JOURDAIN
Le Jourdain est le plus important cours d'eau de la Palestine. Il
sépare la Palestine proprement dite de la TransJordanie. Il coule
presque directement du N. au Sud, de la région du mont Hermon et de
l'Anti-Liban à la mer Morte, dans une large dépression du sol (voir
Araba) parallèle à la côte E. de la Méditerranée, à une distance de
80 km. environ. La fascination qu'exerce le Jourdain sur ceux qui
étudient la Bible est due tant à ses extraordinaires caractéristiques
physiques qu'aux associations historiques qu'il suggère.
1.
Étymologie du nom.
Dans le texte hébreu de l'A.T., le nom Yardên est presque toujours
précédé de l'article défini. Si son étymologie peut encore être
déterminée et si son origine est sémitique, la théorie la plus
plausible est que Yardên dérive du verbe hébreu yârad:
descendre; «le Jourdain» signifierait «celui qui descend». Cette
théorie trouve un appui dans le fait du cours rapide de la rivière.
Suivant une deuxième opinion, Jourdain dériverait de l'arabe
ouarada: descendre vers l'eau (le bétail surtout), et l'on aurait
«l'abreuvoir» ou «le gué». Dans l'arabe moderne, le Jourdain
s'appelle toujours ech-Cherîa, l'abreuvoir. Une troisième
théorie, adoptée par Jérôme (Comm. sur Mt 16:13), veut que
Jourdain résulte de la jonction des noms de deux sources de la
rivière: Jor et Dan; mais cette thèse est sans fondement, car
on ne connaît aucune source du nom de Jor. Nous en dirons autant
d'une quatrième supposition, d'après laquelle Jourdain serait une
combinaison de yeor et de Dan: rivière de Dan.
2.
Caractères physiques.
Le Jourdain a trois sources principales:
1° la rivière Hasbâni, qui sort d'une fontaine (alt.
522 m.), près d'Hâsbeiyâ, sur la pente occidentale du mont Hermon, et
qui reçoit le tribut de diverses autres sources et des torrents de
l'Anti-Liban et de l'Hermon;
2° le Leddan ou Dan, qui provient de la fontaine
(alt. 154 m.), voisine de Tell el-Kâdi;
3° le Banias, qui émerge d'une caverne (alt. 338 m.)
près de Banias (Césarée de Philippe). Ces deux dernières se
réunissent à environ 7 km. au Sud de Tell el-Kâdi; 1 km. plus loin à
peu près, elles reçoivent la rivière Hasbâni et dès lors commence le
Jourdain proprement dit (alt. 45 m.). Env. 10 km. plus au Sud, le
Jourdain coule dans une dépression marécageuse et forme le lac Hoûlé
(appelé aussi Mérom; alt. 2 m.; longueur 6 km. 5). Le cours se
poursuit sur 16 km. jusqu'au lac de Tibériade (210 m. au-dessous du
niveau de la mer; longueur 22 km.). Le Jourdain coule finalement
encore 110 km. et se jette dans la mer Morte (391 m. au-dessous du
niveau de la mer).
Ainsi le Jourdain peut être divisé en trois parties:
1° le Jourdain supérieur, qui s'étend des sources au
lac Hoûlé;
2° le Jourdain moyen, entre le lac Hoûlé et le lac
de Tibériade;
3° le Jourdain inférieur, qui parcourt la large
vallée d'el-Ghôr, du lac de Tibériade à la mer Morte. Le Jourdain
est donc une rivière remarquable, même indépendamment de tous les
souvenirs historiques qui s'y rattachent. Sa longueur, de Hâsbeiyâ à
la mer Morte, ne dépasse pas 215 km. à vol d'oiseau. Mais son cours
est tellement sinueux qu'on peut l'évaluer à 400 km. au moins. Sa
source la plus haute étant à 522 m. au-dessus du niveau de la mer, et
son embouchure à 391 m. au-dessous, la descente est de 913 m. sur
215 km. D'un point situé à environ 3 km. du lac Hoûlé jusqu'à la mer
Morte, soit sur une distance d'environ 145 km., le Jourdain coule
au-dessous du niveau de la Méditerranée. Rien d'étonnant que G.A.
Smith ait écrit: «Il y a peut-être, à la surface d'une autre planète,
quelque chose d'analogue à la vallée du Jourdain; il n'y en a point
sur celle-ci.» (Hist. Geog.)
3.
Dans l'histoire biblique.
L'importance du Jourdain est due en grande partie aux
caractéristiques physiques décrites ci-dessus, car sa vallée servait
de barrière et de limite naturelles. C'est ainsi que d'après Ge
32:10 il fut une ligne de démarcation au temps de Jacob. Dans No
34:10,13,De 3:20 27:4, il sert de limite entre les neuf tribus et
demie et les deux tribus et demie. Moïse conduit les enfants d'Israël
à Moab, mais ne peut traverser le Jourdain pour entrer dans la Terre
promise; cette entreprise est confiée à son successeur,
Josué (Jos 1:2). Plus tard, dans l'État idéal d'Ézéchiel, le
Jourdain constitue la frontière (Eze 47:18).
Il est naturel qu'une rivière ayant une telle importance politique
prenne aussi une importance religieuse. Ainsi, la fin de la vie
d'Élie et la transmission de son manteau à Elisée, telles qu'elles
sont racontées dans 2Ro 2:7 et suivants, ont lieu au bord du
Jourdain. Dans 2Ro 5:10, Elisée promet à Naaman qu'il sera guéri
s'il consent à s'y laver sept fois.
L'association intime entre le Jourdain et l'histoire politique et
religieuse des Hébreux fit de ce fleuve un lieu tout indiqué pour les
baptêmes qu'administrait Jean-Baptiste. On ne sait pas exactement
l'emplacement de Béthanie (ou Bétha-bara) «au delà du Jourdain», où
Jean baptisait (Jn 1:23 3:26, cf. Mr 1:5,11); la tradition
veut que ce soit la moderne Makhâdet Hadjlé, voisine de
l'embouchure du Jourdain (voir carte IX). Le fait que deux anciens
monastères de «saint Jean-Baptiste» sont situés près de cet endroit
montre qu'il a été regardé de très bonne heure comme le lieu du
baptême de Jésus (fig. 136).
4.
Autres faits intéressants.
Bien que le Jourdain séparât de la partie occidentale de la Palestine
la région orientale (appelée pour cette raison TransJordanie), la
véritable barrière n'était pas le fleuve lui-même, mais l'abrupte
dépression géologique dans laquelle il coule. Car le Jourdain n'est
très profond nulle part. Il atteint 1 m. 50 à 3 m. 50 sauf sur
certains points où il se creuse davantage. Il y a cinq gués sur le
Jourdain moyen et cinquante-quatre sur le Jourdain inférieur. Les
ponts (fig. 135) n'ont existé qu'à dater de la conquête romaine. «On
ne connaît aucune trace d'un pont de pierre établi au-dessus du
Jourdain dans la région du sud. Les bacs ne pouvaient manquer. Ils
portaient le même nom que les gués, en hébreu: mâ'borêt, en
araméen: ma'berâ, mabberâ. Le passage en bac n'était pas gratuit.
On était persuadé qu'on pouvait courir quelque danger, si l'on y
prenait place en compagnie d'un païen. On voit sur la carte de
Madaba, dans les environs du pont de bois actuel, un câble tendu
transversalement au-dessus du fleuve, au gué de Makhâdat
el-ghôrânîyé, avec, au milieu des eaux, une courte barque, dont le
mât rejoint le câble. Une deuxième embarcation se distingue en amont,
dans la région d 'Ainon, près Salem.» (Dalman, Itin., p.
315; voir aussi ch. IV).
A.R. S.