EXTASE

Grec ekstasis: déplacement, changement d'état, action d'être hors
de soi (de stasis: fondement et ek: hors; comp, avec Délire:
du latin de lira: hors du sillon, et Exaltation, du latin ex
altus:
haussé au delà de ses moyens ordinaires).

Désigne le ravissement de l'esprit humain qui se trouve
soudainement détaché du monde visible, séparé de ses sens, enlevé à
la conscience de ses actes et transporté, comme spasmodiquement, dans
un monde étranger à sa personnalité. Ce monde peut être celui de
l'art (Intuitions de génie), de la science (découvertes, solutions de
problèmes), mais il appartient le plus généralement à la sphère
religieuse où il donne naissance à la forme la plus caractérisée du
mysticisme.

Vue du côté physiologique, on peut définir l'extase: une
polarisation du système nerveux, qui, dans son exaltation, perd ses
commandements sur les divers éléments de notre personnalité et nous
livre, passifs, soit aux révélations du monde spirituel, soit aux
visions et hallucinations nées du jeu de son propre fonctionnement ou
provoquées par l'usage d'excitants, de stupéfiants. (A. Westphal,
Les dieux et l'alcool, 1903.) L'extase, véritable
dépersonnalisation, peut être ainsi à l'origine de nos plus hautes
inspirations, comme de nos plus lamentables illusions.

Vue du côté religieux, nous la retrouvons peu ou prou dans tous
les cultes, comme but suprême de la mystique contemplative ou comme
phénomène accidentel à la suite de la méditation continue, du jeûne
prolongé, de la prière poussée à son paroxysme (voir Durand-Pallot,
Rév. Montp., 1930, I, p. 36). Elle aura le plus d'emprise et se
développera comme sur son terrain naturel chez les peuples
panthéistes et chez ceux dont la philosophie dualiste fait du corps
la prison de l'âme; ainsi dans l'Inde, en Grèce, chez les anciens
Égyptiens. Partout où l'âme est envisagée comme partie essentielle du
divin, partout où elle est tyrannisée par le corps, le devoir du
croyant est l'ascétisme, «il doit mourir à la chair pour que l'âme,
d'essence divine, puisse retrouver le chemin vers son pays d'origine»
(voir d. Leeuw). Mais une fois que la mystique est entrée dans cette
voie, elle ne peut s'arrêter à la frontière du corps; elle découvre
des éléments matériels, corrupteurs, dans l'âme elle-même; et, de
purification en purification, elle finit par vider l'âme elle-même.
«L'ascèse de l'âme conduit dans un néant bienheureux qui--et c'est là
le paradoxe de toute mystique--est senti comme la puissance par
excellence» (voir d. L.). Nulle part ce paradoxe n'apparaît mieux que
chez les mystiques hindous. Notre littérature contemporaine a
entrepris d'initier les Occidentaux aux doctrines védantiques et à la
méthode du Yoga; elle nous renseigne sur les procédés employés par
les exaltants de l'Inde pour atteindre au «néant bienheureux» par des
exercices progressifs de concentration du système nerveux dont le
dernier aboutit à la grande extase finale, crise volontaire et
libératrice.

Le danger des livres qui nous apportent les «nourritures
orientales», c'est qu'en général ils nous exposent une religion
antique dans sa phase moderne, sans avoir analysé les éléments
divers, souvent contradictoires, qui se sont agrégés à elle et qui
contribuent puissamment à lui donner aujourd'hui son caractère
séducteur. Or, ne vaut pour une religion que ce qui remonte à ses
sources. Dans «l'évangile universel», prêché actuellement par la
mystique hindoue, toute l'affirmation proprement altruiste vient de
l'enseignement du Christ, et il suffit d'y regarder de près pour se
rendre compte que cette affirmation, qui pousse à l'action, contredit
le principe fondamental de la délivrance de l'âme par le détachement
de tout ce qui peut l'émouvoir, de tout ce qui peut l'empêcher de
s'absorber dans le divin par l'extase ultime et rédemptrice. Dans le
mysticisme extatique, que ce soit celui des disciples de Râma Krichna
ou celui de sainte Thérèse dans son tardif «château intérieur», les
bonnes oeuvres sont du «surajouté». La logique du système n'est pas
la vie sociale, mais le monastère. Aussi bien, ce qui rendra toujours
illusoire le rapprochement de la mystique hindoue et de la mystique
chrétienne la plus apparentée aux systèmes Yoga (Yoga: même
racine que latin jungo, unir, fondre; le but du yogi est de
se fondre dans le Tout divin) c'est que, pour l'Hindou, la religion
parfaite est dans l'impersonnalité de Dieu tandis que, pour le
chrétien, la piété est essentiellement alimentée par la présence du
Christ.

Prise en elle-même, dans la mystique hindoue comme dans la
mystique chrétienne, la transe extatique, glorifiée comme le sommet
de la jouissance divine et pratiquée comme moyen de délivrance de
toute activité terrestre, n'est qu'une volupté individuelle, qui
participe à l'égoïsme essentiel à toute volupté et porte en elle,
malgré ses élans sublimes, le ferment corrupteur commun à toutes les
voluptés.

La Bible, ennemie de la volupté parce qu'elle est le livre de
l'action sainte, a tracé à la rédemption humaine une voie que peut, à
l'occasion, croiser l'extase à titre de phénomène psychique
occasionnel, mais l'extase n'est pas dans sa ligne, encore moins en
est-elle l'aboutissement. C'est en vain qu'on en chercherait la
moindre parcelle dans l'enseignement de Jésus-Christ. L'extase est
une dépersonnalisation, l'Évangile est une affirmation, une
résurrection de la personnalité. L'extase détache de l'action, tout
l'Évangile y pousse et ne fait en cela qu' «accomplir Moïse et les
prophètes».

Pour trouver l'extase dans la vocation de Moïse (Ex 3:2) ou
d'Ésaïe (Esa 6:1), il faut mettre dans les textes ce qu'ils ne
renferment pas et confondre délibérément extase avec vision ou
théophanie. Les rêves ou visions nocturnes de Daniel (Da 7 à
Da 12) ne doivent pas non plus être confondus avec l'extase.
Seules, dans l'A.T., quelques-unes des révélations d'Ézéchiel (Eze
1-4, Eze 8-11) présentent des caractères extatiques. Les modalités de
son inspiration semblent prouver qu'Ézéchiel avait, auprès des heures
de ministère actif, une vie contemplative de grande intensité.
N'oublions pas qu'avec lui, c'est la littérature apocalyptique qui
commence. Si nous connaissions mieux la vie des auteurs
d'apocalypses, il est probable que nous y trouverions bien des
éléments qui touchent à la technique de l'extase. Le N.T. n'abolit
pas cette forme de la vie spirituelle, mais il n'en fournit que de
rares exemples et il ne la recommande pas comme exercice religieux.
Les expressions employées dans (Apo 1:10 4:2 17:3) rappellent la
situation d'Ézéchiel et semblent bien prouver que le visionnaire
exilé à Patmos eut part aux transports extatiques qu'avait connus le
visionnaire de l'exil à Babylone. Ici encore il s'agit de littérature
d'ordre apocalyptique. Pierre, en prière à midi sur la terrasse d'une
maison de Joppé, après avoir jeûné, est tombé en extase (Ac 10);
mais dans cette extase, bien loin de se perdre en Dieu, il reçoit de
Dieu l'enseignement qui va faire de lui le premier missionnaire du
monde païen. Paul décrit lui-même aux Corinthiens (2Co 12) un
ravissement dont il avait été l'objet, il y avait déjà bien des
années, mais il s'excuse aussitôt d'avoir raconté ce souvenir tant il
a souci de recommander son apostolat non par un phénomène psychique
qui l'a conduit à entendre la parole révélatrice: «ma grâce te
suffit», mais par son activité quotidienne, faite de patience et de
puissance: démonstration qu'effectivement la grâce de Christ suffit
au chrétien pour surmonter tous les obstacles et poursuivre sur la
terre l'oeuvre régénératrice de Jésus-Christ.

Paul, sans doute, use d'abstinence, mate son corps (1Co 9:25-27),
recommande à ses lecteurs la sobriété et la discipline
personnelle, mais ce ne sont là chez lui que procédés éducateurs et
précautions protectrices; point d'ascétisme dans tout cela, car nul
n'a plus énergiquement proclamé que l'apôtre des Gentils le néant des
observances extérieures (Col 2:20-23), le droit pour tout
chrétien d'user de toutes choses avec actions de grâces (Ro
14:1,20,1Co 10:33-33,1Ti 4:4 etc.), la dignité du corps temple de
l'Esprit, membre de Christ, candidat à la résurrection (2Co
5:15-19,1Co 15). La seule chose nécessaire pour Paul est de
développer l'homme intérieur par le Saint-Esprit, qui n'est pas un
esprit de contemplation, de servitude et de nostalgie, mais un esprit
d'action, de liberté et de joie (Eph 3:16-17,Ro 8:16,2Co 3:17,Php
3:1 4:4). Paul veut qu'on aspire aux dons spirituels, mais en vue de
l'édification (1Co 14). Il met en garde ses fidèles contre
l'abus des phénomènes extatiques, contre toute transe d'adoration qui
laisse l'intelligence inactive et n'a point de profit pour
l'exhortation: «Quant à moi, dit-il, je préfère prononcer dans
l'Église cinq paroles avec mon intelligence, afin d'instruire les
autres, plutôt que dix mille paroles en langues» (en glose
extatique, v. 19). Si l'on veut se rendre compte de la distance qui
sépare l'enseignement de Paul et l'enseignement des mystiques
extatiques, qu'on relise ses lettres à son fils dans la foi,
Timothée, et qu'on les compare avec ce qu'écrit, dans sa Théologie
mystique,
le pseudo-Denys l'Aréopagite à son disciple du même nom:
«O Timothée, dit Paul, combats le bon combat, sois le modèle des
fidèles, donne-toi tout entier à la lecture, à l'exhortation, à
l'enseignement, prêche en temps et hors de temps (1 Tim.), souffre
avec moi comme un bon soldat de Jésus-Christ, et le Seigneur lui-même
te donnera de l'intelligence en toutes choses.» (2 Tim.). «Cher
Timothée, dit le pseudo-Denys, dans ta pratique ardente de la
contemplation mystique, laisse derrière toi également tes sens et tes
fonctions intellectuelles, et toutes les choses que l'on connaît...et
applique-toi dans la mesure où tu le peux à t'unir dans
l'inconscience avec Celui qui est au-dessus de tout être et de toute
connaissance.»

Que s'est-il donc passé pour que la recherche de l'union avec
Dieu soit retombée ainsi du domaine de l'action évangélique dans les
errements de l'extatisme? Tout simplement que l'anthropologie
hébraïque a été dénaturée par l'apport de la philosophie grecque.
Pour l'Hébreu, comme aussi pour Jésus et ses apôtres, l'âme n'est pas
une partie divine distincte du corps et opposée à lui; elle est le
fond même de la personnalité humaine et ce qui en fait proprement
l'unité. C'est pourquoi la Bible ne parle pas de l'immortalité de
l'âme mais de la résurrection des corps, le corps étant envisagé
comme l'expression de la personnalité. Dès lors, l'évasion de l'âme
par le mysticisme extatique n'a plus de sens. L'opposition n'est pas
entre corps et âme, c'est-à-dire entre matière et esprit, impuissance
et puissance, souillure et divinité; l'opposition, autrement tragique
et toute morale, est entre deux volontés: la volonté humaine,
corrompue par le péché, et la volonté divine, qui est sainte et
commande la sainteté. Pour rejoindre Dieu, pour avoir l'intelligence
de Dieu et pour vivre en lui, il ne s'agit pas ici de libérer l'âme
du corps par l'ascèse et l'extase, mais de discipliner son être corps
et âme, de rechercher le centre de son activité volontaire, de
retrouver le chemin qui permet à ce centre de la personnalité humaine
de communier avec la volonté divine. Ce chemin, ce n'est pas
l'extase, c'est l'effort moral, la sanctification agissante, le
témoignage héroïque, c'est-à-dire une attitude tout opposée à
l'extase, puisqu'elle exige la plus haute maîtrise de soi. Si donc le
mysticisme extatique du style néoplatonicien a pu entrer dans le
christianisme et apporter en lui le trouble, c'est parce que la
philosophie grecque est entrée dans la théologie chrétienne dès le II
e siècle et l'a scindée en deux courants: l'ancien, l'israélite, le
judéo-chrétien, pour qui l'antithèse reste toujours: créature et
créateur, et le nouveau courant, le courant hellénique, qui n'est
jamais arrivé à triompher de l'autre, mais qui en a contrarié le
cours et pour qui l'opposition est: corps matériel et âme divine.
D'où le malaise et en un sens l'impuissance pratique de la théologie
chrétienne qui, encore de nos jours, souffre et se débat dans la
contradiction qu'elle porte en elle: l'Hébreu et le Grec.

Le livre de la Théologie mystique, écrit vers 460 sous
l'influence du néoplatonisme et surtout de Plotin, passait pour avoir
été écrit par Denys l'Aréopagite, disciple de Paul. L'Église d'Orient
reçut donc sa doctrine du mysticisme scolastique comme une science
apostolique et quasi divine. L'Occident en subit l'influence dès le
IX e siècle; elle inspira Hugues de Saint-Victor (Mort en 1141), qui
le premier systématisa l'éducation mystique de l'âme, avec ses trois
étapes: cogitatio, meditatio, contemplatio, et aboutit à la
lignée latine du Grand Mysticisme: Catherine de Sienne (Mort en
1380), saint Jean de la Croix (Mort en 1591), sainte Thérèse (Mort en
1582), Molinos (Mort en 1697), Mme Guyon (Mort en 1717).

Nous n'avons pas à raconter ici l'histoire de ce mysticisme
extatique, des désordres qu'il a produits et de l'insuffisance morale
qu'il manifeste. Nous ne discuterons pas non plus la thèse de W.
James, que «l'expérience religieuse personnelle a sa racine et son
centre dans la conscience mystique», ni sa croyance trop confiante
dans la portée métaphysique des expériences faites au cours de la
transe mystique. On trouvera des lumières sur ces sujets dans l'étude
très pénétrante présentée par le professeur américain James H. Leuba
sous le titre trop général de: Psychologie du mysticisme
religieux.
Cet ouvrage répondrait mieux à son intention
scientifique s'il ne solidarisait pas, comme il le fait, tout le
mysticisme chrétien avec le mysticisme extatique, lequel, nous venons
de le rappeler, n'est qu'une déviation, qu'une forme particularisée
du mysticisme lui-même. Mais il aurait fallu pour cela y faire la
part qui convient à la personne de Jésus-Christ.

L'étude psychologique du Christ montre en effet que le fondateur
du christianisme, de qui sont dérivées toutes les formes du phénomène
chrétien, y compris le mysticisme, ne doit rien à l'extase et se
maintient constamment, de par sa communion parfaite avec le Dieu
personnel, son Père, sur le terrain de la conscience personnelle et
de l'action personnelle. Même aux heures où son ministère semble le
conduire le plus près de la méditation ou de la contemplation
extatiques--la Transfiguration avec ses phénomènes lumineux et
Gethsémané avec sa sueur de sang--il suffit de le considérer
attentivement pour constater que, bien loin de s'absorber, de se
perdre en Dieu, Jésus, à ces moments-là, se trouve aux lieux les plus
pathétiques de sa décision personnelle et consciente: le débat
relatif à son sacrifice volontaire. Ce sont les veillées de la croix.
Jésus pousse son souci de conscience jusqu'à refuser dans ses
tortures de crucifié le breuvage stupéfiant qui aurait pu adoucir son
martyre en endormant son esprit. «Veillez!» dit-il à ses disciples.
Partout il fait appel à la volonté, à la possession de soi, à la
conscience du devoir, a la puissance de l'action, à la sublimation de
la personnalité par la sainteté dans sa ressemblance avec Dieu. Le
chrétien, c'est la créature qui, à l'exemple du Maître, continue sur
la terre l'oeuvre du Créateur.

Quand Jésus parle à ceux qui veulent le suivre de renoncement
absolu, de dépouillement total et de mort (Mt 16:24 13:44-46,Mr
10:21,29 et suivant, Mt 10:38 et suivant), ce n'est pas pour
les pousser à se libérer de la vie personnelle, mais au contraire
pour leur enseigner à l'acquérir véritablement (Mt 16:25). Le
but qu'il leur propose, ce n'est pas l'abdication mais la victoire,
pas le néant mais la vie éternelle.

Le seul mysticisme que Jésus autorise, voire qu'il inspire, c'est
celui qui, en nous attachant à lui par le coeur, nous pousse à son
imitation: le mysticisme qui, au lieu de nous porter à jouir de lui
et à nous perdre orgueilleusement en lui, nous contraint de lui obéir
humblement et de le continuer personnellement par notre activité. Ce
mysticisme-là rétablit les droits du sentiment à côté de la raison,
il satisfait en nous à cette grande réalité que la vérité n'est pas
tout entière accessible à la science historique ou rationnelle, et
que, lorsqu'il s'agit d'approcher une personne vivante, divine, et de
s'identifier à elle dans l'action, la communion la plus haute
s'établit par un contact immédiat, une intuition créatrice, une
pénétration réciproque qui n'est pas du domaine de la froide raison.
Volonté et amour, deux sources de connaissance et de puissance que
Jésus a mises en tête de toutes les autres lorsqu'il a dit: «Si
quelqu'un veut faire la volonté de mon Père, il connaîtra...» (Jn
7:17), «si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, nous viendrons à
lui, nous ferons notre demeure chez lui» (Jn 14:23). Par la
dépersonnalisation dans l'extase? Non, mais pour lui enseigner
l'oubli de soi, première condition de toute action régénératrice dans
le monde. C'est là ce qu'ont compris Bernard de Clairvaux (Mort en
1153), François d'Assise (Mort en 1226), Gerson (Mort en 1428),
Spener (Mort en 1705), les premiers Quakers, et tous les mystiques
pratiques qui ont combattu les excès du mysticisme extatique et se
sont montrés, au sein de la corruption humaine, «le sel de la terre».

Quiconque fait équitablement sa part de ce mysticisme-là,
n'écrira pas avec le prof. Leuba dans sa conclusion: «Si une religion
qui existe depuis deux mille ans, et qui a été officiellement
soutenue pendant quinze cents ans par les nations les plus puissantes
du monde, n'a pas encore donné sa mesure, c'est qu'elle a failli à sa
tâche.» Cette conclusion fausse est le châtiment de tout observateur
qui ne sait voir dans le christianisme que le dogmatisme, le
rationalisme, le sacerdoce et le mysticisme extatique, négligeant la
portion de l'humanité chrétienne où s'accomplit le mysticisme
pratique et où se réalise depuis bientôt vingt siècles, par des
individualités spirituelles, l'oeuvre vive de la régénération morale,
sociale, spirituelle dans le monde. Nous renvoyons ici, comme preuve,
aux origines de toutes les grandes oeuvres philanthropiques et aux
effets de la mission évangélique dans tous les temps. C'est à ce
mysticisme-là, vécu d'abord par le Christ dans ses rapports avec Dieu
pendant son humanité, inspiré par le Christ à ceux qui se sont de
coeur convertis à lui, et inspirateur de toute science chrétienne
comme de toute action ecclésiastique digne de ce nom, que convient
l'appréciation du prof. J. Royce: «Le mysticisme a été le ferment des
croyances, l'annonciateur de la liberté spirituelle, l'inaccessible
refuge des hérétiques à l'âme un peu noble, l'inspirateur, par la
voie de la poésie, d'une jeunesse innombrable ignorante de la
métaphysique, le consolateur de ceux auxquels pèsent les bornes du
fini,» disons mieux: auxquels pèsent l'esclavage du péché et la
misère insondable de l'humanité déchue. L'extase mystique ne peut ni
libérer du premier, ni porter secours à la seconde. En ce sens on
peut dire que, recherchée pour elle-même, elle a contribué à faire
croire à la faillite du Christianisme. Alex. W.
BIBLIOGRAPHIE
--William James, L'Expérience religieuse, 1908.
--H. Delacroix, Etudes d'histoire et de psychologie du mysticisme, 1908.
--James H. Leuba, Psychologie du mysticisme religieux, 1930 (trad. Lucien Herr).
--Van der Leeuw, Phénoménologie de l'âme, Rév. Strasb. 1930, 1.