LOUANGE
1.
Louer, c'est «reconnaître les qualités d'une personne, d'une chose;
relever le mérite par des paroles» (Littré). Le terme de louange,
dans la Bible, sert à décrire le privilège des croyants: ils ont un
Dieu digne de louange (49 fois dans Sg.) et qu'on peut célébrer (65
fois); on lui donne gloire, ainsi qu'au Christ (167 fois), ce qui est
une des raisons d'être du culte public.
Alors que la gratitude individuelle compte les bienfaits reçus,
la louange ou action de grâces, qui n'oublie pas ces bienfaits,
embrasse toutes les perfections divines et les proclame.
Elle peut être continue: (Ps 30:12 35:28 71:14 119:164) il
n'y a pas de situation dans laquelle un croyant ne puisse louer Dieu.
La louange est générale: (Ps 48:11 62:9 97:6,Esa 42:10-12)
Dieu qui seul en est digne, l'est toujours, et toutes les nations
sont appelées à lui rendre gloire.
Elle est éternelle: (Mt 6:13,Ro 11:36,1Ti 1:17,Heb 13:21)
parmi les réalités impérissables dont nous avons la promesse, se
trouve la louange remplissant les cieux, quand toutes choses seront
faites nouvelles (Apo 19:1- 5 22:3).
2.
Cette louange, qui naît au coeur du fidèle, le pousse à partager ses
sentiments avec des frères en la foi: (Ps 35:18) il lui faut des
témoins et des associés; de là, le «chant de louanges», qui est une
action publique, une confession de la foi. Les psautiers modernes
débutent souvent par la rubrique «louange»; mais l'emploi de cet
ordre d'hymnes ne saurait être limité aux débuts du culte, et
beaucoup de cantiques sont une louange, qui se trouvent dans d'autres
rubriques; il les faut utiliser aussi.
Dans le psautier de la Synagogue, la série 114-118 se nomme «le
grand Hallel»; c'étaient les chants de la Pâque; Jésus les a chantés,
la nuit où il fut livré (Mt 26:30); qu'on les relise après Jn
13-17, et l'on verra quel était, à cette heure, l'horizon biblique
du Fils de l'homme. De Hallel vient Alléluia (voir ce mot), cri
liturgique signifiant: Louez l'Éternel! On le trouve à la fin ou au
début de 20 psaumes, dans l'hébreu et les LXX, à partir du 104, et
Tob 13:18, Ap 19:1,6. En français ce mot doit se
prononcer avec l'accent sur la dernière syllabe, comme «appuya»:
Al-lé-lui-ia (Littré).
3.
La louange a pris diverses formes liturgiques:
(a) Le Te Deum, très ancienne traduction latine (IV e ou V e siècle)
d'une hymne grecque qui, bien plus que le Credo traditionnel, est une
profession de foi oecuménique. La version de Luther, 1533, est encore
en usage dans tous les pays luthériens (air du VI e siècle) et celle
du Prayer-Book dans toutes les Églises de langue anglaise qui suivent
ce rituel des prières publiques. Nous avons trois formes françaises
du Te Deum: Pictet, Grand Dieu, nous te louons, 1705, air
huguenot abrégé; Empaytaz, Grand Dieu, nous te bénissons, 1817,
air viennois de 1774; Malan, Trois fois saint Jéhovah, 1841, air
de Sil-cher, 1825.
(b) Nombreuses sont les oeuvres de musique d'église
(outre les hymnes des psautiers) consacrées à la louange,
conformément à Ps 69:31 71:22 144:9.
A relever:
Bach, Cantates 10s 16s 28s 41 50s 69 76 117 119s 172,
Oratorios de Noël 1 24 36 43, saint Jean 1, Motets 168, etc.;
Haendel, Messie 31 33 42 (Alléluia) 51;
Mendelssohn, op. 52,
Paulus 2 22 36 45,
Élie 35 42, Ps 95 98 114;
Brahms, Requiem 6, dès l'allégro.
Il est temps qu'on ait autre chose que le naïf «Gloria» de Bost.
(c) La doxologie (voir ce mot) est un moment de
certaines liturgies, anciennes et modernes, consacré à la louange. La
«petite doxologie», quand elle n'est pas limitée à la seule phrase:
«Gloire soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit, aux siècles des
siècles, Amen!» consiste dans le chant ou la lecture, au choix, de
Ro 11:33-36 16:27 Eph 3:21,2Ti 4:18,Heb 13:21,1Pi 5:11,2Pi
3:18,Jude 1:24,Ap 1:5-6 4:11 5:9,12 7:12 11:15-17 15:3,4.
Le texte que la «grande doxologie» ajoute à Lu 2:14 est
celui-ci: «Nous te louons, nous te bénissons, nous t'adorons, nous te
glorifions, nous te rendons grâces, à cause de ta gloire très grande,
Seigneur Dieu, Roi céleste, Père tout-puissant. Seigneur
Jésus-Christ, Fils unique, Agneau de Dieu, qui ôtes les péchés du
monde, aie pitié de nous, entends notre supplication. Toi qui sièges
à la droite du Père, aie pitié de nous. Et comme tu es le seul Saint,
le seul Seigneur, le seul Très-Haut, Jésus-Christ, à toi, comme au
Saint-Esprit, soit la gloire de Dieu, le Père! Amen!»
Michel Prastorius, 1571-1621, en a mis le texte latin en musique;
il se chante sous le nom de Gloria dans toutes les «messes en
musique» (Bach, en si min., fa, la, sol min. et maj.; Justin
Bischoff, la min.). Toutes ces «messes» ont dans leur Sanc-tus
(voir ce mot) des louanges qui traduites en français seraient dignes
de figurer dans le culte.
4.
Le rituel hébraïque connaît un «sacrifice de louange», thôdâ
(Le 7:12,15), sous deux formes: thôdâ nédèr s'il
exécute un voeu; thôdâ nedâbâ s'il est spontané. C'était un acte
spécial de culte, offert par un fidèle, individuellement (Delitzsch).
Les «dons in memoriam», ceux qu'on fait à l'Église, à la Mission, à
une oeuvre chrétienne, en cas de délivrance ou lors d'un jubilé, sont
la forme moderne de ce sacrifice; elle traduit en offrandes nouvelles
(en plus, de ce qu'on accorde aux budgets ordinaires) un sentiment de
reconnaissance. Cette manière de «louer Dieu» vaut mieux que les
rites auxquels le coeur peut n'avoir aucune part; elle est, en tout
cas, préférable à celle dont parle Ps 149:3.
Cette idée féconde du «sacrifice de louange» a été appliquée par
Luther au chant du Credo par l'assemblée. Au lieu de faire du Credo
on ne sait quelle machine de guerre contre les mal pensants, il
estimait, avec raison, que confesser la foi en Dieu équivalait à une
action de grâces pour les bienfaits du salut, ce salut que Dieu offre
à tous. Gratitude et louange se confondent dans l'âme du croyant,
pour lui-même et dans la communion de l'Église universelle. L. M.-S.