ELISÉE
(=Dieu est mon salut).
Les récits.
Fils de Saphat, riche propriétaire d'Abel-Méhola, de la tribu
d'Issacar, disciple et successeur d'Élie, il apparaît pour la
première fois 1Ro 19:16. Pendant son ministère (855-798), quatre
rois se succèdent sur le trône d'Israël: Joram, Jéhu, Joachaz, Joas.
L'auteur du livre des Rois a emprunté les récits qui constituent nos
documents à un ouvrage d'inspiration prophétique, né dans le royaume
du N. que la critique désigne sous le nom de «cycle d'Elisée» et dans
lequel Elisée était dépeint bien plus comme un devin et un faiseur de
miracles que comme un prophète au sens que nous donnons
habituellement à ce mot. Les situations géographiques sont indiquées
de façon précise, mais, par contre, les personnages sont trop souvent
mal désignés, preuve en soit cette expression: «le roi d'Israël» sans
autre indication, et l'auteur ne s'inquiète pas de la chronologie.
Cette indétermination dans les noms et les dates est, on le sait, un
des caractères du genre légendaire. En effet, dans le cycle de
récits, la légende l'emporte sur l'histoire (bien qu'il renferme
aussi des données historiques d'une réelle valeur), et l'on y est en
présence d'une suite d'anecdotes dont le lien entre elles n'apparaît
pas toujours nettement alors que, dans le cycle d'Élie (1Ro 17 18
19 21,2Ro 1:1,8), se trouve une série de récits bien coordonnés et
formant un tout. Il est probable que le compilateur du cycle
d'Elisée (2Ro 2-8,13:14-21) a dû connaître l'autre, car on
retrouve dans ces deux suites de récits des données qui semblent se
répéter (p. ex. 2Ro 4:1 et 1Ro 17:8 et suivants, 2Ro
4:8 et 1Ro 17:17 et suivants). Dans le cycle d'Elisée,
l'élément miraculeux est très marqué et va même parfois jusqu'à
revêtir les caractères de la magie.
Que les récits relatifs à Elisée n'aient pas formé déjà un tout,
lorsque le rédacteur les utilisa, c'est ce que prouvent les
contradictions qu'on y relève; ainsi, 2Ro 6:23 dit: «Les bandes
de Syriens n'envahirent plus le pays», et, aussitôt après (verset
24), vient le siège de Samarie par le roi Ben-Hadad; 2Ro 5:27:
Guéhazi est frappé de la lèpre, mais dans 8:4 il paraît sans autre
difficulté devant le roi. Dans certains récits, Elisée a son centre
d'activité à Guilgal (2Ro 2:19 et suivants, voir verset 1-3 4:1
et suivants, 38 et suivants. 2Ro 4:42 2Ro 6:1); dans
d'autres, c'est à Samarie (2Ro 2:24 5:1-4 6:8,24 13:14 et
suivants). Presque tous les actes du prophète sont placés avant
l'attentat de Jéhu; or Elisée aurait vécu encore quarante-cinq ans,
et il est permis de penser qu'il ne resta pas inactif pendant ce
temps.
Les événements.
Leur ordre réel étant impossible à rétablir, nous groupons les textes
en deux catégories: ceux qui décrivent l'activité du prophète dans sa
vie privée, et ceux qui s'attachent plus particulièrement à sa vie
publique.
1.
La vie privée d'Elisée.
Élie rencontre le jeune Elisée labourant avec les serviteurs de son
père; conformément à l'ordre reçu de Dieu en Horeb, il jette son
manteau sur les épaules du jeune homme, signifiant par là qu'il
compte sur lui pour être son disciple et son successeur. Elisée
hésite, puis, après un repas d'adieu offert aux gens de son
entourage, il se met à la suite d'Élie. Cette vocation fut confirmée
lors de l'enlèvement de son maître: Elisée reçut une double part de
l'esprit d'Élie. Traversant le Jourdain à sec après l'enlèvement
d'Élie, il va à Jérico récemment reconstruite (1Ro 16:34) et y
habite. La fertilité du pays était due à des sources abondantes et
intarissables, dont l'une, cependant, donnait des eaux impropres à
tout usage, même agricole; sur la demande des habitants, Elisée
rendit ces eaux utilisables (2Ro 2:19,21). On montre aujourd'hui
encore la fontaine d'Elisée, en arabe Ain es-Soultân. De Jérico
le prophète va à Béthel; chemin faisant il traverse un défilé boisé
où des gamins se moquent de sa calvitie; il les maudit au nom de
l'Éternel et aussitôt deux ourses sortent des bois et déchirent
quarante-deux de ces enfants (2Ro 2:23 et suivant). Le châtiment
est tellement hors de proportion avec la faute et contraste si fort
avec ce que nous savons du caractère d'Elisée (2Ro 6:20,22), que
certaines versions grecques parlent de pierres lancées et que les
rabbins disent qu'en punition de cet acte Elisée tomba malade. Il est
plus simple de penser que le récit tel qu'il nous a été conservé est
une anecdote destinée à effrayer les enfants et qu'il faut rapprocher
de récits analogues, fréquents dans le folklore de tous les peuples.
La veuve d'un prophète, endettée, est sur le point de voir ses fils
vendus comme esclaves, toute sa fortune est un reste d'huile dans un
pot; Elisée fait abonder cette huile au point qu'avec le produit de
sa vente, la femme peut acquitter ses dettes et vivre avec ses
fils (2Ro 4:1,7). Il y avait à Sunem une femme de distinction
qui recevait souvent le prophète à sa table et lui fit même
construire une chambre comme pied-à-terre; pour la remercier de son
hospitalité, Elisée lui accorda le fils qu'elle désirait en vain, et
le rendit plus tard à la vie après une insolation mortelle (2Ro
4:8-37). Pendant une famine, Elisée est à Guilgal en compagnie des
fils des prophètes, qui en sont réduits à manger des coloquintes;
s'apercevant de l'extrême amertume de ce végétal, ils font appel à
Elisée, qui le rend comestible (2Ro 4:38,41). Sans doute pendant
la même famine, un fermier vient à Guilgal, apportant vingt pains
d'orge et des épis; (cf. Le 2:14) Elisée ordonne de distribuer
cette offrande aux cent hommes qui sont avec lui: «tous mangèrent et
il y eut des restes» (2Ro 4:42,44). Naaman, chef de l'armée du
roi de Syrie, est atteint de la lèpre, il vient chercher la guérison
auprès d'Elisée. Ayant suivi, non sans humeur, l'ordre du prophète de
se tremper sept fois dans le Jourdain, il est purifié et décide
d'adorer Jéhovah; suivant les croyances antiques, il emporte un peu
de la terre du pays afin de construire un autel à Jéhovah; Elisée
l'autorise même à continuer de rendre un hommage tout formel à
Rimmon, le dieu de son maître. Le serviteur du prophète, Guéhazi, est
frappé de la lèpre pour avoir frauduleusement obtenu des cadeaux de
Naaman (2Ro 5). Les fils des prophètes abattent des arbres pour
se construire une plus grande demeure, l'un d'eux fait tomber dans le
Jourdain le fer de sa hache qu'il avait emprunté; Elisée fait
surnager ce fer, de sorte qu'il fut facile de le reprendre (2Ro
6:1,8).
2.
Elisée homme politique.
2Ro 3:11-20: Elisée est avec les rois de Juda, d'Israël et
d'Édom contre Mésa de Moab; les armées manquent d'eau, il refuse de
conseiller le roi d'Israël, mais par égard pour le roi de Juda, fait
creuser des tranchées qui, le lendemain, sont pleines d'eau par suite
d'un orage dans les monts de Moab. 2Ro 6:8-23 montre le prophète
sous un jour très avantageux: par ses conseils, les bandes de
Ben-Hadad de Damas sont paralysées; ce roi envoie alors une forte
troupe à Dothan pour s'emparer de sa personne, mais il frappe ces
gens d'aveuglement, les conduit au milieu de Samarie, dessille leurs
yeux et les renvoie chez eux sains et saufs. 2Ro 6:24-7:20:
Samarie est assiégée par les Syriens et réduite à la dernière
extrémité; le roi veut rendre la ville et punir Elisée, mais, dans la
nuit, une panique met l'ennemi en fuite et les Israélites s'emparent
d'un énorme butin. 2Ro 8:7-15: Ben-Hadad malade envoie Hazaël
consulter Elisée; malgré son émotion patriotique, le prophète
accomplit la mission autrefois à lui confiée par Élie et oint Hazaël
roi de Syrie, puis Jéhu roi d'Israël (2Ro 8:28-9:13). Il meurt
bientôt, déçu dans l'espoir qu'il avait placé sur le jeune
Joas (2Ro 13:14-20). Un mort enseveli dans son tombeau
ressuscite aussitôt (2Ro 13:20 et suivant). Caractéristique.
Successeur d'Élie, Elisée est cependant très différent de lui.
Établissant une distinction entre Baal et la civilisation, il
s'efforce d'adapter la pensée intransigeante de son maître à la fois
aux exigences de cette civilisation et à la nature humaine. Il vit
comme tout le monde, habite parmi les hommes: à Jérico avec les fils
des prophètes, à Damas, chez lui à Samarie ou à Dothan, chez son
hôtesse à Sunem. Élie cherchait Dieu dans les montagnes, Elisée
reçoit son inspiration au son de la harpe (2Ro 3:14 et
suivants); Élie attaquait en face avec la seule puissance de Jéhovah,
Elisée use de diplomatie et de ruse, il sait utiliser les hommes et
leurs faiblesses pour en arriver à ses fins; dans ce sens on peut
dire qu'il est plus humain que son maître. Mais il y aurait danger à
vouloir trop détailler ce caractère, que nous ne pouvons que deviner
à travers des récits très souvent légendaires. Ce qui est certain,
c'est qu'il fit en Israël une impression moins forte et moins durable
qu'Élie. L. V