MANASSÉ

1.
Tribu d'Israël.

Fils aîné de Joseph, né en Egypte comme Éphraïm. Son nom est rattaché
au verbe hébreu nâchâh =oublier (Ge 41:51).

Le territoire qui échut à la tribu de Manassé (Jos 17) était
vaste, mais partagé en deux demi-tribus par le Jourdain et le lac de
Galilée, et diminué par de grandes enclaves d'Issacar, Gad et
Nephthali. Les tribus des deux fils de Joseph étant d'ailleurs
données pour très nombreuses, Josué leur aurait assigné de nouveaux
territoires à conquérir (Jos 17:14-18). Il semble que d'après
Jug 6:15 Manassé fût une tribu secondaire, si ce mot de Gédéon
n'exprime pas une modestie de commande. D'après les chiffres des
recensements, fortement sujets à caution, dans les passages
sacerdotaux, sa population aurait représenté au désert les 5 pour cent
environ d'Israël non compris Lévi, puis les 8,5 pour cent lors de la
conquête (No 1:35 26:34).

Manassé n'apparaît pas dans le chant de Débora, où figure Éphraïm
en bonne place; mais le clan y est représenté par Makir, le fils aîné
de Manassé (Jug 5:14). Ce nom se lit encore dans Ge 50:23, No 26:29
32:39 Jos 17:1,2Sa 9:4 17:27; il semble bien qu'il
remplace Manassé, presque disparu depuis la conquête. La Bénédiction
de Moïse fond en une seule tribu de Joseph les deux divisions
d'Éphraïm et de Manassé, mais en les nommant cependant (De
33:17). D'après Jos 17:12 et Jug 1:27 et suivant, Manassé
ne parvint pas à expulser définitivement les Cananéens de son
territoire; sa répartition même de part et d'autre du Jourdain était
défavorable à son unité, et un certain isolement dut entamer quelque
peu son attachement à la famille de Jacob. (cf. Jos 13:29-31) Le
prophète Ésaïe condamne l'hostilité entre Éphraïm et Manassé (Esa
9:20). Par contre, plusieurs Psaumes citent ces tribus ensemble,
avec d'autres, comme la possession de l'Éternel (Ps 60:9 108:9 80:3).
Pour les rapports entre Éphraïm et
Manassé,voir Éphraïm. Les autres mentions de Manassé se trouvent dans
les listes officielles (1Ch 5:23 7:14 12:31 27:20,Eze 48:4 et
suivant
, Ap 7:6). Voir Tribus d'Israël. P. W.

2.
Roi de Juda.

Fils d'Ézéchias, monta à 12 ans sur le trône de Juda (2Ro 21:1),
qu'il occupa 55 ans (698-643). Son règne est marqué par une violente
réaction contre les réformes d'Ézéchias; sur le terrain religieux,
c'est le triomphe du parti hostile aux prophètes, et dans le domaine
politique la victoire des partisans de l'Assyrie sur ceux de
l'Egypte. Non seulement Manassé rétablit les hauts-lieux, mais il
consacre des autels à Baal, élève un simulacre d'Astarté dans le
temple même, institue les cultes sidéraux de l'Assyrie («toute
l'armée des cieux», v. 5), autorise la pratique de la
sorcellerie, de la divination, et même des sacrifices humains (verset
6), toutes choses nettement contraires à l'esprit même du jéhovisme.
Manassé rompait ainsi nettement avec le monothéisme qui l'avait
emporté sous le règne précédent, installait à Jérusalem même les
symboles de ce syncrétisme religieux qu'Ézéchias avait voulu
supprimer et au sein duquel il avait jugé de bonne politique, par
l'introduction du culte astral assyrien, de donner une large place à
la religion dont son petit royaume était vassal. Cette influence de
la puissance suzeraine (qui passa, sans doute, du domaine religieux
dans les autres sphères de la vie nationale) fut durable, puisque
Sop 1:5,Jer 7:18 et suivants, Eze 8:14-16 révèlent encore,
à leur époque, l'existence de ces cultes adressés aux astres, et en
particulier à la «reine des cieux».

Contre cette explosion de polythéisme le parti jéhoviste ne
manqua pas de réagir, bien que les écrits historiques de cette époque
n'aient conservé aucun nom de prophète; mais 2Ro 21:10,16
rappelle que Yahvé fit entendre alors des menaces de châtiment par la
voix de ses serviteurs fidèles; en outre, la composition, à cette
même époque, du Deutéronome (voir ce mot) révèle une tentative très
nette d'opposition à tous les égarements de Manassé et de ses
contemporains: interdiction de l'idolâtrie, des pratiques religieuses
étrangères, de la magie et de la divination, appels à la fidélité
envers Yahvé y occupent une grande place; cet ouvrage ne put remplir
alors le rôle auquel il était destiné: caché dans le temple (pour
échapper à la fureur persécutrice du roi), il ne reparut au grand
jour qu'en 621, sous le règne de Josias. 2Ro 21:16 montre en
effet Manassé sévissant de la façon la plus cruelle contre les
adorateurs de Yahvé qui lui restèrent fidèles jusqu'à la mort.
D'après 2 Rois, le monarque idolâtre aurait persisté dans ses
égarements jusqu'à la fin de son règne, lequel n'aurait été troublé
par aucun châtiment. Mais, fidèle à son critère habituel
d'appréciation des règnes de Juda et d'Israël, le rédacteur annonçait
pour l'avenir les désastres que devaient entraîner les péchés de
Manassé.

2Ch 33:11 s présente la fin de ce règne sous un jour très
différent. Les Assyriens auraient emmené enchaîné le monarque
idolâtre à Babylone; là, il se serait repenti de ses fautes, et,
gracié par le roi assyrien, il aurait pu rentrer en Juda, où il
aurait rétabli le culte jéhoviste. Cette tradition, bien conforme à
la théorie habituelle de la rétribution terrestre des rédacteurs des
Chroniques, fut longtemps considérée comme invraisemblable et non
historique; on n'en trouvait d'ailleurs aucun indice dans les
documents étrangers à Israël. Depuis lors, les inscriptions
cunéiformes sont venues fournir certaines données qui rendraient
cette tradition plus plausible: ainsi, l'une d'elles parle de la
venue à Babylone d'ambassadeurs qui apportaient à Assourbanipal
(après la répression de la révolte de Samassumukin en 647) des
présents de la part de 7 princes de Jatnan (Chypre); la mention de
Babylone viendrait donc appuyer celle de 2Ch 33:11 qui étonnait
jadis les critiques. En outre, la rentrée en grâce de Manassé, après
une captivité temporaire à Babylone, a été rapprochée d'un acte de
clémence analogue concernant le roi égyptien Néco I er, lequel, après
avoir été emmené enchaîné devant le même Assourbanipal, fut aussi
gracié et renvoyé en Egypte. Ce qui arriva à un souverain beaucoup
plus puissant que Manassé peut donc fort bien s'être produit pour le
petit roi judéen vassal des Assyriens. Manassé, compromis sans doute
dans une révolte contre ces derniers (celle de Samassumukin?), aurait
subi le traitement raconté par 2 Chr., et une fois rentré dans la
voie de la soumission, il aurait été libéré. Les données
assyriologiques viendraient ainsi, non pas certifier expressément
celles de 2Ch 33: et suivants, mais les rendre beaucoup plus
vraisemblables. Ant.-J. B.

3.
Manassé est une leçon fautive dans Jug 18:30;
il faut y lire: Moïse. Il s'agit d'un Jonathan, petit-fils de Moïse
(voir Prêtres, 1,1), et de ses descendants desservants d'un
sanctuaire où se trouvait une image taillée. Un scribe trouvant ce
fait choquant de la part de descendants de Moïse, inséra dans ce nom
propre un n qui en fit le nom de Manassé, le roi de Jérusalem
idolâtre bien des siècles plus tard!

4, et 5. .
Deux Israélites maris de femmes étrangères (Esd 10:30-33).

6.
Le mari de Judith (Jug 8:2-7).

7.
Personnage cité pour sa bienfaisance dans la
conclusion de Tobit (Tob 14:10); inconnu.

8.
Pour la prière de Manassé, voir Apocryphes.