AFFRANCHIS
(Traduction, dans Ac 6:9 seulement, de libertinoï,
transcription grec du latin libertini =fils de liberti,
c-à-d. d'affranchis; d'où la traduction litt. mais inexacte de Martin:
libertins.)
Il s'agit d'une synagogue de Jérusalem ainsi dénommée, dont quelque
membres discutèrent contre Etienne. Ces Affranchis étaient les
descendants des Juifs qu'à partir de 63 av. J.-C. Pompée avait
emmenés esclaves à Rome, qui avaient été par la suite émancipés et
admis aux privilèges des citoyens romains, comme le confirme entre
autres un témoignage de Philon. On sait par ailleurs que Rome
émancipa beaucoup d'esclaves des familles impériales et
aristocratiques, et que ces affranchis furent assez souvent des
personnages influents. Il était naturel que les Juifs de cette
classe, revenant à Jérusalem (où les synagogues étaient fort
nombreuses), soit pour s'y fixer, soit comme visiteurs, fussent bien
aises de se retrouver entre eux pour leur culte, eux qui ne
possédaient pas aussi bien l'hébreu que leurs frères palestiniens;
tout comme aujourd'hui, dans les grandes cités, les principaux pays
ont leurs églises particulières. Et l'on s'explique aussi que parmi
ces notables si attachés à leur judaïsme, il se soit levé des chefs
d'opposition contre la prédication d'Etienne, subversive à l'endroit
des institutions d'Israël.
--L'énumeration de ce texte ne laisse pas clairement voir si ces
Juifs d'origine romaine, ceux d'origine africaine (pyrénéens et
Alexandrins) et ceux d'origine asiatique (Cilicie et Asie) se
réunissaient ensemble ou dans des synagogues séparées; il est
probable qu'il y en avait une distincte pour chacun de ces trois
groupes.
Il est donc inutile de chercher une explication géographique du mot Libertinoï,
1° soit en le remplaçant par le mot, que ne porte
aucun ms.: Libystinoï =Juifs de Libye (Afrique), si séduisant
qu'il paraisse de les joindre ainsi aux Africains nommés avec eux;
2° soit en conjecturant un pays inconnu nommé
Libertum, d'après une unique mention d'un évêque «libertinensis» au
concile de Carthage (411).
--En 1914 les fouilles de R. Weill, sur la colline du S.-E. à
Jérusalem, ont mis au jour des vestiges qui projettent une certaine
lumière sur cette synagogue des Affranchis. Une inscr. grec a été
retrouvée dans une citerne, parmi de nombreuses pierres sculptées
comme les blocs de frises décorés que nous reproduisons avec elle
(fig. 1 et 2); on y lit sans peine: «Théodotos, de la famille de
Vettenos, prêtre et chef de synagogue, fils d'un chef de synagogue
lui-même chef de synagogue, a construit la synagogue pour la lecture
de la Loi et l'enseignement des préceptes, ainsi que l'hôtellerie et
les chambres, et les installations des eaux, pour l'hospitalisation
de ceux qui en ont besoin, venus de l'étranger; synagogue qu'ont
fondée ses pères, et les anciens, et Simonidès.» Les savants datent
cette inscription du milieu du I er siècle de notre ère. Ce prêtre
juif Théodote (forme grec de l'hébreu Jonathan) pouvait donc être
client ou descendant d'un affranchi, Vettenus; avec les fonds
probablement fournis par les anciens, entre autres ses propres
ascendants, il avait bâti pour des Juifs étrangers à Jérusalem une
synagogue avec une hôtellerie et des bains. «Peut-être la synagogue
fondée dans ces conditions est-elle identique à la synagogue des
Affranchis.» (Weill, la Cité de David, pp. 183-193.) Jn L.