait dire classiques. Non qu'ils en parlent souvent:
chez eux, le fidèle n'a pas besoin d'intermédiaires; il va droit à
son Dieu pour recevoir lumière, réconfort et délivrance. Mais ils en
parlent comme d'êtres qui ont leur rôle et leurs devoirs pour le
règne de Dieu. Voici dans les cieux le trône de Dieu (deux fois les
keroubim sont donnés comme véhicule ou siège de Dieu: Ps 18:11
99:1); autour de lui, l'armée aux chars innombrables (Ps
68:18), la grande assemblée des saints (Ps 89:8). Dieu
juge (Ps 82:1); il est grand et redoutable par-dessus
tous (Ps 95:3 96:4). Nul parmi les êtres de lumière ne peut se
comparer à lui (Ps 89:7). Ses anges le louent (Ps 148:2),
le bénissent (Ps 103:20). Puissants et forts (Ps 103:20),
ils obéissent à sa parole et font sa volonté (Ps 103:21). Ils
gardent les fidèles: «Ils te porteront sur les mains» (Ps
91:11). «L'ange de l'Éternel campe auprès de ceux qui le
craignent» (Ps 34:8). Les forces mêmes de la nature deviennent
ses messagers (Ps 104:4). Psaumes d'époques différentes,
enseignement constant: les anges sont des êtres spirituels au service
de Dieu, et dont on voit plutôt la mission que la personnalité;
reflets de la pensée de Dieu, instruments de ses desseins, capables
d'aimer, d'aider, d'agir.

(d) L'angélologie de Daniel est franchement celle
d'une apocalypse. Aux visions des prophètes succèdent les images
symboliques qui dévoilent l'avenir. Les anges jouent un rôle nouveau.
Innombrables (mille milliers, dix mille millions: Da 7:10), donc
en nombre pratiquement illimité, ils sont constamment les
intermédiaires, les exécutants: on risque de perdre de vue l'action
divine elle-même. Ils sont dans le ciel devant l'Ancien des
jours (Da 7:9); mais ce n'est pas lui qui juge. Il y a des
anges juges (Da 7:10), qui s'asseyent, et les livres sont
ouverts. Il y a ceux qui veillent (comme les Ameshas Spentas qui ne
dorment pas, Da 4:23). Ils ont un aspect quasi divin (Da
3:26). Ils ont (ou prennent) la forme humaine («l'homme Gabriel»,
Da 9:21) et parfois surhumaine, avec l'éclat du feu ou de
l'éclair (Da 10:6), avec une voix immense (Da 10:6). Ils
viennent d'un vol rapide (Da 9:21), ce qui éveillera l'idée des
ailes. Ils viennent pour protéger dans la fournaise (Da 3:25) ou
devant les lions (Da 6:22), pour expliquer les visions et
révéler l'avenir (Da 10:11). Mais voici qui est typique: Daniel
est le premier qui donne des noms et qui individualise. Deux des plus
grands sont Gabriel (le héraut de Dieu, Da 9:21) et Micaël (qui
est comme Dieu, Da 10 13,21);voir ces mots. Et ils prennent part
à l'histoire d'Israël: Gabriel par sa mission, Micaël comme le grand
chef du peuple dans l'invisible. Ils combattent le chef de la Perse
et le chef de Javan, deux esprits puissants qui personnifient et
inspirent les peuples dont ils sont chargés sur le plan invisible,
épousant leurs passions, faisant leurs guerres, donc se mêlant aux
intérêts contraires des hommes et prenant part au péché du monde.
Nous retrouvons dans l'angélologie paulinienne ces esprits puissants
et dévoyés (voir ci-après), qui ne sont ni des anges ni des démons
comme on l'entend.

(e) Hénoch. Dans la littérature juive qui avoisine
l'ère chrétienne et qui emprunte ce nom, on voit ce que l'imagination
du temps a donné: un véritable voyage dans l'au-delà, une divina
Commedia,
hélas sans poésie, mais non sans couleur. Hénoch peint ce
trône de cristal encerclé de feu, avec ceux qui l'entourent
(71:7-13), les keroubim, les serafim, les roues. (cf. Eze 1)
Hénoch traite longuement des bons et des mauvais anges. Les premiers
sont devenus les intermédiaires universels. Dans la nature, il y a
une véritable angélologie astrale, pour les vents, les nuées,
l'atmosphère, pour les mois et les jours (Hén. 72 à 83). Dans l'ordre
de la Providence, leur rôle va jusqu'aux plus petits détails et
explique aussi les malheurs surprenants. L'Hénoch slave esquisse
entre eux une hiérarchie, mais aux cadres flottants. Les mauvais
anges sont bien maintenant des anges déchus. Hénoch dépeint les âpres
paysages, les rocs abrupts, les cavernes où ils sont enfermés
jusqu'au jugement. Leur châtiment est annoncé. Et il y a des anges du
châtiment. A travers cette étrange littérature, on sent que la
conscience d'Israël devient plus exigeante. Les grandes épreuves qui
ont exalté l'imagination ont creusé les âmes, et le bonheur des bons
anges, semblable à celui des élus, soutient les courages (51:4 104:4).

(f) Dans le judaïsme tardif, la doctrine des anges
est un article fondamental. Dieu est devenu de plus en plus lointain,
sans contact avec le monde mauvais. Au monothéisme trop distant les
anges suppléent. Dans le domaine de la pensée, Philon voit en eux
les ambassadeurs de Dieu à l'homme et de l'homme à Dieu. Il les
appelle Logoï, prêtres du Temple céleste, ayant les pouvoirs de
Dieu; il les rapproche des démons du stoïcisme: âmes, démons, anges
sont, sous des noms différents, une même chose. Dans le domaine de
l'édification, le roman de Tobit remplace la Providence par
l'ange gardien. Le besoin de pitié et de secours se trouve ainsi
satisfait. Raphaël se donne pour un jeune Israélite, se fait
compagnon de Tobit, se plie aux nécessités du voyage et de la
protection qu'il donne, feint ce qui est nécessaire, chasse le
mauvais esprit et ne se fait connaître qu'à la fin. Il était en
mission: (Tob 12:13) cela explique tout. Quant aux partis
religieux, on sait que les Pharisiens étaient ceux qui
maintenaient et développaient la doctrine des anges, suivant la ligne
traditionnelle que nous avons esquissée. Parmi eux les hagga-distes
ne cessaient de broder, mettant des anges là où l'histoire d'Israël
voyait l'intervention de Dieu. Les Sadducéens , niant la
résurrection, rejetaient toute croyance aux anges et aux esprits
(Ac 23:7). Les Esséniens (voir ce mot), poussant à l'excès la
doctrine des anges, en faisaient une religion. Ils rendaient un culte
aux anges et des spéculations sur la hiérarchie céleste étaient
partie essentielle de leur théologie; des enseignements secrets s'y
rattachaient. L'initié promettait de tenir secrets les noms des
anges, des cures magiques se faisant par ces noms. Il y avait dans
tout cela une recrudescence de superstitions, une régression vers
l'animisme. La vraie foi en Dieu se voilait. Il fallait, pour cette
raison et pour bien d'autres, une réforme qui rendît Dieu à ce peuple
et en particulier ramenât la vérité et la simplicité dans le monde
invisible des esprits.

3. LE NOUVEAU TESTAMENT

(a) L'angélologie de Jésus est une vue limpide et
directe de l'au-delà, Jésus, réalisant la pleine communion avec le
Père, vivait en contact avec l'invisible, de plain-pied avec les
êtres spirituels au service de Dieu. Après la Tentation ils le
servent (Mr 1:13,Mt 4:11). En Gethsémané, l'un d'eux vient le
fortifier (Lu 22:43). Il parle d'eux avec simplicité et
grandeur, sans rien des imaginations du temps. Il dit leur nature
spirituelle (Lu 20:36) telle que celle des fidèles après la
résurrection, membres comme eux de la famille du Père. Innombrables
et capables d'action (Mt 26:53), mobiles comme il appartient aux
esprits (Jn 1:51), unis par un lien de sympathie et de secours
aux vivants sur la terre (Mt 18:10), ayant une vue directe de
Dieu, une communion constante avec lui. Le salut est leur premier
intérêt: le repentir d'une âme est connu d'eux et fait leur
joie (Lu 15:7,10). Ils aident les morts aimés de Dieu à trouver
leur route (Lu 16:22). A sa parousie (Lu 21:26), dont ils
ignorent la date (Mr 13:32), quand les puissances des cieux
seront ébranlées, quand le Fils de l'homme paraîtra dans sa
gloire (Mt 25:31), ils viendront (Mt 16:27) pour faire le
grand triage, mettre fin aux scandales, rassembler les élus (Mt
23:31). Réels aussi sont les esprits mauvais (voir Possession
démoniaque) que Jésus chasse; les anges de Satan (voir ce mot), dont
le chef est atteint de façon décisive (Lu 10:18), et qui sont
réservés comme lui pour la condamnation (Mt 25:41). Et tout ceci
rentre bien dans les grandes lignes du Royaume de Dieu, sans rien des
fantaisies humaines.

Matthieu et Luc, qui rapportent les premières traditions
chrétiennes sur la venue du Sauveur, montrent comment, dans ce
tournant décisif du Royaume de Dieu, une communication s'est établie
entre le ciel et la terre, où les anges ont paru. Il fallait un
message: il y a eu des messagers. Matthieu, restant dans la ligne
prophétique, ne parle que d'avertissements donnés en songe à Joseph,
l'époux de Marie, au moment de la prendre pour femme (Mt
1:18-21), au moment de la fuite en Egypte (Mt 2:13) et du
retour au pays d'Israël (Mt 2:19 et suivant). Luc, avec beaucoup
plus de détails, tout plein du sentiment de l'intervention divine et
de la nécessité d'une solennelle annonciation, la précise en trois
endroits. A Zacharie, qui sera père de Jean-Baptiste (Lu
1:10-20), l'ange se nomme («Je suis Gabriel, l'ange qui se tient
devant Dieu», Lu 1:19); il annonce la naissance du précurseur et
donne un, signe qui est un avertissement (Lu 1:20: «Tu seras
muet jusqu'au jour...»). Le même esprit céleste est envoyé à celle qui
doit être la mère du Sauveur (Lu 1:26-38); l'accent est mis sur
la grâce qui lui est faite (Lu 1:28,30), sur la puissance de
l'Esprit saint (Lu 1:36), sur l'être saint qui naîtra et qui
sera appelé Fils de Dieu, et plus loin sur l'humilité de
Marie (Lu 1:48). Enfin à Bethléhem, après la naissance de
l'enfant divin, Luc retrace la scène qui est vivante dans tous les
coeurs chrétiens: (Lu 2:8-20) l'ange qui s'adresse aux bergers
en termes inimitables («aujourd'hui, dans la ville de David, un
Sauveur qui est le Christ...»), et aussitôt après le chant (voir
Gloria) qui est resté l'expression de la joie du salut pour chacun et
pour tous: «Gloire soit à Dieu...» (Lu 2:14). Il n'y a aucune
commune mesure entre cette pureté de sentiments et les singularités
du judaïsme contemporain.

La tradition est unanime dans les quatre Évangiles à affirmer la
présence d'anges au lieu et au moment de la résurrection. Marc place
un ange dans le sépulcre (Mr 16:4-8). Matthieu parle d'un «ange
du Seigneur», lumineux, qui roule la pierre, rassure les femmes et
les envoie en Galilée (Mt 28:1-7). Chez Luc «deux hommes vêtus
d'habits d'une éclatante blancheur» disent: «Pourquoi cherchez-vous
parmi les morts celui qui est vivant?» (Lu 24:5). Jean place
dans le sépulcre les deux anges qui disent à Marie de Magdala:
«Pourquoi pleures-tu?» (Jn 20:11-13). Sous des divergences de
forme et à des moments différents, c'est le souvenir d'un message du
ciel à la terre dans une circonstance unique. Le texte inauthentique
qui s'est introduit plus tard dans le quatrième Évangile, sur l'ange
qui troublait l'eau dans la piscine de Béthesda (Jn 5:4), est
conforme aux idées de la Perse sur les anges des eaux.

(b) L'angélologie de saint Paul est un drame entre les
croyances complexes qu'il a reçues de la synagogue et la grandeur
simple de sa foi chrétienne. Il n'est pas facile de retracer sa
doctrine première. Il était pharisien et ceci indique la tradition;
mais son ferme esprit a dû s'en tenir à l'essentiel, comme
vraisemblablement son maître Gamaliel. D'autre part, son inspiration
d'apôtre a réagi sur ses conceptions pour les simplifier et tout
soumettre à Christ. Ce qui est sûr, c'est qu'il a devant les yeux le
monde immense des esprits. Deux royaumes: anges, démons. Les anges,
innombrables, tant ils ont de catégories. Mais c'est une hiérarchie
flottante, avec l'affirmation abstraite de pouvoirs étages, sans rien
sur les caractères et les fonctions. Aux Éphésiens, Paul énumère les
principautés, les autorités, les puissances, mais il ajoute: «toute
dignité, tout nom qui se puisse nommer» (Eph 1:21). Aux
Colossiens, il énumère les majestés, les seigneuries, les
principautés, les puissances (Col 1:16). Aux Thessaloniciens,
l'archange (1Th 4:16). Les anges sont serviteurs de Dieu pour
son règne. Ils ont apporté la Loi au Sinaï (Ga 3:19), idée
traditionnelle qui accentue le caractère subordonné, temporaire de la
Loi. Lui-même a l'expérience du réconfort que leur message
apporte (Ac 27:23 et suivant: «Sois sans crainte...»). Ils
accompagneront le Christ à sa venue (1Th 4:16). Quant aux démons
(voir ce mot), Satan est leur chef. Il séduit (2Co 11:3), il
détruit (1Co 5:5). Ses anges sont dans les airs, leur domaine
est le paganisme (1Co 10:21), le présent siècle. Ils
frappent (2Co 12:7). Le bouclier de la foi éteint leurs traits
enflammés (Eph 6:16). Ils semblent bien avoir une hiérarchie:
principautés, autorités, puissances «de ce monde de ténèbres»,
associés aux «manoeuvres du diable» (Eph 6:12). Mais ceci est
moins clair: une série de textes indiquent, comme dans Daniel, ces
«chefs» en lutte avec les représentants invisibles du peuple de Dieu,
des anges qui ne sont pas bons, dont le rôle est inquiétant, qui
servent les desseins du malin sans être des démons. Puissances
intermédiaires qui président aux nations dont la politique est
contraire au règne de Dieu. Ces archontes n'ont pas su
reconnaître le Seigneur sous la chair qu'il avait revêtue, et l'ont
crucifié (1Co 2:8). Il ne s'agit pas des autorités politiques,
mais des puissances transcendantes qui les doublent sur le plan
invisible et les inspirent. Puissances élémentaires aussi, dominant
la nature qui leur a été assujettie et qui soupire après la
délivrance (Ro 8:21). Puissances dont relèvent les formes
inférieures de la vie morale et religieuse. (cf. Ga 4:3,Col
2:20) De ce nombre sont les anges et les archanges, les puissances,
la hauteur et l'abîme qui ne pourront pas nous séparer de l'amour de
Dieu en J.-C (Ro 8:38 s). En face de ce monde invisible, si
complexe, la pensée de l'apôtre est nette: pour ces esprits et pour
nous, Christ doit être seul roi. C'est par lui et pour lui que tout a
été créé (Col 1:16), chef de l'Église, premier-né d'entre les
morts, afin qu'il soit le premier en tout (Col 1:18). A
Colosses, une théosophie d'Asie Mineure prônait le culte des
anges (Col 2:8,18), avec des abstinences et des
spéculations (Col 2:16,23). Point de culte à leur rendre. Ces
êtres sont sans pouvoir désormais. La croix est le signe de leur
défaite. L'oeuvre rédemptrice les a dépouillés de toute autorité.
Mais elle leur apporte la réconciliation (Col 1:20). Au nom de
Jésus, tout genou doit fléchir dans les cieux (Php 2:10). Déjà
aux Corinthiens l'apôtre avait tracé le plan du salut en marche
jusqu'au jour où Dieu sera tout en tous (1Co 15:28). Quant aux
anges de Dieu, l'apôtre voit entre eux et l'Église un lien actuel qui
nous oblige au respect envers ces témoins de notre culte (1Co
11:10, cf. 1Ti 5:21), et qui leur permet d'apprendre
«aujourd'hui par le moyen de l'Église à connaître la sagesse
infiniment variée de Dieu selon le dessein éternel qu'il a réalisé en
J.-C.» (Eph 3:10 et suivant). Le corps mystique de J.-C, tend à
unir autour du Seigneur ressuscité et Roi la totalité de l'univers
des esprits, la famille du Père, aux cieux et sur la terre (Eph
3:15). S'il y a eu chez Paul, pharisien, quelque gnosticisme juif,
et si une tendance analogue se rencontre à Colosses, on voit comment
l'apôtre l'a combattue, vaincue et absorbée dans ce qu'on peut
appeler la gnose de la rédemption.

(c) Dans le reste du N.T. (l'Apocalypse mise à part),
peu de chose s'ajoute à ces enseignements. Luc, dans les Actes,
retrace la vie de la primitive Église de Jérusalem conduite par
l'Esprit de Dieu et recevant des messages. Corneille, en vision, voit
et entend un ange au moment où Pierre a la vision de la grande nappe
et entend une voix qui l'explique (Ac 10:3-6 9-18,30-32). A deux
reprises un ange ouvre les portes de la prison: aux apôtres (Ac
5:19), à Pierre (Ac 12:7-10). Un message est adressé à
Philippe (Ac 8:26). Tout ceci rappelle Lu 1 et 2. L'épître
de Jacques parle de Dieu, créateur des esprits de lumière: ainsi
s'explique Jas 1:17; les chrétiens étant «en quelque sorte
l'élite de ses créatures» (Jas 1:18). La 1re ép. de
Pierre, comme Eph 3:10, montre les anges s'associant à l'Église
dans l'étude du dessein réalisé en J.-C (1Pi 1:12). L'ép. aux
Hébreux oppose le Fils unique aux anges contre ceux qui auraient
voulu faire rentrer le Christ dans la catégorie des anges (Heb
1:4). Il règne, et ceux-ci sont des esprits serviteurs (Heb
1:11). C'est à lui et non à eux que le monde à venir sera
soumis (Heb 2:5). Ils prennent la simple forme humaine,
acceptent l'hospitalité (Heb 13:2). Ils transmettent la
Parole (Heb 2:2). Ils sont innombrables, bienheureux, réunis
dans l'au-delà aux esprits des justes parvenus à la
perfection (Heb 12:22 et suivant).

(d) L'angélologie de l'Apocalypse est un tableau
complet de ce que l'Église, après la synagogue, croyait et pensait
des anges. Elle met ces croyances au service des espérances
chrétiennes. Les anges sont des messagers qui viennent entr'ouvrir le
secret de l'au-delà et de l'avenir (Ap 1:1). L'auteur dépeint
leur peuple immense (Ap 19:1), tout occupé à louer Dieu, à
exécuter ses jugements, à préparer la gloire à venir. Voici les sept
qui sont devant le trône (Ap 1:4). Inégaux en puissance, en
force, en beauté, en éclat (Ap 5:2 10:1 18:1), les anges
remplissent les fonctions les plus diverses. Ils encensent (Ap
8:3); on entend leurs cantiques, où se retrouvent sans doute ceux
que chantait l'Église (Ap 4 8,11 5:9-13). La multitude des
rachetés les rejoint (Ap 7:9-17). Dans le drame de la fin, les
anges exécutent les sentences; ils montent des chevaux aux couleurs
symboliques (Ap 6:2-8). Leur armée est prête (Ap 19:14).
Ils sonnent des trompettes (Ap 8:2). Ils versent les
coupes (Ap 16:1). Des anges proclament les jugements (Ap
14:8 et suivant). Un autre vole en portant l'Évangile
éternel (Ap 14:6). D'autres, dans les intervalles, expliquent au
Voyant ce qui se passe (Ap 17:7), mesurent avec un roseau d'or
(Ap 21:15 Eze 40:5). Il y a celui qui est représenté par une
étoile (Ap 9:1), ceux qui président aux neuves (Ap 9:11) et
aux vents (Ap 7:1). Il y a les êtres symboliques (Ap 4:4),
les voix (Ap 4:1 16:1). Ce monde de l'invisible est tout entier
au service de la justice. Toute séduction vient des esprits du
mal (Ap 12:9-13), dont la défaite est certaine (Ap 12:7).
Ces peintures de l'au-delà montrent que pour l'auteur les anges ont
une personnalité, en règle générale la forme humaine, et ne peuvent
être regardés comme de purs esprits; ils semblent avoir des corps de
substance éthérée, glorieuse, qu'on peut rapprocher de ceux des élus
dans le ciel (Ap 7). Leur pureté morale, leur attachement au
service de Dieu sont immuables. Mais ils sont, à leur place, ce que
le chrétien est à la sienne. Aucune sorte de culte ne saurait leur
être rendue. L'auteur le dit et le redit: «Garde-toi de le faire...je
suis ton compagnon de service...adore Dieu» (Ap 19:10 22:9, cf.
Col 2:18). An.