HOSPITALITÉ
(du latin hospes =hôte, probablement tiré du sanscrit: ghosha
=groupe d'habitations autour de l'étable, jet pati =maître).
L'étymologie nous montre ce qu'a été l'hospitalité à ses débuts,
alors que les auberges étaient inconnues. De tout temps les peuples
pasteurs ont été hospitaliers; cette qualité découle tout
naturellement de leur genre de vie. Plus ou moins isolé du reste du
monde, surtout aux époques primitives, le pasteur, entouré de sa
famille, voyait arriver tout étranger avec une curiosité
bienveillante et lui offrait asile volontiers. En effet, les voyages
alors étaient de longues et périlleuses entreprises; l'hôte arrivait
presque toujours fatigué et affamé, parfois même blessé; c'était un
devoir de le restaurer par la nourriture et le repos, après quoi on
s'enquérait auprès de lui de ses origines, on lui demandait ses
intentions, on lui faisait raconter ses aventures. Ces mêmes coutumes
se retrouvent aussi bien dans les épopées de l'Inde et de la Grèce
que dans la Bible; on y voit le chef de famille mettant à la
disposition de l'arrivant toutes les ressources de sa maison, le
priant de s'en considérer le maître.
Dès l'antiquité la plus reculée, le chef de famille accueille
l'arrivant comme un être sacré; celui-ci devient pour un temps membre
honoré de la famille; chacun s'empresse à son service. C'était un
point d'honneur que de satisfaire tous ses besoins, de veiller en
particulier à sa sûreté, au cas fréquent où il se trouvait être
poursuivi par un ennemi, même si ce dernier était l'ami de celui qui
recevait. Les héros d'Homère connaissent l'hospitalité sous une forme
très perfectionnée et les tribus barbares des Germains avaient cette
loi: «Si quelqu'un a refusé le couvert ou le foyer à un voyageur,
qu'il soit frappé d'une amende de trois sous.» (Grand Larousse).
Cependant c'est en Orient que l'hospitalité est pratiquée de la façon
la plus large. Chez les Hébreux, l'hospitalité est une vertu
courante. La réception des étrangers pour le vivre et le couvert
était presque imposée par les circonstances, puisque les
caravansérails étaient rares même dans les villes. Abraham (Ge
18:1-8) est un hôte plein de bonté et de mansuétude: quand des
inconnus se présentent chez lui, il court à leur rencontre (verset
2), se prosterne à leurs pieds, leur offre le meilleur de ses
provisions, les sert de ses propres mains (verset 8). Voir aussi
Lot (Ge 19:1,3), Rébecca, qui s'occupe même des chameaux (Ge
24:24 et suivants), Réuel (Ex 2:20), les espions cachés par
Rahab (Jos 2:4,7). Autant il était naturel d'offrir
l'hospitalité (Jug 19:3,9), autant il était honteux de la
refuser (Jug 19:16-21).
«D'autre part, il est évident que l'hospitalité accordée à
l'étranger ne peut pas durer éternellement. Les moeurs arabes font
durer le privilège de l'hôte trois jours et quatre heures. S'il reste
plus longtemps, ce n'est plus à titre gratuit; il doit participer aux
soins du ménage. Il a dû en être à peu près de même dans les premiers
temps d'Israël.» (Bertholet, Hist. Civ. Isr., p. 136.)
Le N.T. mentionne le khân (voir Hôtellerie) ou
caravansérail (Lu 2:7 10:34). Nous aimons à nous représenter
Jésus reçu partout où il se présente. Sur le seuil de la porte il
prononce le chalôm ou salâm, c'est-à-dire le souhait de
bonheur; (comp. Lu 24:36,Jn 20:26) on l'entoure, on l'écoute, on
lui reconnaît de l'autorité. Cette humble habitation attire vite
l'intérêt de tous les habitants du village, par curiosité petits et
grands s'y rendent, les portes sont ouvertes, chacun peut
entrer (Lu 7:36 et suivant), assister au repas, pris souvent en
plein air, écouter renseignement du visiteur, que pendant son séjour
on appellera le Maître (Ed. Stapfer, Pal., pp. 229s.). Sont à
citer pour leur hospitalité: Marthe et Marie de Béthanie (Lu
10:38-42), Zachée le péager (Lu 19:6), Simon Pierre (Mr
1:31), Matthieu (Mr 2:15). Jésus recommande aux Douze d'user de
l'hospitalité des gens de bien, mais sans changer d'hôte au gré de
leurs préférences (Mt 10:11 et suivant); dans ses paraboles il
montre l'hospitalité exercée non seulement envers les pairs, mais
envers les petits et les déshérités de la terre (Lu 14:12 et
suivant, Mt 22:8 et suivant).
Dans les Actes des apôtres, de nombreux exemples montrent les
Juifs hospitaliers, même hors de Palestine (Ac 10:6 16:15 18:3).
C'est à Lystre, où Paul et Barnabas sont pris pour les visiteurs
divins Jupiter et Mercure (Ac 13 et suivants), qu'était née la
fameuse légende de la visite de ces dieux: ils n'avaient été
accueillis que par le pauvre couple paysan, Philémon et Baucis, qui
fut récompensé en échappant à l'inondation où périrent les riches
inhospitaliers, puis en mourant ensemble à l'extrême vieillesse
(Ovide, Métam. ; La Fontaine). Les épîtres recommandent vivement
l'exercice de l'hospitalité (Ro 12:13,1Ti 3:2,Tit 1:8,Heb
13:2,1Pi 4:9), continuant en cela d'appliquer la loi de
Moïse (Ex 22:21 ,Le 19:34, De 10:19). Opprimer l'étranger a
toujours été considéré comme un crime (Jer 7:6,Mal 3:5). Être
hospitalier était donc un des ordres les plus précis de Dieu (Esa
58:7,Ga 6:10), et Jésus en fait une des vertus principales (Mt
10:40,42 25:35,46). Et si les conditions de la vie moderne sont peu
favorables à cette coutume obligeante envers autrui, on la retrouve
encore parfois, dans toute sa grandeur et sa simplicité, chez les
peuplades éloignées de notre civilisation. Ml M.