ELOÏ, lamma sabachtani?
Cri de détresse et de désespoir, poussé par Jésus sur la croix;
rapporté par deux évangiles, qui en donnent en même temps la
traduction: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?» (Mr
15:34,Mt 27:46). C'est une citation de Ps 22:2; Matthieu et Marc la
reproduisent un peu différemment: dans Matthieu, les deux premiers mots
ont la forme hébraïque: litt., Éleï, éleï, lema sabacthaneï? Dans
Mr le texte est tout entier araméen (dialecte parlé en Palestine au
temps de Jésus): Élôï, élôï, lama sabacthaneï? Cela montre, en
tout cas, que Jésus était familier avec la vers. araméen de l'A.T,
alors en usage, comme cela ressort aussi de Mt 5:18 où l'iota
grec correspond à l'iod, la plus petite lettre de l'alphabet aram,
dont a certainement parlé Jésus en cette occasion (voir Iota).
-Le cri de Jésus sur la croix nous montre la violence de son
agonie. Comme l'a écrit T. Fallot, «il est permis...d'affirmer que le
cri terrible du Juste qui cherche son Père et qui ne le trouve pas,
marque le point culminant du supplice. Le Fils s'est cru abandonné
par le Père: à force de vouloir sauver ceux qui vivaient loin de
Dieu, il est devenu lui-même un sans-Dieu. Jamais Dieu, pourtant,
n'avait été plus près du Christ qu'à cette heure de suprême
obéissance. Mais il fallait que Jésus, pour vider jusqu'au fond la
coupe arrière, se crût abandonné par le Père». Ce fut vraiment ici
l'heure de la Puissance des ténèbres dont Jésus avait lui-même parlé,
dans Lu 22:53. Il semble que les ténèbres qui se répandirent sur
le pays de la sixième à la neuvième heure (Lu 23:44), se soient
étendues aussi sur son âme, non pas au point de le faire douter de la
réalité de Dieu, mais jusqu'à lui voiler la face du Père.
--Il se peut qu'en entendant Jésus pousser son cri, quelqu'un des
assistants ait réellement pensé qu'il appelait le prophète
Élie (Mr 15:35,Mt 27:47); mais il est assez vraisemblable aussi
que la méprise a été intentionnelle de la part des Juifs: ils
auraient fait semblant de croire que Jésus appelait Élie, pour mieux
tourner en ridicule sa prétention d'être le Messie. On sait, en
effet, que d'après la croyance générale des Juifs l'apparition du
Messie devait être précédée du retour du grand prophète. Les Juifs
auraient feint de penser que le crucifié, se sentant abandonné de
tous, s'adressait à Élie pour l'appeler à son aide. M. M.