JÉSUS-CHRIST (3)

II Les origines.

1.

GENEALOGIES ET RECENSEMENT.

C'est une croyance générale de l'Église primitive que Jésus ait
appartenu à la race de David. Paul l'affirme au début de l'épître aux Ro
(Ro 1:4, cf. 2Ti 2:8,Ac 2:30 13:23,Ap 5:5 22:16). Il n'y a
aucun indice que ce point ait été contesté. Le cas de Jésus,
d'ailleurs, n'est pas isolé. Il y avait des rabbins, comme R. Huna et
R. Juda I, qui passaient pour des descendants de David.

L'histoire des petits-fils de Jude que Domitien manda (d'après le
témoignage d'Hégésippe, relaté par Eusèbe) parce qu'il appréhendait
en eux des rivaux possibles, prouve qu'il était notoire dans
l'Empire, à la fin du I er siècle, que la famille de Jésus descendît
de David. Jamais Jésus n'aurait pu penser être le Messie s'il n'avait
appartenu à la race de David. On a cru pouvoir conclure d'une de ses
paroles qu'il ne se considérait pas comme descen-dant de David (Mt
22:41-45, cf. Mr 12:35-37,Lu 20:41-44). Ce texte signifie
seulement que cette descendance était à ses yeux chose secondaire,
l'essentiel étant la relation unique où il se trouvait avec Dieu.

Ceci dit, il faut reconnaître que les généalogies de nos
évangiles ne sont pas ce qu'on appelle juridiquement des documents
authentiques. Il ne devait pas y avoir de tels documents. Les
archives du Temple, qui contenaient les registres des familles,
avaient été brûlées par Hérode (Eus., H.E., I, 6).

La généalogie de Matthieu ne s'accorde pas avec celle de Luc.
Elle ne mentionne que 42 noms. Elle ne remonte que jusqu'à Abraham.
L'autre en contient 77 et remonte jusqu'à Adam. Dans la période qui
sépare la captivité de l'ère chrétienne, Matthieu a 14 noms et Lu
19. Ce qui est plus grave, c'est que les noms varient. De David à
Salathiel, ils suivent deux chemins différents. De Zorobabel à
Joseph, nouvelle divergence. Même sur le nom du grand-père de Jésus,
il n'y a pas accord; Matthieu dit: Jacob, Luc dit: Éli.

On a recouru à de subtiles explications. On a songé au lévirat.
Le frère d'un homme mort sans enfants épousait sa veuve. C'eût été le
cas pour Jacob et pour Éli. Jacob, frère utérin d'Éli, aurait épousé
la veuve de son frère. Il aurait eu pour fils Joseph, lequel aurait
été réputé fils d'Éli. Que c'est ingénieux, mais que c'est compliqué!
A ce compte, la loi du lévirat aurait fonctionné à toutes les
générations de Zorobabel à David.

Quant à voir ici:

la généalogie de Joseph (Matthieu),

celle de Marie (Luc), rien, dans les textes,
n'autorise cette supposition.

De plus, les récits de l'enfance rattachent Marie à Aaron, dont
Elisabeth, sa parente, descend (Lu 1:5,36). Voir Généal. de J.-C.

Le recensement de Quirinius pose de difficiles problèmes. Hérode
était un rex socius, dont les sujets ne pouvaient être recensés
par Rome. Or, la naissance de Jésus est mise par Matthieu (Mt 2:1) et
vraisemblablement par Luc (Lu 1:5) au temps d'Hérode le Grand.
Celui-ci ayant régné jusqu'à l'an 6, ce n'est qu'à partir de ce
moment que la Judée, désormais rattachée à l'Empire, a pu être
recensée. Et, en fait, le recensement de Quirinius, que l'histoire
atteste, est de l'an 6-7. Il n'y a que des historiens chrétiens qui
parlent d'un recensement général au temps d'Auguste, et ils sont très
tardifs (le premier, Cassiodore, est du VI° siècle). Il se peut qu'il
y ait eu des recensements dans diverses provinces, mais si le
recensement de Quirinius a amené le soulèvement de Judas le Galiléen,
c'est donc que cette opération à but fiscal était quelque chose de
nouveau et d'extraordinaire, et c'est bien ainsi que Josèphe
l'entend. C'était le «premier» recensement (Lu 2:2).

Sans doute, il y a une inscription de Tibur qui se rapporte,
semble-t-il, à Quirinius, et d'après laquelle il aurait été légat de
Syrie une première fois entre 3 av. et 3 ap. J.-C. Mais le
recensement dont parle Luc ne peut se placer à ce moment-là (voir
toutefois les raisons données dans les art. Chronol. du N.T. et Luc,
pour maintenir l'historicité du recensement).

On peut d'ailleurs garder l'idée de la naissance de Jésus à
Bethléhem sans lier l'événement à l'histoire de Quirinius. Il se peut
que Joseph, ayant un champ à Bethléhem, y soit retourné pour un
recensement fiscal. Et la coïncidence avec Mic 5:1 n'est pas une
raison suffisante pour contester l'épisode (voir Usener, Nativity,
art. de EB; W.M. Ramsay, Was Christ born at
Bethléhem?
1918).

2.

NAISSANCE MIRACULEUSE.

C'est un des points les plus contestés de la tradition évangélique.
Il nous faut donner une idée des objections de la critique.

La naissance miraculeuse de Jésus n'est racontée
que dans un récit, celui de Matthieu La seule allusion expresse qui y soit
faite par Luc (Lu 1:35-37), a pu être considérée comme une
addition faite après coup à un récit dont elle dérange la suite.
L'évangile de Marc n'en parle pas. Il débute par ces mots:
«Commencement de l'Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.» Or, le
commencement dont il parle, c'est le baptême. L'auteur veut
établir la messianité de Jésus: ces premiers mots le démontrent. Il
serait inconcevable qu'il passât sous silence un événement tel que la
naissance miraculeuse.

Mais voici un argument beaucoup plus grave. Les
parents de Jésus ne croyaient pas en lui. Il y a dans l'évangile de
Marc une scène très douloureuse, où ils viennent l'arracher à son
ministère, le croyant fou (Mr 3:21 et suivants). On peut
discuter sur ce texte. Le terme employé pour désigner la supposition
des parents de Jésus est un terme médical qui s'applique à l'état de
folie, mais qui peut se rapporter tout simplement à l'exaltation
religieuse. Le terme employé pour caractériser les parents de Jésus
pourrait tout aussi bien signifier ses envoyés; et enfin, il est
possible de traduire: «On disait qu'il était fou.» Mais la suite de
l'épisode marque une antithèse évidente entre sa mère et ses frères
d'une part, et de l'autre ceux qui font la volonté de Dieu. Or, ici,
faire la volonté de Dieu, c'est écouter Jésus. Même note dans
l'épisode de Nazareth: (Mr 6:4) «Un prophète, dit ici Jésus,
n'est méprisé que dans son pays, dans sa parenté, dans sa maison.»
Donc, sa mère ne croyait pas en lui. Mais alors, que devient le récit
de l'Annonciation? On a pu dire que Marie, toute pénétrée du
messianisme juif, ne retrouvait pas chez son fils les traits du
Messie. De là un conflit entre ces événements miraculeux et leur
résultat apparent; de là aussi un doute qui contrariait en elle
l'impression laissée par la vision angélique.

Il y a encore le témoignage des généalogies.
Elles n'ont pas de sens pour qui croit à la naissance miraculeuse,
puisque ce sont des généalogies de Joseph. Marie, il est vrai,
rattachée par son mariage à la famille de David, pouvait être
considérée comme descendante de David, mais qui dit arbre
généalogique dit descendance physique, et non parenté juridique
seulement. Le texte du Syrus Sinaïticus dit expressément:
«Joseph, à qui la vierge Marie fut fiancée, engendra Jésus.» Cette
version syriaque est fort ancienne. Elle a été composée d'après un
original grec antérieur aux manuscrits que nous possédons. Soden
admet son texte dans son édition du N.T. Il se peut que l'incidente
«à qui la vierge Marie fut fiancée» soit une interpolation ayant pour
but de rattacher la généalogie au texte de l'évangile.

La théologie de Paul ne fait aucune place à la
naissance miraculeuse. Jésus est «né de femme» (Ga 4:4), ce qui
ne signifie rien autre chose qu'une naissance naturelle. Paul se
représente Jésus comme un Être céleste qui s'est incarné; du mode de
l'incarnation il ne dit rien, et le terme «né de femme» (Ga 4:4)
s'applique normalement à la naissance naturelle. Quant à Jean, il
convient d'être beaucoup moins affirmatif. Dans le prologue, il est
parlé des enfants de Dieu «qui ne sont engendrés ni par la chair ni
par la volonté de l'homme, mais par Dieu» (Jn 1:13). Ce qui
semble bien exclure l'idée d'une naissance surnaturelle du seul
Jésus. Mais s'il faut lire, comme l'a proposé Harnack: «qui a été
engendré», c'est au contraire une allusion à la naissance
miraculeuse. Et toutefois, la filialité naturelle de Jésus est
affirmée par Philippe (Jn 1:45). Les Juifs disent de même, sans
rencontrer de contradiction: «N'est-ce pas Jésus, fils de Joseph,
dont nous connaissons le père et la mère?» (Jn 6:42).

A considérer l'ensemble des témoignages, on comprend que la
plupart des théologiens non catholiques d'aujourd'hui aient cru
devoir conclure, quant à la parthénogenèse, dans le sens de la
négative. Il se peut qu'il faille voir dans cette tradition une façon
populaire de concevoir l'union du divin et de l'humain en Jésus. Il
s'y trouve des analogies impressionnantes dans l'histoire des
religions. Il faut bien marquer, toutefois, que ce ne sont que des
analogies. Les récits de nos évangiles, que leur pureté et leur
simplicité mettent hors de pair, ont une couleur hébraïque trop
déterminée pour provenir de là. Dans l'A.T., il y a la prophétie
d'Ésaïe: (Esa 7:14) «La jeune femme (atmah) concevra et elle
enfantera un fils.» Les LXX ont traduit alniah par «vierge». Et
il se peut que, dans le texte original, il ait été déjà question de
la naissance d'un Messie, fils d'une vierge. Or, il est fait allusion
à cette prophétie dans le récit de la naissance de Jésus (Mt
1:23). Il y a donc chez Matthieu, semble-t-il, une notion religieuse
des événements qui a un fondement biblique, et qui ne doit rien à la
mythologie.

On a fait remarquer souvent que la belle histoire des Mages ne
pouvait guère être prise à la lettre. Toutefois, ceux qui ne peuvent
prendre leur parti de renoncer à l'historicité de cet épisode, où se
traduit admirablement l'attente du genre humain, peuvent alléguer de
bonnes raisons. En ce temps-là, l'espérance messianique travaillait
le monde. On a cru qu'Auguste allait la réaliser en un certain sens.
L'inscription de Priène le salue du titre de Sauveur. Des Juifs de
Babylone avaient répandu cette espérance en Mésopotamie. Dans cette
terre classique de l'astrologie, nombreux étaient, sans doute, ceux
qui avaient les yeux fixés au ciel, cherchant à découvrir un astre
nouveau, annonciateur de la naissance du souverain qui ramènerait sur
la terre l'âge d'or. Il se peut qu'un phénomène astronomique que nous
ne sommes pas en état d'identifier ait attiré l'attention de ces
sages, avivant en eux l'espérance messianique. Et une démarche d'eux
à la cour d'Hérode n'aurait rien d'invraisemblable. Tel serait le
fondement historique du récit de Matthieu.

Quant aux récits de l'évangile de l'Enfance tels que les présente
Luc, ils peuvent être considérés comme des traditions qui se sont
constituées peu à peu dans le milieu familial de Jésus. Ce milieu
était imprégné de messianisme. L'attente de Celui qui devait venir y
était familière. Après la résurrection, ceux qui avaient connu Jésus
ont revu à la lumière du présent des épisodes auxquels ils n'avaient
pas attaché dès l'abord toute leur signification profonde. Ce sont
ces souvenirs, transfigurés par la foi, que Luc a recueillis. C'est
la poésie de Noël, «l'épopée pastorale du christianisme» (Sabatier).

3.

PRESENTATION AU TEMPLE.

Il faut retenir particulièrement l'épisode de la présentation au
Temple (Lu 2:27-39), avec l'intervention du vieux Siméon et
d'Anne la prophétesse, sorte de recluse du Temple. L'âme de Siméon,
où revit l'esprit de prophétie, forme la transition entre l'ancienne
et la nouvelle alliance. Siméon attendait la «Consolation d'Israël».
Il a vu se dérouler dans sa vision prophétique la destinée
douloureuse et sublime de l'enfant. Les termes dont il se sert sont
voilés; leur signification a pu n'apparaître qu'après coup à la mère
de Jésus.

4.

ENFANCE DE JESUS.

La sobriété de nos évangiles contraste remarquablement avec la
luxuriance d'inventions qui se manifeste dans les évangiles
apocryphes (voir art.). Il n'y a rien à retirer de ces sottises.
L'enfance de Jésus restera toujours dans l'ombre. Nous en connaissons
du moins le leitmotiv: «Il croissait en sagesse, en stature et en
grâce devant Dieu et devant les hommes» (Lu 2:52). C'est tout ce
que nous savons du développement harmonieux d'un être prédestiné.

La première éducation religieuse de Jésus fut l'oeuvre de sa
mère. Ensuite, il doit avoir fréquenté l'école de la Synagogue. Il y
étudia l'Écriture. L'instruction d'alors était uniquement religieuse.
Il s'assimila sans effort la substance des écrits sacrés, comme son
enseignement le montre. Dans sa formation, l'observation de la nature
tint une grande place.

L'évangile de Luc nous donne seulement le résultat de cette longue
préparation. Tout ce qu'on en peut conclure, c'est qu'en Jésus il n'y
a pas eu de crise, et que la loi de sa vie n'a pas varié.

Ce qui nous importe par-dessus tout, c'est de savoir à quel
moment la conscience du divin s'est éveillée en lui. Or, l'unique
épisode qui nous est rapporté de son enfance, nous fournit à cet
égard un renseignement précieux. C'est l'épisode du Temple (Lu
2:40,52). Il n'y a pas de raison sérieuse d'en mettre en doute
l'historicité.

Jésus, à cette époque, n'est pas encore un «fils du commandement»
(bar-mitsevah) , considéré comme majeur spirituellement. L'âge
légal, tel que l'indique la Mischna, est treize ans. Mais dès avant
cet âge, un ou deux ans à l'avance, les enfants devaient être amenés
au Temple. Ce fut le cas pour Jésus. L'évangile nous raconte qu'il
oublia le temps et ses parents, en écoutant les docteurs. A l'époque
des fêtes, les membres du sanhédrin se transportaient sur la terrasse
du Temple et y enseignaient. Dès le troisième jour, on pouvait
repartir. Joseph et Marie, étant de pauvres gens, l'ont fait. Jésus
est resté à Jérusalem. S'apercevant, à la halte du soir, qu'il n'est
pas dans la caravane, ses. parents retournent le chercher à
Jérusalem. Au bout de trois jours, ils le trouvent, non pas
enseignant, mais écoutant les docteurs et leur posant des questions.
Sa mère lui adresse des reproches. A quoi il répond: «Pourquoi me
cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je devais être dans la maison
de mon Père?» (Lu 2:49).

C'est l'instinct religieux qui se manifeste spontanément dans
cette parole de l'enfant, faisant pressentir (plutôt que reflétant)
l'avenir. Il y a chez lui conscience, non pas d'une existence divine,
ni même nécessairement d'un rapport unique avec Dieu, mais d'un lien
naturel qui ne se discute pas. (La traduction habituelle: «Ne
saviez-vous pas que je devais être occupé aux affaires de mon Père»,
qui semble indiquer que Jésus, dès cette époque, a commencé son
ministère, n'est pas exacte.) Ce texte suppose que son amour pour
Dieu s'est déjà manifesté, et que Dieu n'est pas pour lui seulement
le Père d'Israël, mais Celui auquel il se sent uni par des liens plus
forts que ceux de la chair. Intuition religieuse d'une clarté unique,
plus intense peut-être à ce moment-là, étant donnée l'impression
produite par les fêtes du Temple, mais qui doit avoir été permanente.
Tout est naturel en ce récit. Qu'on le compare avec la vantardise de
Josèphe racontant que, lorsqu'il avait quatorze ans, les
grands-prêtres venaient lui demander des consultations juridiques!

L'amour de Dieu n'est en conflit avec les autres devoirs que de
façon passagère. Après cet épisode, Jésus continue d'obéir à ses
parents (Lu 2:51).

L'enfance de Jésus s'est déroulée dans la mélancolique bourgade
de Nazareth. De sa vie d'atelier, nous ne savons rien. Elle dut être
dure. Joseph était mort de bonne heure. Il n'est plus question de lui
dans la suite des récits évangéliques (Mr 6:3, Jésus est le
«fils de Marie»).

Ici se pose le problème, si souvent examiné, des frères de
Jésus (voir art.). Sont-ils bien des frères, ou des cousins comme
l'affirme l'exégèse catholique? (voir Lagrange, Év. selon saint
Marc,
Paris 1911, pp. 72-90). En araméen, comme en hébreu, dit le
P. de, Grandmaison, le mot frère signifie certainement, non seulement
frère, mais demi-frère (de père ou de mère) et encore proche parent:
cousin germain, neveu (voir Ge 13:8 14:14,16,1Ch 23:21 et
suivant
, Le 10:4). Il n'y a pas de mot pour dire cousin. Surtout
si ces cousins n'étaient pas nés de la même mère, on ne
pouvait en araméen les appeler autrement que des frères. D'ailleurs,
dans le monde indo-européen tout entier, les membres de l'unité
religieuse et sociale à base familiale sont des frères (Jésus-Christ, t. I, pp. 309-310).

A quoi l'on peut répondre ceci: Il n'est pas exact qu'il n'y ait
qu'un seul mot en araméen pour frère et cousin. Le terme propre en
hébreu pour cousin (ben-dôd, fils de l'oncle) est traduit en
syriaque, dans Jer 32:8 et suivant, par bar-dôdê; bin-dôda
est courant en araméen rabbinique pour cousin (voir le dict. de
Morris Jastrow). Il est vrai que le mot frère, dans les langues
sémitiques, peut s'entendre du cousin (p. ex. Le 10:4) ou du
neveu (Ge 14:14 19:2-15), mais toujours au sens général de
parent (ce qui se retrouve d'ailleurs chez tous les peuples),
jamais quand on veut marquer avec précision le degré de parenté,
comme c'est le cas dans les passages des évangiles où il est question
de la famille de Jésus, et où il est fait mention, a côté des frères,
soit de la mère (Mr 3:31 et suivant, Lu 8:19 et suivant,
Jn 2:1 et suivant, Ac 1:14), soit du père (Mt 13:55).
La situation exceptionnelle de Jacques dans l'Eglise primitive ne se
conçoit que s'il est bien frère de Jésus. A Nazareth, dans les propos
de ceux qui dénigrent Jésus, il est aussi question des soeurs de
Jésus,--qui s'y étaient probablement mariées. En quoi la présence de
cousines de Jésus aurait-elle pu diminuer, vis-à-vis de ses
auditeurs, l'autorité de sa parole? C'est pourquoi, en dehors de
l'exégèse catholique, l'unanimité des auteurs est faite sur ce point.

Fils aîné d'une nombreuse famille (quatre frères et pas moins de
deux soeurs: Mr 6:3), Jésus a travaillé pour aider sa mère à
élever les siens. Sur son métier exact, on n'est pas très au clair.
Charpentier (voir ce mot) ou charron? (Justin Martyr, Dial.
Tryph.,
88, rapporte qu'il fabriquait des charrues et des jougs).
Peut-être maçon. On sait que le travail manuel était en honneur chez
les rabbins. Les maîtres les plus illustres avaient un métier. Hillel
était fendeur de bois. R. Jochanan était cordonnier (voir Stapfer,
la Palestine, p. 144; Jésus avant son ministère, pp. 77ss).
Le travail manuel était considéré à l'égal du travail de la pensée
(voir Schwalm, La vie privée du peuple juif; Paris, 1910). Jésus
continua cette besogne obscure jusqu'au jour où les siens furent
élevés, et où, dans la pleine maturité de l'esprit, l'heure fut venue
de commencer son ministère.