ISRAËL (Histoire et Religion 12.)

Conclusion.

En approchant du terme de notre étude, nous comprenons mieux que
l'explication de tout le mystère réside dans l'élargissement et la
purification de la conception de Dieu au coeur de Juifs indomptables
dans leur foi et inspirés dans leur méditation. La question était
religieuse, non politique, et devait arriver à être libérée de
considérations étrangères ou simplement nationales. Seul parmi
beaucoup d'autres, Dieu était devenu le Dieu unique de son peuple et,
grâce à l'enseignement spirituel de ses serviteurs, était regardé
comme le Dieu du ciel et de la terre, le Dieu de l'univers. Ainsi fut
abandonné le culte grossier et sensuel qui prédominait autrefois.
Jéhovah demandait la miséricorde et non les sacrifices, les actions
de grâces et la louange pouvaient en tenir lieu, le sacrifice suprême
était un coeur brisé (Ps 51:18 et suivant). La parole:
«l'obéissance vaut mieux que le sacrifice» commençait à être comprise
et à recevoir une application plus large. Le passage remarquable
Ps 40:8 et suivant est placé par un écrivain plus récent, qui
lui donne un sens messianique, dans la bouche du «Fils de Dieu» et
cet écrivain ajoute: «Il abolit ainsi le premier ordre de sacrifices
pour établir le second» (Heb 10:4-9). Il en est de même de
l'idée du péché; de plus en plus l'accent est mis sur les violations
de la justice plutôt que sur les infidélités dans l'observance des
rites. Il est vrai que toutes les ordonnances concernant le temple
subsistaient, minutieusement réglementées, aussi bien que le grand
jour de confession et d'expiation nationales (voir Fêtes), et que la
casuistique et les subterfuges pour se soustraire aux lois gênantes
ne manquaient pas. Mais une piété réelle et une dévotion paisible
devaient habiter les maisons juives, et il ne faut pas juger le
pharisaïsme d'après ses pires représentants. Lorsqu'un peu plus tard
disparut l'organisation tout entière édifiée sur le sacrifice, la
piété juive survécut et montra sa remarquable ténacité. C'est par les
éléments de vérité et de vie saine qu'il possède, qu'un grand système
résiste à l'épreuve du temps.

La croyance en l'immortalité personnelle (voir Eschatologie) ne
progresse guère dans l'A.T. Le royaume de Dieu est une perspective
nationale qui doit se réaliser en Palestine, dans la paix et la
prospérité, lorsque la nature elle-même sera délivrée des luttes et
du sang versé (Esa 11:6 et suivant). Qu'un homme vécût jusqu'à
un âge avancé, mourût en paix et fût enseveli dans le tombeau de
famille, cela semblait la destinée normale, et les spéculations sur
un avenir ténébreux et incertain n'occupaient guère les esprits. Plus
tard l'influence étrangère stimula peut-être les préoccupations de
l'au-delà. L'homme pieux, dans sa détresse, termine une prière
émouvante par ces mots: «Détourne de moi ton regard et que je
reprenne mes forces, avant que je m'en aille et que je ne sois
plus!» (Ps 39:13). Le poète du livre de Job fixe sur l'avenir
un long et ardent regard, mais sans posséder une assurance claire et
ferme. L'auteur de l'Ecclésiaste ne trouve ni dans l'espérance
nationale ni dans la foi personnelle le soulagement de son doute. Le
passage: Ps 71:20 signifie peut-être que la mort ne peut briser
le lien spirituel qui unit l'âme croyante à son Dieu. Ces
préoccupations prennent une plus grande place dans la littérature
subséquente. Au temps de notre Sauveur existait un parti qui croyait
a la résurrection (Mt 22:23), Mais, sous l'influence de la
prédication chrétienne, l'espérance du royaume de Dieu véritable et
de la vie future du croyant reçut une impulsion nouvelle.

Quant à l'importance de l'A.T, dans la pensée de Jésus-Christ, un
regard sur les évangiles suffit à démontrer en quels rapports étroits
avec les livres sacrés de ses compatriotes il vécut dès sa jeunesse.
Il cite de mémoire des passages des Psaumes, des livres historiques
ou des prophètes. Il fait constamment allusion à quelque événement de
l'histoire ou à une grande parole prophétique. Il reconnaît
l'insuffisance de la loi mosaïque et cependant affirme qu'elle doit
être accomplie. Il dénonce les traditions et la casuistique qui
rendent inopérante la Parole de Dieu. Il est lui-même
l'accomplissement des plus nobles aspirations de la loi. A la lumière
de son jugement, nous regardons l'A.T., dans sa faiblesse et sa
grandeur réunies, comme un livre prophétique dont l'action fut si
considérable qu'elle ne saurait être détruite (De 6:1-9). Et
cependant on peut dire des saints de l'ancienne alliance qu'une
révélation à venir était nécessaire à la réalisation de leurs
espérances (Heb 11:40). Jésus le Christ, l'Oint de Dieu, au sens
le plus élevé du mot, a des liens étroits et formels avec l'A.T.,
mais par son esprit il le dépasse. Le caractère de son enseignement,
avec ses paraboles, ses comparaisons, nous rappelle les proverbes des
«sages» de l'antiquité; il se sent lui-même étroitement uni aux
prophètes et il est reconnu comme tel par le peuple que frappe son
autorité, que touchent ses appels directs au coeur des hommes. A une
époque rapprochée de la sienne, une grande valeur avait été reconnue
à l'élément apocalyptique; Jésus, lui, ne se meut pas dans les
sphères politiques. Le royaume de Dieu, pour lui, n'est pas de ce
monde; il est une puissance qui doit pénétrer la vie de l'humanité
tout entière et rétablir l'union entre le Créateur et sa créature.
Aussi avons-nous le droit de regarder Jésus-Christ comme le
couronnement suprême de ces longs siècles de labeur et d'espérance.
W.G. J.

Voir Bertholet, Hist. Civ. Isr., Payot, Paris 1930; Ad. Lods, Israël, I, Renaissance du Livre, Paris 1930.