EXCOMMUNICATION

Acte par lequel un coupable est exclu de la société dont il fait
partie.

Dans l'A.T, le khèrèm (LXX: anathêma) était prononcé
contre les personnes ou les choses vouées a la colère divine, donc à
la destruction (Ex 22:20,No 21:2 et suivants). Cette expression
est cependant employée dans un double sens, soit qu'il s'agisse
d'être séparé des hommes pour être voué à Dieu, ou au contraire
d'être abandonné à la divinité pour être anéanti. Ce dernier sens
finit par l'emporter; le butin de guerre est voué à Dieu par
interdit (Jos 6:18 et suivant), les villes conquises sont
détruites (Jos 6 17,24), les païens vaincus sont passés au fil
de l'épée (Jos 8:24 et suivants).

Plus tard le khèrèm devint l'excommunication, c'est-à-dire un
moyen de maintenir la pureté du peuple, en excluant ceux qui
n'acceptent pas la discipline (Esd 10:8). C'est ce bannissement
ecclésiastique que Jésus prédit à ses disciples: «Ils vous excluront
des synagogues...» (Jn 16:2), que certains chefs
redoutaient (Jn 12:42) et dont les Juifs menacèrent en effet ses
adeptes (Jn 9:22) et finirent par frapper l'aveugle-né (Jn
9:34 et suivant).

La synagogue la pratiquait sous deux formes, une temporaire et
une définitive, que la Guemara distingue en petite
excommunication et grande excommunication. La grande était
accompagnée de malédiction et devait être prononcée par dix membres
au' moins de la synagogue; l'autre, moins sévère, pouvait être
prononcée par un seul, par ex. le rabbin, et sa durée ne pouvait
excéder trente jours: c'est de cette dernière que paraît avoir été
frappé l'aveugle-né.

Quelques rabbins parlent d'une troisième, plus sévère, qui aurait
consisté à livrer un homme à tous les maux et à Satan. (cf. 1Co
5:5,1Ti 1:20) C'est apparemment le texte de la grande
excommunication juive qu'ont donné les frères Tharaud dans leur
Petite Histoire des Juifs (35e éd. Paris, Plon, p. 84): «Qu'il
soit excommunié d'après le jugement du Seigneur des seigneurs dans
les deux tribunaux, le supérieur et l'inférieur! Que les calamités
fondent sur lui! Que sa maison soit la demeure des dragons! Que son
étoile soit obscurcie dans les nuages et qu'elle soit furieuse,
terrible et cruelle contre lui! Que son cadavre soit jeté aux
serpents! Que son or et son argent lui soient pris! Que sa femme soit
donnée à d'autres, et que d'autres vivent avec elle! Qu'il soit
maudit par la bouche d'Addirion et d'Ach-tariel, de Gabriel et de
Séraphin, de Raphaël et de Macharétiel! Qu'il tombe et ne se relève
plus! Qu'il reste dans cette excommunication et qu'elle soit son
héritage! Et que sur Israël tout entier descendent la paix et la
bénédiction du Seigneur!» On distingue dans cette formule de
nombreuses expressions bibliques empruntées notamment à Esa 34:13
35:7,Eze 32:6,No 21:6,Joe 3:5,Job 31:10,Da 8:16 9:21,Jer 8:4; quant
aux anges, cf. Tob 3:16 12:16, où il est parlé des «sept
anges saints qui portent au ciel les prières des saints».

Dans le N.T. nous trouvons une discipline dont l'exercice peut en
certains cas aboutir à l'exclusion du coupable: le délinquant doit
être d'abord repris en particulier; en cas d'insuccès on fera appel à
deux ou trois témoins (Mt 18:15-18, cf. De 19:15); enfin
l'affaire sera en dernière analyse portée devant l'Église (c-à-d, la
communauté); si le coupable rejette la décision de l'Église, il sera
désormais considéré non plus comme un frère, mais comme un païen. Ce
passage est d'autant plus important qu'il ignore tout privilège
ecclésiastique; la discipline n'est pas le fait de certains
fonctionnaires, elle est exercée par la communauté elle-même, à
celle-ci appartient le droit de lier et de délier.

Paul ordonne qu'un chrétien de Corinthe, coupable de grave faute
morale, soit rejeté hors de la communauté (1Co 5:6,11,13). De
même on doit écarter ceux qui causent des dissensions (Ro 16:17
et suivant, Tit 3:10), ou vivent dans le «désordre» (2Th
3:6); cependant on les avertira au préalable, on cherchera à les
ramener (2Th 3:14 et suivant, 1Th 5:14). Il faut noter que
le «désordre» dénoncé dans ces derniers textes désigne plutôt
l'oisiveté que le dérèglement moral, d'après le contexte et d'après
le sens des mots grecs dans les écrits du temps; donc la discipline
de l'Église doit jouer même contre la simple paresse. D'ailleurs, la
repentance conduit au salut, elle doit donc être consacrée par le
pardon (2Co 2:4-11 7:8,11); le salut est toujours le but et le
motif de la punition (1Co 5:6); toutefois, dans 1Ti 1:19 et
suivant
, la sanction semble sans appel.

Enfin Paul traite d'anathème (voué à la destruction) quiconque
n'aime pas le Seigneur (1Co 16:22) ou annonce un Évangile
différent du sien (Ga 1:8); il souhaiterait lui-même d'être
anathème pour sauver ses compatriotes (Ro 9:3), c'est-à-dire
serait prêt à subir les pires disgrâces, s'ils pouvaient, eux, en
retirer quelque grâce. Rl P. et Ch. S.