LIBAN

Le nom actuel Libnân conserve presque intégralement la forme
ancienne (Lebânôn, hébreu; Labnanou, assyr.). La montagne
libanaise est blanche, soit de la neige qui la recouvre
abondamment en hiver et persiste en larges traînées assez tard dans
l'été, soit à cause de ses roches calcaires, dont l'éclat est rendu
plus vif sous un ciel éclatant. Le Liban est l'ensemble montagneux
qui court parallèlement à la côte de Syrie et qui, aligné du N.-E. au
Sud-O., s'étend sur environ 150 km. de la vallée du Nahr el-Kebîr
(ancien Eleutherus) près de Tripoli au Nord, au Nahr
el-Kâsimîyé,
à 10 km. de Tyr, au Sud Il est composé de deux chaînes
sensiblement parallèles, Liban à l'Ouest, Antiliban à l'Est,
que sépare la vallée el-Biqa (la Békâa, Coelé-Syrie des
Grecs). Aucune mention du Liban dans le N.T., mais de fréquentes dans
l'A.T. On sait par les textes égyptiens que les Amoréens occupaient
la région du cours supérieur de l'Oronte (aujourd'hui Nahr
el-Asi),
ce que confirment les tablettes d'el-Amarna où l'on
distingue toujours le «pays d'Amourrou» (Syrie du N., région du
Liban) du «pays de Canaan». Les Israélites se heurtèrent à eux dès
l'instant où ils essayèrent de s'installer dans le Pays de la
promesse (De 1:7 3:25 11:24,Jos 8:4 9:1); mais la région
libanaise leur échappa toujours (Jos 13:5,Jug 3:3), car ses
habitants y étaient solidement installés.

Le point le plus extrême atteint par la conquête fut Baal-Gad, au
pied de l'Hermon (Jos 11:17 13:5), et l'on connaît l'expression
traditionnelle employée au temps des Juges pour indiquer tout le pays
occupé par les Israélites: «de Dan à Béer-Séba» (Jug 20:1,1Sa
3:20), formule que l'on retrouve intervertie encore chez le
Chroniqueur (1Ch 21:2,2Ch 30:5). On sait que Dan est identifié
avec Tell el-Kâdi, un peu à l'Ouest de Bâniyâs (Césarée de
Philippe), précisément sur une des pentes de l'Hermon, près des
sources du Jourdain. Le Liban était couvert de forêts dont les
essences étaient renommées et appréciées des anciens: Égyptiens,
Israélites, Assyriens.

Le pharaon Kha-se-Kemoui (avant 3000 av. J.-C.) s'approvisionnait
déjà à Byblos des cèdres dont l'importation dans la vallée du Nil est
attestée par des textes nombreux. Le fondateur de la dynastie
d'Agadé, Sargon (vers 2750 av. J.-C), est fier de pouvoir dire dans
une inscription que, des rives de l'Euphrate, sa puissance s'est
étendue jusqu'à la «forêt des Cèdres» (Liban) et aux «montagnes
d'argent» (Taurus). Ses lointains successeurs, Sargon II (722-705),
Sanchérib (705-681), suivirent eux aussi l'exemple des pharaons, et
les bois du Liban prirent la route de Ninive et de Babylone. (cf.
Esa 14:8 37:24 et les nombreuses mentions dans les textes
cunéiformes)

On ne s'étonnera pas que Salomon ait demandé lui aussi à la forêt
libanaise la matière première nécessaire à ses constructions. Hiram
de Tyr s'employa à faire arriver les poutres coupées par ses soins
sur la côte palestinienne, à Japho (Jaffa), où Salomon en prenait
livraison (1Ro 5:6,10) - Quand il s'agira de reconstruire le
Temple, après l'exil, on procédera de même (Esd 3:7). Mais il
n'y avait pas que la renommée des cèdres (Jug 9:15 Ps 29:5 72:16
104:16 Esa 2:13, Sir 24:13 50:12 La verdure et les
fleurs (Na 1:4) les parfums (Ca 4:11,Os 14:6), le
vin (Os 14:7), les sources abondantes (Ca 4:15) et
permanentes à cause de la neige qui fond lentement (Jer 18:14)
contribuaient à faire de la région tout entière un enchantement et
l'image de la prospérité messianique (Esa 35:2 60:13).

C'était en tout cas, et ce l'est resté, un excellent lieu
d'estivage, et Salomon peut-être en profita (1Ro 9:19,2Ch 8:6).
Les bêtes sauvages n'y étaient sans doute pas trop
redoutables (2Ro 14:9,2Ch 25:18). Aujourd'hui on n'y rencontre
plus guère que le sanglier, l'hyène, le chacal, le renard, la gazelle
et rarement l'ours et la panthère.

1.

Liban.

La chaîne proprement dite du Liban longe la mer, vers laquelle elle
s'abaisse par une série de terrasses que découpent d'abruptes
vallées. Les principaux sommets sont (du N. au Sud): le Dj. Makmal,
Dahr el-Kodîb
(plus de 3.000 m.) dans la région de Tripoli; le Dj. Sannîn (2.608 m.), le
Dj. Keneïsé (2.032 m.), le Dj.
Mounéitisé (2.807 m) et le Dj. Bàroûk (2.222 m.), au centre;
les altitudes diminuent à mesure que l'on se rapproche du Litani
(Nahr el-Kâsimîyé) dans le coude duquel le château médiéval de
Belfort (Kalat ech-Chékîf) se dresse à 715 m. Plusieurs rivières
ou torrents viennent se jeter dans la Méditerranée, alimentés par des
sources abondantes et fortement grossis à la fonte des neiges. Ce
sont la Kâdicha qui naît à proximité des Cèdres (fig. 54), le
Nahr Ibrahim (le fleuve Adonis des anciens) qui sort de la
grotte d'Afka et dont les eaux, d'après la tradition, étaient rouges
du sang du dieu immolé, le Nahr el-Kelb (fleuve du Chien) à
l'embouchure duquel tous les conquérants et soldats, de Ramsès II au
général Gouraud..., ont laissé des inscriptions, le Nahr Beyroût
(Magoras), le Nahr ed-Dâmoûr (Tamyras) et enfin, à quelques km.
au Nord de Tyr, le Nahr el-Kâsimîyé (Leontes) qui prend sa source
dans la plaine de la Békâa, à l'Ouest de Baalbek, et n'arrive à la
mer qu'après un parcours de 130 km.

Sur les pentes occidentales du Liban on distingue trois zones de
climat et de végétation:

Le Sahel, ou région de la côte, très fertile,
divisée en secteurs fermés par les prolongements du Liban qui
arrivent souvent jusqu'à la mer, où s'abritèrent nombreux les ports
phéniciens: Botrys (Batroûn), Guébal (Djébeil), Béryte
(Beyrouth), Sidon (Saïda), Orni-thopolis (Adloûn),
comptoirs des fameuses «Échelles du Levant».

Le Wast, ou région moyenne des terrasses, avec les
cultures de tabac, de céréales, d'oliviers, de mûriers et même de
vignes. Les forêts de pins, cyprès, térébinthes, chênes-nains
s'accrochent sur les pentes les plus escarpées.

Le Djourd, avec les dernières cultures qui
prospèrent dans les vallées abritées (ainsi, par ex., celle de la
Kâdicha, au pays maronite), les arbres moins touffus et la steppe des
sommets. Il est remarquable que les derniers cèdres survivants sont
ceux qui sont groupés au pied du Dahr el-Kodîb, à une altitude de
près de 2.000 m. On en compte environ 400 et un mur les protège des
méfaits du déboisement. D'autres cèdres subsistent encore, mais moins
nombreux, au Dj. Bâroûk, à 30 km. au Sud-E, de Beyrouth. C'est peu,
si l'on songe aux immenses forêts de l'antiquité. Le Liban est
aujourd'hui traversé par deux routes carrossables: la première au
Sud, de Saïda à Merdj Ayoûn; la seconde de Beyrouth à Chtôra (vers
Damas), et par une voie ferrée (point culminant, 1.487 m.). Les
chutes de neige interrompent chaque année le trafic entre la côte et
l'intérieur, et les communications doivent être détournées par la
Palestine ou par Tripoli-Homs.

2.

Békâa.

Les pentes orientales du Liban tombent presque à pic vers la grande
plaine de la Békâa, qui s'étend sur près de 120 km. du S. du lac de
Hotns au Nord, à Djibb-Djenîn au Sud, au pied de l'Hermon.

--A l'Est se dresse la chaîne de l'Antiliban, parallèlement au Liban,
distant de 8 à 14 km. Les Israélites connaissaient cette plaine
intérieure (Jos 11:17 12:7); elle appartient à la grande faille
qui marquera au Sud le cours du Jourdain et qui se prolonge à travers
la péninsule sinaïtique jusqu'au golfe d'Akaba (voir Palestine).
C'était la Coelé-Syrie des Grecs (Syrie creuse) avec la ville des
sanctuaires, Héliopolis ou Baalbek (voir ce mot). On s'est demandé
parfois si Amos ne la mentionnait pas sous le nom de
Bikath-Aven (Am 1:5). Baalbek, dont les temples (fig. 36 à 41)
étaient consacrés probablement à une triade syrienne puis aux
divinités romaines, Jupiter, Vénus, Mercure, se trouve au bord d'une
oasis qui marque assez nettement la ligne de partage des eaux de la
vallée. En effet, si leurs sources sont voisines, les deux rivières
Nahr el-Asi (Oronte) et Lîtâni coulent l'une vers le N., l'autre vers
le S., la première traversant toute la Syrie et se jetant dans la
Méditerranée après avoir arrosé Hotns, Hama et Antâkiyé
(Antioche), la seconde coulant en direction de l'Hermon et
s'infléchissant brusquement vers l'Ouest pour rejoindre la côte au
Nord de Tyr. Très fertile mais assez mal cultivée, la Békâa fut avant
tout--et elle l'est encore--la grande voie de passage, celle des
migrations et des armées; c'est à une de ses extrémités (aux environs
de Léboué ou dans la région d'Ayoûn) qu'il faut rechercher sans doute
la fameuse «entrée de Hamath» si souvent mentionnée dans la
Bible. (ex.: 2Ro 14:25)

3.

Antiliban.

Parallèle au Liban se dresse la chaîne de l'Antiliban (Dj.
ech-Cherki
=la montagne orientale), dont il est arbitraire de
séparer le massif de l'Hermon (Dj. ech-Cheikh). Elle est composée
des mêmes roches calcaires que le Liban, mais sa hauteur moyenne,
quelque peu inférieure, se tient entre 1.700 et 1.850 m. Pourtant
l'Hermon atteint avec l'une de ses cimes 2.760 m., et tout l'été ses
flancs conservent de larges traînées de neige. L'Antiliban n'est
mentionné qu'une fois explicitement: dans Jug 1:7, et peut-être
dans Jos 13:5. La «tour du Liban» (Ca 7:5) y était sans
doute située. A plusieurs reprises aussi, les LXX ont traduit
Anti-liban, là où la version hébraïque a Liban (De 1:7 3:25
11:24,Jos 8:4 9:1). On connaît la renommée de l'Hermon, dont la
majesté impressionnait tous les anciens (Ps 89:13 133:3) et que
les Sidoniens appelaient Sirion, les Amoréens Sénir (De
3:9). Il faut, semble-t-il, en distinguer le Sanirou des
Assyriens. On identifie parfois l'Amana (Ca 4:8) avec le Dj.
Zébédâni,
et le fleuve Abana (2Ro 5:12) avec le Nahr
Barada
qui débouche des gorges profondes de l'Antiliban et arrose
Damas. C'est sur une des rives du Barada, à 22 km. au Nord-O, de
Damas, que l'on situe Abila (Soûk Ouâdi Barada), capitale de
l'Abilène, province que gouvernait le tétrarque Lysanias (Lu
3:1). La région libanaise (aujourd'hui République Libanaise) est
occupée par une population très mélangée, où l'on discerne pourtant
trois groupements: Métoualis musulmans (surtout dans la Békâa),
Druses (région de l'Hermon), chrétiens de confessions multiples où
dominent les Maronites. Depuis 1860 et les massacres des chrétiens la
France, qui était intervenue directement (1nscription commémorative
au Nahr el-Kelb), avait obtenu pour le Liban une autonomie relative
avec un gouverneur chrétien. Après la guerre et depuis
l'établissement du mandat (1919), la France exerce une très grande
influence sur le pays du Liban, restant ainsi dans sa tradition,
puisque en 1250 saint Louis promettait aux Maronites «protection
comme aux Français eux-mêmes». A. P.