DEMEURE

Pour le sens ordinaire de ce mot voir Maison, Tente, Vie nomade et
pastorale, etc.

Il est quelques fois employé au fig.: demeure de la
gloire (Esa 11:10), de la justice (Jer 31:23), la «demeure
éternelle» au sens de mort dans l'ancienne alliance (Ec 12:7) et
au sens de vie éternelle dans la nouvelle alliance (2Co 5:1),
etc.

Par anthropomorphisme, le ciel est considéré comme la demeure de
Dieu (Ps 33:13 et suivant, Am 9:6, etc.), demeure
haute (Esa 57:15), sainte (De 26:15,Ps 68:6 etc.), et
glorieuse (Esa 63:15).

Dieu fait aussi sa demeure parmi les hommes: dans la Terre
promise (Ex 15:13,17), très particulièrement dans son
temple (1Ro 8:13,Ps 46:5 74:7), et dans son peuple parmi ses
fidèles (Le 26:11,Eze 37:27), alors que la résistance des chefs
juifs à Jésus leur vaudra l'abandon par Dieu de sa demeure, qui était
aussi leur demeure, comme centre de la nation (Mt 23:38,
allusion à Jer 12:7).

Mais l'oeuvre du Sauveur consiste précisément à établir la
demeure de Dieu chez les croyants: désormais il ne s'agit plus de
localisation en un point de l'espace, mais d'état d'âme et de
communion spirituelle.

Tandis que les évangile synopt. emploient couramment le verbe
demeurer (grec méno) au sens extérieur et physique, même dans la
prière des disciples d'Emmaüs: «Reste (=demeure) avec nous», le 4
e évangile l'emploie au contraire presque toujours, ainsi que le nom
correspondant (monê), au sens intérieur et mystique: non plus
«demeurer avec» (Jn 14:25), mais «demeurer en». Cette
expression revient environ trente-cinq fois dans l'évangile et plus
de vingt fois dans les ép. de Jn. Jusqu'au suprême entretien du
Seigneur dans la chambre haute, nous n'avons que des aperçus
passagers sur la nature de cette habitation permanente (Jn 6:56
8:31,35 12:24,34,46); ce sont les développements des ch. 14 et 15
qui déroulent d'avance les sublimes réalités de la vie de l'Esprit,
prochaines pour le chrétien, à partir de la Pentecôte, et liées
organiquement à l'ineffable communion du Christ avec son Père.
«L'Esprit demeure avec vous, et il sera en vous» (Jn 14:17); de
même que le Christ veut demeurer en chaque croyant (image du cep et
des sarments, Jn 15:1 et suivants)--demeurez en moi, et moi je
demeurerai en vous (verset 4-7)--, de même il veut demeurer dans la
communion collective des croyants: demeurez dans mon amour (Jn
15:9).

Cette demeure recommandée à ses disciples, pour qu'ils y vivent
en permanence, dans l'atmosphère de son amour rédempteur, il la
compare à sa propre vie permanente dans l'atmosphère de l'amour de
son Père: «comme moi-même j'ai gardé ses commandements, et je demeure
dans son amour» (Jn 15:10). La communion de ses disciples avec
lui, en réalité trop souvent instable, a pour contre-partie et pour
modèle sa parfaite communion avec le Père: «Vous reconnaîtrez que je
suis en mon Père, que vous êtes en moi et que je suis en
vous» (Jn 14:20).

Le plan divin veut établir la corrélation entre l'habitation
permanente de Dieu et de Christ chez le chrétien: «nous ferons notre
demeure chez lui» (Jn 14:23) et l'habitation permanente du
chrétien en Dieu: «il y a plusieurs demeures dans la maison de mon
Père» (Jn 14:2), ce qui ne proclame pas seulement l'accueil
généreux de son ciel, mais aussi la variété de l'expérience
religieuse qui demeure avec le divin pendant cette vie elle-même. Une
telle corrélation réalisera l'idéal surhumain de la prière qui
termine ces entretiens: «Que tous soient un, comme toi, Père, tu es
en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous!» (Jn
17:21).

En demeurant ainsi en Christ et par lui en Dieu, le chrétien ne
tombe pas par là dans un immobilisme spirituel, quiétiste, passif:
cette communion est la source de son instruction (1Jn 2:27), sa
lumière (1Jn 2:10) et sa force de victoire sur le péché (1Jn
3:6), l'objet de son témoignage (1Jn 4:15), la condition de son
activité (1Jn 2:6), la conséquence de son obéissance (Jn
15:8-10), la cause de sa joie parfaite (Jn 15:11) et de son
assurance pour l'avenir éternel: (1Jn 2:28) «Celui qui fait la
volonté de Dieu demeure éternellement» (1Jn 2:17). Lorsque enfin
cette épître johannique résume la vie éternelle dans l'amour (1Jn
3:14), elle rejoint en d'autres termes la pensée de saint Paul: «Des
trois vertus qui demeurent, la plus grande est l'amour» (1Co
13:13). Au verbe johannique «demeurer» correspond d'ailleurs la
formule paulinienne «en Christ» (voir Communion). Jn L.