JEUNESSE

La sollicitude et les préoccupations dont se trouve entourée la
jeunesse dans nos sociétés modernes n'a pas son équivalent aux temps
bibliques. La société civile et la société religieuse, d'ailleurs
confondues, sont tournées vers le passé plutôt que vers l'avenir. Le
lien des générations successives étant le seul ciment d'une société à
structure essentiellement patriarcale, il est naturel que l'on se
préoccupe d'assurer le contact entre le passé et l'avenir. Mais on
pense atteindre suffisamment ce but par la formation spirituelle de
l'enfant. Voir Éducation.

L'élément essentiel de la vie collective sera donc l'Ancien; être
jeune est une infériorité; dans la cité comme dans la famille, le
jeune homme aura pour vertu essentielle la discrétion et
l'effacement. Job démontre la haute situation morale qu'il s'était
acquise, par le fait qu'on lui permettait de parler devant ses
aînés (Job 29:8); par contre son abaissement est caractérisé par
le fait que de plus jeunes ont le pas sur lui (Job 30:1 et
suivants
).

La rareté des documents relatifs à la jeunesse s'explique aussi par
la brièveté de la période qui s'étend de la puberté au mariage. Le
jeune Israélite sortait de l'enfance à 13 ans; il était alors admis à
porter les phylactères, à participer au culte de la synagogue et à
siéger dans «l'Assemblée d'Israël». Marié à 20 ans, il était aussitôt
chargé des responsabilités du chef de famille. Ces indications
s'entendent de l'époque post-exilique; dans les temps antérieurs et
notamment à l'époque patriarcale, les règles étaient moins fixes,
mais les fils, mariés ou non, étaient inexistants--ainsi du reste que
les frères plus jeunes--devant le chef de la famille. A plus forte
raison en est-il ainsi de la jeune fille, qui reste sous la tutelle
de sa mère jusqu'au mariage, par où elle passe sous la tutelle de son
mari; tutelles beaucoup plus libérales d'ailleurs l'une et l'autre
que ne pourrait le faire croire une assimilation superficielle aux
moeurs de l'Orient moderne. La nature et le nombre même des textes
légaux relatifs à la protection de la jeune fille et l'importance
attachée à la constatation de sa chasteté jusqu'au mariage, attestent
la liberté relative dont elle jouissait et qui ressort de passages
tels que Ge 24:29,Ex 2:16 et suivant et tant d'autres analogues.

Parmi les rares documents qui nous intéressent, il faut citer
cependant le livre des Proverbes (notamment dans ses neuf premiers
chapitres) qui semble être un recueil de maximes spécialement
destinées à la jeunesse. On a dit que c'était un livre d'éducation,
voire de pédagogie; dans ce cas, il faut spécifier qu'il s'adresse
non à l'enfance mais à la jeunesse. L'expression «mon fils» ou «mes
fils» exprime bien cette destination spéciale, confirmée du reste par
la nature même des questions abordées et des conseils donnés. Les
vertus recommandées sont: le respect pour les parents, l'honnêteté en
affaires, aussi bien que la prudence (Pr 6:1,5), le travail et
surtout la chasteté. La persistance avec laquelle l'auteur revient
sur cette dernière question, soit au point de vue de la prostitution,
soit au point de vue de l'adultère, indique la place essentielle que
ces problèmes occupaient dans la vie morale. Quatre fragments parmi
les plus développés et les plus expressifs lui sont consacrés: Pr
2:10-19 5:3-8,15-20 6:24-35 7:6-27 Mentionnons aussi la fréquence
de l'expression «les péchés de ma jeunesse» dans la littérature
hébraïque; mais peut-être y aurait-il abus à conclure de ce fait à
une particulière corruption des moeurs chez les jeunes gens.

De tous les principes moraux prônés par le livre des Proverbes, un
seul s'applique aux enfants aussi bien qu'aux jeunes gens, c'est le
respect dû aux parents. Mais il est permis de penser que le «Honore
ton père et ta mère» du Décalogue s'adresse surtout aux jeunes gens,
si l'on en juge par les sanctions prévues contre ceux qui maudissent
ou frappent père ou mère. Ces textes très anciens, puisqu'ils font
partie du Code de l'Alliance (Ex 21:16,17), prévoient la peine
de mort. De même la législation deutéronomique prévoit la peine de
mort, sur la demande des parents, pour le fils ivrogne et
rebelle (De 21:18-21). Il ne s'agit évidemment pas là d'un
enfant.

On ne saurait parler de la jeunesse sans mentionner la place que
tient l'amitié (voir Ami) dans la vie biblique, ainsi du reste que
dans toutes les sociétés primitives, où elle revêt assez facilement
un caractère quasi-religieux. L'exemple de David et de Jonathan est
dans toutes les mémoires (1Sa 20). Le grand nombre de maximes
consacrées à l'amitié par les Proverbes atteste la vitalité de ce
sentiment.

A l'époque contemporaine de Jésus, les moeurs sont encore
semblables à celles que nous avons constatées à l'époque
post-exilique; mais le mouvement chrétien est le signal d'une
fermentation spirituelle considérable, dans laquelle la jeunesse, ou
tout au moins des hommes jeunes, prennent une place considérable. Les
disciples de Jésus étaient jeunes; Saül est caractérisé comme «un
jeune homme» lors du martyre d'Etienne (Ac 7:58; voir aussi
Ac 5:6,10 20:9-12 23:17 et suivant).

Jésus ne paraît cependant pas avoir fait à la jeunesse une place à
part dans ses préoccupations ni dans sa prédication. Tandis qu'il
parle à plusieurs reprises des enfants, les jeunes gens ou jeunes
filles n'apparaissent dans son Évangile que confondus avec les
adultes, ils ne sont évoqués que rarement dans ses paraboles. Quant
au jeune riche lui-même, dont Marc seul dit que «Jésus, l'ayant
regardé, l'aima» (Mr 10:21), c'est Matthieu seul (Mt 19:20)
qui précise qu'il était jeune. (cf. Lu 18:18 et suivant)

Dans l'Église naissante, on ne voit pas non plus que la jeunesse
soit considérée comme formant un milieu spécial auquel serait due une
sollicitude particulière. Le cadre habituel de la famille est
toujours: mari, femme, enfants, esclaves (Col 3:18-25 1Pi
2:18-3:7); seul un passage (1Pi 5:5,7) s'adresse à «vous qui
êtes jeunes» pour recommander les vertus traditionnelles de
soumission et d'humilité; mais il s'agit ici des jeunes par
opposition aux Anciens, ce qui semble désigner un milieu plus étendu
que ne le comporte notre expression moderne «la jeunesse». Voir aussi
1Jn 2:13 et suivant.

C'est seulement au cours des siècles que s'est révélée la naturelle
sympathie existant entre l'Évangile du renouveau et le coeur de la
jeunesse.

A.-N. B.