ÉGALITÉ

Au seul Dieu vivant, rien ni personne ne peut être égalé (Esa
46:5). Créateur de tous les hommes (Jer 27:5), il les a tous
faits d'un seul sang (Ac 17:26), tous instruits par la loi
écrite en leurs coeurs (Ro 2:15); et «s'il n'y a point de
distinction parce que tous ont péché et sont privés de sa
gloire» (Ro 3:22 et suivants), «Dieu a enfermé tous les hommes
dans la rébellion pour faire miséricorde à tous» (Ro 11:32);
«Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés» (1Ti
2:3 et suivant); c'est parce qu'il a aimé le monde (généralité
sans exception) qu'il a donné son Fils afin que quiconque croit
en lui (tout individu sans exception) ait la vie éternelle (Jn
3:16). L'universalité du péché et l'universalisme de l'Évangile
sauveur manifestent à travers l'humanité cette égalité de nature
spirituelle, oeuvre de la justice (voir ce mot) comme de l'amour
(voir ce mot) du Père céleste envers Ses créatures, toutes appelées à
être Ses enfants, et entre lesquelles il ne fait point «acception de
personnes» (voir art.): Son but final et éternel est d'être «tout en
tous» (1Co 15:28). De ce point de vue idéal, la Bible ne fait
pas descendre l'égalité humaine dans le régime terrestre actuel
d'épreuve et de combat.

Les inégalités naturelles et sociales font partie du problème
général du mal dans le monde, qui plaça sur la conscience israélite,
principalement à partir de l'époque des prophètes, les questions
troublantes de la foi en la Providence (Ps 37, Ps 74,Job 24,Ec
4:1-3 5:8 etc.). Le programme du Messie et toute l'oeuvre du
Christ, d'accord avec les exigences de la conscience, déclarent la
guerre à toute oppression de l'homme par l'homme (Lu 4:18 et
suivant
, Mt 20:25 23:8-12 24:48 et suivants, etc.); mais le
Seigneur ne ferme point les yeux sur l'état de fait d'une société où,
sans doute, «les individus naissent égaux en droits» (et tout d'abord
dans le droit au salut), mais où les uns sont inférieurs ou
supérieurs à d'autres par les dons extrêmement variables de la santé,
de l'intelligence, de la personnalité morale, du milieu, de la race,
etc. Jésus le constate: il y a des riches insensés, insolents, et des
pauvres Lazares (Lu 12:16 16:19 et suivants), il y a des
premiers et des derniers, places du reste susceptibles d'interversion
suivant les valeurs spirituelles (Mt 19:30,Lu 13:30); dans le
Royaume de Dieu, il il y a de plus petits et de plus grands, suivant
la richesse de l'expérience religieuse (Lu 7:38).

Les fils du même Père céleste sont tous frères
(Mt 23:8 et suivant); mais dire: frères, n'est pas dire:
égaux, car ni les âges ni les dons ne sont identiques ni équivalents.
Dans toute activité, d'ailleurs, règne, non l'uniformité, mais la
diversité de fonctions; non l'unité de gestes, mais l'unité d'esprit:
«diversité d'opérations, mais un même Dieu, qui opère tout en
tous» (1Co 12:4-7). Même au service du meilleur des maîtres,
tous en effet n'ont pas autant de talents à faire valoir: chacun a
reçu de Dieu «selon sa capacité» (parabole des talents, Mt 25:14
et suivants); ceux-là mêmes qui ont d'abord reçu' des parts
égales se distancent suivant la valeur de leur travail, et recevront
ensuite des récompenses proportionnées, donc inégales entre elles,
dans des emplois correspondant à leurs capacités acquises (parab. des
mines, Lu 19:12 et suivants); par contre, lorsque l'entrée
dans le Royaume est comparée au denier semblablement assuré à tous
les travailleurs fidèles, cette égalité dans la grâce de Dieu
correspond à une inégalité dans la longueur du service, que dénoncent
les égalitaires mécontents (parab. des ouvriers, Mt 20:1-16).
Par ces trois paraboles complémentaires, comme par son exhortation
profonde aux serviteurs «inutiles», c-à-d, sans mérite (Lu
17:10), Jésus proscrit le point de vue quantitatif, calculateur,
intéressé, qui inspire l'esprit niveleur, et il ramène
continuellement ses auditeurs au point de vue qualitatif, celui de la
fidélité sans comparaison et du désintéressement dans le service, du
renoncement à soi-même. Les Douze se disputent à qui sera le plus
grand?

-«Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de
tous et le serviteur de tous...Celui qui deviendra humble comme cet
enfant, celui-là sera grand dans le Royaume des cieux» (Mr 9:33
et suivants, Mt 18:1 et suivants). Jacques et Jean ambitionnent
la prééminence au ciel, et leurs compagnons s'indignent?

-«Celui qui voudra être grand parmi vous sera votre
serviteur» (Mr 10:43 et suivant). L'humilité s'en rapporte à
Dieu quant aux questions de préséance, de supériorité ou
d'égalité (Lu 14:7-11). Le Seigneur lui-même, qui s'identifie
avec les petits (Mr 9:37,Mt 25:40) a donné l'exemple du service
en même temps que le précepte: «Je suis parmi vous comme celui qui
sert...Le Fils de l'homme est venu non pour être servi, mais pour
servir et pour donner sa vie...» (Mr 10:45). Lui, le Fils, il
pouvait légitimement s'identifier avec le Père (Jn 10:30), et
ses ennemis, les chefs juifs, lui reprochaient de se faire égal à
Dieu (Jn 5:18); mais, comme le montre saint Paul, c'est
précisément parce qu'il ne s'est pas laissé dominer par la
préoccupation de son égalité avec Dieu, c'est pour cela qu'il s'est
anéanti lui-même en prenant la forme de serviteur, s'est abaissé,
s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort sur la
croix, et que Dieu lui a donné l'élévation souveraine (Php
2:6-11).

Tant il est vrai que la caractéristique du Royaume n'est pas la
recherche de l'égalité, mais la réalisation de la charité: celle-ci,
«pleine de bonté, point envieuse ni présomptueuse, ne cherche point
son intérêt» (1Co 13:4 et suivant). Aussi tous les
rapprochements que l'Évangile inspire, entre gens d'origines fort
diverses, se présentent-ils, non comme une oeuvre d'égalité, mais
comme le fruit de l'unité d'esprit, de l'union fraternelle en
Jésus-Christ (Jn 10:16 11:52,Ga 3:28,Col 3:11). Quand saint Paul
souhaite l'égalité entre les chrétiens, c'est à propos de charité, au
nom de la grâce du Seigneur (2Co 8:7,15). Quand il renvoie et
recommande l'esclave Onésime à son maître offensé, ce n'est pas comme
son égal, mais comme son frère bien-aimé (Phm 1:16). Si les
disciples, pas plus que le Seigneur, n'ont combattu au nom de
l'égalité humaine la domination de Rome ni l'institution de
l'esclavage, ils n'en ont pas moins implanté dans le monde, en
révélant au coeur de l'homme l'amour du Père, les germes
infailliblement libérateurs contre les iniquités de toute nature:
«Mes bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous aussi nous devons
nous aimer les uns les autres» (1Jn 4:11). Jn L.