ALEXANDRIE
Ville fondée en 332 av. J.-C. par Alexandre le Grand, après sa
conquête de l'Egypte, sur l'emplacement de la Rhacotis des Grecs, à
la partie O. du Delta du Nil. Ses deux ports, créés à la suite de
travaux considérables, devinrent vite le rendez-vous commercial de
l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe. La ville affectait la forme du
manteau macédonien déployé; son périmètre était d'environ 25 km. et
la principale rue, courant de l'Est à l'Ouest, n'avait pas moins de 8
km. de long et de 30 m. de large. Les Ptolémées firent d'Alexandrie
une capitale qui se développa au point de devenir le centre
intellectuel et commercial du monde, avec une population de près d'un
million d'habitants. Trois monuments, parmi beaucoup d'autres,
avaient une célébrité mondiale: le Musée, sorte d'Université
consacrée au culte des beaux-arts, de la science et de la
littérature, et où enseignèrent des hommes comme Euclide et
Ératosthène; la Bibliothèque, fondée par Ptolémée I er, collection
d'une valeur unique avec ses 700.000 manuscrits; incendiée en partie
lors du siège de la ville par Jules César, recomplétée par la
Bibliothèque royale de Pergame, elle fut entièrement détruite, soit
en 391, soit en 641 (calife Omar); le Phare, construit par Ptolémée
II Philadelphe, une des sept merveilles du monde, remarquable par sa
splendeur autant que par sa hauteur (150 m.) et qui s'écroula lors
d'un tremblement de terre, en 1303.
En fondant cette cité, Alexandre désirait posséder un port sur
une longue côte déshéritée; il créait ainsi un centre d'affaires
entre l'Orient et l'Occident, et il établissait le contact entre les
civilisations européenne et asiatique. Les Grecs et les Orientaux,
avec leurs qualités et leurs défauts, s'y coudoyaient; l'industrie
(verre, papyrus, lin) et le commerce, facilité par de nombreux
navires, concouraient avec la philosophie, l'art et la science pour
faire de la cité la première du monde après Rome. Au sein de cette
population cosmopolite, les Juifs tenaient une place importante.
Réfugiés en Egypte après la destruction de Jérusalem (Jer
42:14), leur nombre n'avait fait que s'accroître dans ce pays
pendant la période perse. A Alexandrie, bien traités par les
Ptolémées, ils habitaient un quartier spécial et, comme il fallait
s'y attendre, ils ne tardèrent pas à tenir dans le commerce,
spécialement dans l'exportation du blé, une place de premier
plan (Ac 27:6 28:11). Très conservateurs, ils observaient
fidèlement les coutumes familiales et religieuses de leur race, et
soixante-dix anciens siégeaient dans une imposante synagogue. Loin de
se confiner dans le négoce, les Juifs participaient à la vie
intellectuelle de la cité et, tout en conservant leurs propres
croyances, ils n'étaient pas sans subir l'influence du milieu,
d'autant que l'usage de la langue maternelle se perdait et que leur
langue habituelle devint le grec. Un événement de première
importance, rattaché à Alexandrie, fut la traduction en grec des
livres sacrés: c'est la version dite des Septante (LXX). Commencée
par le Pentateuque vers 280, achevée environ un siècle plus tard,
cette traduction, la première qui ait été faite de la Bible, et
autour de laquelle Josèphe a élaboré un récit légendaire, devait
exercer une action profonde sur le paganisme, en lui faisant
connaître le Dieu juste et saint qui se révèle dans l'A.T. (voir
Texte et Versions de l'A.T.)
Pendant que s'accroissait la richesse d'Alexandrie, sa puissance
politique déclinait peu à peu. Après une suite de règnes de Ptolémées
dissolus et cruels, Jules César s'empara de la ville en 47 av. J.-C.;
puis, ce fut une courte période d'apparente splendeur sous Cléopâtre,
avant que la cité devînt romaine, après la victoire d'Octave à Actium
(31 av. J.-C). L'activité intellectuelle des Juifs alexandrins, loin
de se ralentir pendant ces événements, suscita parmi eux des penseurs
qui avaient pris contact avec la philosophie grecque. A leur grande
surprise, et sans doute avec quelque dépit, ils avaient trouvé chez
Platon, Aristote, Pythagore, les Stoïciens, des idées assez
semblables aux leurs, touchant l'unité de Dieu et le bien moral;
d'autre part, ils restaient convaincus que leur peuple seul détenait
la vérité divine. L'explication, elle était toute trouvée: c'est à
Moïse que les philosophes grecs avaient emprunté leurs doctrines! A
cette tentative de fusion entre l'hellénisme et l'hébraïsme se
rattachent surtout les noms d'Aristobule, contemporain de Ptolémée
Philométor (181-145), et de Philon, contemporain de Jésus-Christ. Ce
qui caractérise cette École, c'est l'interprétation allégorique, en
langage parfois platonicien, de la Bible. De cette méthode la version
des LXX contient des traces certaines. Quant à Philon, des récits les
plus clairs concernant, par exemple, les patriarches, il déduit toute
une philosophie. Il est probable que si Etienne (Ac 6:9) a
soulevé l'hostilité haineuse de la synagogue des Alexandrins à
Jérusalem, c'est à cause de la manière simple et directe dont il
parle de l'histoire sainte. Aquilas et Priscille (Ac 18:26)
complètent l'instruction du savant Apollos qui était d'Alexandrie. On
peut relever des indices de la pensée alexandrine dans l'épître aux
Hébreux, et dans un passage comme Ga 4:24-31, bien qu'il n'y ait
pas de raison de penser que Paul soit allé à Alexandrie, où, d'après
Eusèbe, l'Évangile aurait été introduit par Marc l'évangéliste, le
fidèle compagnon de Pierre. Quoi qu'il en soit, la communauté
chrétienne s'y développa rapidement, au point que la ville devint la
véritable capitale de la chrétienté. Cette prééminence lui fut
acquise, non seulement par le nombre et la piété des chrétiens, mais
surtout à cause de l'École de théologie que les noms de Pantène, de
Clément et principalement d'Origène (né en 185) l'ont rendue célèbre.
Il s'agissait toujours de travailler à la conciliation de la culture
chrétienne et de la culture païenne, en montrant, par une méthode
restée allégorique, que l'Évangile apporte l'exaucement aux voeux et
aux soupirs de la pensée païenne. L'Église, soucieuse de faire des
conquêtes, se préoccupait de répondre à tous les besoins. Les
prosélytes de toutes conditions étaient instruits par des catéchètes
dont l'enseignement, tantôt simple et populaire, tantôt approfondi
par le raisonnement philosophique, s'adaptait à tous et prenait
fréquemment la forme d'un entretien. Il fallait aussi combattre
l'hérésie d'un Basilide et d'un Valentin, connue sous le nom de
gnosticisme, et qui, mettant à l'arrière-plan l'élément moral de la
religion, faisait du christianisme une métaphysique. Athanase, autre
théologien fameux, qui joua un rôle prépondérant au Concile de Nicée
de 325, était d'Alexandrie. Après Denys (mort en 264), l'histoire de
l'École devient obscure. En 641, la ville fut prise par Amrou,
lieutenant du calife Omar; elle ne devait pas cesser de décliner
jusqu'au moment où, au XIX e siècle, elle reprit une grande
importance commerciale. J. Al.