CONFESSION
Action de confesser (grec exomo-logeîn); ce mot peut être pris
dans deux acceptions différentes.
I
Se dit de ceux qui confessent leur foi. Jésus parle de ceux qui le
confessent ou le renient devant les hommes (Mt 10:32, cf. Ap
3:6). Paul parle de la confession de la bouche qui exprime la foi
du coeur (Ro 10:9 et suivant, cf. Php 2:11). L'épître aux
Hébreux (Heb 13:15) voit dans cette confession un sacrifice de
louanges, le fruit de nos lèvres. La 1 re ép. à Timothée associe la
belle et courageuse profession de foi à l'idée du bon combat (1Ti
1:18) et voit le martyre à l'horizon (Jésus devant Pilate, 1Ti
6:13); il n'y a plus qu'à étendre la main pour saisir la vie
éternelle (1Ti 6:12). Les épîtres johanniques y voient
l'affirmation générale de la foi (1Jn 2:23), et de telle
doctrine essentielle (1Jn 4:2,15 2Jn 1:7). Rapprocher de cette
confession les nombreux passages de l'A.T. qui louent Dieu (Ps
66:1), lui donnent gloire (Esa 6:6, cf. Da 3:28).
II
Se dit de ceux qui confessent leurs péchés.
A. DANS L'A.T.
1.
Il n'y a pas à en chercher l'origine dans les Psaumes
de pénitence de la religion assyro-babylonienne. Le sentiment des
péchés commis, l'aspiration vers le secours de la divinité, sont
exprimés de façon très vive; mais c'est toujours à propos de
manquements extérieurs, rituels, qui ont entraîné des malheurs et des
maladies. Rien de purement moral et religieux.
2.
A travers l'histoire religieuse d'Israël on reconnaît
un véritable progrès dans le sens et la valeur de l'aveu des fautes.
A l'origine, l'homme a le sentiment très fort de son infériorité
devant Dieu (poudre et cendre, Ge 18:27; trop petit, Ge
32:10). Une faute attire un mal sur le pays. La coulpe est physique
en quelque sorte (Ge 20:9); mais la faute morale n'est pas
ressentie (Ge 20:11), même quand la race est sérieuse et la
crainte de Dieu présente. Avec Moïse, avec l'alliance entre le peuple
et son Dieu, l'élément moral se précise dans les commandements (les
décalogues, Ex 20,23; les lois qui forment la conscience, No
5:7; les rites de purification, Le 16:29). Le peuple sait
qu'il doit être fidèle à son Dieu: battu, il se sait châtié;
naïvement il implore la délivrance (Jug 10:13-16). Mais il faut,
pour trouver l'aveu d'une vraie faute morale dont on se sente
responsable, descendre jusqu'à ces prophètes qui ont éveillé le
sentiment du péché en Israël. (Nathan, 2Sa 12:1) La figure de
David marque une date. Il y a encore dans son histoire ce qu'il y a
au temps des Juges et de Saül, l'incompréhensible volonté divine, la
faute qu'on ne reconnaît qu'au malheur, le péché contre Dieu sans
élément moral (Jug 14:4,1Sa 15:9 24:1-17: acte ordonné, péché
contre la coutume, sentiment confus de la faute, angoisse, châtiment,
noble intercession, tous ces éléments se heurtent). Mais après la
lourde faute que Nathan lui reproche, l'aveu est franc, complet: la
vraie confession apparaît (2Sa 12:13).
3.
Avec les grands prophètes le sentiment de la souillure
morale devient tout autre encore (Esa 6:6-7). On arrive à
l'absolu de la conscience (Esa 5:20 1:10-17). Après les
souffrances de l'exil, les âmes ayant été labourées, le sentiment de
la responsabilité personnelle grandit (Eze 18). Et l'on arrive à
cet admirable Ps 51 où la confession a toute la netteté et
l'ampleur possibles: faute, état, coulpe, indignité, nécessité du
pardon et du secours de l'Esprit saint, rien ne manque, c'est le
sommet. Le Ps 32 insiste sur l'état de souffrance de l'âme qui
se tait et sur la nécessité de l'aveu qui saisit le pardon et produit
une détente. La confession se fait à Dieu seul. Point de détails:
Dieu sait; l'essentiel est de se reconnaître coupable et d'implorer
le pardon avec un coeur contrit. A cette hauteur, le pardon est par
grâce, la satisfaction offerte est d'essence spirituelle: sacrifice
intérieur (Ps 51:18), action religieuse (Ps 51:15-17).
4.
Lorsque le peuple retrouve sa patrie et s'installe,
ses peines ne finissent pas et sa vie n'en est pas plus fidèle. Alors
on entend de grandes confessions des péchés, non plus individuelles
mais collectives; Esdras déchire ses vêtements, s'arrache les
cheveux; Néhémie et le peuple jeûnent, couverts de sacs et de
poussière, et confessent leurs péchés (Esd 9:3 et suivants,
Ne 9:1 et suivants). Esdras, entouré de ceux qui ont la crainte
de Dieu, s'humilie avec eux, pour eux. Néhémie unit la confession des
péchés et la louange de Dieu--la double confession--dans une longue
prière. Daniel (Da 9:3 et suivants) jeûne avec le sac et la
cendre et confesse à Dieu les péchés de son peuple. Toutes ces
prières sont de même style. C'est déjà en quelque mesure le ton que
prendront les liturgies chrétiennes.
Le judaïsme devenant plus légal, on sent mieux la difficulté
d'atteindre l'idéal. Plus on a de commandements, plus on voit de
transgressions. L'humilité s'impose. Mais les attitudes diffèrent.
Les uns sentent la force de la moindre prescription; Philon (Leg.
ad Caj. 16) arrive à une sorte de stoïcisme; d'autres, cherchant
dans la loi la volonté de Dieu, cultivent la sagesse en vue de la
récompense. Toute justification, toute bénédiction vient à qui suit
la loi. La prière qui comprend largement l'aveu des fautes avec une
foi plus ou moins confiante, s'unit au jeûne. La disposition à la
pénitence se marque par la prière et le jeûne. (cf. Lu 2)
Confession des péchés et contrition se confondent avec l'idée même de
conversion. On en unit la nécessité avec l'ère messianique attendue:
si le peuple ne fait pas pénitence, le Messie ne peut venir (Hén.
50:2 91:14, cf. Ac 3:19).
B. DANS LE N.T.
1.
La confession des péchés ouvre l'ère nouvelle avec la
prédication de Jean-Baptiste. L'aveu consacre la repentance,
laquelle est nécessaire en vue de la grande révolution qu'on attend.
Il faut un changement des coeurs et de la vie pour que les prophéties
s'accomplissent dans leur véritable sens. Jean-Baptiste ne dit pas
autre chose que ce que les prophètes avaient dit; mais il le fait
avec originalité. Son baptême est le sceau de la repentance qu'il
demande. La confession personnelle, sérieuse, est une pièce décisive
de l'action qu'il exerce. Les Pharisiens voulaient s'y soustraire en
faisant du baptême le signe d'une pureté déjà existante (Jos., Ant., XVIII, 5:2).
2.
Dans l'enseignement de Jésus, deux points surtout
sont à relever:
1° D'abord, à travers tout son ministère, le sérieux
absolu qu'il réclame de ses disciples, le sentiment du péché qu'il
éveille en eux, la valeur qu'il attribue à l'aveu dans la repentance.
L'enfant prodigue (Lu 15:21), le péager (Lu 18:13) ont sur
les lèvres la confession idéale, faite de douleur, d'humiliation et
d'un sentiment indicible d'indignité. Rien d'un rite: le coeur
s'ouvre, la conscience parle, Dieu est directement cherché et trouvé.
Sa pure grâce donne le pardon (Lu 18:14). La foi du coeur
obtient le salut (Lu 7:50). Tout l'Évangile est là.
2° Ensuite, au moment où Jésus quitte ses disciples,
la façon dont il met en eux son Esprit pour qu'ils puissent continuer
son oeuvre et former la société qui se réclamera de lui, et vivra de
lui, son Église. Jésus pardonnait les péchés (Mr 2:5,10); il
appelait à lui les âmes tombées et lasses (Mt 11:28); il
exerçait une action libératrice, chassant les esprits malins,
guérissant, sauvant (Lu 19:9 et suivant). Déjà, envoyant ses
disciples en mission, il leur avait donné le pouvoir de
guérir (Mt 10:1). Jean montre comment, dans la chambre haute, il
leur confère celui de pardonner. Par un acte symbolique, soufflant
sur eux, il leur donne son Esprit (Jn 20:23). Et quel pouvoir
leur donne-t-il ainsi? Assurément d'abord celui de discerner, de lire
dans les coeurs. Et puis surtout une puissance d'action sur les âmes,
pour les aider, les délier (Mt 16:19 18:18) ou, si elles sont
rebelles, les déclarer liées, les lier (voir ce mot). Ce n'est pas un
privilège restreint aux Douze, ni une charge qui se transmette, c'est
le don spirituel conféré aux hommes de l'Esprit. C'est l'idéal: à
chacun d'y tendre. C'est une réalité offerte; l'esprit de
consécration et de prière est là pour y amener.
3.
Tout ceci se retrouve à l'état de choses vécues chez
saint Paul. Il veut que les fidèles, avant la communion,
s'examinent et reconnaissent leur état devant Dieu (1Co 11:28,2Co
13:6); quant à l'action qu'on exerce, il y a bien le discernement:
«l'homme spirituel juge de toutes choses» (1Co 2:15). Et il y a
un pouvoir: lier, c'est l'histoire d'Élymas (Ac 13:11) et du
«Corinthien» (1Co 5:5). Mais ceci est du temps. Délier, c'est
l'usage incessant de la puissance de l'Esprit dans l'apostolat:
convertir (2Co 4), guérir, libérer (Ac 16:18 20:10). Il
faut bien noter que pour l'apôtre l'idée du don, du charisme, est à
côté des promesses faites à la foi en général; et le charisme est
individuel (1Co 12). Paul se sait apôtre et se sent l'objet
d'une grâce et d'une mission particulières.
4.
L'épître aux Hébreux n'admet pas de pardon pour la
rechute après la conversion (Heb 10:26-31); c'est outrager
l'Esprit de grâce. Il faut rapprocher ceci du péché contre le
Saint-Esprit (Mt 12:31 et suivant) et de ce que l'épître de Jean
dit du péché qui va à la mort (1Jn 5:16); c'était dans l'Église,
aux premiers temps, une question débattue que le sort des âmes
converties et retombées, dans l'idée où l'on était d'une seule
pénitence avant le baptême.
5.
L'épître de Jacques, par contre, nous introduit
dans ces milieux populaires de Syrie sans doute, où les chrétiens,
prenant avec simplicité les récits et les promesses de l'Évangile,
mettaient en pratique l'intimité chrétienne et l'entr'aide. Voici un
malade. Il fait venir les anciens. Il a quelque chose à avouer. La
maladie n'est-elle pas en rapport avec le péché? Les anciens
l'oignent d'huile au nom du Seigneur. C'est la pratique médicale, et
peut-être un peu plus, unie à la prière. L'homme guérit. Du même coup
il est pardonné. «Confessez-vous donc réciproquement vos fautes.»
C'est la confession mutuelle, familière aux milieux chrétiens bien
unis.
6.
La 1re épître de Jean insiste fortement sur
la nécessité de se reconnaître pécheur; c'est Dieu qui pardonne à qui
confesse ses fautes, et qui purifie (1Jn 1:9, avec la
contrepartie: «Si nous disons que nous n'avons point péché...» v.
10). C'est le principe énoncé dans toute sa spiritualité. Quant au
chrétien qui voit pécher son frère, qu'a-t-il à faire pour lui?
Intercéder (1Jn 5:16); (a) quant au péché qui entraîne la
mort (1Jn 5:16), (b) rien n'indique quel il est. On doit
supposer un état de péché assez grave pour mettre fin à la communion
avec Dieu.
C. DANS L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE. Nous ne pouvons indiquer ici que
très sommairement les étapes de la discipline primitive relative à la
confession auriculaire.
1.
L'Église des premiers temps, dans le domaine de la piété, a gardé des
Juifs la coutume de la confession collective (Didaché 4:14, dans
le culte), et, pour chacun, le devoir et le besoin de se confesser à
Dieu. Les Pères, Chrysostome et Augustin, y insistent avec une grande
force. Ni pour eux-mêmes, ni pour les fidèles, ils ne reconnaissent
la confession à un prêtre avec absolution. Dans le domaine de la
discipline ecclésiastique, pour ceux qui sont tombés, il y a la
pénitence solennelle (Tertullien, De Poenit.) qui implique l'aveu
public des fautes et, quand elle est secrète, l'aveu privé. Les
longues épreuves de cette discipline sont suivies du rétablissement
dans les droits du chrétien.
2.
Au IV e siècle, lorsque le monachisme s'organise, la
confession prend une grande place dans la vie des couvents, sous la
forme des aveux, entre frères, ou faits au supérieur; c'est alors une
véritable direction pour vaincre les tentations, prévenir les chutes,
tendre à la perfection. Il s'y ajoute la pratique de la coulpe
monastique, la punition des fautes. Tout cela fait l'éducation des
consciences et creuse le sentiment du péché: rien d'un sacrement. Par
l'influence des couvents, la confession pénètre le monde laïque. Par
un lent travail, elle tend à remplacer la pénitence publique. Les
livres pénitentiels, depuis le VI e siècle, indiquent au prêtre les
peines (satisfactions) qu'il a à prescrire. Ceci rend la confession
plus détaillée, plus extérieure aussi; les satisfactions deviennent
plus légères. Jusqu'au XII e siècle l'absolution n'est qu'une
intercession où les fidèles voient de plus en plus un pardon
véritable.
3.
La confession catholique est formée lorsqu'elle
devient un sacrement, officiellement au concile de Latran (1215), et
Thomas d'Aquin en donne la pleine théorie: contrition, confession,
satisfaction, absolution.
4.
On sait comment Luther eut à faire porter ses premiers
efforts sur les indulgences, donc sur les questions relatives à la
confession. Lui-même fut toujours très favorable à la confession
privée. On peut dire que c'est un des problèmes urgents de la piété
protestante d'assurer aux fidèles toutes les ressources que comporte
le soin des âmes, sans retomber dans l'artificiel, le mécanisme et la
magie. Le bienfait d'entretiens poussés à fond, des conseils éclairés
et d'une action spirituelle libératrice et créatrice est chose
incontestable. Préparer les pasteurs à cette activité, former un
nombre croissant de laïques ayant le don, afin qu'ils soient un
secours spirituel authentique pour un nombre d'âmes croissant, est le
devoir permanent de l'Église. An.