DEUTÉRONOME
Cinquième livre du Pentateuque et de l'Ancien Testament.
1.
Nom.
Le titre Deutéronome dérive à travers-le latin Deuteronomium du
grec Deuteronomion. Il est dû aux LXX et vient de leur traduction
erronée de De 17:18. L'hébreu, en effet, dit dans ce passage:
«[Le roi] écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette loi.»
Les LXX traduisent: «Le roi écrira pour lui, dans un livre, ce
deutéronome (2e loi)... comme s'il s'agissait, non d'une copie de
la loi, mais d'un nouveau document législatif, d'une seconde
loi . (cf. Jos 8:32, où les LXX emploient le même mot
deuteronomion pour traduire le texte hébreu où il n'est parlé
également que d'une copie de la loi écrite par Moïse)
2.
Contenu.
Le Deutéronome, tel que nous le possédons actuellement, est censé
contenir les derniers ordres et conseils donnés par Moïse au pays de
Moab, peu avant sa mort et aussi peu avant la traversée du Jourdain
et l'entrée des Israélites dans la Terre promise. Les instructions de
Moïse sont présentées sous la forme de plusieurs discours. Les
divisions les plus nettes sont les suivantes:
I Les chap. 1 à 4:40 donnent un résumé historique des
pérégrinations dans le désert.
II Les chap. 5-26 et 28 contiennent de longs discours
d'exhortation, ainsi que la législation «mosaïque» (ch. 5, et 12
à 26) et le passage sur les conséquences de la désobéissance (ch.
28).j
Les lois qui complètent le Décalogue au ch. 5 se rapportent aux
sujets généraux ci-après:
1. De 12:2-17:7 (à l'exception de 16:18-20): lois
religieuses et cérémonielles.
2. De 16:18-20 17:8-20: lois établissant un gouvernement
politique et judiciaire.
3. De 18:1-8: règlements concernant les privilèges et
les revenus des «prêtres lévitiques».
4.
De 18:9-22: ordres relatifs aux moyens de communiquer la
volonté de Yahvé aux hommes (à l'exception de v. 10a).
5. De 19 et De 21 1-9,22-23: méthodes de
procédure judiciaire.
6. De 20 21:10-14 23:10-15: comment faire la guerre.
7. De 21:15-21: quelques lois familiales.
8. De 22:1-12: lois diverses.
9. De 22:13-23:1: lois sur la chasteté.
10.
De 23:2-9 lois réglant l'admission dans l'Assemblée.
11.
De 23:16-26 - 25:4: lois d'un caractère moral et
humanitaire.
12.
De 25:5-19: quatre lois de natures diverses.
13.
De 26:1-15: lois rituelles.
III Dans les chap. 29 et 30 se trouve une nouvelle exhortation à
l'obéissance.
Outre les chapitres indiqués, il existe plusieurs passages ne pouvant
guère se rattacher aux discours mentionnés ci-dessus.
De façon générale, ces éléments peuvent se diviser ainsi:
De 27 contient:
(a) des instructions pour l'érection sur le mont Ébal
de «grandes pierres» sur lesquelles seront écrites les paroles de
«cette loi», et
(b) les malédictions.
De 31 renferme les dernières recommandations de Moïse.
De 32 se trouve le «cantique de Moïse».
De 33, la «bénédiction de Moïse».
De 34 raconte la mort de Moïse.
3.
Style et unité.
Le style du Deutéronome est différent de celui de tous les autres
livres du Pentateuque. Cette différence, sensible même dans une
traduction, est très marquée dans la langue originale. Des
expressions caractéristiques ont été notées par divers savants (cf.
Driver, Deuter., p. LXXVIII et Steuernagel, Deuter., 1923, p.
41s.). Elles prouvent que notre livre remonte, pour sa plus grande
partie, à une période où ces expressions étaient usitées. Elles
donnent à penser aussi que notre Deutéronome est, dans un certain
sens, une unité littéraire. Il semble que la main d'un seul rédacteur
ait réuni les diverses parties que nous avons indiquées dans le
précédent paragraphe. Toutefois ceci ne signifie pas que tous les
éléments du livre aient été conçus par le même esprit. Une lecture,
même superficielle, nous oblige, au contraire, à conclure que le
Deutéronome est composé d'un certain nombre d'unités distinctes qui
ont été soudées ensemble. Le travail de soudure a laissé des traces,
surtout dans les passages où le récit semble faire un nouveau départ.
Neuf «introductions» au moins ont été «découvertes» par ceux qui se
sont occupés de ce livre (cf. Siebens, L'origine du code deut., p.
229s., pour la liste de semblables introductions). Parfois les
transitions sont abruptes; c'est ainsi que le ch. 27 constitue une
coupure nette dans le récit, et du ch. 29 à la fin du livre ces
changements soudains sont très fréquents. Aussi pouvons-nous conclure
sans hésitation qu'en dépit d'une certaine uniformité littéraire dans
le style de tout le livre, les matériaux originels de celui-ci
semblent émaner de sources très diverses.
4.
Les concepts religieux du Deutéronome.
La pensée centrale du Deutéronome n'est pas de retracer une histoire
ou d'exposer des lois; elle est religieuse. Le Dieu des Israélites
est placé par notre livre à des hauteurs plus élevées que dans toute
autre partie du Pentateuque. Dans le «rétrospectif» historique, Yahvé
est appelé le Sauveur de son peuple; et dans les passages se
rapportant à la Loi, l'obéissance est réclamée en son nom seul. La
fidélité et l'obéissance au Dieu d'Israël constituent le «leitmotiv»
qui revient sans cesse.
A cette exaltation de Yahvé est dû sans nul doute le monothéisme
du Deut., distinct de la «monolâtrie» qui s'observe dans le reste du
Pentateuque. Yahvé est le Dieu des dieux, le Seigneur des
seigneurs (De 10:17). Il n'y en a point d'autre (De
4:35,39).
L'appel à l'obéissance est pénétré par un esprit d'amour. Cette
note ne retentit nulle part ailleurs dans le Pentateuque, sauf dans
Ex 20:6. Yahvé a choisi Israël à cause de son amour pour cette
nation (De 7 7,8 8:17 9:4-6). A Israël maintenant d'adopter une
attitude semblable à l'égard de Yahvé (De 10 12 12:13-28 13:3 19:9
30:3,16,20)
Il faut remarquer que l'amour de Dieu s'adresse aux Israélites en
tant que nation, et non individuellement (De 4:37 7:13 23:6
33:3). Cet enseignement de l'amour dans le Deutéronome est, dans
l'A.T., l'avant-coureur de la révélation que devait apporter plus
tard le N.T. dans Jn 3:16: «Dieu a tellement aimé le monde qu'il
a donné son Fils unique.» Il est significatif que Jésus, lorsqu'il
fut tenté, ait tiré toutes ses réponses du Deutéronome.
L'amour de Dieu lui ayant inspiré de choisir Israël, Israël
devait de toute évidence être un peuple saint devant l'Éternel. Cette
sainteté lui interdisait de reconnaître d'autres dieux (De 7:6
et suivant) et lui ordonnait des pratiques religieuses impliquant
l'abolition de tout culte rendu aux faux dieux (De 14:1-2). Pour
la même raison, le peuple devait éviter toute nourriture
impure (De 14:21). L'idolâtrie était punissable de mort (De
13:2-12 17:5 20:16-18).
L'esprit d'amour ne pénètre pas seulement les passages
d'exhortation ou de morale, mais encore les lois. Ainsi l'homme
devait avoir certains égards pour son voisin et se conduire
charitablement envers la veuve, l'orphelin, le «lévite» et
l'étranger (De 10 18,19 24:17-21). Il était interdit d'exploiter
le pauvre (De 24 6,10,13). Ces sentiments d'humanité
s'étendaient même aux animaux (De 22:6,7 25:4). Si l'on objecte
que l'esprit d'amour du Deutéronome est superficiel et non réel, sous
prétexte que certaines lois contre l'idolâtrie étaient cruelles et
inhumaines, rappelons-nous que l'idée centrale du Deutéronome est
d'établir la suprématie de Yahvé et que toute la structure
théologique du livre est fondée sur cette suprématie. Tout ce qui eût
risqué de la compromettre devait donc être traité avec une extrême
rigueur. L'amour pour l'homme est grand dans le Deutéronome, mais
l'amour pour Dieu est plus grand encore.
5.
Théorie et pratique dans le Deutéronome.
L'un des caractères exceptionnels de notre livre est le fait que,
plaidant en faveur de certains principes dans le domaine abstrait, il
assure l'application de ces idéaux dans le domaine concret. A côté
d'exhortations véhémentes à la fidélité et à l'obéissance envers
Yahvé, il y a des lois spécifiques qui fournissent les moyens
d'atteindre l'idéal présenté. Nous entendons les lois «religieuses»
dans le code (cf. surtout ch. 12-18, 26), où est requise la
«centralisation du culte», 1' «unité du sanctuaire».
Certains auteurs ont suggéré que le Deutéronome n'exige pas
l'unité du sanctuaire à Jérusalem, mais simplement la purification
des sanctuaires situés sur divers points de la Palestine (cf.
Oest-reicher, Das deut'ische Grundgesetz, p. 103ss; Stasrk, Das
Probl. des Deut., p. 33SS; et Welch, Code of Deut.). Ces
savants appuient leur théorie principalement sur leur interprétation
de la recommandation, souvent répétée, que les sacrifices soient
offerts bammâqôm acher yibkhar Yahvé, ce qu'ils traduisent «dans
chaque lieu que Yahvé choisira», rompant avec la traduction
habituelle: «au lieu que Yahvé choisira». Mais, comme on l'a montré
ailleurs en détail, cette interprétation n'est pas admissible (cf.
Siebens 0. c, p. 103-118). Nous convenons avec ces savants que le
but des lois religieuses, dans le code, est l'exaltation de Yahvé,
l'adoration purifiée par la suppression d'éléments cananéens et
païens. Mais nous croyons que cet objectif devait être atteint grâce
à la centralisation du culte à Jérusalem. Théorie et pratique
s'accordent ici d'une façon qui ne se trouve nulle autre part dans la
Bible.
6.
Date et auteurs.
Quand le Deutéronome fut-il écrit? A qui est due sa composition? Ces
questions ont intrigué d'innombrables chercheurs, depuis le temps des
plus anciens Pères de l'Église jusqu'à nos jours, et la littérature
considérable inspirée par ce sujet montre l'incertitude qui l'entoure.
Il y a six théories principales sur l'origine du Deutéronome.
1.
La théorie «traditionnelle», qui lui donne toujours Moïse pour
auteur. Depuis les cent dernières années, les progrès de la critique
historique et littéraire ont fait perdre graduellement du terrain à
cette idée, et aujourd'hui aucun savant n'accepte plus cette
hypothèse que Moïse l'a écrit tout entier. Toutefois, plusieurs
écrivains ont défendu récemment des variantes modernes de la théorie
qui veut que Moïse soit l'auteur de cet ouvrage (ainsi Naville, Orr,
Wiener, Loehr).
2.
La théorie suivant laquelle le Deutéronome daterait de l'époque de
Salomon, ou des premiers temps de la royauté. Les adeptes de cette
idée estiment que le code exige une centralisation non absolue, mais
relative (Oestreicher, Staerk, Welch soutiennent cette théorie).
3.
La théorie dite critique, qui veut que le livre trouvé par Hilkija
dans le temple en 621 av. J.-C (2Ro 22 2Ro 23). soit une forme de
notre Deutéronome. La majorité des auteurs actuels se rattache à l'une ou
l'autre branche de l'école critique.
4.
La théorie d'après laquelle le Deutéronome est le livre de la Loi
pour la partie du peuple laissée en Palestine après que les chefs
eurent été emmenés en captivité en 586. Tenants de cette opinion:
R.H. Kennett, S.A. Cook, L.E. Binns et F.C. Bur-kitt.
5.
Pour les partisans de la théorie suivante, le Deutéronome serait le
résultat étrange des rêves d'idéalistes captifs à Babylone. G.
Hoelscher est à la tête de ce groupe; parmi ses disciples sont F.
Horst et W. Spielberg.
6.
Une sixième théorie, qui est, en un sens, une variante de la théorie
critique communément acceptée, sera exposée plus loin.
Une discussion de ces diverses manières de voir doit nécessairement
être brève dans cet article. Au sujet de la théorie rabbinique
traditionnelle, d'après laquelle Moïse aurait écrit le Deutéronome
dans son entier, nous pouvons affirmer que la recherche scientifique
la révèle insoutenable. En aucun endroit du livre, Moïse ne se donne
comme son auteur, et souvent il est parlé de lui à la troisième
personne. Toute cette théorie a été réfutée si souvent et de façon si
concluante, que nous ne consacrerons que peu d'espace à la question
dans ces colonnes (cf. A. Westphal, Sources du Pent., 1892,
II, p. 42SS; Driver, Deut., 1895, p. 37SS; et Battersby-Harford
dans The Expositor, 1925). De fait, nous ne connaissons aucun
écrivain autorisé et vivant qui considère Moïse comme ayant écrit ce
livre. A l'origine, les traditionalistes étaient logiques quand ils
adhéraient à la théorie dont nous parlons, car ils soutenaient que
Moïse avait réellement écrit tout le Deutéronome; mais les
«traditionalistes» modernes, tout en retenant Moïse comme auteur
principal, exceptent de nombreuses portions du livre. Même feu J. Orr
admettait la «possibilité d'une révision et d'annotations de
l'éditeur» (Problem of the O.T., p. 283). Il admet de plus que le
Deutéronome peut être une «reproduction libre avec des amplifications
ou des abréviations, et parfois des modifications pour s'adapter aux
circonstances» (ibid., p. 248) du livre de l'Alliance. Il accorde
aussi que cette «reproduction libre et littéraire» de la Thora (ibid., p. 264)
peut avoir été faite par une autre personne que
Moïse sans violer le principe de la mosaïcité du Deutéronome, proclamé dans
31 9,24,26. En réalité, Orr est obligé de prendre cette position,
puisqu'il pense que «l'écriture qu'employait Moïse était autre que
l'ancien hébreu», car il laisse «au transcripteur ou à l'interprète
le soin de compléter et de donner l'impression vivante de la scène et
de la voix» (ibid., p. 265. Ceci le sépare aussi hardiment de la
théorie traditionnelle que de la théorie critique qu'il attaque).
Si le Deutéronome n'a pas été écrit par Moïse, où placerons-nous
ce livre dans l'histoire d'Israël? Nous croyons que son origine doit
se trouver dans la réforme sous Josias et la période qui suivit la
découverte du livre dans le temple par Hilkija en 621. La comparaison
ci-dessous entre quelques-unes des lois du Deutéronome et le récit
des mesures prises par Josias pour sa réforme (2Ro 22 2Ro 23)
montrera que le principe central des parties religieuses du code est
le même que celui qui inspira la réforme.
LOIS du Deutéronome (De 12-26)
correspondant aux
MESURES de réforme de Josias
(2Ro 22 2Ro 23)
LOIS du Deutéronome
1. Exaltation du lieu que Yahvé "choisira"
(De 12:5,11,14,18,21,26 14:23-25 15:20 16:2,6,7,11,15,16 17:8,10 18:6 26:2
cf De 31:11 mais qui n'est pas dans le code).
2. Contre la sorcellerie (De 18:11).
3. Contre l'adoration des astres (De 17:3)
4. Contre le culte de Moloch (De 18:10).
5. Contre Achéra et Matséba (De 12:3 16 21,22 et suivant).
6. Contre la prostitution sacrée (De 23:17).
7. La Pâque imposée (De 16:1-8).
8. L'importance capitale des commandements du code (De 28:58
29:20)
MESURES de réforme de Josias
Action de Josias:
1.
a) Contre les prêtres des hauts-lieux, kôka-nîm
(De 23:8,9,20) ,kemàrîm ;(De 23:5)
b) Contre les hauts-lieux.
(De 23:8,13,15,19 voir verset9)
2. Contre la sorcellerie (De 23:24).
3. Contre l'adoration des astres (De 23:4,5,11,12)
4. Contre le culte de Moloch (De 23:10).
5. Contre Achéra et Matséba (De 23:4,6,14,15).
6. Contre la prostitution sacrée (De 23:7).
7. La Pâque observée ( De3:21-23)
8. L'affliction de Josias sur la négligence passée.
(De 22 11,12,17,19)
La grande majorité des savants d'aujourd'hui a reconnu
l'identification suggérée par ce tableau, et l'interprétation
généralement acceptée de ce fait est que le livre trouvé en 621 était
notre Deutéronome ou une partie importante de ce livre, lequel fut
révisé et complété plus tard. De Wette, Dissert, crit.
exeg., 1805, a été, dans les temps modernes, le propagateur de cette
idée, bien que plusieurs autres l'eussent professée avant lui (par
ex. Athanase, Chrysostome, Jérôme, Procope, aussi bien que Hobbes,
1651, Samuel Parvish, 1739 et, en principe, Vater, 1805). Cette
opinion est l'une des pierres angulaires de l'école critique
Graf-Wellhausen, parce qu'elle aide à fixer les autres documents du
Pentateuque. Comparé à la législation de l'Exode (JE), le Deutéronome
semble appartenir à un stade ultérieur de développement social et
religieux; et comparé à la législation sacerdotale du Lévitique, le
Deuteronome paraît être antérieur dans le développement progressif.
Donc, si le Deutéronome est de 621 av. J.-C, il en résulte que JE doit être
placé vers le VIII e ou le IX e siècle, et P au V e ou au VI e siècle
av. J.-C, (voir Pentateuque).
Il est significatif de noter que ceux aux yeux desquels le Deutéronome a
été écrit durant un exil (palestinien ou babylonien) se rallient
néanmoins à l'ordre des sources que nous avons indiqué, soit JE, D et
P. Ils donnent à toutes ces lois une date plus tardive que celle
qu'admet l'école dite critique. Mais les partisans de cette théorie,
tels que Kennett et Hoelscher, ne donnent aucune explication des
ressemblances remarquables qui existent entre le Deutéronome et le récit des
événements rapportés dans 2Ro 22 2Ro 23. Cette omission affaiblit
sérieusement leur thèse.
Puisqu'il semble définitivement prouvé qu'il y a une certaine
connexion entre l'origine du Deutéronome et les événements de 621, il nous
reste à rechercher la nature de cette parenté. Quelques adeptes de
l'école critique ont soutenu que le livre trouvé dans le temple avait
été écrit durant le règne d'Ézéchias ou celui de Manassé et que, en
raison de l'attitude de Manassé à l'égard du culte de Yahvé, le
nouveau code ne put être mis en vigueur et disparut pour un temps,
puis fut retrouvé par hasard en 621. (C'est le point de vue de
Kuenen, Oettli, Addis, Westphal, Driver, Sellin). D'autres adeptes de
la même école pensent que le livre trouvé dans le temple fut rédigé
en secret peu après 621, en vue de susciter une réforme et d'amener
la centralisation du culte à Jérusalem. Il serait entré dans le plan
des instigateurs que le document fût trouvé fortuitement par Hilkija,
qui aurait probablement joué son rôle dans cette «fraude pieuse»
(ainsi pensent de Wette, Reuss, Graf, Wellhausen, Stade, Cheyne).
Rien dans les textes ne justifie cette idée.
Si nous croyons qu'il y a une relation directe entre le
Deutéronome et la réforme de Josias, nous hésitons à admettre que le
livre trouvé dans le temple fût notre Deutéronome ou un document très
semblable. Ce «livre» mystérieux était sans aucun doute de nature à
inspirer à Josias et à ses assistants la conviction que les formes du
culte alors existantes n'étaient pas en accord avec la volonté de
Yahvé. Mais nous n'avons aucune garantie que toutes les lois
renfermées dans le Deutéronome actuel, même pas celles qui concernent le
culte, fussent comprises dans le document qui venait d'être découvert
et sur lequel Josias et ses aides se seraient appuyés pour guider
leur réforme, comme l'on s'en réfère à une carte routière ou à un
livre d'instructions.
Nous inclinons plutôt à penser que le livre en question fut un
stimulant pour les réformes qui se traduisirent par la centralisation
du culte; nous croyons que notre Deutéronome contient:
(a) quelques «lois» religieuses qui ont pu venir du
livre trouvé par Hilkija;
(b) d'autres lois qui. existaient antérieurement;
(c) d'autres, enfin, qui durent leur existence à la
réforme. Bref, notre Deutéronome est une collection de documents
d'origines très variées. Ceci s'applique aux «introductions»
historiques comme aux lois.
Beaucoup des éléments de notre Deutéronome sont d'une incontestable
ancienneté, certains même peuvent remonter à Moïse. Mais l'assemblage
de ces parties eut lieu probablement entre 621 et 586 av. J.-C. Le
style de notre Deutéronome donne à penser qu'il a vu le jour durant cette
période, car ce style a une ressemblance marquée avec celui de
Jérémie ou des portions «deutéronomiques» du livre des Rois. Durant
les dernières années de la royauté, une activité littéraire de ce
même type semble avoir été très répandue. De nombreux adhérents de
l'école critique estiment que cette rédaction est le résultat de
plusieurs révisions d'un livre, lequel était en substance le même que
le nôtre. Quelques auteurs (Steuernagel, Hempel, Puukko) ont tenté de
démêler de façon précise les versions successives par lesquelles,
selon eux, le Deutéronome a passé. Mais cette théorie d'un
développement par des éditions ne nous semble pas justifiée. (Pour
une discussion plus approfondie sur ce point, voir Siebens, o. c,
pp. 225SS).
7.
Conclusion.
Le Deutéronome contient des couches historiques et légales d'une
réelle importance, remontant à des périodes variées de l'histoire
d'Israël. Ainsi, parmi les lois, il en est qui dérivent de hautes
préoccupations morales ou humanitaires et reflètent l'exaltation de
Yahvé par les prophètes du VIII e siècle, tels qu'Osée, Amos, Michée
et Ésaïe. D'autres lois, comme celles qui correspondent exactement à
JE, sont plus anciennes encore. Mais ces lois ne furent pas écrites
en secret, puis perdues et retrouvées ensuite. Elles émanèrent de la
vie elle-même à différentes périodes et furent enfin réunies aux lois
relatives à la centralisation du culte à Jérusalem. De même, les
parties «historiques» du Deutéronome, produit du génie littéraire
naturel d'Israël, furent aussi rassemblées. Nous croyons que tous ces
matériaux historiques, parénétiques ou législatifs furent réunis vers
le moment que nous avons indiqué et subirent l'empreinte littéraire
de cette époque.
Il serait déplorable, toutefois, que les controverses véhémentes
suscitées à propos de l'origine du Deutéronome fissent oublier les
richesses spirituelles de cet héritage sacré qui est le nôtre. Nulle
part dans l'A.T. nous ne trouvons un appel plus passionné à la foi en
Dieu et à la fidélité envers Lui. Il n'est pas surprenant que Jésus,
tenté, ait répondu uniquement par des citations du Deutéronome.
BIBLIOGRAPHIE. --
Vu l'espace limité dont nous disposons, nous ne
saurions donner une bibliographie complète de la littérature
considérable du sujet (cf. les bibliographies de Steuernagel, Le
Deutéronome et Josué, 2 e éd., 1923; Driver, Deuteronomy, 1895;
Siebens, L'origine du code deutéronomique, 1929). A.R. S.