JÉSUS-CHRIST (2)
I Les dates principales de la carrière de Jésus.
Les évangiles s'accordent à placer la naissance de Jésus sous le
règne d'Hérode le Grand, donc au plus tard en l'an 4 avant notre ère
(la fixation de l'ère chrétienne étant le résultat d'une erreur du
moine Denys le Petit).
Voir art. Chronol. du N.T.; A.W. Zumpt, Dus Geburtsjahr Christi ,
1869; Ferd. Prat, Recherches de sciences relig., janv. 1912, p.
82s.
La seule donnée précise est celle de Luc (Lu 3:1 et suivant).
Il place les débuts du ministère du Baptiste en la quinzième année du
règne de Tibère. Il y a deux façons de compter les années du règne de
Tibère. On peut en dater le commencement de la mort d'Auguste (19
août 14) ou du jour où Auguste a associé Tibère à l'empire (fin de 11
ou commencement de 12). Les historiens romains et Josèphe comptant à
partir de la mort d'Auguste, c'est l'hypothèse préférable. Ceci nous
amène en l'an 28 ou 29. D'autre part, Luc nous dit que Jésus avait
«environ trente ans» lorsqu'il commença son ministère (Lu 3:23).
Cette indication n'a rien d'invraisemblable, mais c'est une donnée
approximative, sur laquelle on ne peut rien fonder.
On s'est demandé si la guerre déclarée à Hérode en 36 par son
beau-père Arétas ne permettrait pas de préciser la date de la mort de
Jean, et par conséquent celle du ministère de Jésus. Les
contemporains avaient vu dans la défaite d'Hérode un jugement de
Dieu, châtiant le meurtrier du prophète. Mais ceci ne prouve
nullement que la guerre ait suivi de près le crime d'Hérode. Arétas
ne pensait pas au meurtre de Jean. Il attendait une occasion
favorable pour venger l'outrage fait à sa fille. Cette occasion ne
s'est offerte qu'en 36. Il n'y a rien à conclure de cette date.
On a recouru à Jn 2:20: «Les Juifs dirent: Il a fallu
quarante-six ans pour bâtir ce temple.» Donc, au moment où Jésus
chassait les vendeurs, il y avait quarante-six ans qu'on travaillait
au Temple. Nous savons que la reconstruction du Temple fut entreprise
en 734-735 de l'ère romaine (20-19 av. J.-C). Les quarante-six ans
nous mettraient en l'an 27. Ils s'étendent jusqu'au début de la
carrière de Jésus. Il est logique, nous le verrons, d'y ajouter un an
ou deux pour la durée du ministère de Jésus. La mort de Jésus doit
donc être située au printemps de l'an 29 ou de l'an 30.
Jésus est-il mort le 14 nisan, ainsi que le rapporte Jean, et non
le 15 comme l'affirme la tradition synoptique?
Il nous est dit que le jour suivant était un samedi. Le 14
nisan étant le jour de la pleine lune du printemps, il n'y a,
semble-t-il, qu'à rechercher les années où la pleine lune du
printemps a coïncidé avec un vendredi. Dans cette période, on ne
trouve que l'an 33, ce qui paraît tardif. Il y a bien aussi l'an 30,
où la pleine lune de printemps est tombée un jeudi. Cette date (7
avril 30) est généralement admise comme celle de la mort de Jésus.
Mais alors, il faut donner raison aux Synoptiques, et admettre que
Jésus est mort le 15 nisan, ce qui soulève de grandes difficultés
(voir M. Goguel, Notes d'Hist, évangile, RHR, t. LXXIV, p. 14SS).
Le 15 nisan était le premier jour de la fête de la Pâque, et
le lendemain de la pleine lune de printemps. Si Jean a raison, Jésus
est mort à l'heure même où l'on immolait l'agneau pascal. L'épisode
du coup de lance renferme une allusion à cette immolation (Jn
19:36). Et le dernier repas qu'il ait pris avec ses disciples ne
peut pas avoir été un repas pascal.
Si les Synoptiques ont raison, Jésus a célébré la Pâque avec ses
disciples: sa condamnation et sa mort sont comprises dans le cadre de
la fête. Ceci paraît invraisemblable. Le 15 nisan était un jour
où l'on était tenu au repos sabbatique le plus rigoureux. Dans les
Synoptiques eux-mêmes, nous trouvons une donnée contraire, qui doit
être primitive (Mr 14:2,Mt 26:5,Lu 22:2). Paul (1Co 5:7)
assimile la mort de Jésus au sacrifice de l'agneau pascal (voir
Turner, Chronol. of the N.T., dans HDB, X, p. 412). Dans les
Églises d'Asie, la mort de Jésus a été commémorée originairement,
sans conteste, à la date johannique.
Il faut d'ailleurs renoncer à déterminer exactement l'année de la
mort de Jésus, étant donné qu'on ne peut faire état du calendrier
juif. Les Juifs mesuraient le temps à la fois d'après les saisons et
d'après les phases de la lune. On corrigeait le calendrier lunaire de
temps à autre, pour le mettre d'accord avec la marche des saisons. On
intercalait, quand le sanhédrin le jugeait utile un mois
supplémentaire. Les disciples de Basilide disaient, au témoignage de
Clément d'Alexandrie, que Jésus était mort le vendredi de l'an 30 qui
correspond au 7 avril. C'est une coïncidence intéressante, mais ce
n'est pas encore une preuve. Les probabilités sont en faveur de la
Pâque de 29. C'est aussi à ce résultat que conduit le témoignage de
Thallus (voir art. de M. Goguel, Un nouveau témoignage non chrétien
sur la tradit. évangile, RHR, juill.-déc. 1928; publié à part chez
Leroux, Paris).