MAÎTRE
Dans nos versions de la Bible, ce titre représente plusieurs termes
des langues originales.
1.
Dans l'A.T., le plus fréquent est l'hébreu adôn, qui est traduit
par Seigneur lorsqu'il s'applique à Dieu ou à de grands personnages
(voir Seigneur, parag. 1; Dieu [les noms de]), mais qui désigne aussi
un roi (Ge 40:1,Jug 3:25,Jer 27:4 etc.), un gouverneur (Ge
44:5), un propriétaire d'esclaves (Ex 21:4,1Sa 25:10,14,2Ro
9:31 etc.) ou de domestiques (Ge 24:9 et suivants, Ps
123:2,Esa 24:2,Mal 1:6), l'éducateur d'un disciple (2Ro
2:3,16), un maître au sens général (Ps 12:5,Pr 27:18,Esa 19:4
26:13,Sop 1:9).
Assez commun est aussi le mot baal, au sens de possesseur, chef,
mari (voir Baal, 1); le verbe de cette racine signifie: être le
maître de quelqu'un (Jer 3:14 31:32). Les autres termes hébr.,
assez rares, expriment tous la situation d'un maître, avec diverses
nuances étymologiques plus ou moins effacées: force (Ge
27:29-37), oppression (Job 39:10), domination (Ec 8:8),
direction (Est 1:22), gouvernement (Pr 6:7). Au sens moral,
la maîtrise de soi est louée dans Pr 16:32 25:28. Les
Apocryphes parlent aussi du maître d'esclaves (Sag 18:11), et Dieu y
est plusieurs fois célébré comme le Maître (Sir 23:1, Sag
11:26 12:18 13:3,9).
2.
La désignation hébraïque de la maîtresse qui a des servantes (Ge
16:4,8,2Ro 5:3,Ps 123:2,Pr 30:23,Esa 24:2) est toujours gebèrèt
(fém. du gebir =maître, de Ge 27:29); dans Eze 16:30,
plutôt que «maîtresse prostituée» (Ost., Sg.), mieux vaut lire
«courtisane effrontée» (V S.).
3.
Dans le grec des grammairiens postérieurs à l'époque classique, le
despotes, détenteur d'un pouvoir absolu, peut en certains cas
justifier le sens péjoratif qu'a pris le français: despote; au
contraire, le kurios détient une autorité souveraine sans manquer
à la justice envers ses administrés. Mais la langue du N.T. ne suit
guère ces distinctions: les maîtres sont désignés, sans nuance
élogieuse ou critique, aussi bien par le titre de despotes
(1Ti 6:1 et suivant, Tit 2:9,1Pi 2:18) que par celui de kurios
(Mt 6:24,Eph 6:5-9,Col 3:22 4:1). Ce dernier terme
est fréquent dans les paraboles qui représentent Dieu comme le Maître
de la vigne, de la moisson, de la maison (Mr 12:9 parallèle
Mt 9:38,Mr 13:35), comme le Maître qui a des serviteurs, un
économe, etc. (Lu 12:46 16:3-5). Dieu lui-même,
comme Maître suprême, ou le Christ comme Son représentant, est
généralement appelé kurios, c-à-d. Seigneur (voir ce mot, parag.
3), mais les fidèles qui appelaient despotes soit Dieu soit le
Christ (Ac 4:24,Ap 6:10,Mr 2:28,2Pi 2:1,Jude 1:4; cf. Lu
2:29, trad.: Seigneur) marquaient davantage par ce titre les droits
absolus de l'un ou de l'autre sur les créatures (voir Trench, Syn.
N. T., parag. 28).
4.
Le maître qui instruit est le plus souvent nommé didaskalos:
professionnel de l'enseignement (Ro 2:20), homme
d'expérience (Heb 5:12). C'est le titre donné à Jésus,
instructeur et inspirateur des foules, en de multiples
circonstances (Mr 5:35,Mt 8:19 9:11,Jn 3:2 etc.); il est
quelquefois désigné comme le Maître par excellence (Mt 23:8,Jn
11:28 etc.). Le même titre a été donné à Jean-Baptiste (Lu
3:12). Il répond à l'hébreu rab et au titre israélite de rabbi
(voir ce mot); nos versions l'appliquent aux docteurs du
peuple juif (Lu 2:46,Jn 3:10), à ceux de l'Église primitive
(Ac 13:1,1Co 12:28 et suivant, Jas 3:1,1Ti 2:7, etc.) et
même aux propagateurs d'hérésies;voir (2Ti 4:3) Docteur.
5.
L'évangéliste Luc, lorsqu'il traduit l'apostrophe: rabbi,
adressée à Jésus, est le seul à employer un autre mot, épistatès,
fréquent dans les LXX pour désigner un inspecteur, un président, mais
qui dans l'évangile équivaut à la simple traduction: Maître (Lu
5:5 8:24, 45 9 33,49 17:13).
6.
Aux noces de Cana, le «maître d'hôtel» de Vers. Syn. et Bbl. Cent,
est l' arkhitriklinos (Jn 2:8), «chef de la table» (Vers.
Laus.), «ordonnateur du repas» (Sg., Stapf.), dont les fonctions
étaient d'apprêter tables et couchettes, d'arrêter le menu, de goûter
les vins et les mets, etc. (Héliodore, 7:27);voir Repas.
7.
Le «maître de maison» (mot grec composé oïkodespotès, inconnu
dans la langue classique) apparaît fréquemment dans les paraboles de
Jésus qui mettent en scène le chef d'une maison de quelque
importance. La comparaison des différentes versions montre que les
traductions «maître de maison» et «père de famille» sont à peu près
interchangeables, avec quelque chose du sens général du
paterfamilias latin, dont la maison (domus) comprend les
domestiques aussi bien que la parenté (Mt 10:25 13:27-52,Lu
12:39 Lu 13:25 14:21 Mt 20:1 21:33 24:43 Marc 13:35 14:14
parallèle Lu 22:11). Cette notion large de la maison se trouve
soit dans le terme oïkétéïa (Mt 24:45), qu'on lit par ex.
dans une inscription du III° siècle: «libérer la maison de tout
travail» ou dans un édit de l'empereur Gordien (an 239): «les
registres ne doivent pas introduire des étrangers dans la famille»,
soit dans le terme thérapéïa (=domesticité) du passage parallèle
de Luc (Lu 12:42), soit dans l'expression oïkiakoï, «ceux de
la maison» (Mt 10:36), qu'emploie aussi une lettre de l'an 22:
«mes amis me pressent de devenir membre de la maison du chef-huissier
Apollonius» (VGT, p. 441). Dans les diverses paraboles où paraît
l' oïkodespotès, il est donc à la fois le maître qui commande et
le chef de famille auquel ceux de la maison sont attachés par
l'affection et la communauté de vie et d'intérêts; il représente,
suivant les cas, Dieu lui-même dans la plénitude de ses droits sur
ses enfants, ou le Seigneur Jésus dont les fidèles disciples suivront
la destinée comme membres de sa famille spirituelle. (cf. Mt
12:49 et suivant) Comparer l'image que le Stoïcien Epictète (3:22)
applique à Dieu: «un maître de maison qui dispose tout en ordre». Jn
L.