CYRUS
(grec Kyros, hébreu Korech, perse Kurach)
Quatrième roi de la dynastie aryenne des Achéménides, et deuxième
du nom; fonda, par ses conquêtes extraordinaires, l'immense empire
perse, qui s'étendait depuis l'Hellespont jusqu'aux frontières de
l'Inde.
Les auteurs bibliques voient en lui le souverain puissant et
généreux, le serviteur et l'oint de Yahvé, que celui-ci a choisi pour
accomplir ses promesses de grâce; les auteurs classiques en ont fait
un type légendaire à la façon du Charlemagne des romans du Moyen âge.
A ces deux séries de traditions s'ajoutent les textes cunéiformes
relatifs à la prise d'Ecbatane et de Babylone et le cylindre de Cyrus
lui-même.
Les renseignements sur Cyrus sont souvent contradictoires. Déjà
Hérodote, notre principale source, ne nous rapporte que des légendes.
D'après lui, le dernier roi de la Médie, Astyage, avait marié sa
fille Mandane avec le Perse Cambyse, roi de Suse, où les Achéménides,
descendus des montagnes, avaient soumis les Cosséens ou Anzanites
indigènes et fondé un nouveau royaume sur les ruines de l'empire
élamite. Terrifié par des songes, où il voyait sortir de sa fille
tantôt un torrent, tantôt une vigne couvrant l'Asie entière, Astyage
remit l'enfant qui naquit de cette union à son homme de confiance,
Harpage, avec l'ordre de le tuer. Celui-ci, craignant la vengeance de
Mandane, confia l'enfant au berger Mithradate, qui, au lieu de
l'exposer dans les montagnes, comme il en avait reçu l'ordre, le
substitua à son propre fils mort-né, que sa femme venait de mettre au
monde, et montra au roi le cadavre de celui-ci. Ayant découvert plus
tard la supercherie dont il avait été victime, Astyage punit Harpage
cruellement. C'est ce qui amena sa perte, car Harpage entra en
correspondance secrète avec Cyrus, renvoyé auprès de ses parents, et
lui persuada de se révolter. A son instigation, l'armée d'Astyage
chargée de combattre les rebelles se révolta, arrêta le roi et le
livra à Cyrus. Ecbatane, capitale de l'empire mède, fut prise en 550,
et le vainqueur changea son titre de roi d'Anzan (Susiane) en celui
de roi de Perse, la Médie faisant dorénavant partie de ses États
héréditaires.
En 547, l'empire de Cyrus s'étendait déjà jusqu'à l'Halys. Le roi
de la Lydie, Crésus, encouragé par les oracles grecs et fort de ses
alliances avec la Babylonie, l'Egypte et Sparte, se résolut à
attaquer le premier. Affaibli par la bataille de Ptéria (ancienne
capitale des Hittites), vaincu dans la plaine de l'Hermus, il dut
s'enfermer à Sardes, qui ne tarda pas à tomber (546). Avec la Lydie
les colonies grecques d'Asie Mineure furent soumises. Pendant six
ans, Cyrus pacifia les peuplades habitant entre la mer Caspienne et
l'Inde. Il arriva jusqu'à l'Iaxartes, où il éleva la forteresse de
Cyropolis. Ensuite il se tourna contre Babylone, où il comptait déjà
des partisans. Le roi Nabonide, qui gouvernait avec son fils
Balthazar =Belsatsar, s'était aliéné une partie du clergé en
introduisant le culte des dieux locaux d'Ur et d'Éridou dans sa
capitale. Cyrus, devenu ainsi le protégé de Mardouk, commença le
siège en détournant les eaux de l'Euphrate. Son général, Gobryas,
ancien gouverneur de Nabonide qui s'était rallié aux Perses, entra
«sans combat ni bataille» dans la cité. La Babylonie entière, avec
tous ses États vassaux, devint perse.
La suite ininterrompue de ces brillantes victoires trouva son
écho dans Esa 41:2-8 44:28 45:1-6,13 48:14 et suivant. Mais
contrairement aux prédictions des prophètes d'Israël, la ville et les
habitants de Babylone furent épargnés. Cependant les espoirs
enthousiastes que les exilés juifs avaient nourris depuis la mort de
Nébucadnetsar (Esa 13 Esa 14 21:1-9 Esa 40 à Esa 55)
devaient se réaliser. A la fête du nouvel an, le 20 mars 538, Cyrus,
dans une solennelle cérémonie d'intronisation, reçut sa consécration
comme roi de Babylone et «prit les mains du dieu Bel-Mardouk». Les
gouverneurs et princes tributaires de l'empire caldéen accoururent
pour se soumettre et se recommander au nouveau maître.
Cyrus restitua aux diverses cités les statues, images et autres
objets du culte que les rois babyloniens avaient fait transporter
dans leur capitale. «Dans la première année» (Esd 1:1,2Ch 36:22)
de sa royauté babylonienne, il publia l'édit (Esd 1:2,4) qui
rendit aux Juifs exilés les vases d'or et d'argent du Temple de
Jérusalem et les autorisa à rentrer en Palestine et à reconstruire le
Temple détruit par Nébucadnetsar. Les dernières campagnes de Cyrus
furent dirigées contre des nomades infestant la frontière
septentrionale de l'Iran, des Massagètes selon Hérodote, des Daces
selon Bérose. Il y mourut en 528 et fut enseveli à Pasargades. La
chambre sépulcrale existe encore. Elle porte l'inscription: «Je suis
le roi Cyrus, l'Achéménide.»
Les succès stupéfiants de ce conquérant de trois, empires sont
dus aux innovations géniales qu'il introduisit dans les domaines
militaire, politique et religieux. Ses soldats portaient le grand arc
et la longue pique, armement qui les rendit supérieurs à tous les
ennemis. Au lieu de transplanter, comme les Assyriens, les
populations des pays conquis, Cyrus leur laissa leurs institutions
nationales, mit à leur tête des princes de leur nationalité et mérita
leur reconnaissance. Loin d'écarter ou de dégrader, comme les
Babyloniens, les divinités étrangères, il les vénéra et protégea leur
culte. C'est par l'application logique de ce dernier principe qu'il
s'assura la reconnaissance des Juifs, qui lui érigea le plus durable
des monuments. F. K.