MARTHE

Nom araméen (Martha, fém. de Mâréh =Maître, ou Seigneur,
dans l'aram, de Da 2:47 5:23); absent de l'A.T., mais fréquent
dans le Talmud comme nom propre féminin. Plutarque cite une Martha,
prophétesse syrienne; dans les papyrus les Martha sont nombreuses
(engagement d'une nourrice, acquit d'une dette, en 14 et en 10 av.
J.-C); vers l'an 100 av. J.-C, une Juive de la grande île de Délos
s'appelait Marthinè, adaptation probable du nom de Marthe en pays
grec.

Marthe paraît dans le N.T. en trois circonstances:
Lu 10:38,42,Jn 11:1-30 12:1,8. Soeur de Marie et de Lazare, elle
habitait Béthanie près de Jérusalem (Jn 11:1-18) et Jésus
s'arrêtait souvent chez elle (Jn 12:1), pour un repas (Lu
10:38) ou pour la nuit (Mt 21:17). Elle était certainement
l'aînée: (Lu 10:38) si une fois elle est nommée la
seconde (Jn 11:1), c'est lorsque l'attention est ramenée sur
Marie qui avait oint le Seigneur (Jn 11:2); mais habituellement
elle est nommée la première (Jn 11:5,19). On a parfois supposé
que Marthe était veuve, épouse ou fille de Simon le lépreux, chez qui
aurait eu lieu une «onction de Béthanie» (Mt 26:6); hypothèse
peu vraisemblable (voir Simon, parag. 8).

Les différents récits présentent en tout cas Marthe comme
maîtresse de maison (Lu 10:38,Jn 11:20) et, selon la coutume
orientale, c'est elle qui servait à table (Lu 10:40,Jn 12:2).

Lu 10:38-42.

On a souvent opposé Marthe, l'active, à Marie, la contemplative, pour
conclure que la «bonne part» (Lu 10:42)choisie par Marie était la
contemplation. C'est oublier que Luc place cet incident, aussitôt
après la parabole du bon Samaritain (Lu 10:30-37), comme
correctif et avertissement pour ceux qui, préoccupés d'imiter le
Samaritain, négligeraient la prière et l'adoration. Calvin
(Comment.) écrit: «Saint Luc dit que Marie était aux pieds de
Jésus. Veut-il dire qu'elle n'a fait autre chose de sa vie? Mais au
contraire, le Seigneur nous commande de tellement distribuer le temps
que celui qui désire profiter de l'école de Christ ne soit point
toujours auditeur oisif, mais qu'il mette en oeuvre et pratique ce
qu'il aura appris. Car il y a temps d'ouïr et temps de faire et de
mettre la main à la besogne.» Absorbée par les soins du ménage,
Marthe s'offusque de voir Marie assise aux pieds de Jésus. Elle
s'agite parce qu'elle doit être à la fois à la table et à la cuisine,
puisque sa soeur «la laisse servir toute seule». Comme le Maître ne
semble pas attacher l'importance qu'il convient à son activité, elle
le rappelle à l'ordre: «Cela ne te fait-il donc rien que ma soeur me
laisse servir toute seule?» Puis elle commande: «Dis-lui donc de
m'aider!» Nature active, peu désireuse de passer inaperçue, assez
vive, peut-être un peu jalouse, Marthe remet chacun à sa place. Avec
douceur: «Marthe, Marthe...», répétition affectueuse, car «Jésus
aimait Marthe et sa soeur et Lazare» (Jn 11:5), mais avec
fermeté il lui reproche, non son activité, mais son agitation: elle
donne trop d'importance aux préparatifs du repas, la VI° spirituelle
étant malgré tout la chose essentielle, la seule indispensable. En
résumé, (1) elle aurait mieux fait de traiter Jésus en ami, sans
cérémonie, et non comme un hôte de marque à qui l'on doit un repas de
choix; (2) les besognes d'une réception exagérée empêchent Marthe de
profiter de la visite et de suivre la conversation de Jésus; (3) par
son agitation et ses réprimandes, sans le savoir elle se recherche
elle-même, critique son Maître et sa soeur et crée une atmosphère
défavorable aux entretiens intimes et profonds. Complication inutile,
négligence de la vie intérieure, esprit de jugement sont les dangers
de l'activité excessive, ou activisme.

Jn 11:1-44.

Dans ce récit de la résurrection de Lazare, même contraste entre les
deux soeurs. Apprenant l'arrivée de Jésus, Marthe se lève et court à
sa rencontre. Marie, plus réservée, ne s'y décidera qu'à l'appel de
Jésus dont sa soeur viendra lui faire part (Jn 11:28). Toutes deux
énoncent le même reproche discret: «Si tu avais été là, il ne serait
pas mort,» le regret qu'elles ont dû dire et redire au chevet de
Lazare, lorsque Jésus semblait insensible à leur attente (Jn 11:3).
Mais Marie n'en dit pas plus, prosternée à ses pieds, tandis que
Marthe engage la conversation, où Jésus va se proclamer «la
résurrection et la vie». Marthe qui savait, par le catéchisme de la
synagogue, que la résurrection viendra au dernier jour (Jn 11:24),
peut déclarer maintenant qu'elle croit en lui, le Christ, le Fils de
Dieu (Jn 11:27). Elle franchit ainsi la distance entre la croyance
du cerveau: ce Je sais...» et la foi de l'âme: «Je crois...» (Jn
11:24,27), se montrant par là capable elle aussi de «choisir la
bonne part»; ce qui ne l'empêche pas de manifester encore, à
l'occasion, son sens avisé des réalités pratiques (Jn 11:39).

Jn 12:1,8.

Rien n'indique ici la maison du repas. La mention de Lazare à
table (Jn 12:2)ne suppose pas forcément qu'il y soit comme
invité (Calvin); elle peut avoir pour but de signaler simplement la
présence du miraculé et de souligner qu'il était le voisin immédiat
de Jésus, «couché à côté de lui» (Jn 12:1). L'indication (Jn
12:1) que Marthe servait ne prouve rien non plus, puisqu'elle a pu
servir chez elle aussi bien que dans la maison de Simon le lépreux.
Cette onction de Béthanie pourrait être la même que celle de Mt
26:6; et la première onction, à laquelle il a été fait allusion
dans Jn 11:2, ferait penser à celle de Lu 7:37 chez Simon
le Pharisien, laquelle pourtant se place en Galilée. Pour ces divers
rapprochements, inséparables du problème d'identifier plusieurs
Maries,voir Marie, parag. 6 et 7. En quelque endroit que se passe la
scène, les deux soeurs se retrouvent dans des attitudes analogues:
Marthe sert (Jn 12:2) et Marie est aux pieds de Jésus (Jn
12:3). Rien ne peut faire croire toutefois que l'incident de Lu
10:30,37 (voir ci-dessus, 1°) se soit produit au cours de ce
repas-ci. D'ailleurs, tandis que Marie manifeste son amour par une
nouvelle onction (verset 3), Marthe, servante attentive, a peut-être
compris maintenant que le service n'est pas une corvée, mais la
manifestation la plus élevée de l'amour. (cf. Mt 20:26,28,Mr 9:35
10:45)

D'après la légende, Marthe se serait embarquée avec Lazare pour
la Gaule (voir ce mot). L'Église catholique la fête le 29 juillet.
Jq. L.