DAMAS
Immense oasis à la lisière du désert de Syrie, abritée au pied de
l'Antiliban, arrosée par divers frais torrents (cf. 2Ro 5:12)
comme le Barada, qui assurent la fertilité de la plaine environnante,
Damas devint certainement de fort bonne heure une halte des plus
appréciées et un centre de caravanes fort important, entre les
peuples de la Méditerranée et ceux de la Mésopotamie, comme entre
l'Arabie et les rives de l'Oronte; elle a toujours eu de nombreux
khans ou caravansérails pour les marchands de passage (fig. 60).
Une tradition populaire, qui subsiste encore de nos jours, fait
de Damas la plus ancienne ville du monde. Son origine, en effet, est
totalement inconnue. Josèphe (Ant., I, 6:4) en attribue la
fondation à Uts, petit-fils de Sem; et Nicolas de Damas, le biographe
d'Hérode le Gd, dit qu'Abram y régna avant de se rendre en Palestine
(ibid., I, 7:2, cf. Ge 14:15).
Les premières mentions de la ville, dans le rapport des conquêtes
du pharaon Thoutmès III, vers 1450 av. J.-C, et dans les tablettes de
Tell el-Amarna, vers 1400, nous la montrent sous la suprématie
égyptienne; il semble pourtant qu'elle passa bientôt sous la
domination hittite. Ramsès II (1292-1225), le pharaon qui opprima les
Israélites en Egypte, arriva peut-être jusqu'à Damas; en tout cas,
lorsque l'empire hittite fut en décadence, Ramsès III (1198-1167)
reconquit, mais pour peu de temps, cette ville, dont la population,
vers cette époque, devint de plus en plus araméenne.
La conquête de Damas par David (2Sa 8:5 et suivants) ne
semble pas être un fait historique; si elle eut lieu, elle fut bien
éphémère, puisque Rézon, fils d'Eljada, se révolta contre son maître,
Hadadézer, roi de Tsoba, au cours de la guerre entre ce dernier et
David, s'empara de Damas et y fonda, vers 950, une dynastie hostile
aux Israélites (1Ro 11:23-25).
Son successeur fut Hézion (1Ro 15:18), à moins que celui-ci
ne soit Rézon lui-même, comme quelques critiques le croient; le fils
de Hézion, Tabrimmon, fut l'allié d'Abijam (1Ro 15:19), vers
916. Ben-Hadad I er, fils de Tabrimmon, prêta son secours à Asa
contre Baésa (1Ro 15:16-22), vers 900, et obtint d'Omri des
bazars à Samarie pour les marchands de Damas (1Ro 20:34), vers
886. Ben-Hadad II (Bir-Idri ou Hadad-Idri en assyrien), qu'on
identifie quelques fois, sans raison suffisante, avec Ben-Hadad I
er, (cf. 1Ro 20:34) est le vrai fondateur du royaume de Damas:
32 rois lui sont soumis (1Ro 20:1). Tandis que son père avait
imposé ses conditions de paix à Omri (1Ro 20:34), Ben-Hadad II
fut battu par Achab; il avait assiégé le roi d'Israël dans sa
capitale (1Ro 20:1 et suivants, le siège de Samarie décrit en
2Ro 6:24-7:20 semble être celui de 857), mais fit des
conditions de paix si humiliantes qu'Achab, encouragé par un oracle
prophétique, fit une sortie «et fit éprouver aux Syriens une grande
défaite», vers 857. L'année suivante (1Ro 20:22 et suivants)
leur défaite fut encore plus décisive: Ben-Hadad choisit la plaine de
Jizréel (Aphek) comme champ de bataille (l'Éternel avait triomphé à
Samarie puisqu'il était «un dieu des montagnes»), mais son armée fut
anéantie. Ben-Hadad se rendit sans conditions, et Achab,
contrairement à l'avis des prophètes (1Ro 20:35-43), offrit une
paix honorable, sur la base du statu quo ante (verset 34): il
comprit qu'il n'aurait pu soumettre Damas pour longtemps et
pressentait la menace assyrienne. La paix (cf. l'histoire de Naaman,
2Ro 5) dura trois ans (1Ro 22:1), au cours desquels
Salmanasar III, roi d'Assyrie, se battit à Karkar (854) contre une
coalition comprenant Hadad-Idri (Ben-Hadad) de Damas avec 1.200
chars, et d'autres princes.
Le roi assyrien se vante d'avoir vaincu; mais il dut rentrer dans
son pays sans avoir obtenu des résultats tangibles, et dut
entreprendre deux autres campagnes contre Ben-Hadad (849 et 846),
puis deux encore contre le successeur de ce dernier, Hazaël (842 et
839), sans pouvoir prendre Damas. En 843 Achab et Josaphat montèrent
à Ramoth en Galaad, que Ben-Hadad n'avait pas rendue à Israël, bien
qu'il l'eût promis: l'expédition réussit, mais Achab paya de sa vie
la victoire (1Ro 22). Hazaël, d'après 2Ro 8:7-15, avait été
reconnu par Elisée comme successeur de Ben-Hadad, et, en effet, gagna
la couronne en étouffant le roi malade (842).
De 839 à 805 l'Assyrie n'attaqua point Damas, ce qui permit à
Hazaël de ravager (Am 1:3 et suivant, 2Ro 8:12) et de
conquérir (2Ro 10:32 et suivant) les provinces de Jéhu à l'Est
du Jourdain: il tirait vengeance du roi qui ne l'avait pas aidé
contre Salmanasar en 839. Hazaël continua d'opprimer Israël pendant
le règne de Joachaz (2Ro 13:3,22); les 2.000 chars de guerre
d'Achab furent réduits à 10 sous Joachaz (2Ro 13:7). Hazaël
marcha vers le S. et conquit Gath; Juda n'échappa qu'au prix d'une
forte indemnité (2Ro 12:17 et suivant, cf. 2Ch 24:23 et
suivants).
Au début du règne de Ben-Hadad III (2Ro 13:3), Damas
conserva sa puissance, mais pour peu de temps: Adad-Nirari III
envahit son royaume en 805, l'assiégea et exigea une forte somme;
Joas en profita pour reprendre les villes enlevées par Hazaël à
Israël (2Ro 13:25), et Zakir, roi de Hamath (était-il allié des
Assyriens?), se vante, sur une stèle trouvée en 1903 par M. Pognon
près d'Alep, que son dieu le délivra d'un siège de Bar-Hadad fils de
Hazaël, qui était à la tête d'une coalition des princes araméens.
Désormais l'Assyrie ne cessera de tracasser Damas jusqu'à la prise de
la ville par Tiglath-Piléser III en 732. En 772 Assour-dan III
attaqua Damas (dont le roi était peut-être Tabéel, nommé Esa
7:6), et Jéroboam II rétablit Israël dans son étendue
intégrale (2Ro 14:25). Pour se défendre contre Tiglath-Piléser
III (745-727), Retsin de Damas et Pékah d'Israël formèrent une
alliance (734). Achaz de Juda se refusa à intervenir et fut attaqué
par les alliés, sur quoi il fit appel à Tiglath-Piléser III (2Ro
16:5 et suivants, Esa 7:1 et suivants, cf. 2Ch 28:5-18:
lire Édomites au lieu de Syriens dans 2Ro 16:6). Le roi
d'Assyrie avait soumis la Phénicie et le pays des Philistins en 734;
Samarie et Damas étaient isolées: en 733 Pékah fut tué par Os qui fit
acte de soumission; en 732 Tiglath-Piléser dévasta 591 villages du
royaume de Damas, Retsin fut exécuté (2Ro 16:9) et 800 habitants
furent déportés à Kir ;(ibid., Am 1:5) désormais Damas était
une province assyrienne. A l'exception d'une mention faite, par
Sargon, Damas n'est plus nommée dans les sources assyriennes.
Sous les Perses (538-333), Damas prospéra de nouveau; Cambyse y
mourut, Darius y plaça sa famille avant la bataille décisive contre
Alexandre (Issus). Dans la période hellénistique, Damas perdit
beaucoup de son importance, par le développement commercial que prit
Antioche. Vers 85, Damas passa sous la domination des Nabatéens
(Arétas) et, en 64, Pompée y établit l'autorité romaine. Quand Paul
visita Damas au temps de Caligula (37-41 ap. J.-C.), un autre Arétas
roi des Nabatéens y régnait sous l'égide de Rome (2Co 11:32).
Après la conquête arabe (634) Damas supplanta Antioche en importance,
et, pour un siècle (650-750), elle fut la capitale du califat
omeyade, comme ensuite du royaume de Saladin (1137-1183).
Pour la conversion de Paul sur le chemin de Damas (d'où la
locution désignant une révélation soudaine: trouver son chemin de
Damas), et pour la portée de ce fait, voir Paul.
BIBLIOGRAPHIE
--Voir Israël, Assyrie et Babylonie.
--E.G.H. Kraeling, Aram and Israël, New York 1918.