CANAAN
«Cananéens» est le nom que donne généralement l'école J aux habitants
de Palestine, dépossédés par les Israélites (Ge 12:6 24:3 38:2,Ex
3:8-17 13:5-11,Jug 1:1-5,17,28,29,30,32,33)
Le pays de Canaan est mentionné dans les inscriptions égypt. de
la XIXe dynastie, mais déjà aussi dans les tablettes de
Tell-el-Amarna (XIV e siècle av. J.-C), sous la forme Ki-na-ah-ni,
Ki-na-ah-na, Ki-na-ah-hi. Il s'agit de la région au Sud du pays
d'Amourrou (Syrie du N. et pays du Liban) et il semble bien surtout
de la zone côtière.
C'est une indication que l'on retrouve plus accentuée, en
No 13:29, que les Amoréens occupaient la montagne, les Cananéens le
bord de la mer et la vallée du Jourdain. D'après les données
ethnographiques de la Genèse, Canaan était le fils de Cham (Ge
10:6), comme d'ailleurs Mitsraïm (l'Egypte), Ce rapprochement vient
sans doute du fait que l'on se souvenait que Canaan avait été dès la
plus haute antiquité sous la mouvance de l'Egypte. De Canaan, la même
table fait descendre Sidon, Heth, puis les Jébusiens, Amoréens,
Guirgasiens, Héviens ou Hivvites, Arkiens, Siniens, Arvadiens,
Tsémariens et Hamathiens (Ge 10:13-18). Heth (Hittites) est
rattaché à Canaan, bien que les Hittites soient d'une tout autre race
que les Sidoniens (Si-du-na ou Zi-du-na, dans les tabl. d'El-Amarna);
mais, ici encore, le texte garde le souvenir du temps où les fils de
Heth avaient débordé d'Asie Mineure, vers le S., jusqu'à
Hébron (Ge 23:3). Le voisinage est ici géographique, non
ethnologique.
Quant aux quatre premiers noms (Jébusiens, etc.), ils désignent
des groupements palestiniens; les cinq autres se rapportent tous à
des habitants de la Phénicie du N. et de la Syrie (ceux-ci mentionnés
par les tabl. d'El-Amarna comme étant au pays d'Amourrou). Ge
10:19 restreint (comme les tabl.) le pays de Canaan à la Palestine.
Il est remarquable pourtant qu'à l'époque hellénistique, une ville de
Coelé-Syrie pouvait se dire «en Canaan» (monnaie de Laodicée du
Liban: Qadèch =Tell Nébi Mend), dernier souvenir du temps où le
pays de Canaan s'étendait jusqu'à l'Oronte (cf. Hamath de Ge
10:18).
Les Cananéens apparaissent très souvent, dans d'autres textes,
comme étant simplement un des six ou sept peuples dont les Israélites
eurent à se défaire pour s'établir en Palestine (Ex 3:8,De
7:1,Jos 3:10 9:1,2 11:3,Jug 3:5 etc.). Ils furent certainement,
avec les Amoréens, dont leur langage différait quelque peu (De
3:9), le groupement le plus acharné à la résistance. Sémites,
arrivés en Palestine après les Amoréens, et sans doute dès le III e
millénaire, ils occupaient les régions fertiles (vallée du Jourdain,
plaine de Jizréel, plaine côtière de Sidon à Gaza, Négeb), où ils
s'installèrent solidement, leurs villes s'organisant assez
indépendantes les unes des autres.
Au XVe siècle, ils étaient sous la suzeraineté de l'Egypte, mais
peu à peu s'en détachèrent. L'arrivée des Philistins leur enleva la
plaine du Saron. Les Israélites durent leur disputer le pays sans
pouvoir toujours les déloger: ainsi les Cananéens restèrent à
Guézer (Jos 16:10), à Beth-Séan et dans la vallée de
Jizréel (Jos 17:16), à Thaanac et Méguiddo (Jug 1:27), à
Akko (St-Jean d'Acre) et à Sidon (Jug 1:31), etc. Certaines
villes cananéennes, s'alliant (Jos 9:17), entravèrent les
communications entre le groupe de Juda et les tribus de Benjamin et
d'Éphraïm. D'autres cités du N. connurent la défaite devant
Débora (Jug 5:19). Salomon réussit à unifier tout le pays, mais
les Cananéens avaient largement imprégné leurs envahisseurs, qui
adoptèrent leur langue (les inscriptions hébraïques anciennes de
Guézer, de Samarie, de Siloé dérivent du phénic. archaïque), et les
Israélites avaient conscience de parler «la langue de
Canaan» (Esa 19:18).
La religion cananéenne marquera fortement de ses concepts et de
ses pratiques le culte des Israélites invoquant JHVH, et les
prophètes devront réagir contre des cérémonies idolâtres qui, bien
souvent, auront pris en Palestine la succession des hauts-lieux
cananéens. Finalement les anciens occupants furent absorbés par les
nouveaux venus, auxquels ils transmirent, avec des qualités
indéniables, leurs aptitudes commerciales et industrieuses (Esa
23:8, rapproché de Os 12:8 et suivant). La civilisation
cananéenne est, d'année en année, mieux connue, grâce aux recherches
archéologiques qui explorent actuellement le sous-sol palestinien.
Voir H. Vincent, Canaan ; Rev. Bibl., Syria; Bertholet, Hist. Civ. Isr., etc. A. P.