CHÉRUBINS
1.
Les chérubins, assez souvent mentionnés dans l'A.T., constituent
en général une paire et sont présentés sous forme d'images plutôt
qu'en qualité de créatures proprement dites. Ainsi, le couvercle de
l'arche de l'alliance aurait porté deux chérubins d'or à ses
extrémités (Ex 25:18 Ex 37:7 et suivants, No 7:89), et
Salomon fait faire, pour le temple de Jérusalem, deux chérubins de
bois d'olivier sauvage, hauts de 10 coudées, et revêtus d'or,
destinés à protéger l'arche (1Ro 6:23 8:7, cf. Heb 9:5).
Dans tout le sanctuaire le motif des chérubins sert de
décoration; alternant avec des palmes et des fleurs, il figure sur
les parois intérieures et les murs extérieurs du temple (1Ro
6:29), sur certaines portes (1Ro 6:32,35) et sur le voile du
sanctuaire (2Ch 3:14). Avec des lions, des boeufs et des palmes,
les chérubins ornementent les panneaux des bassins roulants
qu'utilisaient les prêtres pour le service du temple (1Ro 7:29
et suivants). En harmonie avec cette décoration, les tapis du
tabernacle sont eux aussi rehaussés de chérubins (Ex 26:1,31
36:8,35) et tout le temple rêvé par Ézéchiel est orné, lui encore,
de chérubins et de palmes (Eze 41:18 et suivants). C'est du
reste dans le livre d'Ézéchiel que les chérubins sont l'objet des
mentions les plus développées. Le prophète aime à les évoquer dans
ses visions, il se plaît à les décrire (Eze 1:1 et suivants
Eze 10:1 ss Eze 11:22 et il dira (Eze 9:3) que «la
gloire du Dieu d'Israël s'éleva du chérubin sur lequel elle était».
Le Ps 18:11 (cf. 2Sa 22:11) parle curieusement de Jéhovah
qui vole monté sur un chérubin, tandis qu'ailleurs il est plus
vaguement question de Jéhovah assis sur ou siégeant entre les
chérubins (Ps 99:1 80:2,1Sa 4:4,2Sa 6:2, cf. 1Ch 13:6).
Enfin, pour ne rien dire du texte probablement altéré Eze
28:14-16, qui compare le roi de Tyr à un chérubin protecteur,
rappelons que des chérubins, placés à l'orient du jardin d'Éden,
gardent le chemin de l'arbre de vie (Ge 3:24).
Les quatre animaux sans nom de Ap 4:8 sont plutôt des
séraphins. Dans le livre d'Hénoch (61:10), les chérubins figurent en
tête des esprits célestes.
2.
Il est difficile de se faire une idée précise de la forme de ces
êtres fabuleux. La plupart de nos textes n'en disent rien;
quelques-uns leur attribuent simplement des ailes, sans qu'on sache
s'il s'agit d'êtres à forme humaine ou à forme animale ou
semi-animale. Par contre, Eze 41 déclare que les chérubins
ornant son temple ont, tout au moins, deux visages: une face d'homme
tournée d'un côté et une face de lion tournée de l'autre. Ceux qu'il
évoque dans les visions des ch. 1 et 10, et qu'il appelle, du reste,
des animaux, sont plus complexes encore, avec leur visage à quatre
faces d'homme, de lion, de boeuf et d'aigle.
S'il est possible que les chérubins de l'arche aient subi
l'influence de l'Egypte, elle-même ouverte à celle de la Syrie, on
peut dire que le chérubin est vraisemblablement d'origine
babylonienne. Ce nom est un pluriel; au singulier l'hébreu dit
keroub, de la même racine que le mot akkadien kâribou
(kouribou, karoûbou). Dieu ou génie intercesseur, le kâribou
appartient à la catégorie des taureaux ailés, bien connus, dressés
aux portes des temples ou des palais de Mésopotamie (fig. 58), mais
il s'en distingue nettement en ce sens que ses fonctions ne sont pas
tant celles d'un gardien que d'un orant (personnage dans l'attitude
de la prière), servant d'intermédiaire entre l'homme et la divinité,
et dont le nom est «le symbole de la prière perpétuelle et de
l'adoration ininterrompue» (cf. P. Dhorme et L.-H. Vincent, Rev.
Bibl. 1926). Ce kâribou revêt, semble-t-il, à l'origine, une forme
humaine; plus tard il est pourvu d'ailes en nombre variable; avec le
temps il deviendra un être hybride allant même jusqu'à combiner un
buste d'homme avec un corps de quadrupède ailé.
Ces idées et ces figurations ont sans doute exercé leur
influence, directement ou indirectement, sur le keroub biblique, qui
paraît avoir été au début un être humain rehaussé d'ailes, mais qui
évoluera au point de prendre l'aspect fabuleux décrit par Ézéchiel.
Les fouilles de Palestine ont livré jusqu'ici trois représentations
probables de chérubins: les deux génies anthropomorphes de garde à la
porte d'une maquette de sanctuaire à Guézer (XX e -XVIII e siècle),
un quadrupède ailé à face humaine gravé sur le roc à l'entrée des
cavernes royales de Jérusalem (XI e -X e siècle) et les lions
anthropomorphes d'un autel trouvé à Thaanac (un ou deux siècles avant
l'époque d'Ézéchiel).
Le problème des chérubins pose bien des questions singulièrement
difficiles à résoudre. Ces créatures, le plus souvent majestueuses,
étranges et en somme étrangères à la religion d'Israël, démontrent,
une fois de plus, les rapports qui existent entre cette religion et
les religions d'alentour. Il résulte en tout `cas des textes
bibliques que les fonctions des chérubins sont diverses, puisqu'ils
sont tantôt envisagés comme les porteurs de Jéhovah et de son trône
(le chérubin de Ps 18:11 pourrait être une personnification du
nuage d'orage), tantôt comme gardiens de lieux ou d'objets sacrés,
tantôt comme les symboles de la prière continuelle. Cwt.