ÉVÊQUE

En grec épiscopos, surveillant. A Athènes on appelait ainsi
certains personnages chargés de contrôler la constitution des villes
alliées; dans les associations religieuses païennes, les membres
responsables de la gestion des fonds et de l'application des
règlements portaient le nom d'épis-copes. Le même substantif et le
verbe correspondant se trouvent dans LXX: les chefs cités Ne
11:9,14,22 sont appelés épiscopes; Esa 60:17 parle d'épiscopes
qui feront régner la justice; de même le verbe épiscopeïn est
employé dans le sens de prendre soin (De 11:12 2).

Dans le N.T. les évêques sont mentionnés pour la première
fois (Phi 1:1); le plur, indique qu'il y avait plusieurs évêques
dans l'Eglise de Philippes. Comme d'autre part l'épiscopat ne figure
pas dans les listes de charismes, ou dons de l'Esprit, dressées par
saint Paul (1Co 12:28,Eph 4:11), nous pouvons en conclure que
dans les Églises pauliniennes la charge d'évêque était de second
ordre.

1.

De nombreux critiques admettent que dans les communautés primitives
les termes évêques, presbytres ou anciens étaient équivalents,
désignant les mêmes fonctions et employés l'un pour l'autre. Cette
opinion s'appuie sur Ac 20:17,28 et Tit 1:6,7; dans ce
passage des Act., en effet, les mêmes personnages sont appelés tour à
tour presbytres et évêques, mais dans Tite les premiers sont au plur,
et l'évêque est au singulier, ce qui ne semble pas indiquer une
identification. Il est d'ailleurs dangereux de tirer d'un seul texte
une conclusion générale; d'autre part il est vraisemblable qu'à des
noms différents correspondaient aussi des attributions différentes.

2.

Les passages du N.T. où se trouve le mot évêque sont peu nombreux; il
n'y en a que cinq, dont un (1Pi 2:25) ne peut pas servir à
déterminer la fonction des évêques. Cependant l'examen de ces textes
permet les constatations suivantes:

(a) L'épître aux Philippiens a été adressée par Paul en
remerciement pour des dons qui lui avaient été envoyés; l'évêque doit
être désintéressé, disent 1Ti 3:3 et Tit 1:8; il est
l'intendant ou l'économe de Dieu (Php 1:7). L'évêque est donc
chargé des fonds de la communauté, c'est un administrateur financier.
Dans Philippiens évêques et diacres sont associés (de même 1Ti 3:3; et
Didachè au début du II e siècle); les premiers étaient des économes,
ils recevaient les offrandes et en surveillaient la répartition; ils
avaient sous leurs ordres des diacres chargés du service matériel des
assemblées et de l'assistance mutuelle. Les évêques diffèrent par là
entièrement des presbytres (anciens), dont les fonctions étaient
d'ordre spirituel.

(b) L'évêque doit être modéré, juste, doux, pacifique
et ennemi des querelles, il doit être attaché à la saine doctrine et
réfuter les contradicteurs (1Ti 3:2,Tit 1:7,9). Sa surveillance
n'était donc pas limitée aux questions financières, il assurait le
respect des décisions prises, veillait à l'exécution de la
discipline, combattait les fausses doctrines, faisait respecter la
tradition.

(c) L'évêque devait jouir de la considération de ceux
du dehors (1Ti 3:7), il était chargé de représenter la
communauté dans les rapports indispensables avec le monde païen. En
résumé, tandis que les presbytres exerçaient des fonctions morales et
religieuses, les évêques dirigeaient l'administration matérielle des
communautés, veillaient à la discipline, et représentaient l'Église
locale à l'extérieur. Les attributions des uns et des autres ne sont
donc pas identiques, mais une tâche importante leur était commune:
presbytres et évêques étaient chargés de lutter contre les fausses
doctrines: 1Ti 3:2, l'évêque doit être capable d'enseigner.

3.

L'épiscopat avait à l'origine un caractère local; l'évêque exerçait
ses fonctions au sein d'une communauté et non sur un ensemble
d'Églises. Les évêques, comme les presbytres, étaient choisis par les
fidèles, tandis que les apôtres, les prophètes étaient désignés par
l'Esprit. Les presbytres avaient la charge de diriger le groupement
religieux, ils proposaient à la communauté d'élire évêque tel
personnage leur paraissant qualifié; il leur arrivait sans doute
souvent de suggérer un des leurs; un des presbytres exerçait ainsi
les fonctions propres à l'évêque, mais celui-ci, loin de dominer sur
le collège des anciens et de le présider, en dépendait au contraire.

4.

L'épiscopat monarchique. Dans Philippiens il est question des évêques
(au pluriel). L'épître de Clément de Rome, adressée à l'Église de
Corinthe (fin du I er siècle), nous révèle une situation analogue: il
n'y a d'évêque uninominal ni à Rome, ni à Corinthe; Clément écrit non
pas comme évêque de Rome, mais de la part des fidèles de cette ville;
des divisions ont éclaté à Corinthe, l'autorité des presbytres est
contestée. Clément recommande la soumission, mais sans en appeler au
pouvoir de l'évêque. De même on ne trouve dans le Pasteur
d'Hermas
(début du II e siècle) aucune trace d'épiscopat
monarchique à Rome. Par contre les lettres d'Ignace nous apprennent
qu'à Antioche, vers 115, l'autorité était concentrée entre les mains
d'un seul: les presbytres étaient subordonnés à l'évêque, considéré
comme le représentant de Dieu lui-même. Pour maintenir la tradition à
l'abri d'innovations dangereuses, pour imposer la discipline, pour
assurer les relations avec les gens du dehors et celles des Églises
entre elles, un chef parlant et agissant au nom de la communauté
présentait de sérieux avantages. La lutte contre les hérésies
gnostiques allait bientôt précipiter cette évolution, dont le berceau
a été fourni par l'Asie Mineure, et faire adopter par toutes les
Églises l'épiscopat monarchique. Voir Ancien, Gouvernement de
l'Église.

Rl P.