ÉPHOD
Il n'est pas facile de se faire une idée nette de ce que signifie ce
mot dans l'A.T. Les textes s'expriment d'une façon confuse,
incomplète et parfois contradictoire. Nous y voyons en effet l'éphod
désigner tantôt une icône de bois revêtue de métal, image du vrai
Dieu ou d'une idole (Jug 8:27 17:4 et suivant, 1Sa
21:9,23:6), tantôt le pagne de lin qui servait originairement de
vêtement à tous les prêtres ou au roi, lorsqu'il exerçait une
fonction religieuse (Doëg massacre sur l'ordre de Saül 85 prêtres
revêtus de l'éphod: 1Sa 22:18; le jeune Samuel, simple lévite,
était ceint de l'éphod: 1Sa 2:18; David avait revêtu l'éphod
lorsqu'il marchait devant l'Éternel en ramenant l'arche à Jérusalem:
2Sa 6:14, cf. 1Ch 15:27); tantôt--et c'est ici le sens
classique du mot--la pièce essentielle du costume du grand-prêtre
dans l'exercice de ses prérogatives sacerdotales (Ex 28:6-36,
cf. Le 8:7).
En nous aidant des données des monuments égyptiens, qui nous
présentent les dieux et les pharaons portant l'éphod, nous apprenons
que les éléments essentiels de ce vêtement étaient: un corselet,
prolongé par une courte jupe ou tablier, fixé aux hanches par une
ceinture et retenu sur les épaules par des bretelles. Ainsi, le
principe de l'éphod serait venu de l'Egypte. Mais ce qui faisait en
Israël son caractère propre, c'est qu'il portait sur chaque épaule
une pierre précieuse sur laquelle était gravé le nom des douze tribus
(six à droite, six à gauche, insigne de la charge du grand-prêtre) et
que l'ensemble de ce vêtement avait pour but de fixer sur la poitrine
du grand-prêtre le pectoral, ou poche à oracles (Bbl. Cent.), qui
renfermait l'Ourim et le Toummim, c'est-à-dire les moyens de
divination. L'Ourim et le Toummim, objets qui ne sont nulle part
décrits (pierres, statuettes, dés?) et dont les termes qui les
désignent ne sont pas expliqués (les étymologies donnant: lumière et
perfection, etc., sont de pures suppositions), servaient à interroger
l'Éternel avant que se fût développé en Israël le ministère
révélateur des prophètes. C'est pourquoi Aaron, revêtu de l'éphod,
est appelé celui qui «portera continuellement sur son coeur le
jugement des enfants d'Israël» (Ex 28:30). La traduction des LXX
dans 1Sa 14:41 nous apprend que l'interrogation, sorte de tirage
au sort, donnait la réponse de Dieu par ourim ou par toummim,
c'est-à-dire, sans doute, par oui ou par non. A ce précieux
renseignement, les LXX en ajoutent un autre; le texte hébreu, dans
1Sa 14, après avoir spécifié (verset 3) qu'Ahija le prêtre
«portait un éphod», veut que Saül ait dit à Ahija: «Fais approcher
l'arche de Dieu!» (Il s'agissait de savoir s'il fallait attaquer les
Philistins ou non). Or, nulle part il n'est dit que l'arche servait
aux oracles. Les LXX, fidèles aux moeurs de l'époque et à la mention
du verset 3, ont dans leur traduction (verset 18): «Saül dit à Ahija:
Apporte l'éphod! car c'est lui qui portait alors l'éphod devant les
Israélites» (cf. Josèphe, Ant., VI, 6:3). Ce texte répond
exactement à ce que nous disent 1Sa 23:6 30:7 des
consultations de David par l'éphod du prêtre Abiathar.
Tout l'ensemble de cet appareil divinatoire (l'éphod avec le
pectoral renfermant l'Ourim et le toummim) était recouvert par un
riche surplis laissant à nu le pectoral, et bordé de grenades et de
clochettes. On l'appelait «le manteau de l'éphod» (Ex 28:31; la
traduction «robe» ne convient guère ici). Le grand-prêtre, avant d'entrer
dans le lieu saint pour officier, devait revêtir ce manteau dont les
clochettes, par leur tintement, appelaient le peuple au recueillement
et le rassuraient en écartant les mauvais esprits que la superstition
populaire se représentait comme rôdant toujours autour des
sanctuaires.
Osée, dépeignant le dépouillement de l'Israël infidèle, relève
l'importance de l'éphod, lorsqu'il avertit le peuple qu'il restera
longtemps sans lien avec la divinité: (Os 3:4) roi, sacrifice,
éphod désignant dans ce texte les rapports normaux avec
l'Éternel, (cf. 1Sa 2:28) chef, statue, théraphim faisant
allusion à l'état d'anarchie politique et d'asservissement aux idoles
(voir Divination, 3).-- Esd 2:63,Ne 7:65 (cf. No 27:21)
montrent que l'usage de l'Ourim et du Toummim, éclipsé pendant les
siècles du prophétisme, revint en faveur quand le sacerdoce eut
repris, après l'exil, la direction religieuse du peuple élu.
On s'est demandé si c'était l'éphod revêtu par le prêtre de la
divinité qui avait amené à appeler «éphod» l'image de la divinité
elle-même, ou si c'était de la divinité qu'était venu le nom du
costume de l'officiant. L'examen des statues égyptiennes semblerait
prouver que c'est au vêtement qu'a appartenu d'abord le nom d'éphod
et que ce qualificatif n'a été donné à l'image divine que par
extension, pendant une période assez ancienne et relativement courte.
Alex. W.