FILAGE ET TISSAGE

La fabrication des étoffes fut, à l'origine, un travail exclusivement
féminin; (cf. 1Sa 2:19) Pr 31:10-31 juge de la valeur d'une
femme à son habileté dans l'art de filer et tisser. (cf. Ex
35:25)

I Filage.

1.

Matières premières.

Laine (Job 31:19) lin (Jos 2:6), poils de chèvre (Ex
35:26 36:14), poils de chameau (Mt 3:4, cf. 2Ro 1:8).

2.

Préparation.

La laine dessuintée était cardée, probablement sur une corde d'arc.
Le lin était plongé dans l'eau (Esa 19:5-9), macquage; battu
et séché au soleil (Jos 2:6), rouissage ; puis nettoyé, teil-lage, et peigné.

3.

Filage.

Se fait avec la quenouille et le fuseau (Pr 31:19). La bédouine
d'aujourd'hui en train de filer évoque la fileuse israélite, portant
quenouille au bras gauche, tordant laine ou lin des doigts de la main
gauche, et enroulant le fil de la main droite où tourne le fuseau.
Fiché dans une pierre pesante servant de volant, le fuseau mesurait
de 20 à 30 cm.; les fouilles ont mis au jour de ces pesons de fuseau
(Macalister, Gezer, III, pl. 132).

4.

Fil.

Le fil de laine écarlate sert de marque apparente (Ge 38:28,Jos
2:18); le fil de lin représente parfois la fragilité (Jug
16:12), l'insignifiance (Ge 14:23); dans Ca 4:3, c'est le
fil écarlate des lèvres (Vers. Syn.: ruban). Le fin lin retors (Ex
16:1 etc.) est très solide, étant fait de plusieurs fils tordus
ensemble.

II Tissage.

Le tissage fut, au début, un art fastidieux. La tisseuse devait
exécuter «le point de reprise» avec les doigts, pour glisser en
alternant le fil de la trame entre les fils de la chaîne.

Par la suite, ce travail fut simplifié, quand on sépara en deux
séries distinctes les fils pairs et les fils impairs de la chaîne;
dès lors le tissage comporta trois mouvements:

écartement des deux séries de fils,

passage de la trame dans l'intervalle, au moyen
d'une navette (coup de trame, ou «duite»),

tassage de la trame contre le tissu, au moyen du
battant («serrer la duite»). A chaque reprise du premier mouvement,
les fils de la chaîne se croisaient en serrant le fil de la trame. De
ce perfectionnement date le véritable métier à tisser.

1.

Métiers a tisser.

Sur les bords de la Méditerranée, trois modèles étaient en usage:

(a) Le métier horizontal, employé en Egypte sous
la XII e dynastie, déjà mentionné à l'époque des Juges (Jug
16:14), se voit encore aujourd'hui au Maroc et en Extrême Orient.
(Cf. Bbl. Fam., fig. 6).

(b) Le plus ancien modèle du métier vertical est
celui de Pénélope, reproduit sur un vase grec: un portique, composé
d'une traverse et de deux montants, constitue le cadre du métier;
au-dessous de la traverse est fixée une barre horizontale (ensouple),
à laquelle sont suspendus les fils de la chaîne, tendus à leur
extrémité par des poids, d'où le nom latin de tela pendula. Des
poids de tissage exhumés aussi à Guézer montrent que ces métiers
verticaux devaient être utilisés, à l'origine, pour confectionner les
vêtements de fin lin des prêtres (Ex 28:4 et suivant).

(c) Un autre modèle de métier vertical, plus
perfectionné, composé d'un cadre complet, supportait deux ensouples:
l'une, en haut, où s'attachaient les fils de la chaîne; l'autre, en
bas, sur laquelle s'enroulait la toile, et qui permettait de
fabriquer un tissu plus long que le métier. Ce modèle, souvent cité
par la Mischna, était employé à l'époque de Jésus.

2.

L'art de tisser.

(a) La chaîne. Le premier acte du tissage consiste
à tendre les fils de la chaîne sur le métier. Cette opération est
devenue l'image de la formation d'un complot: Esa 30:1 signifie
litt, «ceux qui tendent la chaîne»; cf. Esa 59:6 (en franc.:
«ourdir» un complot). Les fils de la chaîne étaient fixés sur une
ensouple (hébreu niânôr, lat. dciatoria). Quand la chaîne
était lourde, l'ensouple était formée d'une grosse branche d'arbre;
aussi la lance des géants est-elle comparée à une ensouple de
tisserand (1Sa 17:7,2Sa 21:19). La tunique de Jésus «sans
couture, tout entière d'un seul tissu...» (Jn 19:23), exigeait
un mode de tissage très en vogue en Egypte. Il fallait monter une
double chaîne et tisser les deux faces, alternativement, avec le même
fil de trame.

(b) La trame. Le fil de trame courait à travers la
chaîne, porté par une baguette ou, mieux, une navette. Homère
connaissait déjà la navette, et Job 7:6 y fait allusion.

(c) Le battant. Après chaque «coup de trame», le
fil était serré contre le tissu, sous le choc du battant; plus tard
on employa un peigne spécial. D'après les monuments égyptiens, la
longueur du battant a été évaluée à 65 ou 70 cm., ce qui indique la
largeur moyenne du tissu. Actuellement les femmes moabites
confectionnent des toiles de tente de 5 m. de long, sur 40 à 50 cm.
de large. Il est fait allusion au métier de Dalila dans Jug
16:13: «Si tu tissais les sept boucles de ma chevelure avec la
toile, et frappais ensuite avec le battant...» (Bbl. Cent.); Vers.
Syn.: «cheville».--

(d) Le tissu. Son travail terminé, le tisserand
coupe les bouts des fils de chaîne (Esa 38:12, litt, «le fil de
ma vie a été retranché, comme les fils que le tisserand coupe de la
toile»). Il les noue, pour éviter que le tissu ne s'effiloche, et
forme ainsi une espèce de frange (voir ce mot). Dans Mt 9:18, le
tissu neuf (litt, non foulé) désigne la toile sortant du métier.

3.

Fabrications spéciales.

La loi israélite interdisait de mêler dans un même tissu la laine et
le lin (De 22:11, cf. Le 19:19), combinaisons fréquentes en
sorcellerie. Les mélanges des couleurs (voir ce mot), affectionnés
par les Hébreux comme par tous les Orientaux, étaient
autorisés (Ex 28:4 et suivant); toutefois, la «robe bigarrée» de
Joseph (Ge 37:3) est une traduction due aux LXX et à la Vulg, et
aujourd'hui ordinairement abandonnée;voir Vêtement. La tenture du
tabernacle portait des chérubins «tissés» (Ex 26:1) ou brodés à
la main. Le palanquin de Salomon (Ca 3:10) était orné de
broderies (voir ce mot) exécutées par les filles de Jérusalem. La
robe des grands-prêtres était tramée d'un fil d'or (Ex 28:43
39:3); celle d'Hérode (Ac 12:21) avait, au; dire de l'historien
Josèphe, une trame en argent. Les plus beaux tissus de lin
provenaient de Babylonie (Jos 7:21), Phénicie (Eze 27:16),
Egypte (Esa 19:9). Les vêtements des prêtres (Ex 28), des
grands (Ge 41:42), des riches (Lu 16:19) étaient de fin lin
(voir ce mot). Dans Mt 6:28,Lu 12:27, Jésus fait allusion à la
pourpre royale de Salomon. Une corporation de tisserands existait
déjà sous la royauté (1Ch 4:21). Le Talmud considère le tissage
comme la plus vile des professions. Ce fut; pourtant le métier appris
par Saul de Tarse en dehors de ses études rabbiniques: fabricant de
tentes (voir ce mot), comme aussi celui d'Aquilas et
Priscille (Ac 18:2 et suivant). Ls F.