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+LES LIVRES LES PRIERES DE LA BIBLE... et les nôtres (Westphal A.)
LES PRIERES DE LA BIBLE… et les nôtres Alexandre Westphal
DÉDICACE Au printemps 1861, une jeune femme en deuil débarquait à Maennedorf, bourgade fleurie des bords du lac de Zurich. Là, Dorothée Trudel, qu'on aimait à appeler « Mutterli » (petite mère), avait reçu du Seigneur le don de faire revivre par sa prière l'efficace de la parole : « Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai. » La jeune femme avait perdu coup sur coup quatre fils au berceau, et elle se disposait à éloigner dès sa naissance celui qu'elle attendait. « Pourquoi m'attacher à lui pour le perdre ensuite, comme les autres ! » Dorothée s'entretint longtemps avec elle, pria, puis, suivant un usage qui lui était familier et dont Charles Secrétan a écrit qu'il était « plus facile de le critiquer que de se soustraire à l'effet de certaines coïncidences », elle glissa sa main fluette dans une grande boîte rempli de versets de la Bible : « Voyons, dit-elle, ce que Dieu répond à votre angoisse. » Le billet plié qu'elle retira portait une simple mention : Jér. 31 : 15-17. « On entend des cris à Rama, des lamentations, Rachel pleure ses enfants et refuse d'être consolée, car ils ne sont plus ! Ainsi parle l'Éternel : Sèche tes larmes ; car il y aura un salaire pour tes oeuvres..., de l'espérance pour ton avenir ; tes enfants reviendront. » Alors Dorothée, plongeant son regard limpide dans les yeux de son interlocutrice, lui dit : « L'enfant vivra. » L'enfant a vécu. Et c'est lui qui dédie aujourd'hui à la mémoire de « Mutterli » ce petit livre sur la prière. Puissent les notes qui suivent et dont l'intention est toute de reconnaissance, aider ceux qui cherchent, à trouver, ceux qui demandent, à recevoir, ceux qui heurtent, à franchir le seuil des « portes éternelles ». Paris, 1° juillet 1937. Alex. W.
Dites-moi pourquoi la lune gravite autour de la terre, pourquoi la fleur se tourne vers le soleil, pourquoi le poussin court se réfugier sous l'aile de la poule, pourquoi la main du tout-petit s'accroche obstinément au jupon de sa nourrice, pourquoi le blessé sur le champ de bataille tombe en criant « maman ! et je vous dirai pourquoi l'homme prie. La prière est à l'âme ce que le mouvement est au corps, ce que le souffle est à la poitrine : la manifestation de la vie. Un corps inerte est mort. Une poitrine sans souffle est inanimée. Une âme sans prière est une âme détachée des conditions spirituelles de son existence. Limitée aux circonstances de la terre, elle végète. C'est une grande mutilée. On pourrait dire aussi que, dans la floraison des âmes, c'est une fleur qui n'a pas encore noué. L'humanité a compris cela, d'instinct; aussi les hommes prient-ils sous tous les cieux, parmi toutes les races. La prière établit entre les religions une parenté et parmi tous les adorateurs une fraternité qu'on aurait tort de méconnaître et que, seul, Dieu peut estimer à son prix, parce qu'il est le Père céleste qui reconnaît la voix de ses enfants quel que soit leur langage et retrouve son nom même en leurs bégaiements. Les milieux où la prière a perdu sa flamme sont ceux où une civilisation déformante a tout fait pour le cerveau, pour la jouissance matérielle, rien pour nourrir la conscience et le coeur. Mais, là même, la prière n'est pas éteinte : elle couve sous la cendre. Qu'une épreuve, secousse soudaine, y rouvre les sources profondes de l'âme : la prière jaillit, comme la lave du volcan. Après cela, dire que la prière, chez l'homme civilisé, est un reste de barbarie, une infériorité morale, c'est fermer les yeux à l'évidence {1}. La vérité est que la prière vaut ce que vaut la divinité à laquelle elle s’adresse. Le sauvage africain implore son fétiche, le brigand des Abruzzes demande à la Madone de bénir son poignard j)telle nonne prie son saint et le retourne dans sa niche, face au mur, s'il ne l'a pas exaucée... Prières de la superstition. Le guerrier prie pour la victoire, le financier pour son entreprise, le père pour le bien-être ou le succès temporel de son fils, le naufragé pour le sauvetage... Prière de l'intérêt. Mais Abraham priant pour son neveu ingrat, Moïse priant pour la grâce d'Israël, Etienne priant pour ses bourreaux, Monique pour le salut d'Augustin, Jeanne d'Arc au pied du bûcher, les martyrs huguenots sous la potence, Livingstone pour ses noirs, John Bost pour ses malades, Pasteur avant les expériences qui délivreront l'humanité de la rage, Adèle Kamm sur son lit de souffrance pour la conversion de ses amis et pour la soumission de son propre coeur... Peut-on concevoir des actes plus hauts, où la personnalité se montre avec autant de maîtrise, de désintéressement dans l'amour, de cohésion de son être moral, d'intrépidité dans l'espérance ? Peut-on concevoir une attitude par quoi l'homme s'éloigne autant de l'animalité ? L'homme qui prie, bien loin de se diminuer, se dépasse. Il met à son activité la rallonge divine ; il fait entrer Dieu dans sa vie et redevient lui-même à l'image de Dieu. Ainsi, la prière nous apparaît comme le geste spontané de l'âme pour chercher le contact de l'être mystérieux dont elle se sent obscurément dépendre, qui manifeste sa puissance dans la splendeur des mondes et sa présence par la voix du devoir. Dans la prière « l'homme s'offre à Dieu comme la toile au peintre, ou le marbre au sculpteur ». La nature, a-t-on dit, a horreur du vide. Pour l'univers physique, c'est faux, mais pour la nature spirituelle, c'est vrai. L'âme humaine a horreur du vide. Un silence qui dure l'épouvante. Il est peu de créatures assez dénaturées pour n'avoir pas soupiré au moins une fois dans leur vie : « Mon Dieu, si je pouvais prier ! » Tu peux prier. Il est encore temps de rallumer en toi la flamme de l'oraison. Penche-toi sur la Bible. Avec humilité, recherche dans ses pages les caractères de la prière. Ecoute prier ses héros, et bientôt montera du fond de ton être l'invocation du psalmiste : « Mon cœur dit de ta part : « Cherchez ma face ! » « Je cherche ta face, ô Eternel ! (Ps. 27 : 8).
{1} Dans son livre : L'homme, cet inconnu, Paris, 1936, livre prodigieux par l'abondance des aperçus qu'il donne sur les ressources physiologiques, psychologiques et spirituelles de la nature humaine, le docteur Carrel, qui ne fait pas profession de christianisme, consacre un bref chapitre (p. 170-176) aux états mystiques, à la prière et aux guérisons miraculeuses. «Il faut entendre par prière, dit-il, non pas la simple récitation machinale de formules, mais une élévation mystique, où la conscience s'absorbe dans la contemplation du principe immanent et transcendant du monde. Cet état psychologique n'est pas intellectuel. Il est incompréhensible des philosophes et des hommes de science et inaccessible pour eux. Mais on dirait que les simples peuvent sentir Dieu aussi facilement que la chaleur du soleil, ou la bonté d'un ami. » Parlant de la prière d'intercession, il écrit : « Ce type de prière exige comme condition préalable, le renoncement à soi-même, c'est-à-dire une forme très élevée de l'ascèse. Les modestes, les ignorants, les pauvres, sont plus capables de cet abandon que les riches et les intellectuels. Ainsi comprise, la prière déclanche parfois un phénomène étrange, le miracle. « ...A la suite du grand essor de la science pendant le XIXe siècle..., il fut généralement admis que non seulement le miracle n'existait pas, mais qu'il ne pouvait pas exister... Cette attitude est encore celle de la plupart des physiologistes et des médecins. Cependant, elle n'est pas tenable en face des observations que nous possédons aujourd'hui. » Après avoir énuméré quelques-unes de ses observations, le docteur Carrel conclut : « De tels faits sont d'une haute signification. Ils montrent la réalité de certaines relations, de nature encore inconnue, entre les processus psychologiques et organiques. Ils prouvent l'importance objective des activités spirituelles, dont les hygiénistes, les médecins, les éducateurs et les sociologistes n'ont presque jamais songé à s'occuper. Ils nous ouvrent un monde nouveau. » Ces quelques remarques, venant d'un homme que ses travaux et ses découvertes ont mis au premier plan parmi les savants de notre époque, suffisent à montrer que la prière, envisagée sous sa forme la plus élevée et analysée dans ses effets pratiques, offre un sujet éminemment actuel, non seulement à la méditation de tout homme qui croit, mais à la réflexion de tout homme qui pense.
LES PRIERES DE LA BIBLE
Les personnages que la Bible va nous présenter dans leurs entretiens avec Dieu ne sont pas des personnages ordinaires. L'ordre dans lequel ils apparaissent échappe au déterminisme historique. Dieu, par eux, déploie un plan, qui est celui de sa révélation parmi les hommes. Ce plan donne à leur succession dans le temps et à leur attitude dans la prière une valeur normative pour nous. Comprendre cela, étudier leur manière d'être, faire son profit de leurs expériences, c'est déjà être « enseigné de Dieu ».
La prière de Caïn.
« Caïn dit à l'Eternel : « Mon châtiment est trop grand pour que je puisse le supporter ! Voici, tu me chasses... Le premier qui me rencontrera me tuera ! » L'Eternel répondit à Caïn et le marqua d'un signe, pour qu'aucun de ceux qui le rencontreraient ne le frappât. » (Genèse 4 :13-15).
N'est-il pas étrange que la première prière rapportée dans la Bible soit la prière d'un maudit? Et pourtant, elle est là, sous la forme d'un dialogue entre Dieu et Caïn, et le désir de Caïn est exaucé. La prière du premier meurtrier est la prière de la peur. Elle nous révèle une vérité qui se fait jour tout le long de l'histoire et que le livre d'Esaïe résume en ces mots : « Point de paix pour le méchant. » Nous y voyons ensuite l'angoisse où met l'isolement moral, la conviction que désormais le réprouvé s'en ira, délaissé par le Créateur, vers les hasards infortunés de la vie errante, jusqu'au jour où d'autres, aussi méchants que lui, le tueront. Prière franche et farouche, qui nous permet de lire dans la nuit d'une âme en rupture de Dieu. Que nous apprend maintenant la réponse divine ? Que l'homme de la Chute peut fuir Dieu, mais non lui échapper ; qu'il peut se sentir seul, sans être pour cela abandonné par la Providence. L'enfant prodigue a beau trahir son père et s'en aller, cela n'empêchera pas le père de penser à lui, de le pleurer quand il travaillera dans les champs, et de se dresser pour interroger longuement l'horizon. Je comprends maintenant pourquoi cette prière est inscrite au seuil de la révélation. Elle est là pour dire au coupable qui gémit sous l'effort d'une civilisation inaugurée par Caïn et qui porte la marque de son père dans la trace sanglante que laisse chacun de ses pas en avant : « Pour si bas que tu sois tombé, tu n'es pas sorti du rayon de la protection de Dieu. Qui que tu sois, prie ! Où que tu sois, Dieu t'entend. »
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Abraham.
« Abraham se tint en la présence de l'Eternel. Il s'approcha et dit : « Ferais-tu aussi périr le juste avec le méchant ? » (Gen. 18 : 21 23). La prière d'Abraham est la seconde prière que nous rencontrions dans la Bible. Modèle d'intercession, cette requête en faveur de Lot porte au plus haut point le cachet des mœurs orientales, où le demandeur saisit inlassablement l'occasion de ce qu'il a obtenu pour essayer d'obtenir davantage. Mais on trouve surtout, dans ce morceau sublime, deux des conditions maîtresses de tout exaucement : le respect de la justice de Dieu et la confiance dans sa miséricorde. Abraham n'admet pas que Dieu puisse perpétrer un acte quelconque qui blesse l'équité, et il le Lui dit hardiment : « Celui qui juge toute la terre n'exercerait-il pas la justice ? » Il est convaincu en outre que les compassions de l'Eternel se laisseront émouvoir en faveur de la ville rebelle par la présence en elle de quelques hommes de bien. « Peut-être s'y trouvera-t-il dix justes ?... » Et l'Eternel lui promet de faire grâce à la ville pour les dix justes, s'Il les y trouve. On dit que la révélation biblique est progressive, et je le crois. Mais je suis bien obligé de constater que sur certains principes élémentaires, beaucoup de chrétiens du xx° siècle sont moins au clair qu'Abraham. Ne nous arrivera-il jamais' de demander à Dieu des choses qu'Il ne pourrait nous accorder sans léser les droits d'autrui ? Ne cherchons-nous jamais à le faire complice de nos intérêts égoïstes., de nos antipathies ou de nos étroitesses ? Dans nos jugements devant Lui, ne nous arrive-t-il jamais de « faire périr l'innocent avec le coupable ? Le « zèle de la Maison de l'Eternel » est, certes, une belle chose, mais pour obtenir l'exaucement du Saint des Saints, il faut que ce zèle s'inspire des scrupules d'Abraham, de sa bonté, de sa patience, et que dans la prière il ne laisse pas échapper un mot qui puisse léser la justice ou contrister la miséricorde de Dieu.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Eliézer.
« Eternel, Dieu de mon maître Abraham, fais-moi, je te prie, rencontrer aujourd'hui ce que je désire. (Gen. 24 : 12). Que ce fût Eliezer ou non, le texte ne le dit pas ; mais la tâche de l'intendant d'Abraham était à coup sûr difficile. Partir à l'aventure, atteindre à 800 kilomètres le bourg où vivaient « les descendants de Térach », découvrir puis ramener saine et sauve une jeune fille qui pût convenir au fils de son maître ! Le serviteur n'hésite point. Il forme une caravane, franchit des pays étrangers par des pistes douteuses, arrive au puits où les filles du douar auquel appartenait la tribu de Nacor viennent puiser leur eau. Là, il imagine un stratagème qui lui permettra de reconnaître parmi les jeunes bergères celle qui a le meilleur coeur, puis il lève les yeux vers le ciel éclatant du soir : « Eternel Dieu, me voici près du puits, montre-toi propice à mon maître Abraham ! »... Et Dieu lui fit trouver Rébecca, la propre cousine d'Isaac. Pourquoi s'étonner de sa réussite ? Il avait mis de son côté les deux conditions du succès, l'effort personnel et la prière : l'obéissance, le courage, l'habileté, actionnant toute la puissance de l'homme ; la requête humble et confiante, assurant l'intervention de l'Eternel. Combien de serviteurs de Dieu ont échoué dans leur mission pour avoir négligé l'un ou l'autre de ces deux éléments de victoire ! Les uns ont agi mettant leur confiance en eux-mêmes, priant du bout des lèvres parce qu'au fond ils ne comptaient que sur leurs capacités. Les autres ont aussitôt demandé à Dieu d'agir, et ne se sont obligés à nulle peine, attendant tout du miracle. Si le serviteur d'Abraham avait agi ainsi, jamais Isaac n'eût épousé Rébecca.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Jacob.
« Si Dieu est avec moi, s'il me garde dans le voyage que j'ai entrepris, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me vêtir, et si je retourne en paix à la maison de mon père, alors l'Eternel sera mon Dieu... Et je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras. » (Gen. 28 : 20-22).
Si... si... si... si.,, que de conditions posées à Dieu, et comme nous sommes loin de la piété d'Abraham gravissant Morija ! Abraham croyait ; Jacob calcule. Donnant, donnant ; et dans cette religion du prêté rendu, c'est Dieu qui est jugé selon ses oeuvres. Esaü, mauvaise tête et bon coeur, n'a point de ; Dieu ne peut donc rien faire de lui. Jacob a la foi, Dieu peut donc l'honorer de son alliance. Mais il ne lui passera rien. Jacob s'enrichira sans doute, il est si habile ! mais il expiera durement les moyens qu'il, emploiera pour acquérir sa richesse. Déjà le sentiment de son intérêt poussé jusqu'à la ruse l'a brouillé avec son frère, séparé de ses parents dont il était le favori et jeté, lui si familial, sur l'âpre chemin du désert. Maintenant, c'est Laban qu'il dépouille. Pour la seconde fois, il est obligé de s'éloigner, fuyant son oncle qui le poursuit et qui l'aurait exterminé sans la protection divine. Et il n'est pas au bout de ses soucis !... Au lieu de retourner en paix dans la maison de son père, il s'en ira mourir, ruiné par la famine, sur la terre d'exil. Lui-même résumera le bilan de sa vie errante et centenaire en disant au Pharaon : « Mes jours ont été courts et mauvais 1. » Grande leçon pour ceux qui ne mettent Dieu dans leur vie qu'à condition qu'Il leur rende des services. La prière de l'intérêt attire, sur celui qui la prononce, de cruelles expériences. « Faites à vos pieds un chemin droit 2. » e L'amour ne cherche point son intérêt 3. » La prière exaucée n'est pas celle où l'on se sert de Dieu, mais celle où on Le sert.
1 Gen. 47 : 9 ; 2 Héb. 12 : 13 ; 3 1Cor. 13 : 5.
ANCIEN TESTAMENT
Encore Jacob.
« Il lutta avec l'ange et il a triomphé, En pleurant et en demandant grâce. (Osée 12 :5).
Ces paroles d'Osée nous ramènent au gué de Jabbok, et à la lutte de Jacob avec l'Ange de l'Eternel Jacob s'est enrichi, par des voies droites et courbes. Il est arrivé à se dégager de la colère de Laban, mais voici Esaü qui vient à sa rencontre, Esaü qu'il a trompé et qui le hait implacablement. Cette fois c'est la ruine, peut-être la mort. Et voici un troisième antagoniste, celui qui se dresse toujours devant les consciences mauvaises : l'Ange de l'Eternel ! Fou d'angoisse, Jacob essaie une dernière fois d'en appeler à ses ressources personnelles, de l'emporter de haute lutte, et, si j'ose dire, de forcer la main à son Dieu dans un corps à corps où concourent, pour le combat suprême, toute sa vigueur et toute sa foi. Mais ici, les forces humaines ne suffisent plus. Sous l'embrassement du mystérieux inconnu, Jacob plie. Alors, dans un suprême; effort qui n'est plus un espoir de triomphe mais un appel désespéré à la miséricorde, le patriarche crie à son adversaire : « Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni ! Magnifique parole, où s'unissent l'humilité et la foi ! Parole de défaite et de victoire. N'attendre plus rien de soi ; attendre tout de Dieu, rassembler ses dernières énergies pour retenir Celui que l'on implore et obtenir sa grâce..., voilà ce qui a valu à Jacob le surnom d'Israël, c'est-à-dire : celui qui lutte avec Dieu, et qui sort du combat, vainqueur. Il est pour chacun de nous des orages de l'âme où, sous l'éclair de la détresse, nous nous voyons tels que nous sommes : perdus. Puissions-nous, en ces heures de crise, retrouver la prière de Jacob et comme lui, par Dieu, sortir de la lutte, vainqueurs.
Lire Genèse 32 : 22-31.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Moïse.
« Seigneur, tu nous a été une retraite de génération en génération...» Lire le Psaume 90.
La « Prière de Moïse, homme de Dieu » est le texte classique des services de nouvel an. Chez mon père, on le lisait chaque année le 31 décembre, au coup de minuit, devant la grande famille assemblée. Enfant, je n'y voyais que l'évocation impressionnante de la fragilité de la vie. Plus tard, l'expérience m'y montra un témoignage de reconnaissance, une vision de l'avenir, le « quand même ! » de la foi. Maintenant que nos Eglises et nos oeuvres chrétiennes passent par des jours dont la crise financière est uni des côtés troublants, je voudrais donner aux âmes inquiètes la prière de Moïse comme source d'inspiration. « Seigneur, tu nous as été une retraite de génération en génération... » Dieu est fidèle, et sa fidélité, qui s'exerce en tous temps, est particulièrement sensible au moment où nous avons besoin d'une retraite. « D'éternité en éternité, tu es Dieu. » Ainsi, quelle que soit l'atmosphère de mirage où s'agite l'homme éphémère, le premier mot, en tout, vient de Dieu, et le dernier mot, en tout, lui appartient. « Enseigne-nous à bien compter nos jours... » Dieu seul, présent dans ses oeuvres, est impérissable sur la terre ; ses ouvriers, collaborateurs d'une étape, ne le sont pas ; il faut qu'ils s'en souviennent avant que les circonstances se chargent de le leur rappeler. « Affermis l'ouvrage de nos mains !... » Les hommes peuvent aider ou nuire à l'ouvrage de nos mains : Dieu seul peut l'affermir, car de Lui seul procèdent les sources créatrices. C'est en vain que le froid hiver jette au vent les feuilles lancéolées et la tige droite du lys : « L'herbe sèche, sa fleur tombe..., la place où elle était ne la reconnaît plus 1... » Vienne le printemps et les feuilles renaissent, et la tige remonte, et le lys en fleur épanouit au soleil de juin sa blancheur immaculée. Si l'ouvrage de nos mains a semé de la part de Dieu un germe de vie dans le sillon de l'humanité, « que votre coeur ne se trouble point ». Quelles que soient les saisons adverses qui momentanément en détruisent l'effet, ce ne sont là que questions de surface. Dieu veille sur le germe. Le lys refleurira.
1 Cf. Ps. 90 et 103.
ANCIEN TESTAMENT
Moïse et Amalek.
« Amalek vint combattre Israël à Rephidim. Alors Moïse dit à Josué : Choisis-nous des hommes, sors et combats Amalek ; demain je me tiendrai sur le sommet de la colline, la verge de Dieu dans ma main. Josué lit ce que lui avait dit Moïse, pour combattre Amalek. Et Moïse, Aaron et Hur montèrent au sommet de la colline. Lorsque Moïse élevait sa main, Israël était le plus fort ; et lorsqu'il baissait sa main, Amalek était le plus fort. Les mains de Moïse étant fatiguées, ils prirent une pierre qu'ils placèrent sous lui, et il s'assit dessus. Aaron et Hur soutenaient ses mains, l'un d'un côté, l'autre de l'autre ; et ses mains restèrent fermes jusqu'au coucher du soleil. Et Josué vainquit .Amalek et son peuple, au tranchant de l'épée. » (Ex. 17 :8-13).
Moïse et Amalek. Deux forces, un combat. Depuis que la trahison humaine en Eden a livré le séjour terrestre à l'Ennemi, celui que Jésus appellera le Prince de ce monde 1, le chemin qui mène à la Terre promise n'est plus libre. On ne peut passer sans livrer bataille. Là est tout le secret de la peine des hommes. Encore si les armes étaient égales et si, pour vaincre, il suffisait du courage et du génie ! Mais Amalek est plus fort qu'Israël. Il le sera à toutes les étapes, dans toutes les rencontres. Israël est-il donc destiné à mourir dans le désert ? Non, s'il fait appel à l'intervention de Dieu, car Dieu est plus fort que Satan. Voilà dans sa simplicité tout le drame de notre destinée telle que nous l'expose la Révélation dans la Bible. L'épisode qui met aux prises Moïse et Amalek prend dès lors une valeur prophétique. Jusque dans son détail, chacun de nous peut y trouver enseignement. Amalek qui barre la route vers Canaan, c'est le paganisme blanc ou noir qui barre la route à Jésus-Christ. Josué et les combattants hébreux sont les milices de l'Evangile en terre païenne. Moise sur la montagne, les mains levées vers le ciel, c'est l'appel à Dieu. Que Moïse abaisse ses mains, Amalek remporte l'avantage ; que les chrétiens de prière abandonnent la vigilance de la foi, le message chrétien perd sa puissance conquérante. S'il en est parmi les lecteurs pour dire : « Qui suis-je et que puis-je, moi ?», qu'ils pensent à Aaron et à Hur sur la montagne. Jéhovah ne leur avait pas confié comme à Moïse la verge, symbole de la puissance divine : ils étaient là pour soutenir les mains de Moise. Rôle effacé, mais combien grand ! S'ils n'avaient pas soutenu les mains du prophète, les bras de Moïse seraient retombés et Amalek eût été vainqueur. Pas de prétexte, pas d'excuses pour rester hors de l'action... On peut toujours soutenir la main levée.
1Mt. 13 :28 et 39 ; Jean 12 :31
ANCIEN TESTAMENT
Moise, homme de prière.
«L'Eternel parlait avec Moïse face à face, comme un homme parle à son ami. » (Ex. 33 : 11).
Dans l'ordre des choses spirituelles, ce qui établit un chef, c'est la puissance de prière, et, dans la prière, l'esprit d'immolation. Moïse et saint Paul en sont de remarquables exemples. Moïse a façonné le peuple de Dieu. Il l'a pu par les révélations célestes, par son génie personnel, par son grand caractère, par son courage indomptable ; il l'a pu avant tout parce qu'il était un homme de. prière. Suivez-le à Tabeéra, à Kibroth, dans ses luttes au désert, devant Aaron et Marie, au milieu des révoltes du peuple... Partout, Moïse prie. Ses marches sont des étapes de prière ; sa tente, une cellule de prière. Aussi a-t-il laissé de lui le souvenir qu'il causait avec Dieu « comme un homme parle à son ami » 1. Et Moïse a laissé aussi le souvenir qu'il était « un homme très doux, plus que tout autre sur la terre » 2, Avez-vous réfléchi à ce que, dans une carrière telle que celle de Moïse, pareille douceur suppose de patience, de compréhension, d'oubli de soi, de souplesse dans la charité ? Autant de vertus qui appartiennent aux âmes d'où la prière s'exhale, constante, dans un esprit d'immolation. « Pardonne à ce peuple ou efface-moi de ton livre» criait Moïse à l'Eternel 3. L'effacement !... Attitude difficile aux meilleurs, inaccessible à quiconque croit, en s'humiliant, s'abaisser. « Efface-moi... ». Saint Paul, mû par le même sentiment, disait : « Je voudrais être anathème en faveur de mes frères. » 4. Ayant ainsi parlé, Moïse et Paul se sont affirmés par excellence prophète et apôtre de Celui qui, pour s'être humilié, pour s'être anéanti soi-même, pour avoir été obéissant jusqu'à la mort de la croix, a été établi Chef « au-dessus de tout ce qui est dans le ciel, sur la terre et sous la terre » 5. Dans l'ordre des choses spirituelles, s'immoler c'est régner.
1 Ex. 33 : 11 ; 2 Nomb. 12 : 3 ; 3 Ex. 32 : 32 ; 4 Rom. 9 : 3 ; 5 Eph. 1 : 21.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Josué.
« Josué déchira ses vêtements, se prosterna le visage contre terre, et dit : « Ah Seigneur Eternel, pourquoi as-tu fait passer le Jourdain à ce peuple, et nous as-tu livrés aux mains des Amoréens afin de nous faire périr ?... Tous les habitants du pays rapprendront : ils nous envelopperont et feront disparaître notre nom de la terre. Et que feras-tu pour ton grand nom ? » (Jos. 7 : 6-9).
Comment ne pas être ému par la détresse de Josué ? L'Eternel s'en était remis à lui pour la tâche écrasante d'édifier la nation élue sur le territoire de Canaan. Déjà la marche par la foi avait, devant Jéricho, accompli des miracles. Et voici qu'un interdit prive Israël de l'assistance de son Dieu. Il est battu, poursuivi, démoralisé. Josué, qui ignore encore la cause du désastre, s'en prend à Dieu : « Ah Seigneur »Eternel, pourquoi as-tu fait passer le Jourdain à ce peuple et nous as-tu livrés entre les mains des Amoréens... ? Les Cananéens l'apprendront, nous extermineront et que feras-tu pour ton grand nom ? » On sent, ici déjà, frémir l'angoisse qui secouera l'âme des prophètes, Habacuc, Jérémie, Ezéchiel. Josué apprendra bientôt que les plus redoutables ennemis de Dieu ne sont pas hors du camp d'Israël, mais dans ce camp même. Première leçon, propre à éclairer notre prière. Généralement la cause de la défaite qui nous fait crier à Dieu n'est pas dans les circonstances, elle est en nous ; elle est dans l'interdit secret, peut-être encore inconscient, qui a empêché Dieu de soutenir notre combat. Josué apprendra encore, et après lui les prophètes, que « le grand nom de l'Eternel » est à l'abri de l'atteinte des hommes. Ce qui nous est demandé, ce n'est pas de trembler pour lui, mais de trembler pour nous, et de ne jamais prendre notre parti de l'échec de sa cause sur le terrain qu'Il nous a confié. Mettons-nous, quoi qu'il nous en coûte, dans les conditions voulues pour que le Saint-Esprit puisse nous être maintenu et travailler en nous, par nous. Nous pourrons alors comme Josué, martelé par Dieu et bâtisseur pour Sa gloire, parcourir notre carrière en vainqueurs.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Manoah.
« Manoah fit cette prière à l'Eternel: « Ah ! Seigneur, que l'homme de Dieu que tu as envoyé vienne encore vers nous, et qu'il nous enseigne ce que nous devons faire pour l'enfant qui naîtra. » (Juges 13 : 8).
Après Sarah, la femme d'Abraham, avant Anne de Rama et Marie la Nazaréenne, l'épouse de Manoah reçoit de Dieu la promesse d'un fils. Ce fils sera chargé d'une mission divine. Alors Manoah fait monter vers l'Eternel cette prière : « Ah ! Seigneur, que l'homme de Dieu que tu as envoyé vienne encore vers nous et qu'il nous enseigne ce que nous devons faire pour l'enfant qui naîtra ». Arrêtons-nous devant ce père qui, saisi d'une nouvelle merveilleuse, au lieu de s'enorgueillir ou de rendre grâces, ne se préoccupe que de recevoir d'en haut des lumières pour bien élever son enfant. Tout enfant qui s'annonce est donné de Dieu.. Chacun de ces êtres fragiles aura une mission divine à remplir. Il faudra l'élever de façon qu'il puisse glorifier Dieu au cours de sa carrière terrestre. Devant cette perspective, combien de pères font la prière de Manoah ? J'aime à croire que la plupart des mères prient pour le bébé dont elles façonnent avec amour la layette, mais demandent-elles à Dieu, de leur enseigner leur vocation de maman ? Tout ne sera pas de glisser douillettement une bouillotte dans le berceau. Déjà Plutarque disait que l'âme de l'enfant est « mu foyer à réchauffer ». Comment le réchaufferions-nous si notre âme à nous est froide ? Que d'éducations déplorables, que d'épreuves évitables seraient épargnées aux familles, si les parents qui attendent un enfant demandaient à Dieu de les qualifier pour le sacerdoce qui approche, et s'engageaient à être fidèles dans ce sacerdoce ! Le tout petit qui va faire son entrée dans le monde est riche de possibilités infinies, il porte en lui la force de l'avenir, il vient paré des vertus que doit acquérir tout candidat au Royaume des cieux. Quel privilège pour lui, quelle responsabilité pour toi à qui Dieu le confie ! Comme Manoah, prépare-toi à l'accueillir, car tu seras son protecteur et son guide. A quoi te servirait plus tard de demander à Dieu qu'Il le garde, si tu n'as pas été toi-même son ange gardien ?
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Samson.
« O Dieu ! donne-moi de la force seulement cette fois, et que d'un seul coup je tire vengeance des Philistins pour mes deux yeux ! » (Juges 16 :28).
Pauvre Samson ! Avoir eu sa naissance annoncée par un ange ; avoir grandi beau, fort, victorieux ; s'être donné à Dieu par le naziréat ; avoir tenu le sceptre d'Israël ; avoir été l'effroi des princes ennemis, pour s'en aller finir, les veux crevés, dans une prison philistine, esclave, bête de somme, histrion, et mourir dans un accès de rage vengeresse, après avoir crié à Dieu la prière du désespoir ! Comment, parti de si haut, est-il descendu si bas ? Samson était admiré et il le savait. L'ivresse du pouvoir avait endormi sa conscience. Se croyant immunisé par la confiance populaire, il pensait pouvoir se tirer de tout par un coup de force, ou par une habile manoeuvre, et l'astuce d'une femme au coeur faux l'a perdu. L'exemple du juge Samson dans l'Ancien Testament, l'exemple de Judas dans le Nouveau, nous montrent que, même sous l'élection divine, on peut bien commencer et mal finir. Ils nous avertissent qu'il n'est pas de danger plus grand que de se fier à ses dons, de s'enorgueillir du poste élevé qu'on occupe, de prendre les grâces pour des mérites, et de veiller trop mollement sur les moyens qu'on emploie pour faire triompher la cause de Dieu en servant sa vanité propre. Toutes les formes du pouvoir portent en elles une tentation ; mais le pouvoir religieux présente la plus subtile parce que la foule, prosternée devant la gloire du Seigneur, met volontiers l'auréole au front de ses ministres. L'humilité, la surveillance de soi, l'austérité, l'entretien vigilant de la vie intérieure, la communion spirituelle avec Celui qui a étant riche, s'est fait pauvre s, voilà Les vertus qu'il nous faut cultiver si nous ne voulons pas courir le risque, en fin de course, de voir s'écrouler le travail de notre vie, et de connaître, pour suprême oraison, la prière du désespoir. « Ainsi donc », disait saint Paul, « que celui qui croit être debout prenne garde qu'il ne tombe 1. »
11 Cor. 10 :12.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Anne.
« Eternel des armées, si tu prends garde à l'affliction de ta servante, et si tu lui donnes un fils, je le consacrerai à l'Eternel pour tous les jours de sa vie. » (1 Sam. 1:11).
Chaque année, lorsque Anne montait avec Elkana son mari pour se prosterner devant l'Eternel à Silo, elle pleurait et demandait un fils. Un fils pour la délivrer de son opprobre, confondre sa rivale, dissiper son noir chagrin... Dieu n'exauçait pas sa prière, mais, par sa prière, Dieu travaillait son âme. Il n'est âme si sombre que la prière ne l'ouvre aux clartés transformatrices d'en haut. Un jour vint où Anne comprit que si elle souhaitait un fils pour égayer son foyer, l'Eternel avait besoin d'un serviteur pour purifier son sanctuaire. Dès ce moment, elle ne voulut plus son fils pour elle, elle le voulut pour Dieu : « Si tu donnes à ta servante un enfant mâle, je le consacrerai à l'Eternel pour tous les jours de sa vie. » Alors Dieu l'exauça, Il lui accorda même bien au delà de sa prévision, de ses espérances : le fils qu'elle avait voué à l'Eternel devait, plus tard, réformer Israël, battre les Philistins, sacrer le roi David, fonder l'école des prophètes. Parmi les hommes de l'Ancienne Alliance, Samuel, après Moïse, est le plus grand. Dieu les nomme de pair dans sa réponse à Jérémie 1. Il ne suffit pas de prier avec ardeur pour prier comme il faut, mais la prière ardente suffit pour nous placer sous l'emprise de Dieu, qui nous façonne, nous ploie et nous amène aux conditions indispensables pour prier comme il faut. Quand la prière demande une chose bonne, dans un esprit de sacrifice ; quand elle met l'honneur de Dieu avant le bonheur de l'homme, elle est faite selon le plan de l'Oraison dominicale, elle est la prière « au nom de Jésus» , que Dieu exauce toujours. Et quand Dieu'. donne, on ne sait jamais tout ce qu'il donne.
1 Jér. 15:1.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Samuel.
« Parle, ton serviteur écoute. » (1 Sam. 3 : 10).
« Quand Moïse et Samuel intercéderaient devant moi en faveur de ce peuple, je ne me laisserais pas fléchir. » (Jér. 15 :1).
Samuel, le vainqueur des Philistins, était un grand intercesseur. Il « criait » à Dieu 1. « Loin de moi », disait-il à son peuple, « la pensée de pécher contre l'Eternel en cessant de prier pour vous ! » 2. Et le Psaume 99 le cite, seul, comme le type de ceux à qui «l'Eternel répondait ». Les textes ne nous ont conservé que sa première prière : « Parle, ton serviteur écoute ! » Est-il une prière plus belle que ces quatre mots ? Ils nous ramènent au centre des énergies, à la source des inspirations. Aujourd'hui où il semble parfois que comme du temps des Juges la Parole de Dieu se fasse rare 3, n'aurions-nous pas la tendance de négliger cette prière pour lui en substituer d'autres qui, tout en voulant servir Dieu, s'adressent à des hommes ? Parle, théologien., et instruis-moi du dernier mot de la science, afin que je puisse réfuter les adversaires du Seigneur ! Parle, financier, et trouve-moi beaucoup d'argent pour que je puisse envoyer beaucoup d'ouvriers prêcher l'Evangile ! Le théologien, s'il est pieux, peut « planter » ; le financier, s'il est généreux, peut « arroser a, mais c'est Dieu seul qui « donne l'accroissement » 4. Aussi est-ce toujours la prière de Samuel qui assure les victoires de Dieu, à la façon d'Eben-Hézer 5. Les heures de la plus grande crise doivent être les heures du plus grand recueillement. Discipline difficile, et pourtant seule féconde : Dieu ne bénit que ce qu'il inspire. « Parle, ton serviteur écoute ! »
1 1 Sam. 7 :8 ; 2 1 Sam. 12:23 ; 3 1 Sam. 3 :1 ; 4 1 Cor. 3: 6 ; 5 1 Sam, 7 : 12, 41
ANCIEN TESTAMENT
La prière de David.
« Qui suis-je, Seigneur Eternel, et qu'est-ce que ma famille pour que tu m'aies fait parvenir où je suis ?... Tu as fait toutes ces grandes choses selon ton bon plaisir... Ratifie pour toujours la parole que tu as prononcée au sujet de ton serviteur afin que ton nom soit glorifié à jamais... » (2 Sam. 7).
Les pieux liseurs de la Bible ne prêtent pas une attention suffisante à cette prière de David après que Nathan lui eût annoncé que Dieu donnerait à sa descendance la royauté éternelle. Cette prière marque pourtant une heure aussi importante pour l'histoire d'Israël, que la vocation d'Abraham, ou l'appel de Moïse au Sinaï. Enfant de Dieu par Abraham, citoyen du peuple de Dieu par Moïse, l'Israélite est, par David, ordonné chevalier pour le Royaume du Messie. « Il faut qu'il, règne jusqu'à ce qu'il ait mis tours ses ennemis sous ses pieds », dira un jour saint Paul. Pour ce règne, dont il veut tout l'accomplissement sans pouvoir encore' en soupçonner toutes les gloires, David prie. Porté par sa triple élection, dont les réalités s'enchaînent et se conditionnent, Israël, guidé par ses prophètes, marche vers son destin qui fait de lui l'instrument du salut du monde : « Tu seras bénédiction. » Pourquoi les prophètes, soudain, se sont-ils tus ?Pourquoi la ruine de Jérusalem par Nébucadnetsar, pourquoi la croix sur laquelle le peuple de David cloue vivant le fils de David ? Relisez le prière de David : Tout par grâce, tout pour que le nom de l'Eternel soit glorifié. Les Juifs ont méconnu la grâce, abandonné l'idéal messianique où les prophètes leur avaient montré que la gloire de l'Eternel devait s'accomplir sur toute la terre. Quand le Messie est venu, au lieu de l'acclamer, ils l'ont tué. Est-il sûr que les Eglises qui portent aujourd'hui si fièrement son nom parmi les hommes le reconnaîtraient et l'acclameraient, s'il apparaissait, non dans sa royauté céleste, mais dans l'humilité des jours de sa chair ? Est-il sûr que nous-mêmes, qui nous réclamons de lui, pourrions supporter sa présence, et l'immense déconvenue qu'elle serait pour tout orgueil, pour toute propre justice, pour toute inertie devant le devoir essentiel, pour tout esprit de jugement qui ôte le discernement des esprits, bref, pour toutes les manières d'être... ou de ne pas être, par lesquelles nous ressemblons si fort aux Juifs, qui ne comprirent pas le Sermon sur la Montagne ? Pour rentrer dans la bonne voie, revenons au point de départ, à la prière de David : « Seigneur Eternel, qui suis-je... pour que ton nom soit glorifié ?...»
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Salomon.
« Jéhovah, mon Dieu..., donne à ton serviteur un coeur attentif... pour distinguer entre le bien et le mal ! » (1 Rois 3 : 9).
La prière dans laquelle l'héritier des gloires de David demande à Dieu d'éclairer sa conscience, inaugure son règne magnifiquement. Qu'il s'y tienne et il marchera dans la lumière, sous ta bénédiction des promesses messianiques. Malheureusement, Salomon a fait cette prière dans un songe. Il ne s'y est pas tenu. Salomon a bâti un temple à Jéhovah, mais il ne lui a pas donné son coeur pour sanctuaire, et les penchants de son coeur l'ont perdu. Pour des femmes, il a servi les faux dieux. Par son luxe, il a ruiné ses finances. Puis vint le schisme qui déchira l'empire. Israël ne s'est jamais relevé des fautes de Salomon. Voilà qui doit nous mettre en garde contre les paroles élogieuses : nul n'a été plus vanté que Salomon. La grande affaire ici-bas n'est pas de parler toujours de sa conscience, ni de la mettre en avant à propos de tout. La grande affaire est d'obtenir de Dieu une conscience éclairée. L'homme dont la conscience n'est pas éclairée obéit à des mobiles, plutôt qu'à des raisons,. Or, les mobiles montent trop souvent du fond obscur de nos instincts, de notre tempérament, de nos passions. Inavouables en ce cas, nous habillons de « bonnes raisons » les actes qu'ils nous inspirent, pour justifier ces actes devant le public, parfois pour nous les justifier à nous-mêmes. Dangereuse équivoque. Quand nous bâtirions le Temple de l'Eternel, comme Salomon, la déchéance nous guette. Lorsque notre conscience est éclairée, elle projette de la lumière sur la source de nos désirs, sur l'origine de nos actes, et elle nous arrête avant la chute. « Si quelqu'un marche de jour, dit Jésus, il ne bronche pas 1. » « Jéhovah, mon Dieu, donne à ton serviteur un coeur attentif... pour distinguer entre le bien et le mal ! »
11 Jean 11 :9.
ANCIEN TESTAMENT
La prière pour l'étranger.
«O Eternel ! quand l'étranger lui-même, attiré par ton nom, viendra et priera dans cette maison..., exauce-le du haut des cieux, accorde sa demande, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour le craindre. » (1 Rois 8: 41-43).
Albe vous a nommé, je ne vous connais plus. Ainsi parle un héros de Corneille. Le vers est beau, l'attitude héroïque, mais notre sympathie va à l'adversaire auquel Horace adresse cette apostrophe' patriotique et inhumaine. « Je ne vous connais plus. » Se trouverait-il des chrétiens pour exprimer dans cette parole antifraternelle les ardeurs de leur fidélité ? Fidélité envers qui ? Envers le Dieu d'amour ? Envers Jésus qui .a dit : « Je ne mettrai pas dehors celui qui vient à moi ? » Traiter un frère en étranger parce qu'il exprime autrement que nous sa foi au Christ, n'est-ce point trahir l'esprit de la Révélation, qui veut que nous traitions en frère même l'étranger, lorsque celui-ci répond à l'attirance de Dieu ? On sait la haine et le mépris que portait Israël à qui n'était point de la race élue. Or voici que monte du fond des âges hébraïques une prière propre à nous confondre : « O Eternel, même l'étranger, quand il viendra, attiré par ton nom, exauce-le, afin que tous les peuples de la terre connaissent ton nom pour te craindre». Cette oraison oecuménique ouvre la -voie à la requête de Jésus : « Père, je ne te demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les préserves du. mal ; qu'ils soient un, comme nous sommes un, que cette unité soit parfaite, afin que le monde reconnaisse que c'est toi qui m'as envoyé 1... » Afin que... Afin que... Jusques à quand refuserons-nous aux prières de la Bible la preuve qu'elles demandent, la preuve que Dieu est grand et que Jésus est son Messie ? Quand donc aimerons-nous assez le Fils de Dieu pour accueillir comme des frères tous ceux qui entrent de bon coeur dans la Maison de Dieu. ? « O Eternel ! exauce l'étranger.»
1 Jean 17 :15, 21.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Elie.
« C'en est assez, O Eternel ! reprends mon âme, car je ne vaux pas mieux que mes pères... J'ai déployé mon zèle... Je suis resté, moi seul.., et ils en veulent à ma vie. » (1 Rois 19).
Prière du découragement. Elie s'est dépensé pour Jéhovah, il a fait des prodiges, il a détrôné Baal, et voici toute son œuvre ruinée par le geste d'humeur d'une femme vindicative que son mari courtise pour obtenir ses bonnes grâces. Jézabel commande. Achab obéit. Elie, obligé de fuir sous la menace, crie à Dieu : « Je suis resté, moi seul ! » Et Jéhovah répond dans la « voix de silence » qui suivit en Horeb le fracas de la tempête, le tremblement de terre, l'éclat de la foudre, et qui mit dans l'âme du prophète une harmonique de Dieu, : « Va ! retourne sur les pas ! Tu oindras Azaël... Jéhu... Elisée... Je me suis réservé sept mille hommes qui n'ont pas fléchi le genou devant Baal. » Elie se croyait seul : ils sont sept mille ! Elie croyait Baal vainqueur, et les exterminateurs de Baal sont à la porte, déjà tout désignés par le décret divin. Quelle leçon pour les heures où tout ici-bas concourt à nous décourager ! Le découragement est humain. Quand nous avons lutté pour Dieu, triomphé par Dieu,et que les circonstances nous trahissent ou que les hommes s'interposent, le découragement est une épreuve, il n'est pas une infériorité. Il peut atteindre les âmes chrétiennes les plus fidèles ; mais si elles veulent rester fidèles, elles ne doivent pas s'y attarder. Qu'elles crient à Dieu comme Elie dans le recueillement de l'Horeb, et la « voix de silence » leur rendra la sérénité, en leur révélant comme à Elie les ressources insoupçonnées dont la Providence dispose pour mener à bien ses desseins. Nous somme gens à courte vue, même quand nous n'avons à coeur que l'honneur de Dieu. Sachons rester humbles dans la déconvenue comme dans le succès. Si nous voulons sauver la maîtrise de nos âmes dans les heures adverses, gardons-nous de réduire jamais aux limites de notre action les possibilités de Dieu.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Elisée.
« Jacob dit: « C'est ici le camp de Dieu! » (Gen. 32 : 2). « O Eternel, ouvre ses yeux, afin qu'il voie ! » (2 Rois 6 : 17).
Israël fléchissait sous l'étreinte du terrible Ben-Hadad. L'armée syrienne bloquait Samarie. La tête d'Elisée était mise à prix. « Homme de Dieu », s'écria son serviteur, « qu'allons-nous faire ? » Elisée lui répondit : « Ne crains point. Ceux qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux. » Puis il pria : « O Eternel, ouvre ses yeux afin qu'il voie ! » Et le serviteur vit sur les collines toute une multitude de chevaux et de chariots de feu autour d'Elisée. C'était le « camp de Dieu ». Tel Jacob fuyant Laban et tremblant de voir Esaü se jeter sur sa caravane sans défense, vit autour de ses troupeaux des anges qui allaient et venaient. C'était « le camp de Dieu ». Le Sadhou Sundar Singh nous racontait un soir comment il avait été sauvé des mains d'une horde de Thibétains en furie parce qu'au moment de le lapider ses meurtriers avaient vu autour de lui toute une foule de visages mystérieux et surhumains. C'était « le camp de Dieu ». Ces faits miraculeux, trouées sur l'invisible, nous révèlent le monde spirituel bien plus près de nous que nous ne le pensons. nous entoure, il nous porte... Ce que voient nos regards de chair n'est qu'apparence ; le réel, c'est l'invisible : « Dieu est Esprit. Quand le regard de l'âme a saisi l'invisible, le croyant prend conscience du « camp de Dieu » au sein duquel il marche, et l'assurance qu'il existe entre lui et l'adversaire une zone de protection divine remplit son coeur d'une paix souveraine. Je ne dis pas que le croyant sera épargné, mais l'échelle des valeurs, pour lui, sera renversée. Il y a des victoires qui isolent de Dieu ; il y a des défaites qui font affluer les anges. L'heure de la Puissance des ténèbres elle-même ne peut faire reculer « le camp de Dieu ». A Gethsémané, il y avait un ange... « L'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent et les garantit 1» 1 Ps. 34 : 8.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Ezéchias.
« Maintenant, Eternel, notre Dieu ! délivre-nous de la main de Sanchérib, et que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul es Dieu, ô Eternel ! » (2 Rois 19 :19).
Du Tigre au Jourdain, les Assyriens ont promené leur gloire et leur férocité. L'armée de Sanchérib, comme une marée formidable, bat les murs de Jérusalem. Le Rab-Schaké somme Ezéchias d'ouvrir ses portes. Ezéchias sait qu'avec une poignée de soldats il ne peut refouler l'ennemi. Il sait aussi que les tyrans de Ninive ne pardonnent pas aux rois qui leur résistent ; qu'ils leur crèvent les yeux, leur mettent un crochet de fer dans les mâchoires et les traînent, mutilés, derrière leur char triomphant. Mais l'Assyrien a dit : « J'ai vaincu tous les dieux, et Jéhovah ne vaut pas plus que les autres. » Si Ezéchias ouvre les portes de Sion, que deviendra l'honneur de Jéhovah ! Déjà le royaume des dix tribus est anéanti, la campagne judéenne, ravagée. Jérusalem seule reste debout, rempart ultime de la gloire du vrai Dieu. Si ce rempart est livré, le nom de Jéhovah sera déshonoré, vaincu, rayé de dessus la terre. Ezéchias, inspiré par Esaïe, accepte le défi, lourd de menaces. Au lieu d'ouvrir, il se rend au temple et prie. Prêt à tout souffrir pour lui-même, il remet la cause de l'honneur divin entre les mains de Jéhovah, qui peut faire des miracles pour sauver l'honneur de son nom. Et dans la nuit suivante, l'Ange de l'Eternel répandit dans l'armée assiégeante la terreur de la peste. Démoralisés, décimés, les Assyriens levèrent le camp avec précipitation et s'enfuirent loin de Jérusalem. Le miracle de Dieu avait sauvé le berceau du Messie. Que de fois l'exaucement d'Ezéchias s'est reproduit dans la vie collective ou dans la vie individuelle des enfants de Dieu ! Dieu dispose pour nous, en tous temps, des ressources de la surnature, mais nous retenons Dieu dans les limites die la nature, parce que notre foi se refuse à les déborder. Sans doute Jésus a dit : « Demandez et vous recevrez. » Mais la demande, dans l'Evangile de la croix, ne va pas sans conditions. Pour obtenir, il faut avoir le courage, comme Ezéchias, de s'avancer par la foi nue sur le terrain du risque. Si nous n'obtenons pas, c'est que nous tendons la main de trop loin.
ANCIEN TESTAMENT
A propos d'Ezéchias.
« J'ai entendu ta prière, j'ai vu tes larmes : je te guérirai.» (Lire 2 Rois 20 : 1-11).
Quand j'étais étudiant, une chrétienne militante vit mourir à 17 ans sa fille aînée, la fleur de la famille. « Jamais, me dit cette femme 'au lendemain de son deuil, je n'ai prié pour la guérison de mon enfant. J'ai demandé seulement au Seigneur de me ranger à Sa volonté. » L'attitude de cette mère m'impressionna fortement ; l'expérience m'a appris à comprendre autrement le rôle de l'intercession. Si nous n'avions affaire qu'à Dieu, ce serait assez de laisser les événements se déployer en demandant au Père céleste de plier notre volonté à leur cours. Jésus lui-même a dénoncé les ravages exercés sur la terre par un Ennemi dont il nous dit : « il est meurtrier dès le commencement 1 ». Par là, Jésus a introduit dans notre vocation d'intercesseurs un élément de réaction. A Pierre, il déclare : « Satan vous a réclamés pour vous cribler... mais j'ai prié 2... » A ses disciples, il dit : « Ne fallait-il pas délivrer cette fille d'Abraham que Satan tenait liée depuis dix-huit ans 3 ? A la suite de Jésus nous devons, par tous les moyens, nous employer à « détruire les oeuvres du diable 4 » et de ses suppôts. Dans cette lutte pour arracher à Satan ses victimes, de merveilleux exaucements nous attendent. Hérode emprisonne Pierre. Mais l'Eglise prie et la porte du cachot cède 5. Paul à son, tour est mis aux fers. Ses amis prient et L'apôtre est rendu « à leurs prières » 6. Les Epîtres à Timothée et à Tite nous apprennent tout le bénéfice que l'Eglise a retiré de cet exaucement. Ailleurs, « la prière de la foi sauvera le malade 7, et le malade lui-même, tel Ezéchias, peut en luttant par la prière éloigner la mort de son chevet. Comme nos vues bornées ne nous permettent pas toujours de distinguer l'origine de notre épreuve, nous devons dire avec Jésus dans son agonie de Gethsémané : « Père, que ta volonté s'accomplisse et non la mienne. » Mais avant l'abdication, nous devons avec Jésus pousser vers le ciel le « s'il est possible » où s'affirme notre liberté d'enfants de Dieu 8. Le fatalisme n'est chrétien sous aucune de ses formes. Prenons garde que jamais notre soumission ne ressemble à de la passivité. Dans le champ clos où se débat notre destinée, la puissance de Satan est grande, la puissance de Dieu est plus grande, et nous pouvons obtenir de grandes délivrances par la puissance de la prière. Une seule chose est petite, c'est notre foi.
1 Jean 8 : 44 ; 2 Luc 22 : 31 ; 3 Luc 13 : 11 ; 4 1 Jean 3 : 8 ; cf. Eph. 6 : 10-20 ; 5 Actes 12 : 15 ; 6 Philémon 1 : 22 ; 7 Jacques 5 : 15 ; 8 Mat. 26 : 39.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Habacuc.
« O Eternel, tu as les yeux trop purs pour voir le mal.... pourquoi donc regarderais-tu les perfides et te tairais-tu quand le méchant dévore celui qui est plus juste que lui ?» (Hab. 1 : 13).
C'est la prière du scandale. Le prophète, exaspéré par la conduite des Assyriens., s'en prend à Dieu, lui rappelle les exigences de sa sainteté et le somme d'anéantir les mécréants. Pour un peu, on croirait qu'Habacuc est plus jaloux de l'intégrité divine que Jéhovah lui-même. Et nous aussi parfois, quand nous mesurons tout le mal qui s'accomplit chaque jour dans le monde ou quand nous sommes victimes d'une flagrante injustice, nous sentons notre foi se troubler : comment Dieu laisse-t-il faire ? Au vrai, nous voulons agir comme des êtres libres et nous voudrions que Dieu agît comme si les autres êtres ne l'étaient pas. Dans cette contradiction gît notre folie et un danger mortel pour notre vie spirituelle. Or la liberté, qui seule permet à la créature humaine de se distinguer de la pierre, de la plante et de l'animal pour devenir liliale à Dieu, la liberté suppose la possibilité du mal... Possibilité qui, en elle-même, est un bien, puisque par elle seule peut paraître sur la terre une créature image de Dieu, un être volontairement moral, sanctifié, co-ouvrier du triomphe que les enfants, de Dieu remporteront par Christ sur les puissances d'iniquité, de dissolution et de mort. En tout ceci, le mystère nous déborde ; mais Dieu ne nous a pas demandé de dominer le mystère, c'est-à-dire d'être assez haut pour contempler dans leur harmonie toutes les lignes de l'édifice universel que, dans son amour, il construit. Dieu nous demande seulement d'avoir confiance. C'est ce qu'Il demandait à Habacuc. Voyez plutôt ce qu'il répond à son fidèle et bouillant serviteur : « L'orgueilleux s'égare, mais le juste vivra par sa foi 1. L'orgueilleux, c'est celui qui se met à la place de Dieu et voudrait lui dicter sa conduite. Le juste est celui qui a compris qu'entre Dieu et nous, ce n'est pas affaire de science mais affaire de confiance. Quand une âme est filiale, elle ne demande pas de comptes à Dieu. Elle sait que le péché peut troubler le plan de Dieu, non l'empêcher de s'accomplir ; qu'il peut faire clouer Jésus sur la croix, mais non l'empêcher de ressusciter le matin de Pâques ; qu'il peut, dans l'histoire humaine et même dans l'Eglise, donner momentanément l'avantage à Satan, mais qu'il ne peut empêcher la victoire finale de Celui qui a dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. » Acceptons donc de souffrir et de voir souffrir, nous souvenant que nulle souffrance n'atteindra jamais l'agonie de Jésus librement, filialement consentie.
1 Hab. 2 : 4.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Agur.
« Ne me donne ni pauvreté, ni richesse, nourris-moi du pain qui m'est nécessaire : de peur que, dans l'abondance, je ne te renie en disant : qui est l'Eternel ? Ou que dans la pauvreté je ne sois entraîné au vol et je ne déshonore le nom de mon Dieu. » (Prov. 30:8-9).
Voilà une prière qui nous met en garde contre deux dangers : Le danger d'être élevé à une position qui nous dépasse, nous illusionne sur nos capacités, nous confère des moyens d'action hors de proportion avec notre mérite, et nous amène à nous attribuer des louanges qui retiennent à notre état, non à notre personne. C'est le péril que courent toutes les royautés, même celles dont la couronne est de carton ; il enlève à ceux qui y succombent le contrôle de la vie morale et tarit en eux les sources de l'Esprit. Le danger d'être maintenu dans une misère chronique, qui nous ôte la joie du service, l'indépendance du caractère, la paix dans les affections. L'insuffisance des ressources, provoque une détresse que l'on tait par fierté, mais qui use le tempérament et conduit, si l'on ne veille, aux vices de la servitude. C'est le péril que courent toutes les vassalités même celles dont le collier est d'or. A part les âmes d'élite qui ont la vocation du, martyre, il est difficile à un enfant de Dieu de conserver, dans cet abaissement, la maîtrise de sa vocation et le rayonnement de l'Esprit. Jésus savait cela ; il avait lu la prière d'Agur ; c'est pourquoi Il nous apprend à dire dans l'Oraison dominicale : « Notre Père... donne-nous notre pain quotidien, et ne nous induis pas en tentation. »
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Esaïe.
« Me voici, envoie-moi ! » (Esa. 6 : 8).
Quatre mots... Toute une vie donnée à Dieu. Et quelle vie ! Un ministère de cinquante années durant lesquelles l'action du jeune Hébreu, devenu, prophète, arrêta la décadence d'Israël, provoqua la réforme d'Ezéchias, interdit à l'Assyrien l'entrée de Jérusalem et alluma dans le ciel des croyants l'espérance messianique, étoile qui ne devait pas s'éteindre avant d'avoir conduit les mages à la crèche de Bethléem. Chantre d'Emmanuel et héraut de la sainteté de Jéhovah, Esaïe fut déjà salué par l'Ancienne Alliance comme le prince des voyants. Nul ne peut calculer toutes les possibilités que la grâce éveille dans une âme qui se met à la disposition de Dieu. Mais il faut, comme Esaïe, s'offrir sans marchander, après avoir entendu l'appel d'en haut, s'être senti perdu dans sa déchéance et purifié par le charbon ardent pris sur l'autel divin 1. S'il se fait aujourd'hui si peu de miracles parmi les ouvriers de l'Evangile, c'est que beaucoup se sont offerts aux hommes pour le service de Dieu, plutôt qu'à Dieu pour le service des hommes. « Offrez à Dieu, dit saint Paul, offrez vos corps (c'est-à-dire vos moyens d'action sur la terre) en sacrifices vivants, saints, et que Dieu puisse agréer : c'est là votre culte rationnel. » Les chrétiens, en général, prient pour obtenir, mais combien prient pour s'offrir ? Beaucoup se prêtent, combien se donnent ? Il y a dans notre protestantisme contemporain d'immenses réserves en argent et en énergies. Ce qui manque, c'est l'élan de la prière d'Esaïe : « Me voici !» Et pourtant, l'appel de Dieu est aussi pressant qu'au temps du fils d'Amots ; par le déficit des oeuvres, par l'attiédissement des Eglises, par le débordement du luxe, par le relâchement des moeurs, par les besoins religieux des foules, par les adjurations du monde païen, Dieu nous crie aujourd'hui comme autrefois à Israël : « Qui enverrai-je, et qui ira pour nous ? Ne voulez-vous pas lui. répondre : « Envoie-moi ?»
1 Esa 6 : 5-6.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Jérémie.
« O Eternel..., serais-tu pour moi comme une onde tarie,» « Comme une eau dont on n'est pas sûr ? » (Jér. 15 : 18).
Jésus demandait un jour : « Qui dit-on que je suis ? Quelqu'un répondit : « Que tu es Jérémie ressuscité. » Tant Jérémie avait laissé dans la tradition le souvenir d'un homme en qui Dieu vivait, aimait, souffrait, se donnait pour son peuple. Nul comme Jérémie n'a préfiguré Jésus-Christ. Pourtant, c'est dans son coeur qu'est monté contre Dieu le terrible soupçon dont l'Oriental mieux que nous mesurait la portée : la caravane mourante de soif arrive au ruisseau coutumier, onde tarie. Les chameliers alors se traînent vers l'étang où l'on pouvait encore boire l'étang n'est plus qu'un marais croupissant, une eau dont on n'est pas sûr. Trompée par le désert, la caravane n'a plus qu'à se coucher sur le sable et attendre la mort. Dieu, lui aussi, tromperait-il ? Les plus intrépides champions du Seigneur ne sont pas à l'abri du doute. Que dis-je ? Ils lui sont rendus plus accessibles qu'à d'autres par l'exceptionnelle difficulté de leur combat. Aux grandes âmes, les grandes secousses. Ce qui est grave, ce n'est pas le doute lui-même, né d'un moment de fatigue, de dégoût ou de désespoir ; ce qui est grave, c'est l'attitude que l'on prend vis-à-vis de Dieu lorsque le doute, entré dans l'âme, la tenaille. Quand le doute est entré dans l'âme de Judas, Judas s'est tu. Il a dissimulé, et c'est dans l'atmosphère créée par l'isolement moral de son hypocrisie que s'est développé le germe de la trahison. Quand Jérémie a douté, aussitôt il s'en est ouvert à son Dieu, il Lui a crié sa douleur, il l'a apostrophé, il l'a sommé et, poursuivant avec emportement le Tout-Puissant qui lui échappait, il l'a trouvé. Dieu était là. Il est toujours là. Dans les heures de crise, ce n'est pas son étreinte qui se desserre, c'est la nôtre. Si nous nous croyons abandonnés, suivons la méthode de Jérémie ; au doute, opposons la prière. Jetons-nous à genoux, soyons francs devant Dieu, vidons avec Lui notre querelle, débridons la plaie de peur qu'elle ne s'envenime. Quand nous aurons ouvert à Dieu notre coeur tout grand pour qu'Il y rentre, nous nous apercevrons qu'il ne l'avait jamais quitté.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Baruc.
«Seigneur tout-puissant, Dieu d'Israël, Une âme dans l'angoisse, un esprit inquiet crient à toi, Ecoute, Seigneur, aie pitié, écoute la prière des morts d'Israël » (Baruc 3 : 1-4) 1
Chaque année revient la Toussaint, le mois de la prière pour les morts et des fleurs dans les cimetières. Et chaque année fleurs et oraisons s'en vont dans le vent fripeur de novembre. Dieu ne demande pas aux vivants de prier pour les morts ; il demande que les morts qui ont prié soient exaucés par les vivants. Quant aux fleurs... Se voir « couvrir de fleurs » quand on se sait trahi, est déjà sur la terre une impression intolérable ; que doit-ce être dans le ciel, si, comme je le crois, le monde des esprits voisine avec le nôtre ! Vous imaginez-vous que ceux qui sont partis, emportant nos larmes et nos promesses après nous avoir lancés dans la vie, légué leur oeuvre et remis leur idéal, se désintéressent de nous dans le pays de gloire où ils s'associent à l'activité du Seigneur, notre avocat auprès du Père ? Si nous abandonnons la ligne qu'ils nous ont tracée, la responsabilité nous en est légère aujourd'hui, mais demain, devant eux, devant Dieu, comme elle sera lourde» «Ceux-là sont morts que notre coeur oublie » a dit un poète chrétien. Ceux-là honorent leurs morts et les font revivre qui les continuent. Prieurs portés et orientés par la vie de prière des chrétiens qui nous ont devancés dans la paix glorieuse des enfants de Dieu, restons fidèles, non seulement à leur mémoire, mais à leurs principes ; gardons leur vision, continuons-les par notre effort ; travaillons dans des conditions qui permettent à Dieu de les exaucer ; alors nous pourrons faire nôtre la supplication de Baruc : « Seigneur tout-puissant, écoute la prière des morts d'Israël ! »
1 Baruc a été le disciple et le secrétaire de Jérémie. C'est lui qui nous a conservé les discours de son maître (cf. Jér. 32 : 12 ; 36 : 4 ; 43 : 3 ; 45 : 1). La Bible grecque renferme dans son canon un livre qui porte le nom de Baruc et qui contient des passages de la plus haute inspiration. Sous sa forme actuelle, ce livre date du 1er siècle avant Jésus-Christ. La Bible catholique l'a conservé aussitôt après les Lamentations de Jérémie. On le retrouve entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament, parmi les Apocryphes, dans la Bible de Luther.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Ezéchiel.
« Je me jetai la face contre terre et je m'écriai à haute voix : Hélas ! Seigneur Eternel, tu veux donc exterminer ce qui reste d'Israël ?» (Eze 11 : 13).
On croit volontiers que le découragement est le propre des âmes faibles. C'est une erreur. Le découragement, le vrai, est la marque des forts. Les plus grands hommes de Dieu l'ont connu : Moïse, Samuel, Elie, Jérémie, Ezéchiel, Jean-Baptiste. Pour éprouver ce découragement il faut s'être donné tout entier à la tâche, avoir le coeur passionné pour Dieu, frissonner ,d'épouvante au contact des puissances infernales, de la malice humaine, mesurer sa propre faiblesse, trembler à la menace du jugement de Dieu... Ce découragement-là, voisin du désespoir, son frère, c'est la crise des âmes héroïques, momentanément submergées. Où trouveront-elles un recours contre la ruine qui les guette ? Dans la prière. Voyez l'exemple des grands prophètes et d'autres, comme Néhémie. Découragé par l'œuvre de Dieu, Néhémie en appelle à Dieu ; Jean-Baptiste, découragé par l'attitude de Jésus, en appelle à Jésus. Le découragement est le vacillement de l'âme au choc des événements. Quand un enfant marche à côté de son père, si quelque accident de terrain lui fait perdre l'équilibre, il saisit aussitôt la forte main toujours prête à le secourir. Enfant de Dieu, suis son exemple. Quand tu chancelles, saisis la main de ton Père céleste. C'est dans la prière que tu la saisiras. Si tu dis : je suis trop découragé pour prier, c'est Satan qui te tente, qui veut t'enlever ton suprême moyen de défense, qui cherche à t'attirer sous les eaux sans retour, où sombrent toutes les énergies, toutes les espérances, toutes les puissances de réaction contre l'asphyxie de la personnalité. Ressaisis-toi ! Tiens-toi à Dieu ! Ne plongent que ceux qui s'abandonnent.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'Esdras.
« Mon Dieu..., nous avons abandonné tes commandements... Nous voici devant toi, coupables, et nous ne saurions ainsi subsister devant ta face. » (Esd. 9).
Les derniers siècles du judaïsme, qui devaient servir de portique au Messie, nous ont conservé quatre prières, brûlantes confessions des péchés : celle d'Esdras, celle de Néhémie, celle des survivants de Sion qui a été annexée au livre d'Esaïe (chap. 63-65), et celle de Daniel. Il y a dans ces appels au Dieu « réparateur des brèches », une gradation trop inaperçue. La confession d'Esdras toute tournée vers le passé se résume en un cri d'angoisse : « Nous voici devant toi, coupables... 1. » Celle de Néhémie, forte des résultats du présent, pousse un cri d'espérance : « Bénissez l'Eternel », et implore pour l'avenir « au nom de toutes les épreuves subies 2 ». Celle du peuple ruiné et dépossédé s'élève plus haut et en appelle à Dieu, au nom de sa paternité : « Tu es notre père, te contiendras-tu plus longtemps 3 ? » Celle die Daniel, enfin, atteint le sommet en donnant à Dieu pour motif de son intervention libératrice l'honneur de son nom. Esdras est arrivé sur les ruines de Jérusalem. Il veut rebâtir. Mais les Judéens ont pactisé avec le monde, les mariages mixtes les ont rendus inaptes au Royaume de Dieu. Esdras prend avec lui tous ceux que « faisaient trembler les paroles de Dieu ». A genoux, il avoue les péchés du peuple, il s'humilie, il implore, il s'engage... L'assemblée s'unit à sa confession par des larmes. De cette réunion de prières est sortie la restauration d'Israël. Ainsi, à chaque tournant de l'histoire, c'est la prière qui répare les brèches de la Cité de Dieu. Il y a lieu de s'inquiéter aujourd'hui du fléchissement de la prière, tout autant que du fléchissement des dons qui lui est consécutif. Deux faces d'une même misère, double indice que quelque chose ne va pas. Ce n'est pas en repeignant la pompe qu'on augmente son volume d'eau, c'est en recreusant la source. Veillons aux sources de la vie intérieure, faisons le nécessaire pour ranimer l'ardeur de l'intercession. Il en va de l'organisme spirituel comme de l'organisme matériel : quand le corps se refroidit, la mort menace.
1 Esd. 9; 2 Néh. 9; 3 Esa 64.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Néhémie.
«O Eternel ! écoute la prière de ton serviteur... Fortifie-moi... Toi qui guidas nos pères... Souviens-toi, souviens-toi ! » (Lire Néh. 1, 5, 6, 9, 13).
Néhémie avait fait un rêve immense : ressusciter son peuple. Il l'a réalisé. Son livre nous indique les difficultés de l'entreprise ; il nous révèle surtout le point d'appui qui permit à Néhémie de soulever la masse judéenne : « Eternel, sois attentif, fais-moi grâce, souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi !... » Néhémie nous montre ce que c'est que la prière : prier, ce n'est pas couler comme un robinet, c'est jaillir comme une source. Il nous' fait voir aussi comment la prière domine l'action, l'inspire et l'assure. Par là, il s'agrège à la plus haute lignée des ouvriers de Dieu : Moïse, Jérémie, Paul, lignée que continuent à travers les siècles jusqu'à nous toute une pléiade d'hommes et de femmes : Jeanne d'Arc, saint François d'Assise, Catherine de Sienne, Félix Neff, François. Coillard,, Alfred Boegner. Je ne cite que quelques grands noms. Mais Dieu. sait que cette faculté, cette grâce de fonder l'action sur la prière peut aussi être possédée par les enfants die Dieu les plus humbles, les plus obscurs. Le monde les ignore, l'Eglise les connaît mal et généralement les sous-estime ; c'est qu'ils n'ont nul souci de s'étaler devant les .hommes ; leur face est tournée du côté de Dieu. Mais au bien qu'ils font, au rayonnement de leur âme, on peut s'apercevoir que la qualité de leur énergie n'est pas d'ici-bas. Installés dans l'invisible, ils ne discernent que mieux les pièges du monde visible. Devant les obscurités qui brisent l'élan des hommes, ils opiniâtrent ; là où l'amour ordinaire se lasse, ils continuent d'aimer ; quand on s'abandonne avec eux aux entretiens intimes, on se renouvelle. Ils possèdent, comme Néhémie, une puissance de résurrection. A qui veut faire de grandes choses pour Dieu, le chemin le plus court, c'est la vie de prière. Mais combien le comprennent, dans la fièvre qui nous tient ?
ANCIEN TESTAMENT
Prière des survivants de Sion.
«Eternel, tu es notre Père... Ne sois pas courroucé à l'excès ; Vois, daigne regarder : nous sommes tous ton peuple. » (Esa 64 : 7-8).
«Voici, je crée de nouveaux cieux Et une nouvelle terre. » (Esa 65 : 17).
C'est en vain que l'on chercherait dans l'Ancien Testament une page plus pathétique que celle-ci. Elle renferme une prière de prophète et la réponse de l'Eternel. L'une et l'autre se peuvent résumer ainsi : Le prophète : Eternel, tu as aimé ton peuple, tu l'as béni, quand il était dans l'angoisse tu étais avec lui dans l'angoisse 1. Il t'a trahi, et tu l'as châtié, combattu. Maintenant, vois ! Il souffre, il se meurt dans l'opprobre « Oh ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais » 2, car nous sommes tes enfants. Si tu restes sourd à nos prières, où est ton amour ? Si tu nous laisses écraser par les ennemis de ton nom, où est ta justice ? Devant l'excès de notre douleur « te contiendras-tu ? » 3. L'Eternel : Qui donc ose mettre mon amour et ma justice à la mesure de ses appréciations misérables ? Mon amour s'étend à toutes les créatures. A celles qui me désirent sans me connaître, j'ouvre mes bras 4 ;celles qui, me connaissant, s'obstinent dans leur mauvaise voie, je refuse toute raison de vivre 5. Je ne puis supporter qu'on se prétende religieux sans se courber sous ma volonté 6. Mais que mes serviteurs se rassurent, eux, le petit troupeau ; rien ne sera perdu de leur fidélité. J'exaucerai avant qu'ils aient crié, 7 et je leur apprête un séjour où les oeuvres seront récompensées 8. La prière rappelle celle d'Habacuc. La réponse annonce les Béatitudes de Mt. 6, les « Malheur ! » de Lev 6 et la prophétie de Jésus dans Mt. 8 : « Plusieurs viendront d'Orient et d'Occident et seront à table dans le Royaume des cieux... tandis que les fils du Royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors. » Merveilleuse unité de l'enseignement des Ecritures. Prions pour que Dieu nous apprenne à ne pas mépriser ses avertissements, à nous souvenir qu'il ne suffit pas d'être parmi les appelés pour compter parmi les élus. Ce qui s'écarte du plan divin n'a point de durée.
1 Esa 63 : 9 ; 2 Esa 64 : 1 ; 3 Esa 64 : 11 ; 4 Esa 65 : 1 ; 5 Esa 65 : 2-7 ; 6 Esa 65 : 5 ; 7. Esa 65 : 24 ; 8 Esa 65 : 20-25.
ANCIEN TESTAMENT
La prière d'un rescapé.
« Du sein du séjour des morts, j'ai crié, Et tu as entendu ma voix... Tu m'as fait remonter vivant de l'abîme !» (Lire Jonas 2) .
Dans le livre de Jonas, qui fut de son temps un acte, de grand courage, et dont la conclusion tout évangélique a la douceur des paroles du Poverello, on a inséré un psaume ; ce psaume évoque une prière : l’appel déchirant d'un sinistré que les flots engloutissent, roulent, étouffent, plongent dans l'obscurité mortelle « jus qu'aux racines des montagnes ». Jonas crie à Dieu, Dieu le ramène à la surface, dans la lumière, l'air libre la chaleur du soleil, toutes les harmonies ravissantes la vie. Ce récit apparaît très naïf. Pourtant, c'est une histoire éternelle de vérité. Pourquoi la catastrophe ? Parce que Jonas s'était éloigné de Jéhovah, avait déserté la mission que Jéhovah lui avait confié. Le naufrage du coeur avait précédé le naufrage du navire. Parfois, sans que rien à l'extérieur le décèle, notre âme est submergée par les soucis, bousculée dans le remous des circonstances comme une pauvre petite chose dans le ressac des vagues ; moralement, c'est l'asphyxie ; intellectuellement, la plongée dans la nuit. Heures d'agonie... Quand nous sentons que tout nous quitte, c'est que nous avons quitté Dieu. Que faire ? « L'algue tenait ma tête, j'étais descendu jusqu'aux racines des montagnes, alors je me suis souvenu de l'Eternel. » La prière de Jonas, c'est le coup de pied au fond de l'abîme, qui fait remonter et permet à notre main de saisir en haut la main de Dieu. Alors le Tout-Puissant, quelles que soient les difficultés de l'heure, nous ramène à la surface, à la lumière, à la vérité, à la santé morale, à la joie de vivre, car trouver Dieu, c'est aussi se trouver soi-même, et ce double bonheur passe toutes les épreuves.
ANCIEN TESTAMENT
PRIERES DE PSALMISTES.
1. La prière de l'égaré.
« Pardonne-moi les égarements que j'ignore... « O Eternel ! mon Rocher et mon Libérateur. » (Ps. 19 : 13, 15)
Par la voix de notre conscience, accordée avec l'Evangile, Dieu nous dit : Si tu veux me servir, sois humble, renonce à toi-même, ouvre ton cœur à la grâce, suis les directions de l'Esprit ; et nous mettons à Son service notre orgueil, nos préférences, nos ambitions, notre théologie et les inspirations de notre zèle humain. A la place de la justice de Dieu, nous avons mis notre justice. Au lieu d'être jaloux pour Dieu, nous sommes jaloux de nos frères. Ainsi dévoyés, nous ne comprenons plus les mots révélation et élection qui traversent toute la Bible comme un courant de vie; l'action de grâces, l'eucharistie, a perdu sa vertu, la vertu par laquelle Jésus nourrit les foules en multipliant le pain du corps et régénère les croyants en se donnant lui-même comme le pain de l'âme !. Le Christ nous avait commandé d'établir son « Royaume » sur la terre avec les principes du. Sermon sur la Montagne, et nous avons établi le « christianisme », qui tolère la guerre, le nationalisme, le capitalisme, les misères sociales et les accommodements de la morale humaine. Dieu nous avait dit de construire l'Arche ; nous avons construit la Tour de Babel ; et dans la confusion où s'agite l'Eglise, les pauvres âmes qui cherchent, luttent, souffrent, prient, espèrent, ne voient point venir sur la terre le Royaume de Dieu. Voilà l'égarement dont nous avons besoin de prendre conscience, que nous devons confesser, pour lequel nous devons implorer le pardon et dont nous devons revenir, comme individus et comme Eglise, si nous voulons qu'un jour la volonté de Dieu « soit faite sur la terre comme au ciel ». 1 Marc 8 : 6 ; 14 : 23.
ANCIEN TESTAMENT
PRIERES DE PSALMISTES.
2. La prière de repentance.
« O Dieu ! aie pitié de moi... » (Lire le Psaume 51). Née des larmes de David, répétée de génération en génération par les Israélites qui ont pleuré sur leur péché cette prière porte l'empreinte des siècles, qui l'ont démarquée pour l'adapter à leurs circonstances et faire de la supplication d'un homme le confiteor d'une nation. C'est ainsi qu'elle porte en conclusion l'implicite aveu de la faute collective qui a pour conséquence, quatre cent cinquante ans après David, la démolition des remparts de Jérusalem et la suppression des offices du Temple. Mais le plan primitif y est encore à fleur de coin. Dans les trois strophes de son oraison, le roi-poète nous donne l'analyse la plus achevée de ce que doit être la prière de repentance. Il décompose, si j'ose dire, les attitudes intérieures de l'âme, comme s'il voulait nous montrer tout ce qu'implique le mouvement de la repentance qui obtient le pardon de Dieu. D'abord l'aveu : connaître son péché et le reconnaître, ne pas chercher d'excuses, n'accuser que soi, se rendre compte que toute faute morale est une atteinte à l'honneur de Dieu et se livrer à merci : « J'ai péché contre toi, contre toi proprement, en sorte que tu seras juste dans ta sentence... » Ensuite le recours : conscient d'être né d'une race déchue, le coupable confesse qu'il ne trouve en lui-même aucune puissance de réhabilitation, aucune ressource de salut. Il ne s'agit pas pour lui de se redresser, de s'améliorer, mais de se prêter à une transformation radicale de son être, et il implore pour cette transformation l'initiative de Dieu : « Purifie..., efface..., crée..., renouvelle !... » Enfin, la promesse : sauvé, il se veut sauveteur. Avant même d'avoir obtenu sa grâce, il l'escompte. Il va au-devant d'elle, dans la reconnaissance d'une vie par avance consacrée. Il chantera, il enseignera, il publiera. Champion du Dieu qui lui aura rouvert les portes de la vie, il détournera les autres des fausses pistes où l'adorateur formaliste s'égare, il les amènera à son expérience à lui, à la seule démonstration salutaire : « Un coeur brisé et contrit. » Telle, pour porter ses fruits, doit être la prière de repentance, la vôtre, la mienne ; telle fut celle du roi David. Qu'un seul élément vienne à manquer, la prière pourra traîner devant Dieu nos soupirs, nos illusions, nos infortunes ; elle n'élèvera pas notre coeur à portée de la voix libératrice : « Va en paix ! »
ANCIEN TESTAMENT
PRIERES DE PSALMISTES.
3. La prière d'actions de grâces.
Mon âme, bénis l'Eternel ! Que tout ce qui est en moi bénisse son saint nom ! Mon âme, bénis l'Eternel, Et n'oublie aucun de ses bienfaits ! (Lire le Ps. 103). Comme l'ingratitude est naturelle à l'âme humaine Voyez ici le pieux Israélite qui encourage et qui exhorte son âme à la reconnaissance envers Dieu. Il s'y reprend à deux fois, il la somme de n'oublier aucun de ses bic, faits, il l'avertit que la reconnaissance du bout des lèvres ne saurait suffire : il faut que tout l'être, tout ce qui c. en moi, dise merci à Dieu. Puis, comme pour échauffer, une reconnaissance lente à venir, il fait passer devant son âme, dans un impressionnant raccourci, tout ce qu'il doit à l'Eternel, dans la vie collective ou individuelle « C'est Lui..., c'est Lui..., c'est Lui!... » Oh ! si nous savions nous inspirer de cet exemple au lieu de penser toujours à nos efforts et à nos droits, et (le dire à notre âme : « C'est moi..., c'est moi..., c'est moi !... » Nous recevons de Dieu tous les jours infiniment plus que nous ne méritons : voilà la réalité méconnue, et cette méconnaissance paralyse en nous l'action de grâces. Apprendre à regarder, c'est apprendre à bénir. Bénir, comment ? Dans le secret de la prière ? Oui, sans doute, Mais pas là seulement. Dans la langue hébraïque, l'âme et la vie sont une seule et même chose, désignée par le même nom. Sauver son âme égale sauver sa vie. Quand le psalmiste dit : « Mon âme, bénis l'Eternel ! », il entend : Ma vie, bénis l'Eternel ! Il s'engage à ce que son action, dans ses rapports avec ses semblables, manifeste la reconnaissance qu'il a pour son Dieu. Gomme nos moeurs chrétiennes seraient transfigurées si nous cherchions dans l'action de grâces leur inspiration ! Quels égards, quelle humilité, quelle miséricorde, quelle douceur ! Ce serait la vie normale de l'enfant de Dieu, la véritable orthodoxie. Car le mot orthodoxie, dans son étymologie grecque, ne signifie pas seulement doctrine droite, mais louange droite. Le chrétien orthodoxe est le chrétien dont la vie est une louange au Seigneur. Eternel, enseigne-nous la vraie prière d'actions de grâces, celle qui fait de la vie un cantique.
ANCIEN TESTAMENT
PRIERES DE PSALMISTES.
4. La prière du Pèlerin.
« Eternel !... Je tiens mon âme dans le calme et le silence, « Tel un enfant sevré sur le sein de sa mère, « Tel un enfant sevré, mon âme est calme en moi. » (Ps. 131). Quelle poésie dans cette image, et quel réalisme ! L'enfant du premier âge n'aspire au sein de sa mère que pour s'en nourrir. Avide, il le cherche, le mord, et parfois le meurtrit. Quand le sein maternel l'a assouvi, l'enfant s'en détache et s'endort. Jusqu'à ce que l'instinct l'y ramène par l'aiguillon de la faim, sa mère n'est rien pour lui. Mais, tandis que renversé sur les bras qui le pressent, l'enfant plonge ses longs regards dans les yeux maternels, jour après jour un grand mystère s'accomplit, une transfusion d'âmes, une révélation d'amour, et des liens s'établissent qui seront les plus forts à travers toute la vie. La nourrice est devenue « maman ». Voilà pourquoi, quand l'enfant est sevré, il recherche le sein qui ne le nourrit plus, mais d'où toutes les grâces lui sont venues. Petit pèlerin qui s'en va trébuchant sur le chemin de la vie, son instinct l'avertit que : « L'asile le plus sûr est le sein d'une mère. » Pour être paisible et heureux, il suffit qu'il soit « avec maman ». Et nous aussi, comme le pieux Israélite qui chantait sa prière sur les chemins montants de Sion, comme l'enfant qui fait ses premiers pas en s'accrochant aux meubles de la chambre, nous sommes des pèlerins. En vain, chaque année, le 1" janvier, ouvrant sur la vie une étape nouvelle, nous donne un agenda tout neuf avec ses pages toutes blanches : notre coeur, notre vieux coeur de l'année écoulée, entre avec nous dans l'an nouveau, y apporte ses soucis, ses espoirs, ses craintes, ses meurtrissures, son expérience des choses qui est incertaine, son expérience des hommes qui est décevante... Qu'écrirons-nous sur les pages blanches ? Cela dépendra de notre vie de prière. Si notre foi n'a pas dépassé le stade de la première enfance, si nous ne recherchons Dieu que quand le besoin nous presse, si nous ne crions à lui que si l'intérêt nous y pousse, le cours de nos années sera sans profit spirituel, sans progrès, sans puissance. Il n'y aura pas de lumière paisible sur notre chemin, et nous ne mettrons pas de lumière pacifiante sur le chemin des autres. Si la prière accoutumée nous a mis avec Dieu dans une intimité telle que nous l'aimions pour Lui et non pour nous, que nous voulions Son avantage avant le nôtre, chaque année nous dispensera des grâces insoupçonnées, nous permettra une action féconde, et notre coeur, même au sein de l'épreuve, sera tranquille en Dieu.
ANCIEN TESTAMENT
La prière de Daniel.
« Seigneur, Dieu grand et redoutable, nous ayons péché... Maintenant, pour l'amour du Seigneur, fais briller ta face sur ton sanctuaire dévasté, écoute, pardonne, agis, pour l'honneur de ton nom, car c'est ton nom qui a été donné à ta ville et à ton peuple. » (Dan. 9). Après s'être préparé à la prière par le jeûne, sur le sac et la cendre, Daniel confesse à Dieu les péchés de son peuple, puis il supplie, il adjure le Seigneur d'intervenir et de sauver : « Selon tes justes desseins... écoute ô notre Dieu, exauce, pardonne, agis, pour l'amour du Seigneur, pour l'honneur de ton nom... » L'honneur de Dieu : motif suprême de notre combat, de notre endurance, de notre soumission à souffrir et à mourir. « Nul ne vit ni ne meurt pour lui-même », a dit l'apôtre Paul 1. L'entreprise qui s'accomplit dans l'univers, le drame de la vie humaine n'ont pas pour fin notre succès, notre bonheur personnels, mais l'honneur de Dieu, sa gloire réalisée et reconnue. C'est pour avoir compris l'honneur de Dieu et l'avoir donné comme fondement à toute sa théologie que Calvin a été le prince des réformateurs et le maître écouté de l'école du martyre. Avec Daniel, l'Ancien Testament, atteignant aux cimes de la foi, se dépasse lui-même pour introduire le Nouveau Testament et amener sur la scène de ce monde le Fils de l'Homme dont l'unique raison d'être dans la vie et dans la mort a été la gloire du Père céleste : « Père, glorifie ton nom 2 ! Rachetés du Christ, nous sommes chrétiens dans la mesure où, par notre vie de prière, l'honneur de Dieu est le premier servi ; dans la mesure où notre santé, nos désirs, nos affections terrestres, la demande relative à notre pain quotidien et même aux grâces qui font vivre notre âme, sont subordonnés à la requête que Jésus nous commande de mettre en tête de tout : « Notre Père, que ton nom soit sanctifié et que ton règne vienne. » Tant que nous voyons notre bonheur dans la satisfaction de nos exigences, nous ne sommes pas mûrs pour cette prière-là. Mais du jour où nous pouvons de bon coeur la faire monter vers Dieu, nous nous élevons à la joie totale qui surmonte toute douleur : nous respirons dans l'atmosphère des huit Béatitudes. 1 Rom. 14 : 7 ; 2Jean 12 : 28.
La prière de Marie.
« Mon âme magnifie le Seigneur... » (Lire Luc 1 :46-55).
Dans sa réaction contre le culte de Marie, étranger à la lettre comme à l'esprit des Ecritures, la piété protestante n'a pas su conserver la place qui lui était due à la Mater dolorosa. Tout cœur chrétien devrait entretenir la flamme perpétuelle de la reconnaissance envers la femme qui guida les premiers pas du Sauveur sur la terre et qui assista, en mère, à la Passion de Jésus-Christ. Ceux en particulier que la vie a obligés de déchanter durement, devraient méditer son exemple. Comment se fait-il que l'ardente Galiléenne, qui attendait le Messie vengeur de l'apocalypse juive et qui pensait enfanter ce Messie-là au monde, ait pu, tous ses rêves déçus, toutes ses illusions perdues et le coeur transpercé par le glaive, aller sans défaillance de l'agonie de la croix aux prières de la chambre haute ? Relisez son Magnificat ; mettez-le en style direct : Seigneur, mon âme te magnifie... » et vous comprendrez. Ruine du paganisme, triomphe de la révélation hébraïque, chute des couronnes, établissement de la théocratie par le grand acte de justice qu'annonçaient les prophètes, il y a tout cela dans l'action de grâces de Marie, et tout cela, elle le voit déjà accompli dans la carrière terrestre de « l'Etre saint » dont elle a accepté, par amour pour son peuple et pour Dieu, la charge maternelle. S'il n'y avait eu que cela, sa foi s'en serait allée avec son espérance. Mais lisez bien : ce qui, dans la prière de Marie, domine toutes les expressions de l'attente messianique, c'est l'humilité. L'humilité est le fond même de l'adoration de Marie. Humilité pour elle : « Le Seigneur a abaissé son regard sur l'humilité de sa servante. Humilité dans le règne social que le Messie veut inaugurer : « Il exalte les humbles. » En dépit de toutes les gloires attendues, le règne messianique sera d'abord le triomphe des humbles : « Heureux les humbles », dira Jésus, « car le Royaume des cieux est à eux ». Etre humble comme Marie, s'en remettre comme elle à la miséricorde, se reconnaître trop petit pour savoir sous quelles formes viendront à nous les grâces que Dieu nous offre : voilà le secret de l'obéissance dans les jours adverses, le salut de la foi dans les heures crucifiantes, la seule attitude qui nous permette, quand nos plans personnels se sont écroulés, de nous joindre comme Marie aux prières des disciples du Seigneur.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de Siméon.
« Seigneur, tu laisses aller ton serviteur en paix... » (Luc 2 :29).
L'enfant Jésus est accueilli et béni dans le Temple, non par un prêtre, mais par un prophète. Ceci est de grande portée. Rencontre émouvante : un enfant qui porte en lui l'Israël nouveau, un prophète qui incarne l'attente de l'Israël ancien, et dont les paroles indiquent qu'il est aux termes de sa course. « Tu laisses aller ton serviteur en paix. » « Tu laisses aller... » Siméon mourra donc avant que le Messie ait grandi, se soit manifesté. Siméon ne verra rien de ce qu'il eût souhaité voir. « En paix... » Comment peut-il s'en aller en paix à l'aube d'une journée dont il prédit lui-même les orages ? Contradiction, chute, glaive acéré dont la pointe va labourer le cœur de Marie... Ce que Siméon pressent, ce qu'il annonce, ne devrait-il pas le porter à dire : « Seigneur, ton serviteur s'en va dans l'angoisse... ce qui se prépare est si troublant ! » Ou bien : « Seigneur, renouvelle mes forces et donne-moi de vivre, afin de pouvoir prendre part au combat, et aider au succès du programme messianique... » Mais non. Siméon part en paix. Pourquoi ? Parce qu'il fait confiance à Dieu. Dieu se sert des hommes pour l'accomplissement de ses desseins, mais il n'a besoin d'aucun homme, pas même du pieux Siméon. Dieu, quand c'est l'heure, veut trouver le croyant à son poste ; il fallait que Siméon fût au Temple. Mais si demain Siméon meurt, Dieu saura bien, sans Siméon, tirer gloire du Messie. Le vieux prophète l'a compris, et c'est pourquoi il part en paix. Il n'est pas de circonstance sur la terre, où tel serviteur soit indispensable à Dieu. Ce qui est indispensable à Dieu, c'est la confiance de Ses serviteurs dans Son service. Sur cette confiance, Dieu bâtit Son règne comme il veut, où il veut, avec qui il veut. A Dieu le plan, à Dieu les moyens, à Dieu la victoire. Si nous avons compris cela comme Siméon, nous pouvons, comme lui, faire monter la prière du coeur qui s'en remet, qui s'abandonne : la prière de « l'esprit doux et paisible, qui est d'un grand prix devant Dieu » 1. 1 1 Pierre 3 : 4.
NOUVEAU TESTAMENT
L'entrée en charge de Jésus.
« Pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit et l'Esprit descendit sur lui. » (Luc 3 ; 21). « Aussitôt l'Esprit le poussa au désert. » (Marc 1 :12).
Jésus, après avoir reçu, en réponse à sa prière, la puissance messianique, resta quarante jours dans la retraite. Temps perdu, diront ceux pour qui agir c'est s'agiter, organiser, plaider. Temps gagné, diront ceux pour qui agir c'est obéir, servir, témoigner ; et ils auront raison. Dans sa rencontre avec Satan, son tête-à-tête avec Dieu et le commerce des anges, Jésus a acquis la maîtrise spirituelle qui devait le rendre « Saint à Dieu, terrible au démon » (Pascal), et établir son ministère dans une vie de prière dont il dira devant le tombeau de Lazare : « Je savais bien que tu m'exauces toujours. » Quarante jours de retraite avant de commencer son oeuvre, une nuit de prière avant d'élire ses apôtres, des heures à Gethsémané avant d'affronter la croix : telle est la méthode de Jésus qui attend tout des initiatives divines ; aussi appelle-t-il les hommes groupés autour de Lui : ceux que le Père attire, ceux que mon Père me donne. Si nous savions, à l'imitation de Jésus, faire de la prière le grand levier de notre action, nous éviterions bien des erreurs, bien des fautes, et bien des tourments aussi, car notre action, rattachée directement à Dieu, partirait de Dieu, irait par la force de Dieu. Dans la mesure où nous faisons fond sur l'initiative de l'homme, notre activité se poursuit dans l'inquiétude humaine. Ce n'est pas assez de travailler pour Dieu, il faut travailler par Dieu. Ce travail ne s'accomplit que là où la prière, reconnue dans sa valeur agissante, est mise au premier plan, je veux dire là où l'on ne fait pas deux parts dans la vie : la prière et l'action, mais où l'on considère la prière comme la plus indispensable, la plus constante et la plus efficace des actions. « L'argent est à moi et l'or est à moi, dit l'Eternel. 1» Ce n'est donc pas à nous, c'est à Dieu de demander à ses enfants les ressources nécessaires pour son oeuvre. Demander à Dieu, c'est obtenir des hommes ; car le coeur de hommes est entre les mains de Dieu comme leur argent et leur or. Vivre une vie de prière, puiser dans cette vie l'autorité d'unir les Eglises dans un grand effort d'intercession : voilà la cible que nous avons à atteindre nous-mêmes, si nous voulons que les autres soient atteintes. Cette cible-là ne risque pas de nous décevoir, car elle dépend, non de la générosité de l'homme, mais de la fidélité de Dieu. 1 Agg. 2 : 8.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de Jean-Baptiste.
«Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?» (Luc 7 :20).
Un pont d'une seule arche jeté de l'ancienne alliance à la nouvelle, tel fut Jean-Baptiste. Tendu entre deux mondes qu'il relie sans leur appartenir, énigme pour les autres, énigme pour lui-même, il souffre, l'âme écartelée. Pour comble, cet homme du grand: air est jeté en prison. Le Galiléen qu'il avait présenté aux foules comme le Messie libérateur ne le délivre pas. Dans son cerveau, que l'inaction exalte, le doute point. Mais Jean-Baptiste est un habitué de la prière ; bien plus, il est un instructeur de la prière. C'est au fait qu'il avait enseigné à ses disciples à prier que nous devons l'Oraison dominicale. De sa vie de prière, toutes les paroles sont perdues, mais un geste demeure, et ce geste dit tout. Quand le doute s'est emparé de lui, il n'en a pas fatigué ses bourreaux, il n'en a pas nourri ses fidèles, il n'en a pas savouré dans le silence l'amertume et l'orgueil; Voici ce qu'il a fait. Il a appelé deux de ses disciples et les a envoyés directement porter au Seigneur son trouble. Il s'est plaint de Jésus à Jésus. Et Jésus, aussitôt, par un acte, l'a raffermi. Si les circonstances ébranlent votre confiance au Sauveur, souvenez-vous qu'il n'y a jamais eu une position sur la terre plus difficile à la foi que la position de Jean-Baptiste. Suivez son exemple. Etalé devant les hommes, le doute peut devenir contagieux ; enfoui dans le mutisme de l'âme qu'il torture, il anémie et tue aussi sûrement que le poison. Mettez-vous à genoux, appelez-en de Jésus à Jésus, confessez-lui sans détour les raisons bonnes ou mauvaises de votre trouble. Dites-lui avec larmes que vos regards l'ont perdu, dites-lui tout, tout, et il vous rétablira dans sa communion. Ce n'est que par Jésus qu'on retrouve Jésus
NOUVEAU TESTAMENT
Comme il faisait encore obscur.
« Vers le matin, comme il faisait encore obscur, Jésus se leva et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria. » (Marc 1 :35).
Au matin du 25 avril 1913, « comme il faisait encore obscur », j'étais allé me recueillir sur le bord du lac de Galilée. A l'Occident, la lune descendante argentait le profil des monts de Samarie. Bientôt, à l'Orient, le soleil, brusquant l'aube, marqua d'un filet d'or les crêtes du Hauran. Sous la moire de sa surface, le lac dormait. Partout la paix flottait dans la fraîcheur de l'ombre. C'était l'heure et c'était le cadre de la prière matinale de Jésus. Oh ! la prière matinale ! Rosée de l'âme, aussi nécessaire avant la lutte quotidienne que la rosée des champs avant l'ardeur du jour ! En elle, les forces réveillées se retrempent, l'intelligence s'offre au reflet du ciel, la volonté rectifie ses positions, la conscience prend les ordres pour commander ensuite et les énergies d'en haut s'emparent du centre de notre être avant que les tentations aient repris leur attirance, ou que les obstacles aient fatigué notre effort. On peut bien commencer et mal finir ; mais pour bien finir, le plus sûr n'est-il pas de bien commencer ? La prière matinale fait entrer Dieu le premier dans l'arène où Satan va revenir nous combattre ; la prière matinale nous élève avec Jésus jusqu'aux sources de sa victoire. Une journée vécue sans recours matinal à Dieu est une bataille livrée sans chef : conduite dans le désordre, elle a pour bilan la défaite. « Le matin, comme il faisait encore obscur, Jésus se leva et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria. »
NOUVEAU TESTAMENT
La prière du démoniaque.
« Jésus.., ne me tourmente pas !» (Marc 5 : 7).
Quand une puissance de ténèbres contrecarre en nous l'action divine, à quoi peut-on le reconnaître ? Au trouble qui nous saisit, sitôt que la prière nous met en présence de Jésus. Du temps où le Christ vivait parmi les hommes, le ciel était descendu sur la terre, mais aussi l'enfer y était monté. Les démons reconnaissaient Jésus ; fascinés par lui ils le confessaient dans leurs clameurs : « Fils de Dieu ! Messie ! Tu es le Saint de Dieu ! » Ils le priaient de ne pas les renvoyer, le démoniaque lui-même supplie : « Jésus, ne me tourmente pas ! » Etrange parole dans la bouche d'un malheureux que l'esprit impur tyrannise et qu'un mot du Christ va libérer en refoulant les démons dans leur nuit. Combien de pauvres coeurs, tenus en un repli secret par quelque possession mauvaise, prennent dans leur prière une attitude qui ne signifie pas autre chose que : Jésus, ne me tourmente pas ! Ils lui parlent toujours de leurs épreuves, jamais de leurs faiblesses ; ils implorent le Christ qui dispense les grâces, ils redoutent le Christ qui chasse les démons. Pourtant, leur trouble devrait les avertir que c'est de ce Christ-là, d'abord, qu'ils ont besoin. Dic pereo, ne perens ! « Dis je péris, de peur que tu ne périsses ! » Ce cri sublime, inspiré à saint Augustin, par Pierre qui enfonce 1, ne convient pas seulement à l'apôtre qui perd pied sur les flots en démence, il convient aussi au disciple, dont la morale sombre dans le tumulte d'un coeur partagé, ce coeur que Jacques compare justement « aux flots démontés de la mer et dont il dit : « Que celui-là ne s'attende pas à rien recevoir du Seigneur 2. » Dic pereo !... Si tu dis à Jésus: « Ne me tourmente pas ! » tu optes pour les ténèbres ; si tu lui dis : « Je me corrigerai », tu t'illusionnes : un possédé ne peut lui-même briser ses liens. Si tu cries avec Pierre oscillant sur le gouffre : « Seigneur, sauve-moi ! », tu sentiras aussitôt l'étreinte de la main souveraine qui seule peut ramener les naufragés de l'abîme, et faire du démoniaque guéri l'évangéliste de Sa piété 3. 1 Mat. 14 : 30 ; 2 Jacques 1 : 6-7 ; 3 Marc 5 : 19.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière sans paroles.
(Lire Marc 2 :1-12 ; Luc 8 :42-49).
La prière sans paroles ? Dès le début du ministère de Jésus nous en trouvons deux exemples : le paralytique, dévalé par le toit jusqu'aux pieds de Jésus ; la femme malade, qui se faufile derrière le Maître à travers la foule, en se disant : « Si seulement je touche le bord de son manteau, je serai guérie. » L'un et l'autre, sans avoir proféré une parole, ont été exaucés. Par ailleurs, nous trouvons ce jugement du Christ dans le Sermon sur la Montagne : « N'imitez pas les païens qui pensent être exaucés en parlant beaucoup » 1. Que conclure de tout ceci ? Que la prière chrétienne n'est pas une affaire de parole, mais d'attitude. Quand Paul dit : « Priez sans cesse » 2, il n'entend pas que nous devons passer toute la journée en oraison, mais que notre activité doit être tout le long du jour un geste vers Dieu. Lorsque nous tendons les bras à l'ami qui entre, nous n'avons pas besoin de lui dire : « Je t'accueille avec joie ». Un passant se jette à la tête de chevaux emportés, a-t-il besoin de crier au cocher : « Je viens à ton secours » ? Ainsi, au cours de la vie chrétienne fidèlement vécue, il est des attitudes qui parlent, des silences qui prient. Bienheureuse certitude pour les croyants à qui la multiplicité des devoirs ne laisse point de répit. S'entretenir avec Dieu dans la paix du recueillement, pouvoir en tout temps tout lui dire, voilà certes un privilège incomparable où s'exprime la condition normale de l'enfant de Dieu. Mais il est des enfants de Dieu à qui notre société dénaturée par l'égoïsme ne fait pas de condition normale. Et même, pour tout enfant de Dieu, peut arriver un jour, où, bien que sa vie soit toute tendue vers Jésus, la fièvre de l'action, des obligations auxquelles il ne peut se soustraire, la fatigue d'un dévouement soutenu ou d'une souffrance continue, l'ont pris et comme broyé heure après heure jusqu'au soir, si bien qu'au bout de sa journée il tombe épuisé sur son lit et s'endort avant d'avoir achevé sa prière. Qu'il dorme. De celui-là, Jésus ne dit pas : « Qui m'a parlé ? » mais : « Qui m'a touché ? » Et, comme la malade silencieuse, il sera exaucé par la vertu du Christ. 1 Mat. 6 :7 ; 2 1 Thess. 5 :17.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière d'une mère.
«O femme, ta foi est grande» (Mat. 15 : 28).
Rien ici-bas ne ressemble au coeur de Dieu comme le coeur d'une mère. C'est que la femme, de par la volonté du Créateur, est elle-même créatrice, comme l'indique son nom inaugural : Eve, la donneuse de vie. Par le berceau, elle tient en ce monde tous les commencements. L'enfant, père de l'homme, est son œuvre. Avant de l'attendre, elle le désire ; avant de le connaître, elle le chérit. Pour l'élever, rien ne lui coûte ; pour le soigner, rien ne la rebute ; quand il lui est infidèle, elle lui demeure fidèle, et sa sollicitude veille sur lui, même au delà de la mort : telle Ritspa se tenant jour et nuit sur un rocher pendant tout le temps des moissons, pour défendre le cadavre de ses fils contre les oiseaux de proie et les bêtes sauvages 1. S'il y a plus de religion chez les femmes que chez les hommes, c'est parce que la femme, plus près par vocation des sources de la vie, a moins de peine à les atteindre. Dans les combats de sa maternité contre tous les agents de la mort, elle est amenée par son instinct et contrainte par sa tendresse à se replier sur Dieu, à l'invoquer, à le sommer de lui prêter secours pour la tâche qui leur est commune : la création. Quand il s'agit de son enfant, une mère est reine dans l'intercession. Voyez la Cananéenne aux pieds de Jésus : en vain les disciples réclament qu'on la renvoie, en vain le Maître lui-même fait le geste de l'écarter, elle ne lâche pas prise ; le génie de l'amour lui inspire des réponses qui transforment en moyens les obstacles et la rendent, par une sainte violence, victorieuse de Dieu « O femme, ta foi est grande ; qu'il te soit fait comme tu le désires ». Le royaume du Christ sur la terre marcherait dans le triomphe si nous savions prier pour nos Eglises, pour ses oeuvres, pour les païens, comme une mère prie pour son enfant. 1 2 Sam. 21,
NOUVEAU TESTAMENT
La prière d'un soldat.
« Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit... mais dis une parole, et mon serviteur sera guéri. » (Luc 7 : 6-7).
Quelle humilité dans l'âme de ce centurion, et quelle logique ! Plié par sa carrière de soldat romain à la hiérarchie des puissances et à l'autorité qu'on ne discute pas, ce prosélyte transpose sur le plan spirituel ses expériences du plan social : puisque mon action à moi, simple capitaine, peut s'exercer au loin par l'envoi d'un soldat, combien plus celui qui commande au monde des esprits doit-il pouvoir exercer au loin son influence toute puissante par l'envoi d'un messager spirituel ! Cette conclusion peut nous paraître élémentaire. Pourtant elle excita l'admiration de Jésus, qui s'exclama devant la foule : « Je n'ai pas trouvé foi si grande, même en Israël ! » C'est que les Juifs, aux jours de Jésus, attendaient qu'il passât, qu'il parlât, qu'il agît devant eux, il leur fallait « mettre le doigt dans la marque des clous » Le centurion, lui, n'exige pas que ses yeux contemplent, que ses mains touchent. Penché seul sur son serviteur qui agonise, il croit, il sait que Jésus invisible est présent, muet et agissant, aux prises avec les mille obstacles de la terre et victorieux. Il croit sans voir, et son âme en paix compte sur la guérison. « Heureux a dira Jésus, « ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru a Sommes-nous sûrs d'avoir la foi du centurion ? Ne nous arrive-t-il jamais de dire : « Ah ! si Jésus passait par ici, si je pouvais lui parler, me jeter à ses pieds, toucher comme la veuve le bord de son manteau !... Et ces réflexions soufflées par Satan dans le cœur qui doute nous font, à l'heure de l'épreuve, désespérément seuls. Cependant, Jésus avait déclaré à Nathanaël, au premier jour de son ministère : « Dès maintenant, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme 3 ». Ce que Jacob avait pressenti dans son rêve tandis qu'il dormait, proscrit, sur la pierre de Béthel 4, Jésus l'a réalisé dans sa personne et dans son oeuvre. En lui, habitant parmi nous, le ciel ouvert s'est relié à la terre ; par Lui, opérant en nous, les anges, ses messagers, montent et descendent, dispensateurs des grâces, intendants des miracles, témoins et acteurs de la présence constante, dynamique du Christ dans notre vie mortelle, mais rachetée. « Je dis à l'un : Va, et il va ». « Laissez » disait Rothe mourant, aux amis penchés sur son lit, « laissez approcher les anges ! Quand tu pries seul, dans ta chambre, si tu crois comme le centurion à la présence spirituelle du Christ, présence réelle, attentive, agissante, si tu y crois vraiment, la prédiction du Psaume 91 se réalisera pour toi : tu te sentiras « porté par la main des anges »5. 1 Jean 20 : 25 ; 2 Jean 20-29 ; 3 Jean 1 : 51 ; 4 Gen. 28 : 11-15 ; 5 Ps 91 : 11-12.
NOUVEAU TESTAMENT
Le tressaillement de Jésus.
« Jésus tressaillit de joie et dit : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre!.... puis, se tournant vers ses disciples : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » (Luc 10 :21-23),
S'il est vrai que la vie avec Dieu est la suprême félicité, tout service qui nous rapproche de Dieu est une source de joie. De même que, dans les feux champêtres, la flamme claire s'élance parmi les épines et la fumée, la joie jaillit du coeur chrétien, même à travers les heures les plus cruelles et les plus sombres. L'histoire nous la montre illuminant le lit des mourants et le cachot des martyrs. Jésus, au cours de son dur ministère, a tressailli de joie. Couronnant l'action de grâce des psalmistes et le magnificat de Marie, la prière de Jésus, au retour des soixante-dix disciples, exprime au Père la joie du Fils pour la mission qu'il a reçue, pour la puissance qui lui a été donnée, pour les espérances infinies que cette mission et cette puissance font resplendir à ses yeux 1. Dans la veillée de la croix, au moment où il passe à ses disciples les consignes qui les mettent sur le chemin du Calvaire, Jésus ouvre pour eux la source de la joie que personne ne pourra leur ravir 2 : a Je suis le cep et vous, les sarments... si vous demeurez en moi... demandez tout ce que vous voudrez et cela vous sera accordé... afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jn 15 : 5-11). Magnifique enchaînement ! Etre unis au Christ vivant, demeurer dans son action, demander que cette action s'étende en nous, autour de nous, par une prière fille du ciel et certaine que le ciel l'exauce.., n'est-ce pas, pour les pauvres créatures que nous sommes, avoir retrouvé, en dépit des épreuves de ce monde, la destinée de l'enfant de Dieu ? Bergson 3 a écrit : « La nature nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. La joie annonce toujours que la vie a réussi... Plus riche est la création, plus profonde est la joie. » Par cette parole, la philosophie la plus moderne et la plus scientifique nous aide à comprendre pourquoi le chrétien le plus authentique est aussi le plus joyeux. 1 Luc 10 :17-24 ; 2 Jean 16 : 22 ; 3 L'Energie spirituelle, page 24. Bergson ajoute : « La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu'elle a conscience de l'avoir créé physiquement et moralement.» Jésus avait déjà dit : « Quand l'enfant est né, la femme ne se souvient plus de son angoisse dans la joie qu'elle a de ce qu'un homme est né dans le monde. » Jean 16 : 21.
NOUVEAU TESTAMENT
L'ORAISON DOMINICALE.
1. Le plan.
« Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous induis pas dans la tentation, mais délivre-nous du Malin, car c'est à Toi qu'appartiennent dans tous les siècles le règne, la puissance et la gloire. Amen !» (Mat. 6 : 9-13).
Prier « au nom de Jésus », c'est prier en conformité avec Sa volonté. Comment s'exprime Sa volonté vis-à-vis du chrétien en prière ? Elle s'exprime dans l'Oraison dominicale. L'Oraison dominicale est, non la formule, mais le programme de la prière au nom de Jésus. La réciter telle quelle est une joie pour le chrétien. Faire d'elle l'inspiration de sa prière personnelle est une force pour lui, une source d'exaucement, une occasion bénie de conformer sa prière au plan de la vie de prière de Jésus. Qu'y voyons-nous ? Que la prière du chrétien doit être filiale (Père), fraternelle (notre), qu'elle doit faire passer avant tout les intérêts de Dieu (sanctifié), vouloir que Son Royaume s'établisse ici-bas (vienne), et demander la réalisation intégrale de ses desseins sur la terre (comme dans le ciel). Le chrétien peut ensuite implorer le Dieu qu'il glorifie pour tous ses besoins personnels : matériels (le pain), moraux (le pardon), spirituels (ne pas être induit en tentation), éternels (être délivré de l'esprit mauvais, le Malin, qui n'a pas le droit de dominer sur nous, puisque e le règne, la puissance et la gloire » appartiennent à Dieu seul). Merveilleuse unité de l'Oraison dominicale, qui fait tout partir de Dieu et qui ramène tout à Lui ! Essayez de trouver quelque chose d'utile qui ne soit pas compris dans ses brèves demandes, vous n'y parviendrez pas ; et dans la mesure où vous vous écarterez de son ordonnance, vous sortirez du naturel, vous affaiblirez le spirituel, vous mettrez la créature avant le Créateur, votre moi à la place de Dieu. De même qu'on peut réciter les mots du « Notre Père » comme une vaine redite, on peut faire une prière où les mots du e Notre Père » ne sont pas reproduits, mais où se retrouve le programme de l'Oraison dominicale et son inspiration. Cette prière-là transfuse dans les préoccupations de notre vie de prière les volontés, les désirs, les puissances du Christ en prière... Qu'elle s'épanche sans crainte, dans la certitude d'être entendues : c'est une prière « au nom de Jésus ».
NOUVEAU TESTAMENT
L'ORAISON DOMINICALE.
2. L'invocation.
Voici comment vous devez prier : Notre Père qui es aux cieux... (Mat. 6 : 9).
« Père ! » Ce mot résume toutes les grâces apportées au monde par Jésus-Christ. Il n'apparaît, dans la prière païenne, que comme un poétique espoir ; quand on le retrouve dans l'Ancien Testament, il exprime une foi où se mêle encore la crainte. Dans l'Evangile, Il est chez lui. Il rayonne de confiance et d'amour. La Rédemption lui a rendu, en plénitude, sa réalité pratique et mystique. e L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu 1. En nous rendant le Père, Jésus nous rend les frères. C'est pourquoi il veut que nous disions, non pas mon, mais notre. Quels que soient les droits et les mérites de l'individualisme, il ne saurait, sans se pervertir, nous retenir en deçà de la solidarité. Le chemin qui mène au, coeur du Père passe par le cœur des frères. C'est en aimant les autres que nous prouvons le mieux notre amour au Dieu qui a donné son fils unique pour le salut de tous. Devant lui, plus encore que devant les hommes, le « moi » est haïssable. « Qui es aux cieux.» Au commencement, la terre et le ciel ne formaient qu'un séjour. L'Eden où vivait l'homme était le jardin où Dieu s'entretenait avec sa créature comme un père avec son enfant. La chute a séparé ce que Dieu avait uni. Le péché a creusé un abîme entre le ciel où Dieu habite et la terre tombée au pouvoir de Satan. Désormais l'homme fera figure d'exilé sur sa planète obscure, et Dieu sera le père lointain qui demeure dans les cieux. Mais ni l'un ni l'autre n'en prendront leur parti. « Qui es aux cieux. » Il y a donc un séjour de gloire, il y a une maison paternelle ; des cieux, le Père a parlé ; des cieux, le Fils est venu ; des cieux, l'Esprit a été répandu pour créer l'humanité nouvelle dans l'unité des frères ; des cieux, le Christ reviendra << en grande gloire s, et c'est des cieux qu'après la réalisation du Royaume de Dieu sur la terre descendra la Jérusalem céleste, le « Tabernacle de Dieu au milieu des hommes» 2. Que de certitudes, que de grâces, que d'espérances dans l'invocation « Notre Père qui es aux cieux a ! Jésus nous l'a enseignée pour faire naître en nos coeurs l'abandon et l'adoration, c'est-à-dire les vrais sentiments de la prière. 1 Rom. 8 : 16 ; 2 Apoc. 21 : 3.
NOUVEAU TESTAMENT
L'ORAISON DOMINICALE.
3. La prière pour Dieu.
«Notre Père... Que ton nom soit sanctifié. » (Mat. 6 : 9).
L'Antiquité établit, entre le nom et la puissance, une relation mystérieuse. Le nomen romanum, c'était la puissance de Rome. Quand David dit à Goliath : Je marche contre toi avec le nom de Jéhovah » 1, il entend : toi, tu as pour arme une épée, moi, la puissance de Jéhovah. Je vaincrai. D'autre part, 4 sanctifié » est l'équivalent de « consacré », sanctus et sacer sont de même famille et le mot grec ici a les deux sens. « Que ton nom soit sanctifié » signifie donc, que ta puissance soit consacrée, sanctionnée, tenue pour sainte et honorée comme telle ; c'est-à-dire qu'il y ait des gens qui reconnaissent, proclament, mettent en oeuvre ta puissance providentielle sur la terre ; que ta puissance soit servie par des saints (la notion de sainteté n'est pas une notion de perfection, mais une notion de consécration), alors ton Royaume pourra venir, ta volonté se faire ici-bas comme au ciel. Cette prière, c'est la prière pour Dieu. Est-elle bien nécessaire ? Certes ! L'homme est libre, il peut, par son activité rebelle, chasser Dieu de la famille, de l'école, de l'Etat, des relations internationales, de la nature, même, car en violant la nature, en l'épuisant, en la saccageant par la guerre, en employant ses ressources à des fins opposées aux desseins de Dieu, il dérobe au Créateur sa création et la met au service de l'Ennemi. Tel est le pouvoir de l'homme fait à l'image de Dieu, c'est-à-dire libre. Voilà pourquoi, après lui avoir donné en Eden la loi de l'obéissance, Dieu commande à l'homme, par Moïse, de respecter son saint nom, et lui enseigne par Jésus-Christ la prière : « Que ton nom soit sanctifié 2. Dans cette requête, portique de toutes les autres, le croyant, avant de rien demander pour lui-même, demande à Dieu, pour Dieu, des hommes de bonne volonté, des serviteurs vivant pour le Dieu vivant. De fait, tant que cette prière-là n'est pas exaucée, aucune des autres ne peut l'être, car les grâces viennent sur la terre par les co-ouvriers de Dieu 3. Quel honneur Jésus nous a fait de nous confier une prière pour son « Père et notre Père » 4 ! Mais aussi, quand nous prions « que ton nom soit sanctifié », quelle responsabilité pour nous et quel engagement de consacrer à Dieu, pour que sa puissance puisse hâter la venue de son Royaume, tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes ! 1 1 Sam. 17:45. 2 Gen. 2 : 16 ; Ex. 20:7 ; Mat. 6 : 9. Voir l'explication du 3° commandement et son rapprochement avec la première demande de l'Oraison dominicale dans notre livre 4 Jéhovah », 4° éd., 3° part., pp. 207-212. 3 Marc 16:15 ; Rom. 10 : 14. 4 Jean 20 : 17.
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L'ORAISON DOMINICALE.
4. La prière et le devoir présent.
« Notre Père... Que ton règne vienne. » (Mat. 6 : 10).
Bien des gens aiment à faire deux parts dans leur vie, la part de l'Eglise, et la part du monde ; ils affectent de se représenter la terre comme une salle d'attente, un mauvais lieu, où l'on fait ses affaires en soupirant, avec l'espoir de quitter bientôt ce séjour d'exil voué à la ruine, pour aller jouir enfin des félicités éternelles dans la vraie patrie : le ciel. La deuxième demande de l'oraison dominicale coupe court à cette illusion. Certes, Jésus a dit : « Votre récompense sera grande dans les cieux 1. » Mais pour qui ? Pour ceux qui, dans la mesure de leurs forces, l'auront aidé à reconquérir pour Dieu le Royaume usurpé par Satan : notre pauvre planète égarée et douloureuse. Il ne nous apprend pas à prier : notre Père, que nous allions à toi ; mais : notre Père « que ton règne vienne » ; — qua ta volonté soit faite dans le ciel ! mais : que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ; il ne dit pas : je vous attends au ciel, mais : « je reviendrai » 2 ; — je bénirai ceux qui auront vécu d'extase pour le ciel, mais : je bénirai ceux qui auront visité, nourri, vêtu, consolé les malheureux et fait venir ainsi mon royaume sur la terre 3. « Il faut qu'Il règne » 4. Où ? Partout. Et d'abord, partout où nous sommes, partout où ceux qui se réclament de lui sont appelés par lui : la lumière du monde » et « le sel de la terre » C'est sur la terre que Jésus a planté sa croix. Par sa croix, il a pris possession de la terre et c'est sur nous qu'il compte pour lui en assurer la domination. Dés lors, la vie terrestre du chrétien n'est pas écartelée en sacré et profane, dimanche et semaine, Eglise et monde, terre et ciel. La vie chrétienne est une ; elle est un service de tous les jours. Le but de ce service est qu'un jour arrive où il n'y aura plus ni ciel ni terre, parce que tout sera Royaume de Dieu. Prier : Que ton règne vienne, c'est s'engager à agir. 1 Mat. 5:12s.; 2 Mat. 25 :31 ; 3 Mat 25:34 ss. 4 1 Cor. 15 :25: 5 Mat 5 :13 ss
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L'ORAISON DOMINICALE.
5. Terre et ciel.
« Notre Père... Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » (Mat. 6 : 10).
Dans cette prière, Jésus nous oblige à confesser qu'il n'y a pas de différence spécifique entre la terre et le ciel, mais que, suivant le mot profond de Bengel : « Le ciel est la norme de la terre ». Une même puissance les a créés, une même intention les vouait à la gloire de Dieu, une même volonté les régit. L'obéissance à cette volonté doit les réunir en un même royaume. Mais depuis que la terre est tombée sous la puissance de Satan 1, il y a ici-bas une autre volonté qui s'exerce ; des réactions se sont établies au coeur même de l'humanité. En demandant « que ta volonté soit faite sur la terre », les enfants de Dieu s'engagent à donner leur concours à l'expulsion de Satan. L'activité du témoin de Jésus-Christ dans une nature altérée par la chute et dans une société pervertie par sa rébellion, se trouve chaque jour placée devant des problèmes infiniment complexes, ceux-là mêmes devant lesquels se trouva, du jour de son baptême au ternie de la passion, le Fils de l'homme, le divin obéissant, Jésus-Christ. A sa suite et dans sa communion, nous devons librement accepter que notre obéissance soit tantôt l'obéissance active qui travaille joyeusement à la réalisation des desseins de Dieu, même dans les circonstances les plus difficiles, tantôt l'obéissance passive qui consiste à accepter la volonté divine même lorsqu'elle brise la nôtre, même lorsque nous ne comprenons pas, même lorsqu'elle nous accule à une totale immolation. Dans un cas comme dans l'autre, l'obéissance est sûre du triomphe puisque nous concourons par elle à établir un état de choses où la sainte volonté de Dieu est engagée, de Dieu qui aura le dernier mot, au jour qu'Il a fixé pour rétablir l'harmonie entre la terre et le ciel. Et ce sera la glorieuse théocratie que Moise avait entrevue, pour laquelle les prophètes ont lutté, et que Jésus a rendue possible par son oeuvre rédemptrice : « Maintenant, le Prince de ce monde va être jeté dehors 2 » Tant que le « comme au ciel » ne sera pas exaucé, le chrétien qui adresse à Dieu cette prière ne saurait prendre ici-bas d'autre devise que celle de Marnix : « Repos... ailleurs ! » 1 Gen 3 ; 2 Jean 12 : 31.
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L'ORAISON DOMINICALE.
6. La prière et le pain.
« Notre Père.... donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien.», (Mat. 6 : 11).
Que d'enseignements en une seule ligne ! « Donne-nous notre pain ». L'aliment de notre vie matérielle nous vient donc chaque jour de Dieu, aussi bien que les grâces de notre vie spirituelle. Ne disons donc pas : « J'ai acquis », mais « Dieu m'a donné ». En nous invitant à demander à Dieu même les choses les plus élémentaires, les plus nécessaires à notre subsistance, celles qu'on ne refuse pas à un miséreux, Jésus nous avertit que le Père céleste ne trouve point déplacé, qu'Il désire au contraire que nous le fassions entrer dans tous les détails de notre existence, que nous l'entretenions d'un morceau de pain. Oh ! la belle vie que la vie toute pénétrée de Dieu, toute reçue du Père céleste qui sait de quoi nous avons besoin ! Notre pain quotidien. « A chaque jour suffit sa peine », a dit Jésus... A chaque jour suffit son pain. Comment se fait-il que tant de chrétiens recherchent le luxe et tiennent un train de maison pareil à celui des grands de ce monde, alors que le Maître dans son modèle de prière ne parle que du pain quotidien ? Un enfant de Dieu ne doit pas convoiter les choses pour lesquelles il ne peut pas prier. En conclurons-nous que Dieu condamne les richesses et les moyens qui permettent d'y parvenir ? Condamnerait-il le travail de l'argent, levier du progrès parmi les hommes' ? J'ai connu un chrétien que son génie commercial avait mené à la fortune ; il vivait modestement, et, après avoir prélevé sur ses revenus le nécessaire pour la bonne marche de ses affaires, il donnait tout le reste, c'est-à-dire la grosse partie, à l' oeuvre de Dieu. Voilà un chrétien qui savait être riche en Dieu » 2 et riche pour Dieu. Il avait compris que Jésus en nous apprenant à prier « Donne-nous notre pain », voulait que nous assurions aussi la subsistance de nos frères. Jésus, dans ses tournées, a mangé le pain des saintes femmes qui « l'assistaient de leurs biens » 3. Ce qu'Il ne veut pas, c'est qu'on amasse pour soi des trésors sur la terre 4 ; ce qu'Il demande, c'est que l'on partage son pain avec celui qui a faim : « En tant que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à Moi que vous l'avez fait'. 1 Méditer la réponse du maître au serviteur inutile. Mat. 25:27. 2 12 : 21 ; 3 Luc 8 : 3 ; 4 Mat. 6 : 19 ; 5 Mat. 25 :40.
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7. La prière et le pardon.
« Notre Père !... Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. » (Mat. 6 : 12).
La prière, pour être exaucée, doit monter d'un coeur qui pardonne. Mais l'Evangile n'enseigne pas le pardon à tout prix. L'Oraison dominicale met en scène le débiteur insolvable qui s'humilie et implore. Pour être bien compris, le « comme nous pardonnons » de Mt. 6 : 12 doit être lu à la lumière de la parabole du serviteur impitoyable (comp. Le 11 :4 et Mt. 18 : 23-35). Un deuxième type du pardon chrétien est donné par Jésus dans sa réponse à Pierre : à qui se repent, pardonne toujours (Mt. 18 : 22 ; méditer Mt. 18 : 15-20, à la lumière de Mt. 5 : 43-47. Là où la communion Rom. 12 : 10 n'est plus possible, que l'amour demeure avec l'action bienfaisante). Un troisième type nous est fourni par l'exemple de Jésus au Calvaire, exemple suivi par Etienne au moment de son martyre. C'est le pardon accordé à ceux qui « ne savent ce qu'ils font » (Le 23 : 34 ; Actes 7 : 60 ; comp. Rom. 10 : 2). C'est ici le pardon le plus difficile, et aussi le plus rare. Il faut, pour l'accorder, s'oublier soi-même, s'immoler à Dieu sur l'autel des hommes. Il faut accepter en vérité aux heures crucifiant( d'achever en son corps, comme Paul, les souffrances du divin Crucifié. Mais l'Evangile ne dit pas qu'il faut pardonner à ceux qui, tournant le dos à la lumière, font le mal sciemment, en goûtent le bénéfice et se tiennent en dehors des conditions de pardon posées par le Maître lui-même. C'est en ce sens que Jésus, dans l'instant le plus miséricordieux de sa vie, sur le seuil de Gethsémané, dit au Père qui l'avait « envoyé dans le monde afin que le monde soit sauvé par lui » : « J'ai achevé ]'oeuvre que tu m'avais donnée à faire... Je ne te prie pas pour le monde... » (Jn. 3 : 17 ; 17 : 4, 9). Nous ne voyons pas que Jésus ait eu à pardonner à Hérode, le païen, à Caïphe, le Juif, à Judas, le disciple, sans quoi Jésus n'aurait pas dit de Judas : « Mieux vaudrait pour cet homme n'être jamais né; il vaut mieux être né, si l'on doit aboutir au pardon du Christ. Ce pardon, tendu vers les Pharisiens, n'arrive pas à les atteindre ; aussi Jésus leur annonce-t-il qu'ils « ont rendu inutile à leur égard le dessein de Dieu». Son coeur, qui met la grâce à la portée des plus petits, ne l'abaisse jamais jusqu'à une compromission. Le pardon doit être un acte de courage, non un signe de faiblesse ; un geste de sainteté, non de lassitude ; un renoncement, non une complicité. Le monde, « entièrement plongé dans le mal », pardonne aisément à qui lui pardonne. Si Jésus avait pardonné au monde, le monde n'aurait pas dressé la croix. Mais voici : dans la vie de tous les jours, beaucoup de chrétiens pardonnent là où il ne faut pas, et ne pardonnent pas là où il faut. Quand l'honneur de Dieu est lésé, ils pardonnent ; quand leur amour-propre est blessé, ils ne pardonnent pas. Seigneur, enseigne-nous à pardonner comme Jésus !
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8. Prière et tentation.
« Notre Père... Ne nous induis pas dans la tentation... » (Mat. 6 : 13).
Toutes les demandes de l'Oraison dominicale sont formulées sous la forme positive, sauf une : « Ne nous induis pas dans la tentation. » Pourquoi cette négation ? Et comment Jésus a-t-il pu parler comme si Dieu pouvait nous tenter ? On a cherché à écarter cette troublante pensée en traduisant : « Ne nous laisse pas tomber... » Mais le texte grec dit formellement : « Ne nous conduis pas dans, ne nous induis pas. » Il s'agit donc d'une chose que Dieu pourrait accorder, mais par laquelle nous nous trouverions exposés à la tentation, conduits dans une épreuve trop dure pour nos forces. Dieu, — cela va sans dire et la Bible, au surplus, le déclare, — Dieu ne veut introduire personne dans la tentation. Mais ce fait ne suffit pas pour établir notre communion avec Lui. Ce qu'il faut, c'est que nous non plus, nous ne voulions rien obtenir de Dieu qui puisse devenir occasion de chute. Mais comment discernerions-nous par nous-mêmes, dans la foule de nos demandes, le cas de l'exaucement périlleux ? Pierre ne se doutait pas des limites de son courage,quand il dit à Jésus : « Ordonne que j'aille vers toi sur les eaux. » Heureusement pour lui que l'Educateur divin était là pour lui tendre la main. Quand, plus tard,le Maître enseigna à ses disciples la prière : « Ne nous induis pas en tentation », Pierre, mieux que tous les autres, dut en comprendre l'intention. Nous aussi, comme Pierre, nous sommes exposés à nous jeter, par nos demandes inconsidérées, au-devant de situations qui nous livreraient à des flots bien plus redoutables que ceux où Pierre se serait noyé : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps... craignez celui qui a le pouvoir de jeter dans la géhenne 1. » Voilà pourquoi Jésus veut que nous aussi nous demandions : « Notre Père, ne nous induis pas en tentation. » Quiconque prie dans cette attitude, peut prier hardiment : il a remis préalablement à Dieu l'entière direction de sa vie. En priant : « Ne nous induis pas... », l'enfant de Dieu dit à son Père : Je récuse tout désir qui pourrait mettre en danger ma vie spirituelle ; je souscris à ta volonté, qui est, non de m'exposer à l'épreuve, mais de me façonner pour les biens éternels ; je m'engage à me courber sous ta discipline, quand même il m'arriverait de ne pas la comprendre, quand même elle me coûterait... et si quelque terrestre amour menaçait de me ramener aux idoles, « Sous ton ciseau, divin sculpteur de l'âme, Que mon bonheur vole en éclats » 1 Luc 12 : 5 ; 2 Vinet. Méditer 1 Jean 5 : 21.
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9. Prière et délivrance.
« ...Mais délivre-nous du Malin... » (Mat. 6 : 13 b).
...« Mais délivre-nous... » de quoi.. de qui ? L'Oraison dominicale, par la demande relative à la tentation, nous a mis sur la voie : Ne m'accorde pas ce que je te demande, si l'exaucement doit m'exposer aux attaques de l'adversaire. Maintenant, ce que le prieur demande dans une requête suprême qui comprend toutes les autres, et où toutes les autres seront exaucées, c'est d'être délivré de l'Adversaire lui-même. Ce jour-là, les effets de !a chute seront anéantis, les tentations mauvaises n'auront plus de prise ; toi, ô notre Père qui règnes dans les cieux, et régneras aussi sur la terre : Tu seras « tout en tous ! » On voit, par ces quelques paroles, que la traduction : délivre-nous du mal, répond moins au mouvement général de la prière du Sauveur que la traduction : délivre-nous du Malin. Chrysostome avait déjà compris qu'il s'agit ici de « l'Ennemi » 1 que Jésus est venu combattre sur la terre, le semeur d'ivraie, le prince usurpateur de ce monde, celui que le Seigneur a désigné connue le meurtrier originel, et le père du mensonge 2, Satan, d'autant plus redoutable qu'il peut venir à nous déguisé en ange de lumière 3. Oh ! si nous arrivions à comprendre en quel danger nous met, dans cette vie, le fait du « Diable qui rôde autour de nous comme un lion rugissant cherchant qui il pourra dévorer » ! Danger rendu, pour ainsi dire, insurmontable à l'humanité de la Chute, parce que le Diable qui assiège le cœur de l'homme a dans ce coeur des complicités secrètes. Il le sait, voilà pourquoi il insiste. Le Diable ne recule que devant Jésus. « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair 4 .» Si nous voulons être sauvés de l'étreinte infernale, il faut que Jésus soit dans la place et la libère : « Délivre-nous du Malin ! » Quiconque fait monter cette prière vers Dieu, de toute l'énergie de son être, entre par elle dans le combat du Christ, communie avec sa Passion, et remportera avec lui la victoire. Il a, dès à présent, la vie éternelle 1 Mat. 13 :39 2 Jean 8 : 44 ; 3 2 Cor 11 : 14 ; 4 Luc 10 : 18 ; 5 Jean 6 :47 cf 5 :24
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10. La Doxologie.
«... Car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. » (Mat. 6 : 13).
L'Evangile de Luc ne rapporte pas la fin de l'Oraison dominicale. Son texte s'arrête à : « Ne nous expose pas à la tentation. » Il est clair, cependant, que sans les mots : « Mais délivre-nous du Malin », la prière du Seigneur n'est pas fermée. Comme la conclusion : « Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire », manque dans les plus vieux manuscrits connus de Matthieu, des théologiens ont pensé que ces derniers mots de l'Oraison dominicale ne sont pas de la bouche du Sauveur et constituent une doxologie ajoutée par la liturgie de l'Eglise grecque. L'Eglise de Rome les a rejetés. L'Eglise protestante les maintient. Plus on les médite à la lumière des événements qui inaugurèrent le ministère de Jésus, et plus on s'affermit, malgré la réserve qu'impose le silence des textes les plus anciens, dans la conviction qu'ils ont fait partie du modèle de prière tel que le Maître l'a donné, et qu'ils se lient organiquement à : « Délivre-nous du. Malin », comme : « Délivre-nous du Malin » est lié à : « Ne nous expose pas à la tentation. » On ne peut ici diviser sans déchirer, raccourcir sans mutiler. Reportons-nous à la scène de la Tentation, à l'assaut suprême où Satan (appelé ailleurs par Jésus le Malin — le Malfaiteur : Mt. 5 : 37 ; 13 : 19-38) déploie devant le jeune Messie les royaumes de ce monde, et lui offre de lui en céder la « puissance « et la « gloire », pourvu que Jésus reconnaisse son règne, car, dit Satan, « toutes ces choses m'ont été données, et je les donne à qui je veux ». Jésus repousse Satan, mais Satan ne se tient pas pour battu et se retire « jusqu'à une autre occasion » 1. « L'occasion » revient à Gethsémané 2, et Jésus sait qu'elle reviendra quand ses disciples continueront son combat 3. Sorti vainqueur de la crise terrible, Jésus n'a pas oublié l'habileté de l'infernal suggesteur, ni le danger de son emprise. Il sait combien aisément les hommes lui font des concessions pour obtenir la maîtrise dans les affaires de ce monde. Il frémit pour ses disciples. C'est pourquoi, ramenant dans les derniers mots de l'Oraison dominicale le souvenir de ses propres luttes, Jésus dénonce le Tentateur, prémunit ses apôtres contre la tentation, et les agrège à sa victoire sur le Malin qui a usurpé pour un temps, ici-bas, « le règne, la puissance et la gloire », lesquels appartiennent pour tous les siècles à « Notre Père qui est aux cieux ». « Que votre cœur ne se trouble point » : Dieu aura le dernier mot en tout. Dans la conclusion : « Car c'est à Toi... », Jésus réconforte les siens en leur donnant une formule où l'on entend déjà sonner la trompette de leur triomphe, en même temps qu'elle exprime le témoignage de la parfaite adoration. 1 Luc 4 : 5-13 ; 2 Jean 14 :30 ; 3 Luc 22 :31.
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11. Amen.
« Amen, je vous le dis, il ne passera pas de la loi un trait de lettre, qu'il ne soit accompli. » (Mat. 5 : 18). « Car c'est à toi qu'appartiennent, dans les siècles, le règne, la puissance et la gloire, Amen ! (Mat 6: 13).
Voilà un petit mot qui peut se vanter de grandes choses. Dans la loi de Moïse, dans l'oracle des prophètes, sur les lèvres de Jésus-Christ, dans les discours des apôtres, on le retrouve, marquant tour à tour la crainte de Dieu, la conviction de l'homme, la gravité des discours du Christ, la ferveur de la vie chrétienne, et l'Apocalypse le projette au ciel où il exprime pour l'éternité l'adoration des bienheureux. Amen veut dire : « Qu'il en soit ainsi », « en vérité », ou « c'est bien ». Amen, c'est la formule de l'acquiescement, de l'abandon entre les mains paternelles. Notre prière, l'Oraison dominicale elle-même quand nous la récitons, vaut ce que vaut l'amen qui la termine, comme une pièce écrite vaut ce que vaut la signature qui l'atteste. D'où viennent les agitations qui nous troublent, les contradictions qui nous épuisent, les révoltes qui nous égarent, les convoitises qui nous livrent sans force aux entreprises de Satan ? Elles viennent de ce que notre amen n'a pas sonné clair et loyal à la fin de l'oraison où notre âme, en paroles, se confiait à Dieu. Notre malheur est que nous passons notre temps à nous donner et à nous reprendre. Amen a précisément pour but de barrer la route à ces retours vers nous-mêmes des élans qui nous ont porté vers Dieu. Tous nos efforts ne sauraient nous délivrer des mécomptes, des calamités, des épreuves, des atteintes, de la malice humaine qui, sur notre chemin semé d'obstacles, nous surprennent, nous désaxent, nous désolent et avivent en nous la peur de la mort. O Dieu d'amour, Dieu créateur, qui fait sortir le bien du mal, comme tout en nous s'apaiserait si notre vie était un Amen ! Le ton ne serait pas toujours le même, il y aurait l' « amen sanglotant » et l' « amen triomphant »... Il y aurait aussi l'amen qui, dans les jours mornes, exhale toute notre prière, mais du moins, à lui seul, cet amen te dirait que nous nous en remettons à Toi.
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Prier au nom de Jésus.
« Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom.» (Jean 14 : 24).
La famille universelle des chrétiens récite tous les jours le « Notre Père » et termine chaque prière par les mots : « Au nom de Jésus. » Elle fait ainsi parce que le Maître a dit : « Quand vous priez, dites » 1 et : « Ce que vous demanderez au Père en mon nom Il vous le donnera » 2. Touchante et pieuse habitude. Mais en écrivant le mot habitude, n'ai-je pas mis le doigt sur le danger des formules, même les plus saintes ? Jésus a-t-il donné le « Notre Père » comme un formulaire à réciter ? Et si, en disant de prier en son nom, il a entendu fournir à ses fidèles le mot de passe pour les divins exaucements, comment se fait-il qu'il n'ait point terminé l'Oraison dominicale : donne-nous..., pardonne-nous..., délivre-nous..., au nom de Jésus ? Pour comprendre la formule : « Prier au nom de Jésus », il faut l'envisager dans le mouvement des idées, ou mieux, dans l'enchaînement des faits qui la présente et lui donne son sens. Jésus parle à ses disciples 3 ; il leur dit en substance : Ayez confiance en moi 4. Vous ferez mes œuvres, et même de plus grandes 5. Pour que vous le puissiez, je prierai le Père qui vous donnera le Saint-Esprit 6. Alors,bien qu'absent matériellement, vous me verrez parce que je serai en vous 7. Vous partagerez ma joie ; nous aurons par l'esprit toutes choses communes 8 et moi, je n'aurai plus à prier pour vous, c'est vous qui prierez en mon nom, et l'exaucement vous sera accordé non parce que j'intercéderai pour vous, mais parce que j'habiterai en vous : nous serons un devant le Père 9, Tout ceci s'accomplit sur le plan spirituel où nous transporte la Pentecôte. Prier « au nom de Jésus », ce n'est donc pas seulement prier dans la communion de Jésus, c'est prier avec la puissance que donne l'entente préalable avec Jésus. Dans la prière « au nom de Jésus », c'est Jésus qui prie par la bouche de ses rachetés. Si nous voulons prier réellement « au nom de Jésus », disons-nous en nous agenouillant : « Que demanderait Jésus à ma place ? » et : « dans quels sentiments le demanderait-il ? » Alors, nous ferons la prière nouvelle dont Jésus est venu enrichir la terre et qui est toujours exaucée : « Père, je savais bien que tu m'exauces toujours ! 10 » 1 Luc 11 : 2 ; 2 Jean 16 : 23 ; 3 Jean 14 et 16 4 Jean 14 :11 ; 5 Jean 14 : 12 ; 6 Jean 14 15-17 ; 7 Jean 14 : 19-20 ; 8 Jean 16 : 22, 23 et 25 ; 9 Jean 16 : 26 et l'ensemble du ch. 15 ; 10 Jean 11: 42.
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La prière à Jésus.
« Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » (Actes 7: 59).
Jésus a dit à ses disciples : « Quand vous priez, dites : « Notre Père... ». Ailleurs, il exhorte à prier « en son nom ». Nulle part il ne dit : « Priez-moi ». La prière à Jésus est-elle donc défendue ? Toute prière doit-elle aller directement à Dieu ? Il est certain que « le Fils », d'un bout à l'autre de son enseignement, oriente ses rachetés vers « le Père ». Aux jours de la tentation, il avait déjà dit : « Tu le serviras Lui seul 1. » Aux apôtres, il déclare : « Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne n'en sait rien, pas même le Fils, mais le Père seul » 2. « Quand tout aura été soumis à Dieu, alors le Fils lui-même sera soumis à Celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous 3. » Mais il est également certain que Jésus a dit : « Venez à moi 4 » ; « qu'Il a été souverainement élevé afin que tout genou fléchisse devant lui » 5, et qu'il est « notre avocat auprès du Père » 6. La portée de ce double enseignement, la portée de cette double série de versets a été comprise par les prieurs de tous les siècles dans son harmonieuse unité. Les onze, dans la chambre haute, prient Jésus glorifié d'indiquer le successeur de Judas. Etienne mourant dit : « seigneur Jésus, reçois mon esprit ». Paul prie Jésus trois fois de le délivrer, et Jésus répond : « Ma grâce te suffit. » Toutes les heures de réveil spirituel dans l'histoire ont été marquées par des cantiques qui sont des prières à Jésus : « J'ai soif de ta présence, Divin chef de ma foi. » La prière à Jésus n'est pas commandée dans les Evangiles, mais elle jaillit spontanément des coeurs que Jésus a ramenés vers Dieu. Elle suit le regard porté vers la croix. Elle répond à la sollicitation intérieure du Christ qui « demeure en nous ». Comment le chrétien ne parlerait-il pas au Christ qui lui parle ? 1 Mat 4 : 10 ; 2 Marc 13 : 32 ; 3 1 Cor. 15 : 28 ; 4 Mat. 11 : 28 ; 5 Phil. 2 ; 6 1 Jean 2.
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La prière de la mère de Jésus.
« Ils persévéraient dans la prière avec les femmes, avec Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. » (Actes I : 12-14).
Parmi les mystères que nous offre la lecture des Evangiles, il n'en est pas de plus grand que la maternité de Marie. Respectons-le, et laissons la Nazaréenne au rang qu'elle s'est assignée elle-même quand elle a dit : « Je suis la servante du Seigneur. »1 Ne nous laissons pas aller à accorder à la mère, par la subtilité d'une théologie que d'ailleurs la masse des dévots ne saurait entendre 2, un caractère et une action qui n'appartiennent qu'au Fils. Ce n'est pas à Jésus qu'il faut comparer Marie, mais à Jean-Baptiste. Comme le précurseur, Marie est associée à l'oeuvre rédemptrice sans participer à la nature divine. Comme à Jean, il arrive à Marie de perdre pied dans un rôle qui la dépasse. Jean envoie demander à Jésus : « Es-tu celui qui devait venir ? » et il s'attire la réponse : « Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute 3 ». Marie cherche Jésus pour l'enlever car elle le croit « hors de sens » 4 et elle s'attire cette réponse où le froid du glaive dut effleurer son coeur 5 : « Qui est ma mère ? Ma mère c'est quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux 6. » Comme Jésus dit de son précurseur : « Un prophète ? Oui vous dis-je et plus qu'un prophète... et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui 7 », il aurait pu dire de celle qui l'avait porté dans ses flancs : une mère ? Oui vous dis-je, et plus qu'une mère ; cependant la plus petite dans le royaume des cieux est plus grande qu'elle. Jean a été décapité avant d'avoir vu par l'effusion de l'Esprit la fondation du Royaume céleste sur la terre. Marie a vécu assez pour s'associer aux prières de la chambre haute et voir avec la Pentecôte l'avènement du règne de Christ ici-bas. Elle est entrée dans le Royaume comblée de grâces, bénie entre toutes les mères, heureuse entre toutes les femmes 8 ; mais pas une ligne, pas un mot dans la Révélation divine du Nouveau Testament ne lui attribue un rôle de médiatrice, pas une promesse n'est attachée à son intercession. La prier pour qu'elle obtienne en notre faveur des exaucements de son fils, serait un manque de foi envers Celui qui a dit : « Venez à Moi. Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde, demandez en Mon nom et vous recevrez. » N'oublions pas Marie. Mais quand notre pensée s'absorbe en elle pour vénérer, pour aimer, pour compatir et pour bénir, prions Dieu qu'Il nous apprenne à obéir, à souffrir, à triompher comme elle, et souvenons-nous de l'exhortation de saint Jean : « Mes petits-enfants, gardez-vous des idoles 9. » 1 Luc 1 : 38 ; 2 Voir Ecclesia, pp. 159, 207-210 ; 3 Mat. 11 : 2-6 ; 4 Marc 3 : 21 et 31 ; 5 Luc 2: 35 ; 6 Mat. 12 : 48-50 ; 7 Mat 11 : 9-11 ; 8 Luc 1 : 28. 42. 48 ; 9 1 Jean 5 : 21.
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La prière des Scribes.
« Quelques-uns des scribes et des pharisiens lui dirent : «Maître, nous voudrions te voir faire un miracle.» (Mat 12: 38).
Les Juifs s'imaginaient que si Jésus s'accréditait auprès d'eux par un prodige, ils n'auraient plus de difficulté à le reconnaître comme Messie. Ils se trompaient. Tout le long de son ministère, Jésus leur a montré des miracles. Qu'ont-ils fait au bout ? Ils l'ont crucifié. C'est que la foi naît des dispositions du coeur. Elle ne dépend pas des curiosités de l'esprit. Qui veut conditionner sa foi par la vue ne croira jamais. Qui accepte de croire pour les raisons du coeur, sans autre preuve que l'évidence spirituelle, verra des miracles, en lui, autour de lui, et jusqu'aux extrémités de la terre. Si seulement les croyants étaient attentifs aux oeuvres de leur Maître dans le monde ! ils raisonneraient moins, ils trembleraient moins, ils seraient moins sujets au découragement, ils ne montreraient pas aux hommes des visages moroses. Ils croiraient non seulement à l'amour de leur Sauveur, mais à sa victoire. Ils vivraient, ils mourraient en vainqueurs. Mais qui sait regarder avec les yeux de la foi ? Qui fait passer en première ligne dans ses relations les chrétiens authentiques, ceux dont la vie consacrée est une parole de Dieu ? Qui prend la peine de se documenter et de s'instruire sur les progrès de l'évangélisation, sur les conquêtes de la Mission en terre païenne qui montrent, sur tous les points de notre globe, l'Evangile en marche ? Si les croyants s'exerçaient à cela au lieu de chercher leurs distractions dans la société mondaine ou dans la littérature profane, pour eux se renouvellerait le miracle du serviteur d'Elisée qui vit, à une heure de guerre où tout semblait détresse, se déployer sur les montagnes la cavalerie de Jéhovah 1. « Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru », ils sont les prédestinés de la vue : s Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu 2. » 1 2 Rois 6 : 17 ; 2 Jean 20 : 29 ; 11 : 40.
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Péager et Pharisien.
« Deux hommes montèrent au Temple pour prier. » (Luc 18 : 9-14).
Deux hommes..., deux tempéraments, deux destinées. Ils suivent la même route et n'ont rien en commun ; ils vont au même lieu, mais leurs âmes divergent. Que de gens ici-bas, compatriotes, parents et enfants, frères et soeurs, époux, marchent côte à côte sans se comprendre, sentant leurs âmes étrangères les unes aux autres jusque dans la prière ! D'où viennent ces incompréhensions qui font tant souffrir, ces divorces moraux dont la conséquence est de briser l'action et de paralyser la vie spirituelle ? Parfois d'un préjugé, d'une maladresse, d'une situation dont les développements sont allés au delà des intentions de ceux qui l'avaient créée. Il semblerait dès lors que le mal puisse être réparé... Avec la prière du péager, la chose serait facile : « O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pécheur ! » Quand on a de soi-même une petite opinion, confesser une erreur soulage, réparer un tort grandit. Mais écoutez la prière du pharisien : O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes. » Celui de qui l'orgueil s'est à ce point haussé, n'a pas de prochain. Trop distant pour compatir à la peine des autres, n'attendez pas qu'il s'accuse ou qu'il cède : s'il s'avouait faillible, il se diminuerait. L'orgueil installe le coeur dans l'atmosphère des résistances. L'orgueil est le grand isolant. S'il nous isole des autres, comment ne nous isolerait-il pas de Dieu dont on ne peut approcher qu'à travers l'atmosphère de la grâce ? Tous les deux ont prié, mais la paix n'est descendue que dans le coeur du péager. « Celui qui s'abaisse sera élevé. » Demandons à Dieu de nous apprendre à tirer enseignement de ces deux prières, car elles sont de tous les temps, et leurs conséquences aussi.
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Une prière qui s'égare.
« Maître ! qu'il fait bon être ici ! Dressons trois tentes... » (Luc 9 : 33).
Oui, certes, il fait bon !... Bien meilleur que sur le dur chemin des courses apostoliques, au milieu des places publiques, dans le service haletant des malades, ou même dans la synagogue au public mélangé sous le regard hostile des pharisiens. Sur les cimes avec Moïse, Elie, Jésus, quelle compagnie ! quel séjour ! En attendant, là-bas, dans la plaine, un lunatique se tord dans la poussière devant les disciples impuissants, son père se désole, Satan triomphe... Debout ! dit Jésus à Pierre, et, l'éveillant de son extase, il le ramène avec Jacques et Jean aux âpres luttes de la vie. Monter sur la montagne est une grâce ; en redescendre est un devoir. Toute prière qui demande d'y séjourner est une prière qui s'égare. Jésus est venu sur la terre non pour faire contempler sa transfiguration, mais pour nous appeler à transfigurer le monde. « La moisson est grande, il y a peu d'ouvriers ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers 1. » La moisson ne se fait ni sur un Thabor, ni dans une cellule de moine, ni dans une chambre haute. Quiconque recherche avec complaisance la piété retirée, l'orgueil des sélections spirituelles, la jouissance de l'entre-soi chrétien, se laisse distancer par le Maître qui, Lui, marchait sur la route du peuple, allait droit aux souffrants et ne craignait pas de se souiller à leur contact. L'atmosphère des pieux conventicules est comme l'atmosphère des serres chaudes : on y cultive l'artificiel. Or, jésus ne nous a pas appelés à l'artificiel, mais au surnaturel. Tant que Celui qui a été a donné au monde » (Jn. 3 : 16) sera « en agonie » pour le monde (Pascal), nous n'avons pas le droit de nous attarder hors du monde, son champ d'action et le nôtre. « Si quelqu'un veut venir avec moi, qu'il se charge tous les jours de sa croix et qu'il me suive » (Luc 9 : 23). Demandons à Dieu qu'Il nous apprenne, non à dresser des tentes sur le Thabor, mais à exaucer la prière de notre Maître : « Père... Je ne te prie pas les ôter du monde, mais de les préserver du Malin 2. 1 Mat. 9 : 38 ; 2 Jean 17 : 15. Cf. p. 120 : Prière et délivrance. Voir aussi 1 Jean 2 : 13-44 ; 3 : 12 ; 5 : 18-19.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de Salomé.
« Ordonne que mes deux fils, que voici, soient assis l'un à ta droite, l'autre à ta gauche, dans ton Royaume. » (Mat. 20 : 21).
Salomé était une ardente messianiste. Ses deux fils, Jacques et Jean, vivaient dans l'intimité de Jésus. Elle-même faisait partie de la petite intendance attachée aux pas du Maître, et qui faisait les frais de ses tournées. Voici la suprême étape. Jésus monte à Jérusalem pour la Pâque. Tout Jéricho est en rumeur. La foule des pèlerins exaltés croit déjà que Jésus va confondre ses adversaires et se manifester à Sion Messie-Roi. Salomé s'avance vers lui et se prosterne : « Que veux-tu ? — Que mes deux fils, dans ton règne, soient assis l'un à ta droite, l'autre à ta gauche. » Que dut éprouver Jésus, qui venait de parler de son abaissement, de ses souffrances, de son martyre, quand il vit la mère de ses deux amis tout occupée d'obtenir pour eux les plus hautes positions dans la gloire ! Mères de famille, qui trouvez avec raison la demande de Salomé bien osée, que demandez-vous quand vous priez pour vos fils ? Salomé, du moins, sollicite pour les siens les premières places dans le Royaume de Dieu. Ne Fous arrive-t-il pas de demander tout simplement pour les vôtres les meilleures places dans le royaume de ce monde ? Vous priez pour leur bien-être, pour leur succès, pour leur bonheur sur la terre ; priez-vous avec la même instance pour que Dieu les convertisse, leur donne la vertu du renoncement, les consacre à Jésus, afin que Jésus puisse les employer comme il voudra, les envoyer où il voudra ? Vos prières maternelles vous disposent-elles à donner vos fils comme Anne donna Samuel pour t'office du Temple, comme Eunice donna son Timothée pour les courses périlleuses de l'apostolat ? La prière chrétienne a-t-elle pour but de mendier des privilèges ou d'implorer des grâces ? Quand vous demandez pour vos fils tout le confort possible ici-bas, songez-vous que votre prière sera présentée à Dieu par un crucifié, son Fils à Lui ? Les familles n'auraient pas à pleurer sur tant d'enfants prodigues et l'Eglise ne connaîtrait pas la crise des vocations, si les mères, après avoir enseigné à leurs enfants la prière : « Que ton règne vienne et que ta volonté soit faite sur la terre », savaient demander pour leurs fils, avec plus de modestie, mais non moins de ferveur que Salomé, une place dans le Royaume messianique, le plus près possible de Jésus.
NOUVEAU TESTAMENT
Prière et renoncement.
« Je suis venu jeter un feu sur la terre. Comme je voudrais qu'il fût déjà allumé ! » (Luc 12 : 49). « Maintenant mon âme est troublée, et que dirai-je ? Père, délivre-moi de cette heure ? Mais c'est pour cela même que je suis venu jusqu'à cette heure. Père, glorifie ton nom ! Alors il vint une voix du ciel qui dit : Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore.» (Jean 12 : 27-28).
Jésus est venu jeter un feu sur la terre. Ce feu, qui doit consumer notre égoïsme incurable, Jésus sait qu'il ne pourra l'allumer qu'au prix de sa mort sur la croix. A l'approche de la Passion, son âme se trouble. Demandera-t-il à son Père d'être délivré de cette heure ? Fera-t-il appel aux légions d'anges qui l'arracheraient aux mains de ses bourreaux ? Non. Il a une mission pour la gloire de son Père et il. l'accomplira. « C'est pour cela que je suis venu... Père, glorifie ton nom ! » Par ces paroles, Jésus s'est chargé de nos douleurs 1. Il portera « nos péchés sur le bois » 2. Aussi la voix céleste, en réponse à son obéissance, lui annonce-t-elle son triomphe : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. » Nous aussi, nous avons une mission : transmettre le feu de l'amour rédempteur aux générations qui nous suivent. Cette mission, nous ne pourrons l'accomplir que dans la mesure où nous accepterons, en même temps que les promesses de Dieu, les exigences de Dieu. Quand viendra l'heure crucifiante, quand notre âme se troublera au bord du sacrifice, refusons-nous comme le Christ à implorer la délivrance, et, suivant son exemple, disons à notre tour : « C'est pour cela que je suis venu... Père, glorifie ton nom. » Alors, ayant accepté de « souffrir avec lui » 3, nous entendrons la parole qui nous associera à son règne : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. » 1 Esaïe 53 : 4 ; 2 1 Pierre 2 : 24 ; 3 Rom. 8 : 17 ; 2 Tim. 2 : 12
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de Philippe.
« Seigneur, montre-nous le Père. » (Jean 14 8).
Ne soyons pas trop sévères pour la prière de Philippe. Jésus ne l'a pas été. Il v a beaucoup de vrai dans le dicton populaire : « Je ne crois que ce que je vois. » L'homme n'est pas un pur esprit. Pour que les réalités spirituelles lui soient assimilables, il faut qu'elles lui deviennent sensibles, que tout son être soit saisi et conquis. Il faut, pour que Dieu s'impose à l'homme, qu'il se pose d'abord devant lui. Pour annoncer la révélation, il fallait les miracles. Pour allumer dans les coeurs la foi en l'amour du Père, il fallait la venue du Fils : Jésus vivant, agissant, souffrant, mourant, se montrant ressuscité aux yeux de ses disciples. Le tort de Philippe est de n'avoir pas su reconnaître, clans la sainteté unique du Christ, les caractères de la présence de Dieu, comme le tort de Thomas a été, dans la chambre haute, d'avoir douté, devant la transformation de ses condisciples et leur allégresse, qu'ils avaient contemplé le Christ ressuscité. Une fois que le monde spirituel est, par le surnaturel. rentré dans l'histoire, et qu'il s'y est incarné, qu'a-t-on besoin de l'attendre encore de l'extérieur et de réclamer des prodiges ? Nos sens peuvent nous tromper. La plus incontestable, la plus concluante des preuves de l'action divine sera toujours une personnalité renouvelée à l’image de Dieu ; là où cette personnalité existe et agit, l'incrédulité ne peut plus être considérée que comme une maladie de l'âme ou une faiblesse de la chair. Ici se dévoile toute notre responsabilité de chrétiens. Jésus pouvait dire : « Qui m'a vu a vu mon Père » ; par là, il condamnait les Juifs et ouvrait le ciel à ses rachetés. S'il ne transparaît pas, Lui, à travers notre manière d'être, comment nos contemporains connaîtraient-ils le péché qui les perd et la grâce qui nous sauve ? Ce ne sont pas les miracles d'autrefois, c'est le miracle d'aujourd'hui qui peut amener à Christ ceux qui nous entourent. Ce miracle, c'est Jésus dans nos vies.
NOUVEAU TESTAMENT
L'intercession royale.
« Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire » (Jean 17 : 24).
La page d'où cette parole est tirée présente un fait unique dans l'histoire de l'humanité. Ce n'est pas une révélation de Dieu, ce n'est pas une prière de l'homme, c'est la déclaration des droits du Christ que son oeuvre expiatoire a rétabli roi dans le ciel et sur la terre. Fort de son acceptation de mourir qu'il vient de figurer dans l'institution de la Cène, Jésus se voit déjà, — par delà Gethsémané où il livrera la lutte suprême, par delà la croix où il portera les péchés du monde, par delà le matin de Pâques où resplendira sa victoire, —sur les marches du trône où son Père l'attend. « Père, l'heure est venue... j'ai achevé l'œuvre... Je t'ai glorifié sur la terre... maintenant, toi, Père, glorifie-moi !... je veux... » « Je veux... » C'est la seule fois dans les Evangiles que Jésus dit au Père : « Je veux. » Et ce « je veux » ne dénonce pas un manque de soumission filiale, il exprime, au contraire, les droits que Jésus s'est acquis par son entière obéissance. Bientôt, la Pentecôte et la floraison de l'Eglise, en attendant son glorieux retour, manifesteront que ces droits ont passé dans la réalité et que Jésus, souverainement, les exerce : e Je donne ma vie, personne ne me l'ôte, je la donne de moi-même. Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Toutes les tribus de la terre verront le Fils de l'Homme venir en grande gloire 1... Ils le virent lié, le voicy les mains hautes. 2 « Je veux... » Toi qui lis ces lignes, ne sens-tu pas courir en ton âme le frisson de la majesté divine ? Détourne-toi d'un monde pour lequel Jésus n'a pas prié, et au sein duquel tu ne peux pas le prier. Prosterne-toi dans l'obéissance au Maître des âmes. Ce « je veux » te concerne. Prépare-toi à la rencontre de ton Roi. 1 Jean 10 : 17 s. ; Jean 12 : 32 ; Mat. 28 : 18 ; Mat. 24 : 30 ; cf. 25 : 31. 2 Agrippa D'AUBIGNÉ. Le jugement dernier. (Les Tragiques, 1, VII).
NOUVEAU TESTAMENT
La prière à Gethsémané.
« Père, s'il est possible, éloigne de moi cette coupe... Toutefois, ta volonté soit faite et non la mienne. » (Mat. 26 ; Luc 22).
« S'il est possible ?... » Jésus n'a-t-il pas dit : « Toutes choses sont possibles pour celui qui croit » ? N'a-t-il pas déclaré à Pierre qu'il lui suffirait de demander à son Père douze légions d'anges pour les obtenir aussitôt ? O grandeur et mystère de la liberté humaine ! Grandeur et misère de la faute originelle ! Dans l'oeuvre de la rédemption, la seule prière qu'il ne soit pas possible à Dieu d'exaucer est la prière du seul croyant sans reproche, son Fils unique, le Christ de son amour. C'est que rien, pas même le bouleversement des mondes, ne pourrait redresser la liberté déchue, ni allumer la repentance dans l'âme pécheresse, hormis la croix ; la croix qui expose aux yeux du coupable le martyre volontaire du Saint et du Juste. Librement l'homme est allé par la vie à la mort ; il faut que, librement, il aille par la mort à la vie. Mais cette liberté-là, un seul la possède, Celui sur qui la mort n'a pas d'emprise parce qu'Il est sans péché. Jésus le sait. Il s'est offert. Voilà pourquoi, à la supplication d'agonie : « Père, s'il est possible, éloigne de moi cette coupe », il ajoute : « Toutefois, ta volonté soit faite et non la mienne. » Arrêtons-nous devant cette parole : elle emporte toute la rédemption. En disant à Dieu par ses actes : Non pas ce que tu veux, mais ce que je veux », le premier Adam a fermé le paradis à sa postérité charnelle. lin disant à son Père, au seuil de la Passion : « Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux », le second Adam a rouvert le paradis à sa postérité spirituelle. Mais au prix de quels renoncements ! La souffrance de l'incarnation, l'attouchement de la mort, la séparation d'avec Dieu, tout l'insondable de l'expiation dans le cri : « Eloï, Eloï, lamina sabachtani ! » Quand tu ploies le genou, mon frère, pense à Gethsémané, pense aux renoncements de Jésus. Sans esprit de renoncement, il n'y a pas de prière au nom de Jésus-Christ, et c'est la prière au nom de Jésus-Christ que Dieu exauce.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière et les anges.
Jésus s'étant mis à genoux priait... Alors lui apparut un ange venu du ciel, qui te fortifia. (Luc 22 : 41, 43).
Une belle soirée d'août. Deux enfants regardent au-dessus de leur tête s'entrecroiser des météores qui strient de traits de feu la nuit transparente. L'un demande : « Qu'est-ce que c'est, les étoiles filantes ? » L'autre, grave : « On me l'a dit. Ce sont les anges qui descendent et qui montent, comme dans le songe de Jacob. Quand ils entrent dans l'air, ils s'éteignent pour pouvoir faire leur travail sans être vus. Quand ils ressortent de l'air, ils se rallument pour remonter au ciel. » Explication naïve mais où se peint en parabole un fait vrai. Comme le ciel d'été foisonne de particules de comètes qui s'enflamment en traversant notre atmosphère, comme l'éther qui nous enveloppe et nous pénètre vibre d'ondes sonores que la radio nous rend perceptibles, l'espace entre notre tente terrestre et la Maison du Père est sillonnée par des messagers angéliques, ouvriers des desseins de Dieu 1. Des anges vinrent vers Jésus et le servirent 2 ; un ange ouvrit à Pierre les portes de sa prison 3 ; même les plus petits d'entre nous ont des anges qui, nous dit Jésus; « contemplent sans cesse la face de mon Père » 4. Le croyant, ici-bas, n'est donc pas un orphelin qui marche dans le désert sous le mutisme implacable des cieux ; « L'ange de l'Eternel campe autour de ceux qui le craignent et les garantit » 5. Ce monde spirituel, c'est la prière qui l'ouvre, le recueillement qui y introduit. Voulons-nous pouvoir dire comme le Christ : « Je ne suis jamais seul ? » Demandons à Dieu de former nos yeux à voir l'invisible 6, nos oreilles à entendre la « voix de silence » 7, et de rendre sensible à nos coeurs le va-et-vient des anges.
1 Heb 1 : 14 ; 2 Mat. 4 : 11 ; 3 Act. 5 : 19 ; 4 Mat. 18 : 10 ; 5 Ps. 34 : 8 ; 6 1 Rois 19: 12; 7 2 Rois 6 : 17.
NOUVEAU TESTAMENT
Le pourquoi de Jésus.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mat 27 :46)
Quand Jésus, parfaitement pur, est allé au baptême de Jean, il s'est solidarisé avec l'humanité pécheresse, l'humanité que la chute avait séparée de Dieu. Pour pouvoir « porter nos péchés sur le bois » 1, Jésus devait subir l'épreuve de la séparation d'avec Dieu, séparation qui est le caractère propre et le châtiment de l'humanité déchue qu'il représente sur la croix. L'approche de cette séparation fait trembler toute sa chair. C'est de la voir venir que Jésus, à Gethsémané, se prosterne et pleure ; elle est la coupe qu'il veut éloigner de ses lèvres. Jésus aime-t-il assez les hommes pour supporter en leur compagnie l'isolement d'avec Dieu ? Pour plonger avec eux dans cet inconnu de ténèbres qu'est l'interruption divine, le spasme de silence, où s'exprime l'abandon de Dieu ? Jésus accepte la mission rédemptrice. Le voici cloué sur la croix. La mort approche ; écrasé sous le poids de son humanité, Jésus s'écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Anges, qui vîntes au désert récompenser Jésus de sa victoire sur la tentation ; anges, qui vîntes au Jardin des Oliviers, essuyer sa sueur de sang : assemblez-vous autour de la croit, contemplez en silence le Fils de l'Homme qui, sans pouvoir pénétrer l'énigme qui le tue, lance vers le ciel le mot « pourquoi », et, privé de tout soutien, se soumet, anéantissant dans cette soumission expiatoire les conséquences mortelles de toute la rébellion de sa race. Et nous, dont la foi menace si souvent de sombrer au choc des brutalités, des injustices et des mystères de la vie, nous qui, devant les faits qui nous révoltent et sous les fardeaux qui nous accablent, crions aussi à Dieu : « Pourquoi ? », n'oublions pas que Jésus, notre modèle, a passé avant nous par la même torture, qu'il y a passé avec une capacité divine de souffrir, et qu'il a fait confiance à l'amour de son Père, et que cette confiance nous a sauvés. Parlons à Jésus de notre détresse, il nous rappellera la sienne et nous rendra la paix. 1 I Pierre 2 24.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière du brigand crucifié.
« Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne ! » (Luc 23 : 42).
Au moment de mourir, le brigand sur la croix prononce une prière qui lui ouvre le paradis. C'est assez pour que la lâcheté de beaucoup de demi-chrétiens s'accroche à cette espérance : à l'article de la mort, je serai toujours à temps de faire comme lui ! Qu'a donc fait ce supplicié, qu'après lui vous vouliez le refaire ? Cloué sur une croix, en proie à d'horribles tortures, il voit auprès de lui agoniser un homme abandonné de tous. On attendait un miracle suprême de ce faiseur de miracles : « Toi qui sauves les autres, descends de la croix ! » Mais rien ; rien que des chairs saignantes et la soumission pour mourir. Les passants invectivent ce thaumaturge dont l'impuissance finale démasque l'imposture. Les pharisiens le bafouent ; c'est leur triomphe ! Ils l'avaient bien dit que Jésus n'était pas fils de Dieu. Les soldats, ses bourreaux, le couvrent d'outrages et devant lui, encore vivant, tirent au sort sa robe sans couture. A toutes ces insultes s'ajoutent, dernière misère, les railleries qu'un autre crucifié lui adresse dans les hoquets de sa propre agonie. Mais enfin, son parti, ses amis où sont-ils ? Le laisseront-ils mourir ainsi ?... L'un l'a vendu ; l'autre l'a renié ; un troisième l'a suivi d'un coeur timide. Chez tous, l'espérance est éteinte. Quoi, tout est donc fini ? Jésus n'a plus qu'à s'écrier lui-même : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Non ! Du sein de toutes ces haines et de toutes ces trahisons, une voix soudaine a parlé. Seul contre tous, un malfaiteur, un crucifié, se prononce pour celui qu'on abandonne et se met du côté de la victime. A l'heure où l'on dirait que Dieu et les hommes le renient, il affirme, lui seul, sa foi au Couronné d'épines, le venge par une confession sublime, lui remet le sort de son âme, et, dans un cri qui semble défier l'incrédulité universelle, acclame en Jésus son Sauveur et son Roi ! Et c'est cette prière-là, qui jaillit de l'émoi d'une rencontre unique dans l'histoire ; c'est cet appel, le plus spontané, le plus difficile, le plus héroïque qui fut jamais, c'est ce cri, qu'un mourant, après s'être refusé à Jésus toute sa vie, serait capable de faire monter vers le ciel ? Où en trouverait-il l'occasion, l'élan, le courage ? Certes, tout miracle est possible à Dieu, mais non pas à l'homme. Voulez-vous savoir l'expérience commune ? Regardez la croix de l'autre brigand. La plupart des hommes meurent comme ils ont vécu.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière du Christ mourant 1.
« Père, je remets mon esprit entre tes mains. » (Luc 23 : 46).
C'est ici le dénouement de l'expiation. L'heure de la mort de Jésus. Les Juifs le crucifient ; l'enfer le tue ; le ciel se tait. Fut-il jamais témoignage plus tragique de la gravité du péché dont le Christ nous lave ? Pour comprendre ce que Jésus a supporté, il suffit de méditer les paroles de la croix :1 souffrance du corps, « J'ai soif ! » souffrance du coeur, « Voilà ta mère ! n ; souffrance de l'âme, « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Tension des muscles suspendus aux clous ; tension de la volonté, dans l'écartèlement de l'effort qui unit l'homme et Dieu... La personnalité sainte a tenu. Aucune secousse, d'où qu'elle vint, n'a pu déraciner l'amour : Jésus pardonne aux soldats romains, ses bourreaux. Il entreprend, de croix à croix, son œuvre rédemptrice. Que manque-t-il encore ? Rien. Et c'est pourquoi Jésus s'écrie, non pas «Tout est accompli » -- parole dogmatique, — mais simplement comme dit le texte grec : C'est fait ! télé-lestai 2. La crise achevée, le ciel s'éclaire, et du tréfonds de son être rendu à la paix, Jésus exhale cette parole où s'inscrit son triomphe : Père, je remets mon esprit entre tes mains ". Il a vaincu. Depuis dix-neuf siècles, l'Eglise vit de sa victoire. Puisse chacun de nous, par la grâce acquise au Calvaire, mourir en vainqueur. 1 Lire : Mat. 27 : 32-50 ; Marc 15 : 21-41 ; Luc 23 : 26-49 ; Jean 19 17-37 ; 2 Jean 19 : 30 ; 3 Luc 23 : 46 ; cf. Ps. 31 : 6.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière des disciples d'Emmaüs.
« Reste avec nous. » (Luc 24 : 29).
« Reste avec nous ! »... A qui les pèlerins du chemin d'Emmaüs adressent-ils cette prière dans le crépuscule du soir ? Ils ne savent pas. Un inconnu. Mais ce mystérieux étranger, qui vient de Jérusalem et semble y avoir ignoré le drame du Calvaire, comme il connaît bien les raisons qui ont dressé la croix ! Il leur a expliqué Moïse et les prophètes, il leur révèle leur propre coeur, il oblige leurs espoirs à reprendre l'envol. A mesure que le jour baisse, leur âme s'éclaire. Elle retombera dans la nuit si l'étranger les quitte, ils ne veulent pas qu'elle y retombe : « Reste avec nous ! Ils devront à cette prière de se mettre à table avec Jésus le soir même de sa résurrection. Leurs yeux dessillés reconnaissent son geste, le geste de la Cène, la main qui donne le pain de vie. Que de gens ici-bas marchent comme les disciples d'Emmaüs, à côté de Jésus sans le savoir ! Comme eux, ils voient que le jour décline... Une voix inconnue leur a parlé de justice, de -vérité, d'amour, de sacrifice, et ils ont obéi, tendus par l'effort. Ils pratiquent les devoirs du christianisme sans connaître la douceur de l'Evangile et sa puissance. Ils donnent à la voix inconnue des noms abstraits : conscience, raison, etc. S'ils acceptaient d'y voir une personne, s'ils poussaient vers cette personne le cri des pèlerins d'Emmaüs : « Reste avec nous ! » Jésus entrerait aussitôt dans leur vie et ils acclameraient Celui qu'on reconnaît sans l'avoir jamais vu, quand on a l'âme déjà tournée vers ce qu'Il aime. Que de fois ne nous arrive-t-il pas à nous-mêmes de devoir faire la confession de Jacob : « L'Eternel était ici et je n'en savais rien ! » Quand la marche devient difficile, notre attention va aux obstacles plutôt qu'à la promesse de Jésus : « Je suis tous les jours avec vous. , Et notre coeur incrédule le pleure, au moment même où sur notre chemin tout est rempli de Sa présence. « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est Celui qui te parle 1...» 1 Jean 4 : 10.
NOUVEAU TESTAMENT
L'invocation de Thomas.
« Mon Seigneur et mon Dieu ! » 1 (Jean 20 : 28).
Comme elle est courte, et comme elle est belle ! Elle témoigne et elle implore. Dans ce cri d'adoration, Thomas veut effacer la tristesse éprouvée par le Maître devant le doute de son disciple. « Mon Seigneur et mon Dieu ! » « Mon Dieu ! » c'est la proclamation de la divinité de Jésus. « Mon Seigneur ! » c'est la profession d'obéissance à Jésus. Dans les premiers temps de l'Eglise, le chrétien jouait sa tête en faisant cette profession. L'Apocalypse est toute frémissante de la bataille entre la Rome impériale et les disciples du Christ qui refusaient à tout autre le nom de Seigneur. Polycarpe n'aurait pas subi le martyre s'il avait seulement accepté de prononcer la formule : Kurios Kaiser, Seigneur César. Quand nous donnons aujourd'hui à Jésus le titre de Seigneur, nous doutons-nous encore de tout ce à quoi ce mot nous engage ? Prions, pour qu'en notre âme affadie Dieu rende leur mordant aux exigences de notre vocation. Ces exigences, Jésus les a fixées à jamais dans ces deux paroles : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux 2 », et « Si vous ne croyez pas ce que je suis, vous mourrez dans vos péchés 3. » Faisons nôtre l'invocation de Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » et nous entendrons comme lui le Sauveur nous dire dans sa miséricorde : t Ne deviens pas incrédule, mais croyant 4 . 1 Voir p. 128, La prière à Jésus. 2 Mat. 7 : 21 ; 3 Jean 8 : 24 ; 4 Jean 20 : 27.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de l'Eglise avant la Pentecôte.
« Il faut que parmi ceux qui nous accompagnent... il y en ait un qui soit témoin avec nous de la résurrection de Jésus... Alors ils firent cette prière : Seigneur..., montre-nous lequel de ces deux hommes tu as choisi pour occuper la place de Judas. » (Lire Act. 1 : 15-26).
Cette prière appartient à un épisode d'un caractère unique dans le Nouveau Testament. Elle est rattachée à un usage du sort pour connaître la volonté de Dieu. Ce tirage au sort est dû à l'initiative de Simon-Pierre. Ah ! les initiatives de Pierre ! Il veut marcher sur les eaux, il réprimande Jésus, il frappe de l'épée.. Comme il a besoin de la Pentecôte pour dompter son coeur magnifique et tenir son action sous l'inspiration ! Aussi Jésus, avant de partir, avait-il prévenu ses disciples de rester dans le recueillement et de ne rien entreprendre avant d'avoir reçu la « puissance d'en haut ». Le Saint-Esprit devait les consacrer témoins et les orienter dans l'apostolat. Pierre, avant la Pentecôte, décide qu'il faut remplacer Judas. L'Eglise naissante le suit dans cette initiative. Elle prie, elle tire au sort, elle nomme. Matthias, son élu, ne réapparaît pas dans les pages du Nouveau Testament, et celles-ci sont toutes remplies des actes de Saul de Tarse, le persécuteur, que Jésus, qui avait choisi directement Pierre et ses condisciples, choisit aussi directement sur le chemin de Damas. Contentons-nous ici de constater, et laissons à Dieu le jugement sur un acte accompli dans les temps dont la piété nous domine. Mais cet acte nous donne occasion de rappeler que la prière au nom de Jésus-Christ ne doit pas être une mise en demeure pour Dieu de sanctionner une initiative humaine. Dieu ne doit pas être mis devant le fait accompli. Il demande à diriger, non seulement les dévouements, mais les initiatives, et jamais, dans l'activité de l'Eglise, les initiatives ne doivent précéder l'effusion de l'Esprit. Que d'erreurs, que de crimes auraient été épargnés au peuple de Dieu si ses chefs s'étaient humblement abstenus de prononcer des « il faut » avant d'avoir reçu les directions d'en haut ! Ce qui est vrai pour la collectivité est vrai pour l'individu. Combien de chrétiens, dont l'activité eût été autrement utile à l'Eglise, s'ils n'avaient pas commencé par bâtir de toutes pièces, sur l'impulsion de leur propre coeur, tel programme, telle organisation, présentés ensuite à la ratification de Dieu ! Le Seigneur a dit : « Je suis le commencement et la fin 1 » Nous oublions volontiers le premier terme, tant l'orgueil de l'homme a de peine à s'effacer devant la présence de Dieu. Prions, répandons filialement notre coeur dans le coeur de notre Père céleste, mais pour savoir ce qu'il faut demander, attendons le « soupir de l'Esprit » 2. 1 Cf. Apocalypse 7 : 8. 2 Rom. 8 : 26.
NOUVEAU TESTAMENT
Ames embrasées.
« Tous persévéraient d'un commun accord dans la prière... Vint le jour de la Pentecôte..., des langues de feu se posèrent sur chacun d'eux et ils furent tous remplis du Saint-Esprit. » (Act. 1 : 14 ; 2 : 1-4).
Prière et Pentecôte... La corrélation entre la prière persévérante et l'effusion du feu divin ne saurait être trop remarquée. Une âme qui ne prie pas est une âme froide, spirituellement éteinte. Par la prière, l'âme s'ouvre à Dieu qui entre en elle et l'embrase. Il l'embrase, et son feu y consume tout ce qui est corrompu et corruptible ; les mauvais éléments de notre personnalité. Il l'embrase, et son feu y fait plier et fondre en nous toute velléité d'usurper la direction des bons éléments de notre nature plutôt que de les soumettre à Dieu et de laisser Dieu gouverner. Il l'embrase, et sa flamme fait bouillonner en elle, comme en une cuve ardente, les sentiments d'amour pour le Père céleste, pour le Fils rédempteur, pour les malheureux qu'il faut assister et sauver. Il l'embrase... et c'est le baptême d'Esprit qui crée les apôtres. Pour annoncer ce baptême de feu, Jean-Baptiste a bravé la colère d'Hérode ; pour allumer ce feu qui devait régénérer le monde, Jésus a consumé sa propre vie dans les affres de la croix. La Pentecôte, c'est la puissance spirituelle renouvelant les âmes que la prière a ouvertes au feu divin. Vous voulez agir pour Dieu ? Ouvrez, ouvrez par la prière, Dieu fera le reste : c'est par les âmes embrasées qu'Il triomphe.
« Esprit, descends,
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de la chambre haute.
« Maintenant, Seigneur, donne à tes serviteurs d'annoncer ta Parole avec une pleine hardiesse. » (Act. 4 : 29).
Voilà la prière selon Dieu, la prière au nom de Jésus-Christ. Elle est toute fondée sur l'ordre de Jésus et sur l'impulsion de l'Esprit. Jésus avait dit : « Allez et enseignez. Vous recevrez la vertu du Saint-Esprit et vous serez mes témoins 1. » Le jour même où la Pentecôte inaugurera l'humanité nouvelle et l'Eglise du Rédempteur, l'Esprit pousse l'apôtre Pierre à la rencontre de la foule, lui inspire sa harangue et lui donne des âmes pour salaire. « Ce jour-là, environ trois mille personnes furent ajoutées à l'Eglise 2. Des obstacles se dressent ; voici la résistance des autorités, la prison, les menaces, c'est l'approche du martyre... Les apôtres, au lieu d'en être intimidés, en sont comme exaltés dans leur fidélité au Maître. La chambre haute prie. Que demande-t-elle ? Seigneur, épargne-nous ? Non, mais : Donne à tes serviteurs d'annoncer ta parole avec une pleine hardiesse et d'accomplir des oeuvres dignes de toi. A cette prière, née de l'impulsion du Christ et toute imprégnée de son renoncement, le ciel répond aussitôt, et de façon sensible : « Le lieu où étaient les apôtres trembla », et tous connurent, par un nouveau baptême de l'énergie divine, qu'ils étaient exaucés. On crie au miracle devant la rapidité avec laquelle l'Evangile gagna des âmes aux temps apostoliques. C'est qu’il était prêché par des hommes qui avaient rompu leurs attaches avec les moeurs de l'époque et qui vivaient comme suspendus à Dieu. Ne demandant rien pour eux, ils n'avaient au cœur qu'une passion : Jésus ; dans la vie qu'un but : son Royaume ; dans l'action qu'un animateur : l'Esprit. C'est cette cohésion de tout l'être qui obtient les exaucements miraculeux, comme c'est le cas des « coeurs partagés » de ne « rien recevoir du Seigneur » 3. Ce qui s'est passé aux jours des Actes s'est passé, toutes proportions gardées, au temps de la Réforme, se passe de nos jours aux heures de réveil et dans les champs missionnaires. Je sais d'humbles paroisses de France où; sans éclat, progressivement, grâce à une grande concentration du ministère, le même miracle s'accomplit. 1 Mat 28 : 19 ; Act. 1 : 8 : 2 Act. 2 : 41 ; 3 Jacq. 1 : 7 ss. cf. Mat. 21 : 21 ss.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière d'Etienne.
« Jésus disait : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » (Luc 23 : 34). « Pendant qu'ils le lapidaient, Etienne cria à haute voix : Seigneur, ne leur impute point ce péché. » (Act 7 : 60). On rapproche souvent ces deux prières. Elles n'ont de commun que la sublime charité qui les inspire. « Ils ne savent ce qu'ils font », dit Jésus. Il s'agit de soldats romains, païens, ignorant tout de Jésus et qui obéissent à la consigne. Ils seraient en faute s'ils ne clouaient pas les condamnés sur le bois. Le crucifiement de Jésus est le plus grand crime de l'histoire, mais pour les exécutants, point de péché. Etienne dit au contraire de ceux qui le lapident : « Ne leur impute point ce péché. » C'est que ces Affranchis et leurs complices s'en sont pris à un homme qu'ils connaissent, à un Juif observateur comme eux de la Loi, à un évangéliste qui leur parlait de la puissance de l'Esprit. Ils l'assaillent, ils produisent des faux témoins ; leur propre justice, leur fanatisme, la cruauté d'une exécution illégale, voilà leur péché. Etienne prie pour ses compatriotes assassins ; il prie pour Saul de Tarse... et sa prière est exaucée. Saul, converti, fait sienne la théologie de sa victime, en développe les lignes, entre toi-même dans la carrière d'apôtre et devient le grand missionnaire du monde occidental, le grand docteur du christianisme de tous les temps. La prière d'Etienne nous apprend que la charité doit croître en nous dans la mesure même où nous nous croyons en état d'apporter aux autres des lumières nouvelles, de les exhorter de la part de Dieu et de leur montrer le chemin du salut. Cette charité doit se surpasser elle-même au jour de la persécution, au point de faire de nous des intercesseurs en faveur de ceux que leur jalousie, leur orgueil, leur aveuglement, a poussés à nous faire du mal. Il n'est point de façon de nous élever plus haut dans l'imitation de Jésus, que de reprendre à notre compte la prière d'Etienne. Prière difficile, prière impossible sans l'assistance de l'Esprit, mais prière qui peut ouvrir une carrière illimitée aux œuvres de la grâce, car Dieu exauçant la requête de ses enfants martyrs peut, en tout temps, faire d'un Saul de Tarse un saint Paul.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière de Paul.
« Il m'a été imposé une écharde... Trois fois j'ai prié le Seigneur de l'éloigner de moi. » (Lire 2 Cor. 12 : 7-9).
Au début de son expérience, le croyant estime volontiers que toute maladie paralyse son action chrétienne. Il lui semble que l'intérêt de son apostolat exige qu'il soit en pleines forces. C'est ainsi que Paul, dans les premières années de son ministère, prie instamment pour que l'écharde de sa chair lui soit enlevée. Il est certain que, dans un monde normal, la santé est l'état normal, l'état du meilleur rendement ; mais au sein du désordre où nous a plongés la Chute, dans les rapports actuels de la chair et de l'esprit, est-il certain que les choses en vont de même ? Jésus répond à Paul : « Ma grâce te suffit. » A l'école de la souffrance, la foi de Paul atteindra les hauteurs qu'elle n'aurait pas connues dans la prospérité. A l'école..., cela ne se fait pas tout seul ; Paul s'y reprend à trois fois pour obtenir ce qu'il croit désirable, et ce n'est qu'à la fin de sa course qu'il peut dire : « J'ai appris à être content de l'état où je me trouve 1. » Etat d'infériorité ? Non. Etat de supériorité, car la force de Dieu « s'accomplit dans la faiblesse ». Sans parler des grâces qui n'entrent dans nos coeurs que par leurs blessures, il est des actes d'abandon, de consécration, d'héroïsme spirituel, et pour tout dire d'intimité avec le Maître, connus seulement de ceux qui ont communié avec son martyre et tout attendu de Lui, parce qu'ils ne pouvaient, en fait, rien attendre d'eux-mêmes. Qui peut dire ce qui eût manqué à Adèle Kamm, à Vinet, à Calvin, à saint Paul lui-même, si Dieu eût retiré l'écharde qui mortifia leur chair jusqu'au bout ? « Seigneur, disait Calvin, tu me piles, mais il suffit que c'est ta main. » De même que la plante aromatique ne livre tout son parfum que lorsqu'elle est broyée, la « bonne odeur de Christ » ne se dégage nulle part avec autant d'intensité que dans une vie extérieurement brisée et toute remise à Dieu. Ce qui a décidé l'humanité à suivre le Christ, ce n'est pas la façon dont il accomplissait les miracles, c'est la façon dont il a accepté la croix. Amis chrétiens, que le mal physique réduit en apparence à une vie diminuée et comme anéantie, dites-vous bien que la révolte est une faillite de l'âme ; le découragement, un narcotique pour le coeur ; la résignation, une abdication de notre liberté. Dans un monde où l'on ne croit qu'à l'exemple, l'exemple d'une écharde supportée avec soumission et confiance est la démonstration la plus irrésistible de la victoire de l'Esprit. 1 Phil 4 : 11.
NOUVEAU TESTAMENT
La prière des adieux. « Maintenant je vais à Jérusalem..., le Saint-Esprit m'avertit de ville en ville que des chaînes et des afflictions m'attendent. Vous ne verrez plus mon visage... » Quand il eut dit cela, il se mit à genoux, et pria avec eux tous. Ils fondirent tous en larmes et, se jetant au cou de Paul, l'embrassèrent tendrement... Puis ils l'accompagnèrent jusqu'au navire. » (Lire Act 20).
Est-il possible d'imaginer une scène plus touchante et plus réaliste dans sa poésie que cette scène d'adieux ? Le cadre : un port de mer, un navire qui se balance sur les vagues et va emporter vers Jérusalem un apôtre destiné au martyre. Le tableau : un pasteur qui parle à des pasteurs. Prêt à mourir, il leur lègue les Eglises qu'il a fondées et, pour les exciter à la fidélité, il leur résume sa propre vie. Quel service ! « Au milieu des épreuves et des embûches. » Quels auditoires ! « Aux Juifs et aux Grecs. » Quelle cure d'âme ! « De maison en maison », et dans quel tête-à-tête ! « Chacun, nuit et jour, avec larmes. » Quel scrupule ! « Je n'ai rien négligé. » Quel désintéressement ! « Je n'ai désiré ni l'argent, ni l'or. » Quelle dignité ! « Les mains que voici ont pourvu. » Quelle devise ! « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir », et, dominant tout, expliquant tout, enveloppant tout, la prière apostolique : « Je vous recommande à Dieu et à la parole de sa grâce. » Si Paul a confiance en remettant ses Eglises aux anciens, c'est qu'il a remis les anciens à Dieu. On comprend, après de tels adieux, que tous soient tombés à genoux avec lui ; on comprend les sanglots et les étreintes, et les baisers et la désolation de ce qu'on ne verrait plus son visage. Combien d'actuels pastorats pourraient se mesurer sans trouble à un pareil ministère ? La méditation de ce tableau des Actes ne devrait-elle pas inspirer à tous ceux qui souffrent de « l'assoupissement pastoral » à tous ceux dont les forces frémissent sous la charge écrasante d'un apostolat dont l'exercice menace si facilement l'esprit, le désir d'instituer une retraite annuelle où, faisant trêve à tout, ils iraient ensemble faire le compte de leur service, se confesser leurs fautes les uns aux autres, repenser leur foi, retremper leur zèle, guérir leurs meurtrissures et restaurer leur âme aux sources éternelles, dans le silence et la prière ? 1 Ces mots ont été écrits par un des hommes de l'Esprit auxquels aujourd'hui les jeunes regardent ; l'état qu'il signale existe, hélas ! ci et là.
NOUVEAU TESTAMENT
Le suprême appel.
« Seigneur Jésus, viens ! » (Apoc 22 : 20).
Toute l'histoire humaine racontée par la Bible s'écoule entre deux paroles où s'inscrit la gloire divine : « Au commencement, Dieu 1... », « Seigneur Jésus, viens 2 » « Au commencement, Dieu... » proclame la gloire passée de Celui qui créa le monde. « Seigneur Jésus, viens ! » proclame la gloire à venir de Celui qui a reconquis le monde en son Fils. Aux heures de son tourment, Jésus a prononcé cette parole : « Quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre 3 ? » A cette question de Jésus, l'Eglise répond, trente ans après sa mort : « Oui, Seigneur Jésus, viens ! » Dans ce « viens » de l'Epouse, prononcé à l'heure où Rome victorieuse écrasait sous ses pieds les adorateurs de Christ, il y a l'assurance que les croyants méprisés, molestés, exilés, condamnés aux derniers supplices pour le nom de Jésus, soutiendront l'épreuve, maintiendront leur témoignage, graviront à leur tour leur calvaire plutôt que de renier Celui qui s'est laissé crucifier pour eux, ressusciteront dans les cendres de leur martyre, et, surmontant tout, inonderont le monde du message de l'Evangile. La prophétie de l'Apocalypse a dit vrai. Par la grâce de Dieu, la promesse des croyants a été tenue. Chaque jour que le soleil éclaire Jésus « vient », gagne des batailles et accroît son empire. Il l'accroîtra... jusqu'au jour du grand exaucement de l'Epouse : le retour de l'Epoux dans sa gloire. Pensez au Paradis perdu, à l'humanité égarée loin de Dieu, aux millénaires du paganisme, à la croix dressée par le judaïsme, à tout ce qui semblait, déjà sous les Césars, marquer la victoire de Satan et la défaite du ciel sur la terre, et dites-moi si je n'avais pas raison de dire que le « Seigneur Jésus viens ! » qui clôt le livre des révélations dresse, au terme du chemin terrestre des hommes, l'arc de triomphe de Dieu. Expression des trois vertus cardinales : Foi, Espérance, Amour, l'appel de l'Epouse : « Seigneur Jésus, viens ! » affirme tout ensemble l'union mystique de Jésus avec son Eglise et l'action militante des chrétiens qui., après avoir lutté pour établir le Royaume de Dieu sur la terre, aspirent à y saluer leur roi. Mais ces trois mots ont encore un sens intime, individuel et de portée libératrice. Par eux, chaque matin, les disciples de Christ, quelle que soit la saison de leur âge, demandent à Jésus de « venir » dans leur vie personnelle pour donner à leur printemps une lumière plus pure, à leur été une ardeur plus sainte, à leur automne les fruits de l'Esprit, à leur hiver la blancheur des cimes, et de bénir l'ascension de leur âme, jour après jour, jusqu'au jour qui n'aura point de soir. Alors, quand sonnera l'heure de la relève, quand paraîtra la grande inconnue, la mort, quand le souffle de l'au-delà passera sur mon agonie : pour nie prendre dans tes bras et m'emporter à Dieu... « Seigneur Jésus viens ! » 1 Gen. 1 : 1 ; 2 Apoc 22 : 20 ; 3 Luc 18 : 8.
« SEIGNEUR, ENSEIGNE-NOUS Dans les méditations de la première partie de ce recueil, l'attention des lecteurs était centrée sur les personnages que la Bible nous montre en prière. L'enseignement qui nous était donné l'était à propos de ces personnages. Dans les pages qui vont suivre, c'est le lecteur lui-même qui est la raison d'être et le centre de la méditation. Le tète-à-tète y est entre Dieu et lui. Il n'y trouvera ce que Dieu lui offre que dans la mesure où, faisant abstraction de tout, il acceptera que ce soit de lui et de lui seul qu'il s'agisse.
L'invisible Présence.
« L'Eternel était ici et je n'en savais rien. » (Gen. 28 : 16). « Invoque-moi et je te répondrai. » (Jér. 33 : 3).
Dans le désert d'Aram où Jacob s'est enfui, tout est silence et solitude. Soudain une vision révèle à Jacob la présence de Dieu. Aussitôt, sa prière jaillit : « Eternel !... tu seras mon Dieu. » Pourquoi nos prières sont-elles si rares, si craintives, si cérémonieuses ? Parce qu'il nous semble que prier, c'est appeler Dieu, lui demander son assistance, le faire descendre, d'un mot : le déranger. Comme nos prières seraient spontanées, fréquentes et pleines d'abandon, si nous nous rendions compte que Dieu nous est tout proche, qu'il est en nous avant nous-mêmes, qu'il s'intéresse à nous plus que nous-mêmes. Présent bien qu'invisible, il n'attend qu'un mot pour nous diriger et nous bénir. Ce n'est pas seulement un jour, dans l'histoire, que Dieu nous a aimés « le premier ». C'est tous les jours qu'il nous aime le premier. Dans notre activité, dans nos joies, dans nos détresses, il nous aime le premier. Ingrats que nous sommes, nous souhaitons qu'il vienne dans nos vies alors qu'il y est déjà, qu'il y a toujours été : « L'Eternel est ton ombre ; il est à ta main droite 1. » Ouvrons nos âmes à cette certitude et nous lui parlerons sans effort. Rien n'invite à la prière comme le sentiment de la présence de Dieu. Abraham se tint en présence de l'Eternel 2. 1 Ps. 121: 5 ; 2 Gen. 18 : 22.
Prier à genoux.
«Jésus s'étant mis à genoux, pria... » (Lu 22 : 41). « Pierre se mit à genoux et pria. » (Act 9 : 40 ; voir Ac 20 : 36 et Ac 21 : 5).
La prière n'est liée à aucune attitude. Dieu est l'Esprit. la prière est un acte spirituel. La valeur de la prière ne dépend à aucun degré d'une tenue conventionnelle que les circonstances ne permettraient pas toujours et à laquelle une préoccupation ritualiste enlèverait d'ailleurs tout son prix. Toutefois, à l'état normal, il est bon que la discipline du corps s'associe à la ferveur de l'âme et la facilite. D'où, la prière à genoux. La prière à genoux marque la différence entre les deux êtres qui se rencontrent, et les caractérise. A genoux, je suis le sujet, l'important. A genoux, je suis le coupable qui demande pardon. A genoux, je manifeste que je ne veux pas m'évader de la présence de Dieu, mais que je lui dis au contraire : « Je ne te laisserai point aller que tu ne m'aies béni. 1 » Comme le cheval indompté qui a trébuché dans sa course, comme le chameau de la caravane qui attend qu'on le décharge, j'ai ployé les genoux, montrant par là que mes forces m'ont trahi, que mon fardeau m'accable, et confiant que mon geste, le plus humble qui soit, sera aussi le plus contraignant pour la miséricorde divine, car Dieu foudroie l'orgueilleux qui le brave, mais il a compassion du pécheur qui se prosterne. Jamais le fouet de cordes manié par Jésus ne s'est abattu sur ceux qui s'agenouillaient devant lui. A genoux — position humiliée, mais non certes humiliante, puisque par elle nous renouons avec Dieu. A genoux, je ne marchande pas avec le Seigneur, je ne cherche pas à être épargné des fatigues et des épreuves qui sont le lot de tous les hommes, je m'en remets à lui pour être délivré du mal. Si notre âme éprouve, à l'intérieur, les sentiments que l'attitude à genoux traduit â l'extérieur, tout va bien entre Dieu et nous. « Qui s'abaisse sera élevé 2. » 1 Gen. 32 : 26 ; 2 Mat. 23 : 12.
L'ATTITUDE DE LA PRIÈRE
Prier les mains jointes.
« Salomon étendit les mains vers le ciel et dit : O Eternel, Dieu d'Israël, il n'y a point de Dieu semblable à toi ! »
(1 Rois 8 : 22 ; cf. Ps. 63 : 5 ; 68 : 32 ; Esa 1 15).
Les Hébreux priaient les mains levées ou les mains en avant. C'était l'attitude de l'offrande, le geste de l'oriental qui apporte un présent à son souverain pour en recevoir une faveur. De bonne heure dans l'Eglise chrétienne, les mains jointes devinrent le geste de la prière et son symbole. Symbole inspiré par un très sûr instinct, car dans le culte en esprit il ne s'agit pas de donner, mais de se donner. Pourquoi les mains jointes ? Parce que ce sont des mains vidées. Les mains jointes ne peuvent tenir ni le glaive, ni la bourse, ni aucun des objets impurs ou simplement vains que la vie de la chair caresse, que la vie de l'Esprit condamne, et que repousse l'étreinte de notre Père céleste. Qui ne consent pas à se vider soi-même, ne peut être rempli de Dieu. Pourquoi les mains jointes ? Parce que ce sont des mains livrées ; livrées à Dieu, après avoir longtemps servi, dans leur agitation enfiévrée, la cause de nos révoltes et nos infidélités. En joignant les mains, nous disons à Dieu : Je renonce à semer l'ivraie et la folle avoine ; je reconnais que mes initiatives, au lieu de me faire trouver le bonheur loin de toi, m'ont égaré dans des chemins de misère. Me voici confus et docile. Mes mains se rendent. Pourquoi les mains jointes ? Parce que ce sont des mains consacrées. Dieu, après les avoir purifiées, s'en servira pour sa gloire. Les mains de Jésus, si promptes à bénir, à soulager, à guérir, à relever, à sauver sur le lac en démence Pierre qui enfonce dans les flots, Juifs et Romains les ont clouées sur la croix. Ils les ont immobilisées. A nous de les déclouer et de leur rendre leur divine efficace, en tendant nos propres mains en son nom vers tous ceux que Jésus veut atteindre. Mais pour que Jésus puisse disposer de nos mains, il faut d'abord que nous ayons prié les mains jointes.
L'ATTITUDE DE LA PRIÈRE
Prier les yeux fermés.
« Quand tu pries, entre dans ta chambre, et, après avoir fermé ta porte, prie ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » (Mat. 6 : 6).
« Ton Père qui voit dans le secret... » Quel secret ? Celui de la chambre close ? Sans doute ; mais surtout le secret du coeur, où, tout au fond, s'élaborent, loin des regards, nos sentiments, nos responsabilités ; sanctuaire impénétrable aux autres hommes, où nous agissons seuls et où nous mourrons à découvert devant Dieu. Quand nous marchons les yeux ouverts sur le monde, retenus à l'extérieur de nous-mêmes par les gens et les choses qui nous distraient, nous attirent et nous fascinent, nous déclarons naïvement que nulle part nous ne voyons Dieu. Comment le verrions-nous, éblouis que nous sommes par tout le clinquant d'ici-bas ? « Nous nous imaginons, dit Pierre Charles dans sa Prière de toutes les heures, que le vrai ciel, c'est celui du jour lumineux. Non, le vrai ciel, c'est le ciel de la nuit, et la clarté le cache dès que le soleil brille. Fermons les yeux pour voir dans la nuit pacifique le ciel de notre âme, constellé des lumières de la grâce — descendens a Patre luminum. » Fermons les yeux : les feux aveuglants s'éteindront,les visions passagères s'évanouiront, les clartés factices disparaîtront, et dans le secret de notre vie cachée nous verrons, installé en nous, Celui qu'on ne peut éviter, Celui qui entre « les portes étant fermées » 1 Celui qui a le droit d'entrer, puisqu'il nous a créés deux fois, nous ayant donné la vie et le salut, et qui nous accueille chez nous lorsqu'enfin nous rentrons en nous-mêmes. Nous le cherchions au dehors, il nous attendait au dedans. Là, il nous regarde, il nous écoute, et ne demande qu'à exaucer la prière faite à genoux, les mains jointes, les yeux fermés. Seigneur, apprends-moi à fermer les yeux pour te voir, avant que tu me les fermes pour appeler mon âme devant toi ! 1 Jean 20 : 19.
La prière personnelle.
« Je répandais mon âme devant l'Eternel. » (1 Sam. 1 : 15).
« Toi, quand tu pries 1...» Le premier mode de la prière est le mode individuel. L'oraison suppose avant tout le tête-à-tête avec Dieu. On dit : « Quel problème mystérieux que celui de la prière dans la vie du chrétien ! Tantôt elle s'élance, jaillissante, tantôt elle traîne et s'exprime avec effort, tantôt elle meurt sur les lèvres... » Le long d'un ruisseau de montagne qui serpente sur le pâturage, parmi les rochers nus et les rares sapins, je suivais en montant la piste d'un troupeau. Je pensais à cette expression hébraïque que l'on trouve, au, sujet d'Anne, à la première page des livres de Samuel : « Répandre son âme devant Jéhovah. » Répandre... Comme la nature tourmentée répand ses eaux à la face du ciel, la personnalité oppressée répand son âme devant Dieu, et comme la source épanchée féconde la plaine, la prière exaucée féconde la vie. J'observais le cours du ruisseau et il m'expliqua le problème mystérieux. Quand la piste montait droit vers le sommet, les ondes du ruisseau jaillissaient, vives comme un torrent. Quand la piste, obliquant sur les prés, ralentissait sa pente, le ruisseau devenait languissant ; quand un repli du terrain formait un petit plateau de montagne, l'eau devenait stagnante, se couvrait de roseaux, de trolles et de plumets d'argent : c'était le marais. Ainsi en est-il de la prière ; son courant est révélateur de notre attitude spirituelle. Si notre vie morale est orientée droit vers le sommet, la prière jaillit comme un torrent ; si elle oblique, la prière devient traînante ; si elle cesse de monter pour s'établir dans la platitude des intérêts mondains, la prière s'arrête, c'est le marasme. O Dieu Créateur, enseigne-nous à regarder la nature et à profiter de ses leçons. ! 1 Mat. 6 :6.
LES MODES DE LA PRIÈRE
« Ferme ta porte ».
« Toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie... Ton père, qui voit dans le secret, te récompensera. » ( Mat. 6 : 6).
Fermer sa porte ? Voilà qui est difficile en notre temps de sonnettes électriques, de klaxons et de téléphones... sans parler de l'appareil de T.S.F. et de son haut-parleur ! La vérité est qu'au milieu de l'entrecroisement des fils et des ondes, on vit aujourd'hui partout à la fois, excepté chez soi. Pourtant Jésus a dit, parlant de la forme habituelle de la prière : « Quand tu pries, entre chez toi et ferme ta porte. » La communion divine, la force spirituelle, l'exaucement sont à ce prix. Mais suffit-il d'être enfermé dans une chambre silencieuse pour avoir le recueillement ? « Ferme ta porte... » Je pense à l'autre porte, celle dont Jésus parle quand il dit dans l'Apocalypse : « Je me tiens à la porte et je frappe » : c'est la porte du coeur. Celle-là aussi doit être fermée pendant l'oraison. Sinon les souvenirs, les soucis, les passions l'envahissent et l'entraînent aux champs, à l'usine, dans les préoccupations intellectuelles, familiales ou mondaines. Celui qui prie dans sa chambre sent que la prière n'accroche pas, il lui semble que Dieu est absent du tête-à-tête... Mon ami, ce n'est pas Dieu qui est absent du tête-à-tête, c'est toi. Certes, Dieu exauce l'appel dans la tempête, le cri de son enfant dans le tumulte des foules, mais la vie intérieure à laquelle Jésus nous convie, et qui autorise à l'heure difficile cet appel et ce cri, demande à être formée et développée par la prière intime, cachée, personnelle ; l'entretien du seul à seul avec Dieu. « Ferme ta porte, prie dans le secret. » Défends ton recueillement contre l'incessante offensive des choses du dehors ou du dedans. Isole-toi des bruits de ta rue et de ton coeur ; sois présent quand tu convoques Dieu. Il faut à l'âme la paix des cieux étoilés et des lacs tranquilles pour qu'elle perçoive la « voix de silence » qu'entendit Elie en Horeb, ou Jésus, la nuit, seul, sur les montagnes de Galilée.
LES MODES DE LA PRIÈRE La prière matinale. « Vers le matin... » (Marc 1 :35) Comme le ruisseau sort de la source, l'action bonne sort de la prière. Si nous ne voulons pas être les étourneaux du monde moral, qui volètent et piaillent autour du devoir, si nous voulons accomplir le devoir, qui consiste à se donner, à se donner humblement et très simplement, remontons chaque jour à la source, et, dès le matin, à notre première heure de la journée, ayons le moment de silence où Dieu seul nous entend. Prions devant Lui jusqu'à ce que nous ayons le sentiment de Sa divine présence, pour pouvoir ensuite, tout le cours de la journée, en vivre l'efficacité. Le Père Gratry a écrit : « Qui ne sait plus se rajeunir touche à la mort. » Le vrai moyen de rajeunir tous les jours est de retourner tous les jours à la source, je veux dire à la prière. Voici quelques mots que je trouve dans te petit livre d'un chrétien dont les yeux sont éteints, mais qui vit en profondeur, et dont l'âme est claire : « Si la prière matinale est l'acte fondamental de la journée, c'est parce qu'elle répond à ce double but : renouveler, maintenir. « Demeurez en prière jusqu'à ce que vous sentiez votre âme redevenue ardente et joyeuse, remise à sa vraie place dans l'ordre divin, jusqu'à ce que vous teniez le point d'appui durable. Car il faut un point d'appui, quelque chose de ferme, pouvant servir de pivot à vos pensées et à vos actes, jusqu'à la dernière heure du jour. « De votre prière, détachez l'idée dominante ; exprimez cette idée par un mot que vous retiendrez : un mot vivant, très court et très plein, et chaque jour un mot nouveau, lequel sera votre ancre. Aujourd'hui : stabilité ; demain : pureté. Un jour : abandon au Seigneur ; un autre jour : Dieu me possède et me garde. Et puis : charité, lumière, espoir, sérénité, consécration... Ne sentez-vous pas que tous ces mots, si vous vous y attachez fortement, nourrissent votre vie intérieure, agissent sur votre âme, la pénètrent, la maintiennent orientée vers le pôle où vous l'avez fixée dès le matin ? Peut-être quelques-uns de mes lecteurs trouveront-ils que ce dernier conseil sent un peu le procédé, l'exercice... Je le veux bien, et leur souhaite de trouver mieux pour eux-mêmes. La grande chose est de ne pas oublier l'exhortation de Paul à Timothée : « Exerce-toi à la piété 1. >>. 1 Relire 1 Tim. 4 :7-10.
LES MODES DE LA PRIÈRE
La prière mêlée à toute la vie.
« Priez sans cesse. » (1 Thess. 5 : 17). « Quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu. » (1 Cor. 10 :31).
« Toute la vie du chrétien », dit Origène, « doit être une prière continuelle, et ce que nous appelons ordinairement de ce nom ne doit être qu'une partie de cette prière continue. » Comment faire entrer la maxime de l'illustre docteur du in' siècle dans les habitudes pratiques des chrétiens de nos jours ? Il me souvient d'avoir lu qu'une femme noire disait un jour à sa voisine païenne récemment convertie : « Je suis si occupée que je n'ai plus le temps de prier, et quand j'ai un moment, je ne sais plus que dire. — Tiens, répondit l'autre, moi aussi j'ai beaucoup à faire, cependant je prie à tous les moments de la journée. — Comment fais-tu ? — Quand je m'habille, le matin, je dis : Père céleste, tu m'as donné ces vêtements sans lesquels j'aurais honte de sortir ; je t'en prie, revêts aussi mon âme, de sorte qu'elle ne soit jamais confuse en ta présence. Quand je me lave la figure et les mains, je demande à être purifiée au dedans aussi bien qu'au dehors. Quand j'allume mon feu et qu'il brûle avec une belle flamme, je demande alors que le Saint-Esprit embrase aussi mon coeur d'un feu semblable. Quand je balaie ma chambre, je dis : « Seigneur, balaie de même tout le mal qui se trouve en moi. » Quand je fais rôtir le riz, je réclame le céleste aliment pour que ma vie spirituelle soit à l'abri de toute disette et qu'elle prospère. Quand je fais ma lessive, je supplie Dieu de nettoyer mon coeur de toutes souillures ; quand je repasse mon linge et que j'aperçois des taches qui ont résisté au lavage en sorte qu'il me faut remettre les pièces à l'eau, je demande à Dieu d'user de miséricorde envers moi pauvre pécheresse et d'enlever, par sa grâce, ce qui en moi offense encore ses regards. » Ménagères chrétiennes de race blanche, qui connaissez depuis votre enfance les commandements de Dieu et les exigences de la vie spirituelle, vous qui peinez et qui voyez dans les besognes matérielles, souvent ingrates et toujours absorbantes, un obstacle â votre prière, avez-vous songé à mêler l'oraison aux détails de votre activité ? à faire jaillir la prière des paraboles que vous offrent les travaux de votre ménage ? Essayez ; ainsi entrera dans votre vie la « prière continue » d'Origène, et, pour votre âme, par elle, les plus humbles devoirs seront transfigurés.
LES MODES DE LA PRIÈRE
L'ornière.
« Soyez sobres et vigilants pour vous livrer à la prière. » (1 Pierre 4 : 7).
Le chrétien qui prie chaque jour d'une façon régulière est menacé d'un danger que recèle le fait même de l'habitude. Comme le retour d'un geste met un pli au vêtement, comme le retour d'un souci met un pli au front, le retour d'un exercice mental met à la longue un pli au cerveau. Or, ce pli est ici la marque d'un fléchissement, d'un durcissement, d'une décrépitude. Il fixe dans une ligne, il ensevelit dans un sillon ce qui ne réagit plus. Dans le domaine psychologique, le pli est une victoire du mécanisme sur tout ce qui est conscience et liberté. Si nous savions mieux observer le monde qui nous entoure, il nous offrirait à cet égard de suggestives paraboles. Voici un chemin neuf et large ; l'attelage y suit librement sa voie sous la direction vigilante du charretier. Le jour vient où, par les habitudes du charroi, une dépression se produit sur la route, un pli dans lequel la file des véhicules s'engage. Une roue après l'autre durcit la terre, creuse le pli ; bientôt l'attelage est prisonnier du sillon. Le conducteur peut dormir entre les planches de sa charrette, les chevaux sommeiller en s'appuyant sur le collier..., le convoi suit l'ornière. Si nous n'y prenons garde, la ferveur de la prière qui jaillissait d'abord librement dans les transports d'un premier contact avec Dieu, s'émousse sous l'effet de l'habitude. La répétition des mêmes termes, le retour des mêmes sujets endorment la spontanéité. Sournoisement, les mots se coagulent, les sujets se suivent toujours dans le même ordre et se cristallisent. Ce n'est pas une prière récitée : on peut mettre beaucoup de ferveur en disant un texte appris par coeur ; c'est une prière qui a pris le pli ; de jour en jour, elle s'enlise dans le sillon. Qu'y reste-t-il encore de vivant ? Qu'est devenue l'émotion du tête-à-tête, l'instance qui fait la valeur de la requête ? Dans cette prière impersonnelle, celui qui prie et Celui qui est prié peuvent ne plus avoir de part... l'oraison suit l'ornière. Ce n'est pas sans motif que Jésus, au Jardin des Oliviers, a lié ces deux mots pour l'éternité : veillez et priez. Comme dit Pierre du. Moulin : « Le Seigneur accouple la vigilance avec la prière, de peur que la vigilance sans prière ne soit inutile et que la prière sans travail et vigilance nourrisse la paresse sous couleur de dévotion. »
LES MODES DE LA PRIÈRE
Prière et patience.
« Par votre patience, vous sauverez vos âmes. » (Luc 21 :19).
Parmi les qualités que réclame la prière individuelle, il en est une qu'oublient facilement les plus zélés, c'est la patience. Demander à Dieu la direction est une grande chose. Attendre que Dieu ait donné la direction pour agir, est une autre grande chose, sans laquelle la première est vaine. Souvenons-nous des disciples sur le seuil de Gethsémané 1. Jésus va être pris. « Seigneur, frapperons-nous de l'épée ?... » Avant que le Seigneur ait répondu, Pierre dégaine et blesse Malchus. Ce qui oblige Jésus à réparer et à réprimander. Ne faisons pas comme Pierre : imitons Jésus qui, bien qu'il aimât Lazare et qu'il le sût mourant, attend pour monter à Béthanie le mot d'ordre d'en haut 2. Aussi peut-il dire à ses disciples : « Si quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche... mais s'il marche pendant le jour il ne bronche pas, parce qu'il voit la lumière. » La nuit, c'est notre impulsion individuelle, même la mieux intentionnée ; la lumière, c'est la réponse, la direction de Dieu. Si elle tarde, attendons-là, et opiniâtrons dans la prière. « La prière, a dit un chrétien, il y a juste un siècle, met en mouvement toutes les facultés de notre âme, comme le grand ressort d'une montre en fait mouvoir toutes les roues.. En ayant soin de la remonter régulièrement, tout ira bien ; mais si vous cessez de le faire, les rouages se rouilleront et ne seront plus propres à aucun usage. Continuez avec soin les exercices de la piété L'âme conservera une sainte disposition », — la « sainte disposition », c'est l'esprit de patience ; — interrompez-les, et elle sera bientôt privée du mouvement qui la dirigeait vers les cieux ». Je crois bien que notre activité fiévreuse menace plus encore qu'il y a cent ans les « exercices de la piété ». Prions, et ne laissons pas les secousses de notre impatience casser « le grand ressort » ! 1 Luc 2 : 47-51 ; 2 Jean 11 : 5-12.
LES MODES DE LA PRIÈRE
« ...Un esprit doux et paisible ».
« Recherchez non la parure extérieure..., mais la parure intérieure et cachée dans le coeur : la parure incorruptible d'un esprit doux et paisible qui est d'un grand prix devant Dieu. » (1 Pierre 3 : 3-4).
Telle est la vertu que l'apôtre Pierre recommande aux femmes. On peut sans inconvénient étendre sa recommandation au sexe fort. Pierre ajoute que cette vertu a « un grand prix devant Dieu ». Les choses de grand prix sont les choses rares. Et c'est une rareté, en effet, qu'un esprit doux et paisible. Pourquoi ? Parce qu'il ne va pas sans ce que les gens du monde appellent des sacrifices. L'esprit doux et paisible suppose trois grâces qui ne peuvent venir que d'en haut : 1° La grâce du pardon. Tant que le coeur garde rancune, l'esprit fermente. 2° La grâce du désintéressement. Tant que le coeur convoite, l'esprit s'irrite. 3° La grâce de la confiance. J'entends par là cet état d'âme qui consiste à tout remettre à Dieu dans la certitude qu'Il nous aime et qu'Il a tout pouvoir pour notre bien. Tant que le coeur doute, l'esprit s'alarme. Pour dévider un écheveau embrouillé sans rien nouer,sans rien casser, il faut une main souple et légère. La vie est un écheveau embrouillé. La main qui peut en ordonner les fils, c'est la main que dirige « un esprit doux et paisible ». La prière aussi se présente souvent comme un écheveau embrouillé. Que demander à Dieu, comment demander, comment obtenir ? Questions troublantes. Il est une question qu'il faudrait se poser à soi-même avant celles-là : Quand je cherche la présence de Dieu, est-ce que je m'approche de Lui avec « un esprit doux et paisible » ? De la réponse à cette question dépend, je crois, la solution des autres.
LES MODES DE LA PRIÈRE
La prière perpétuelle.
« Les cieux racontent la gloire de Dieu, « Le jour crie au jour sa louange, « La nuit l'apprend à la nuit... » (Ps. 19 : 2-3). « Il faut prier toujours, sans se relâcher jamais. » (Luc 18 : 1).
Les vestales de Rome alimentaient sur l'autel un feu perpétuel, entretenant par leur culte vigilant la vigilance des protecteurs divins de la cité. Les prêtres catholiques suspendent dans l'ombre de l'Eglise la lampe de l'adoration perpétuelle, afin que le sanctuaire, même vide, conserve une clarté eucharistique. Depuis la guerre, le patriotisme a allumé sous l'Arc de l'Etoile la flamme perpétuelle du souvenir français... Toutes les flammes allumées par la main fragile des hommes participent à cette fragilité. L’Eternel seul peut allumer une flamme perpétuelle ; Il l'a fait, le jour Oh ayant donné la terre comme planète au soleil et comme habitacle aux hommes, Il a allumé dans l'âme du croyant la flamme de la prière. Depuis lors, surtout depuis que les Missions ont répandu l'Evangile sous toutes les latitudes, le soleil dans sa course éveille successivement les fidèles qui se mettent à prier. Quand l'un se relève, l'autre se met à genoux, d'heure en heure, de minute en minute, sans interruption aucune. Ainsi votre prière du matin est reliée à votre prière du soir, et votre prière du soir à votre prière du matin par l'oraison continue de toutes les âmes sous l'évolution du soleil. C'est la prière perpétuelle qui assure parmi les hommes l'exaucement du Royaume de Dieu en marche. Quel privilège, mais aussi quelle responsabilité ! Pouvez-vous calculer ce qu'ajoute votre prière individuelle à la somme des prières de toute l'humanité ? Pouvez-vous calculer ce que perdrait la prière du monde le jour où votre voix se tairait ? Votre prière qui manque, c'est une maille qui saute au filet des pêcheurs d'hommes ; c'est un barreau enlevé à la barrière qui protège l'Eglise contre l'assaut démoniaque ; c'est un fil qui casse au cordon mystique par lequel descend parmi les hommes le courant de l'Esprit Saint. Co-ouvriers de Christ dans l'immense usine de vie actionnée ici-bas par l'amour divin, munis d'un sacerdoce royal dans la communion des saints, soyons fervents, et servons le Seigneur à notre rang, dans la prière perpétuelle.
LES MODES DE LA PRIÈRE
L'état de prière.
« Poursuivons avec constance la course qui nous est proposée, regardant à Jésus... » (Héb. 12 :1-2).
Nous avons parlé de la prière perpétuelle, oraison continue jour et nuit sur toute la terre ; chaîne ininterrompue d'intercessions où chacun de nous est un anneau. Aujourd'hui, il s'agit de nous souvenir que Paul a dit à chaque chrétien : « Priez sans cesse », marquant par là non que nous devons passer toutes nos journées à genoux, mais que nous devons vivre et agir en état de prière. Là aussi, il y a une continuité ininterrompue, mais elle nous est personnelle, et constitue tout ensemble la manifestation et l'aliment de notre foi. Appliqué aux choses de l'âme, le mot état signifie tantôt une « disposition », tantôt une « manière d'être fixe et durable ». Les deux sens se concilient et se complètent dans une vie en état de prière. Aimer Dieu assez pour ne jamais le perdre de pensée ; vouloir Sa gloire assez pour le mêler à tout ce qui émeut, à tout ce qui actionne notre être ; n'aller que là où l'on peut prier parce que Dieu peut nous y suivre ; ne faire que ce qu'il pourrait approuver ; ne souhaiter que ce dont on peut l'entretenir ; en dehors des moments consacrés au recueillement, le sentir là, tout près, et trouver dans Sa présence plus qu'on ne peut attendre du tête-à-tête le plus intime, le tête-à-tête où, quand les voix se taisent, les coeurs parlent : voilà l'état de prière. Si nous voulons « poursuivre avec constance la course qui nous est proposée », avec les grâces nécessaires aux combats qui nous y appellent et aux imprévus qui nous y attendent, demandons à Dieu de nous maintenir dans l'état de prière.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Prière et paroles.
« Quand vous priez, n'usez pas de vaines redites, comme font les païens, qui pensent être exaucés en parlant beaucoup. » (Mat. 6 : 7).
Jésus a dit qu'il fallait prier toujours, sans jamais se relâcher 1. D'excellents chrétiens en concluent qu'il faut sans cesse parler à Dieu ; quand ils passent par des périodes de défaillance physique ou mentale qui les mettent dans l'incapacité de prononcer fréquemment des requêtes articulées, ils croient être en état de chute et privés de la communion du Père céleste. Cette façon défectueuse de poser le problème a troublé la paix de bien des enfants de Dieu. La Bible n'identifie nulle part la prière avec la requête formulée. Elle nous montre, au contraire, que la prière est une attitude de l'âme avant d'être un discours. Aussi le pieux janséniste Quesnel a-t-il bien raison de dire : « Beaucoup prier n'est pas beaucoup parler ni beaucoup penser, mais plutôt beaucoup aimer et beaucoup désirer. La prière n'est que l'interprète de l'amour et du désir du coeur et, tous les désirs de notre coeur étant présents à Dieu et lui étant offerts de temps en temps, on prie beaucoup et continuellement quand on a dans le fond du coeur un grand désir de profiter aux âmes que l'on sert pour l'amour de Dieu et pour sa gloire ». « Priez Dieu, ce n'est pas le haranguer. » Etes-vous dans une phase où l'incapacité de prière vous afflige, vous déprime ? Ne laissez pas Satan s'emparer de cette dépression et s'en faire une arme contre votre vie spirituelle. Souvenez-vous que Dieu entend votre silence, et prenez pour votre compte la parole de Frommel qui connut comme vous cette épreuve : « Agir avec Dieu, sous son regard et dans sa force, sans le prier autrement que par l'attente constante de sa grâce, c'est certainement une des manières de réaliser le « Priez sans cesse 2» de l'apôtre Paul ». 1 Luc 18 : 1 ; 2 1 Thess. 5 : 17.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Le quatrième compagnon.
« Je ne suis pas seul, mais le Père est avec moi. » (Jean 8 :16).
A l'état de prière correspond un état de grâce. Cet état de grâce n'est autre que la présence de Dieu en nous. A prière constante, présence constante. « Je ne suis jamais seul », disait Jésus à ses disciples. Pourquoi ? Parce qu'il était toujours, au sens le plus filial du mot, en état de prière. Vous souvenez-vous des trois Hébreux dans la fournaise de Nébucadnetsar 1 ? Confiants dans le Dieu qu'ils servent nuit et jour, ils ont affronté l'épreuve du feu. Quand le roi s'en vint voir si la flamme les avait consumés, il les vit sains et saufs au milieu du brasier et, avec eux, un « quatrième », qui avait « l'aspect d'un fils des dieux ». Nébucadnetsar ne se trompait pas. Quiconque est en état de prière ne souffre jamais seul : il traverse l'épreuve avec « le quatrième compagnon ». Dieu est là. Nous n'avons pas besoin, d'être jetés par un tyran dans un four de flammes pour connaître la souffrance. Il nous suffit pour cela de vivre. Vivre, n'est-ce pas tous les jours mourir un peu ? Vivre, n'est-ce pas subir,sous la surface de notre activité et derrière le masque de nos visages, la tempête intérieure de nos états d'âme qui se contrarient et s'entrechoquent et nous déchirent, montant et descendant comme l'afflux du sang ou la marée des mers ? Vivre, n'est-ce pas se rendre compte que nul ici-bas ne nous comprend parfaitement, et qu'il est des choses qu'on ne peut dire à personne, et qu'en certaines heures on se perdrait dans le vide et dans le désespoir si l'on n'avait pas Dieu, Dieu, pour tout connaître, Dieu à qui tout dire ? Heureux, bienheureux, le chrétien qui, en se maintenant dans l'état de prière, s'assure pour la fournaise de sa vie la présence du « quatrième compagnon » ! 1 Dan. 3.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Un homme de prière.
« Hénoc marcha avec Dieu. » (Gen. 5 :24).
« Il priait davantage qu'il ne parlait », écrit de lui son biographe 1. Magnifique hommage rendu à cinquante ans de ministère dans la montagne. Arrêtons-nous devant ce prieur dont je revois toujours la physionomie fruste et débonnaire, clair et profond. Sa biographie pourrait-elle nous découvrir les sources où s'alimentait sa vie de prière ? Voici trois faits que je relève parmi beaucoup d'autres : Un jour, un malade incrédule souhaitait voir le pasteur infatigable dont on lui avait vanté la ferveur. Il espérait l'embarrasser par une discussion serrée. Le pasteur vint ; il fut tout sympathie. Le malade, alors, prit l'offensive, dénigra Jésus, déclara que le Galiléen avait moins fait pour l'humanité que le savant qui avait inventé le gaz d'éclairage. Le pasteur se leva, et tendant au malade sa main loyale, lui dit avec un bon regard : « Eh bien, quand vous serez sur votre lit de mort, vous ferez appeler un employé du gaz. » L'accent fut tel que le malade, au lieu de se fâcher, s'humilia, et ce fut le point de départ d'un changement dans son âme. — Le courage de la foi. Dans une autre circonstance, le pasteur Favez aperçut dans la gare de Leysin un étranger malade, dénué de tout et dont personne ne prenait souci. Il retourna à son presbytère, revint avec une brouette, chargea l'inconnu et le rapporta chez lui où il le soigna longtemps. — La bonté agissante. L'Eglise Libre et l'Armée du Salut vinrent ouvrir des cultes dans la paroisse. Il les aida lui-même à s'installer. Comme quelqu'un s'en étonnait : « Si je gravis un chemin roide, en tirant un char pesamment chargé, répondit le pasteur, et si quelqu'un par derrière se met à pousser le char, je ne vais pas lui dire : « Que fais-tu là, veux-tu bien t'en aller ! » — La vision du Royaume de Dieu. Le courage de la foi, la bonté agissante, la vision du Royaume : pour que notre prière se répande devant Dieu, il lui faut ces trois sources. La première nous pousse à l'action, la seconde nous enseigne à ne jamais nous rebuter, la troisième nous empêche d'être jaloux du travail des autres.1 1 Charles CURCHOD : Souvenirs de Louis Favez (1850-1924), pasteur à Leysin (Vaud).
LES MODES DE LA PRIÈRE
La prière d'intercession.
« Priez pour moi. » (Eph. 6 : 19).
La prière d'intercession est comme un mode intermédiaire entre l'oraison individuelle et l'oraison collective. Elle n'est plus seulement un tête-à-tête avec Dieu, elle est aussi une présentation à Dieu. Elle établit entre le sujet qui prie et celui qui est l'objet de la prière une solidarité qui ne pourra trouver pleine satisfaction que dans la prière en commun. Les âmes qui prient les unes pour les autres n'aspirent-elles pas à s'unir dans une même action de grâce ? Si les chrétiens connaissaient la puissance de la prière d'intercession, ils s'y livreraient avec plus d'instance, plus de joie, et elle ouvrirait dans leur âme une source intarissable de paix. Un missionnaire me disait un jour : « Epuisé, déprimé, je me rendais au temple, à travers le village, en me demandant où je trouverais l'énergie pour prêcher. En passant près d'une case, j'entendis quelques noirs qui s'y étaient réunis avant le culte : ils intercédaient avec ardeur pour leur missionnaire. Aussitôt, je me sentis transformé. Un moment plus tard, je rendais témoignage à l'Evangile avec des forces renouvelées. » Etait-il indispensable que ce missionnaire passât devant cette case pour sentir l'effet de la prière d'intercession ? Peut-être, dans le cas particulier ; mais dans la règle : non. Les sciences psychiques ont établi qu'un homme qui pense à un autre d'une façon intense et continue, agit sur lui. Quand cette pensée toute chargée de volonté s'exprime dans la prière, non seulement elle agit sur l'homme par l'homme, mais elle attire sur celui qui est l'objet de la prière, le dynamisme divin. Voilà pourquoi la prière d'intercession, magistère de l'Esprit 1, est dans la Bible l'objet des plus magnifiques promesses. Son efficacité est garantie par la moralité de Dieu 2, par l'exemple de Jésus-Christ 3, par le prix qu'y attachent les apôtres 4 Siècle après siècle, la prière d'intercession obtient de surnaturelles délivrances. Celui qui prie ne verra pas toujours l'exaucement de sa prière, mais la valeur de la prière n'y perd rien ; l'homme passe, la prière demeure, car elle est allée à Dieu. Et puis, nos vues temporelles sont si courtes dans le domaine de l'Esprit où s'accomplit l'oeuvre de la prière ! Dieu, pour exaucer, a des ressources que notre coeur ignore ; elles débordent le temps de notre vie, Aucun intercesseur n'a le droit de désespérer de quelqu'un qu'il tient dans le champ de son intercession : « L'enfant n'est pas morte, mais elle dort 5... » « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu 6 » 1 Rom. 8 : 26 ; 2 Nomb 23 :19 ; Tite 1 : 2 ; Héb. 10:23 ; 3 Jean 17 : 9-24 ; 4 Eph. 6 ;19 Ac 8 :15 ; 2 Cor. 9 :14 ; 1 : Col 1 :3 ; Eph, 6 : 18 ; Jacq. 5 :16, etc. ; 5 Marc 5 :39 ; 6 Jean 11 :40.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Un ordre de Jésus.
« Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson. » (Mat. 9:38).
« Il leur disait : La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers, priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson. » « La moisson est grande... » Nous le savons. Jamais l'âme des foules, blanches, noires ou jaunes, n'a été mûre comme aujourd'hui pour accueillir l'Evangile libérateur. « Il y a peu d'ouvriers... » Nous le savons. Partout, évangélistes ou missionnaires ploient sous le fardeau trop lourd pour leurs seules épaules. Comment procurer des ouvriers à la moisson ? Par des appels ? Par des comités de propagande ? Par des tournées de recrutement ? « Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer... ». Voilà l'ordre de Jésus. Ordre révélateur. Ce ne sont pas les hommes qui envoient, c'est Dieu. Et Dieu n'envoie que quand on prie : « Demandez et vous recevrez. » Si l'Eglise se souvenait de cela, si elle savait établir dans son programme l'échelle des valeurs, organiser ses moyens de puissance et commencer par le commencement, elle grouperait dans une intercession animatrice d'activité tous les chrétiens qui veulent travailler au Royaume de Dieu avec la méthode de Dieu. Qu'ont été dans l'histoire les périodes de réveil ? Elles ont marqué les heures où la prière était revenue au premier plan. Dans les champs du divin moissonneur, qui agit avant de prier met la charrue avant les boeufs.
LES MODES DE LA PRIÈRE
La cloche.
« Le Maître est ici et il t'appelle. » (Lire Jean 11).
La Société belge de Missions protestantes au Congo possède une cloche sur laquelle sont inscrits ces mots : « Le Maître est ici, et il t'appelle. » Belle devise ! Et quand la cloche sonne dans la station, à Iremera, quatre-vingt mille indigènes sont atteints par sa voix de bronze. Qu'un jour le sonneur manque pour se pendre à la corde : plus d'appel ; la cloche n'est qu'un objet silencieux, noyé dans sa charpente. « Le Maître est ici, et il t'appelle. » C'est Marthe qui dit cela à Marie, Jésus est là ; il va ressusciter Lazare... Comment se fait-il qu'il soit revenu, risquant ses jours, dans le village de Béthanie ? C'est parce que les deux soeurs, voyant leur frère agoniser, ont imploré le secours de leur divin Ami. Si Marthe et Marie n'avaient pas prié, Jésus n'aurait pas quitté la Pérée, et Lazare serait resté dans son tombeau. La vie de tout enfant de Dieu doit être une vie priante. Mais cette vie d'oraison ressemblerait-elle à la vie d'un mendiant ou à la vie d'un courtisan ? Un enfant doit parler la langue de son père. Or, dans le texte inspiré des prières de la Bible, nous voyons que la première place appartient à l'avancement du Royaume de Dieu. « Il faut qu'il règne 1 ». « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé 2 ». « Mais, ajoute saint Paul, comment invoqueront-ils Celui auquel ils n'ont pas cru ? Et comment croiront-ils en Celui dont ils n'ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s'il n'y a personne qui le leur prêche ? Et comment ira-t-on le leur prêcher, s'il n'y en a pas qui soient envoyés, conformément à ce qui est écrit : « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles 3 ! Voilà pourquoi Jésus a dit à ses disciples : « Priez le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson 4. » A la cloche, il faut le sonneur ; à la résurrection de Lazare, il faut la demande de Marthe et de Marie ; au Royaume de Dieu, il faut l'appel des âmes en prière L'ère des miracles suit l'ère des intercessions. 1 1 Cor. 15 : 25 ; 2 Joël 2 : 32 ; 3 Rom. 10 : 13-15 ; 4 Lu 10 : 2
LES MODES DE LA PRIÈRE
L'encensoir d'or.
« Le peuple dit à Samuel : Prie l'Eternel, ton Dieu, pour tes serviteurs !... Samuel dit au peuple : Loin de moi la pensée de pécher contre l'Eternel en cessant d'intercéder pour vous. » (1 Sam. 12 : 19, 23).
« Vint un autre ange qui tenait un encensoir d'or. On lui donna beaucoup de parfums pour les offrir avec les prières de tous les saints sur l'autel d'or qui est devant le trône. « Et la fumée des parfums s'éleva de la main de l'ange devant Dieu avec les prières des saints 1. » Quelle image saisissante que cet encensoir d'or parfumant au passage la prière qui monte à Dieu ! Ne dirait-on pas que le geste a pour but de doubler la requête humaine d'une angélique intercession ? C'est bien cela. Il y a quelque chose d'angélique dans toute intercession ; et l'intercession est le parfum de la prière. Offrons à Dieu l'encens d'un coeur qui pense aux autres, qui souhaite pour les autres, qui souffre avec les autres, qui lutte pour le salut des autres. Ne croyons pas que c'est en demandant la bénédiction pour soi que l'on est le plus béni, en réclamant des lumières pour soi qu'on est le plus éclairé, en souhaitant le bonheur pour soi qu'on devient le plus heureux. Le moment où notre coeur se désencombre de nous-mêmes est le moment où Dieu peut le mieux y entrer. Les hommes qui ont marqué de la plus forte empreinte l'histoire de la révélation : Abraham, Moïse, Samuel, Elie, Jérémie, saint Paul, ont été de grands intercesseurs. Et que dire de l'action de la prière sacerdotale, non seulement sur les destinées de l'Eglise, mais sur nos sentiments personnels de reconnaissance envers le divin intercesseur 2 ! « Simon, j'ai prié pour toi 3.» Toute prière faite au nom de Jésus est accompagnée du parfum de l'encensoir d'or de Jésus. Rien ne peut, comme la prière médiatrice, nous associer à l'oeuvre du céleste Médiateur. 1 Apo 8 : 3-4 2 Jean 17 : 20 ; 3 Luc 22:31.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Ouvriers avec Dieu.
« Prier les uns pour les autres. » (Jacq. 5 : 16). « Nous sommes ouvriers avec Dieu. » (1 Cor. 3:9).
Le grand mystère, le beau mystère de la vie spirituelle tient dans ces mots de l'apôtre Paul : « Ouvriers avec Dieu. » Là est notre grandeur, là, notre dépendance. Dieu ne veut rien sans nous, nous ne pouvons rien sans Dieu. Ainsi l'a établi 'le Père qui destine ses enfants à partager sa gloire. Nous sommes sauvés par grâce, par la foi 1» Par grâce : c'est Lui ; par la foi ; c'est nous. Otez l'un des deux termes, toute l'oeuvre de Jésus-Christ s'effondre. Point de promesse que nous ne fassions à Dieu sans attendre de Lui la force d'accomplissement ; point de promesse que Dieu nous fasse sans attendre de nous la possibilité de réalisation. En un sens, on peut donc dire que les promesses que nous faisons à Dieu, c'est lui qui les tient, et que les promesses que Dieu nous fait, c'est nous qui les tenons. Y avons-nous pensé ? Avons-nous saisi combien cette interpénétration resplendit dans la prière ? Dieu sait de quoi nous avons besoin et veut que nous le lui demandions. La solidarité qui nous unit à Lui dans l'oeuvre de notre salut, nous unit aussi à Lui dans l'oeuvre de salut des autres. Là aussi Dieu réclame que nous soyons ouvriers avec Lui. Notre part, outre le témoignage et l'exemple, c'est l'intercession fraternelle. Comme l'a écrit C.-E. Bahut : « Dieu ne sauve l'homme que par le moyen de l'homme... Celui qui prie pour un de ses semblables augmente la somme des forces qui, dans l'univers, travaillent au bien de cet homme-là. » Mais voilà : beaucoup de chrétiens se trament comme des assistés sur le chemin de la grâce, au lieu de marcher comme des ouvriers sur le chemin de la foi. Attitude commode pour aujourd'hui, dangereuse pour demain ; car Jésus a déclaré : « Tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n'entreront pas dans le Royaume des cieux, mais ceux-là seulement qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux 2. » 1 Eph. 2: 8; 2 Mat. 7: 21
LES MODES DE LA PRIÈRE
« Il y a encore de la place ».
« Le serviteur vint dire : On a fait ce que tu as commandé et il y a encore de la place. » (Luc 14 :22). « Ne désertons pas nos réunions comme quelques-uns ont pris l'habitude de le faire. » (Héb. 10 : 25).
« Il y a encore de la place. » — Au grand souper de la parabole 1 ? — Non : dans le cercle des intercesseurs. Depuis quelques années on redouble de zèle pour multiplier les ressources de l'Eglise, et l'effort n'a pas été vain. Il faut qu'au cercle agrandi des donateurs corresponde le cercle agrandi des intercesseurs. « Allonge tes cordages et affermis tes pieux », dit l'Eternel par son prophète 2, ce qui signifie : gagne en étendue, mais en même temps, pour que le vent du désert n'emporte pas tes tentes, assure-toi en profondeur. Quand Jésus nous apprend à prier : « Notre Père qui es au cieux, donne-nous notre pain !... », il nous enseigne que l'aliment matériel, pour être béni, doit avoir comme première origine le dispensateur de toutes grâces. Dans le cas des activités chrétiennes, la chose est évidente, car, seules, les ressources obtenues de Dieu seront accompagnées des inspirations nécessaires à leur emploi : souplesse pour consentir à certains sacrifices ; discernement pour choisir les ouvriers, les ouvrières, et pour percevoir, dans la marche de l'oeuvre elle-même, les indications d'en haut ; sens spirituel pour comprendre ceux qui peinent à la tâche et pour les soutenir par des visites fraternelles ou par une correspondance réconfortante ; intuitions dévoilant, à l'heure décisive, le dessein de Dieu, lequel ne répond pas toujours à notre plan. Tout cela, ce n'est pas l'argent qui le donne, même quand il abonde : c'est le fruit du recueillement, de la vie intérieure et l'intercession persévérante. Vous tous qui « aimez l'avènement du Seigneur » et qui voulez travailler efficacement à la venue de son Royaume, pensez qu' « il y a encore de la place » dans le cercle des intercesseurs. 1 Luc 14 : 22 ; 2 Esa 54 2.
LES MODES DE LA PRIÈRE
La prière en commun.
« Si deux d'entre vous sur la terre s'accordent pour demander quoi que ce soit, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. » (Mat. 18 : 19-20).
La prière individuelle, la prière dans le secret 1, est la condition première de la communion avec Dieu, source de toute vie. Par l'intercession, le prieur vit en esprit avec ceux pour qui il intercède. Déjà, il n'est plus seul. Jésus réunit les prieurs individuels en une prière collective : « Si deux d'entre vous s'accordent pour demander... » et il sanctionne leur effort commun de sa divine présence. Après le départ de leur Maître, les disciples, dans la première chambre haute, se livraient à la prière en commun « avec persévérance et d'un même coeur 2. La première Pentecôte fut une réponse à l'accord spirituel des apôtres 3. La première Mission est née de la prière en commun : « Après avoir prié, ils imposèrent les mains à Barnabas et Saul et les laissèrent partir 4. » Le premier et le plus grand des missionnaires, saint Paul, réclame une union de prières en faveur de la Mission : « Frères, priez pour nous.., demandant à Dieu qu'il ouvre une porte à notre prédication 5. » Jésus donne des encouragements spéciaux et fait de grandes promesses à la prière où les chrétiens groupés ou dispersés s'unissent pour adresser â Dieu une même requête. Ainsi, l'intercession collective fait partie de la discipline du peuple de Dieu. Elle est aussi un des principaux éléments de sa puissance et de sa joie. 1 Mat. 6 :6 ; 2 Ac 1 : 14 3 Comp. d'un commun accord dans Ac 2 :1 et dans Ac 1 : 14 4 que 13 :3 ; 5 1 Thess. 5 : 25 et Col. 4 :3.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Réunions de prières.
« Ils priaient ensemble. » (Actes 2 : 42).
De quand datent les réunions de prières ? Du jour où les disciples demandèrent à Jésus : « Seigneur, enseigne-nous à prier 1. » Jésus leur répondit en leur apprenant à dire : « Notre Père... donne-nous. » L'Oraison dominicale n'est pas une oraison de solitaires, elle est une oraison de solidaires. En elle, l'Eglise est née. Comme la communion de Christ avec ses rachetés culmine dans le mystère de la Sainte Cène, la communion des frères en Christ s'accomplit dans la réunion de prières. C'est là que la communauté s'affirme, là se mesure son degré de vie, se manifestent ses besoins, s'élaborent ses progrès, s'obtiennent les miracles qui la rendent victorieuse du monde. C'est l'Eglise qui prie en tant qu'Eglise et qui reçoit comme telle la puissance d'en haut : « Quand ils eurent prié, le lieu où ils étaient assemblés trembla et ils furent tous remplis du Saint-Esprit 2. » Je me souviens d'une paroisse où l'on avait coutume de se réunir trois fois par an, en janvier, à Pâques et à la Pentecôte, pour une semaine de prières. Chaque jour, la présence de Dieu se faisait plus sensible. Vers la fin de la semaine, ce n'était pas le local qui tremblait, c'étaient les âmes qui étaient secouées par un saint tremblement, et l'Esprit descendait. Les plus frappantes conversions qu'il m'ait été donné de contempler, je les ai vues là. Dieu exauce aujourd'hui comme au temps de l'Eglise primitive, mais c'est l'Eglise qui a abandonné les saintes pratiques des temps primitifs. Elle ne manque ni de sermons, ni de méditations, ni de conférences ; ce qui lui manque, c'est l'usage de la prière collective poursuivie pendant plusieurs jours de suite avec persévérance. La prière en faisceau. Celle-là précisément dont Jésus a dit le pouvoir souverain. 1 Luc 11 : 1 ; 2 Ac 4 : 24 ; cf. 12 : 5.
LES MODES DE LA PRIÈRE
La grande trahison.
« Que vous semble-t-il de ceci ? Un homme avait deux fils. Il s'adressa au premier et lui dit : Mon enfant, va aujourd'hui travailler à la vigne. Il répondit : Oui, Seigneur ! Et il n'y alla point... » (Mt. 21 : 28-29).
« Si deux d'entre vous sur la terre s'accordent pour demander quelque chose, ils l'obtiendront », dit Jésus. La coopération dans la prière est un acte auquel Jésus a attaché une promesse. Elle est donc une arme qui nous est confiée, un talent qu'il faut faire valoir pour Dieu. Jésus rappelle durement au serviteur inactif qu'un talent n'est pas un trésor à enfouir, mais une puissance qui doit servir. Que dirait-on d'un fermier qui, après le temps des moissons, viendrait dire au propriétaire : Tu m'avais confié vingt sacs de semence : je te les rends intacts, aucun grain ne s'est perdu ? Si, dans la nature, le nid pouvait dire au Créateur : Tu m'avais confié cinq œufs, les voilà, je n'en ai cassé aucun ; si le sillon pouvait lui dire : Tu m'avais confié des semences, je te les rends sans en avoir laissé pourrir aucune, ce serait, en une année, la mort de toute la nature. Toute force de vie doit servir à propager la vie, tout moyen de défense doit servir à repousser l'ennemi, toute promesse faite par Jésus est une grâce qu'il faut qu'on emploie pour hâter son avènement. N'est-ce pas une trahison que de laisser inactif un moyen d'action que Dieu nous a donné, qu'il s'est engagé à bénir, et dont il nous redemandera compte ? « Seigneur, enseigne-nous à prier ! » et à ne pas « déserter nos réunions comme quelques-uns ont pris l'habitude de le faire » 2.
1 Luc 11 : 1 ; 2 Héb. 10 : 25.
LES MODES DE LA PRIÈRE
Les disciplines de la prière collective.
« Les esprits des prophètes sont soumis aux prophètes, car Dieu n'est pas un Dieu de désordre, mais un Dieu de paix. » (1 Cor. 14 : 33).
Les fonctions les plus hautes sont celles qui demandent la plus sévère discipline. Or la prière en commun est plus qu'une fonction, elle est un sacerdoce. Elle exige donc du prieur une vigilance appropriée à la sainteté de son caractère. D'autre part, notre temps n'en est plus à la psychologie simpliste qui mettait une cloison étanche entre l'âme et le corps. Comme l'écrivait récemment un éminent physiologiste : « L'homme pense, aime, souffre, admire et prie à la fois avec son cerveau et avec tous ses organes ». Par ce fait, le chrétien qui participe à une réunion de prières se trouve exposé à des influences obscures. Il y a plus. La prière, en unifiant nos activités de conscience et nos activités organiques, détermine dans nos fonctions nerveuses un pouvoir d'action exceptionnel. Ce pouvoir excité par la collectivité y devient aisément contagieux. Contagion de vie, mais aussi, dans certains cas, contagion de mort. Dès lors, le chrétien devra, tout en s'abandonnant b la communion fraternelle, dont nous avons marqué le bienfait, résister aux courants qui naissent si aisément dans les foules, aux exaltations grégaires où la loi de l'espèce nous rabaisse aux instincts primitifs alors que nous croyons atteindre aux communications divines. Dans ce cas, le prieur est dupe comme est dupe l'enfant qui, appliquant une coquille contre son oreille, croit entendre la rumeur de l'océan tandis qu'elle lui renvoie le battement de ses propres artères. Dieu ne nous a pas donné le contrôle de nous-mêmes dans la vie ordinaire pour nous l'enlever dans notre vie supérieure. Le vrai mysticisme n'est pas celui où l'âme sombre dans une sorte d'ébriété spirituelle, mais celui qui l'élève à une lucidité plus grande dans la lumière de Dieu approché. Et cette lucidité, en nous révélant plus clairement ce que nous sommes par rapport au Seigneur, nous confirme dans un recueillement fait d'ordre, de bienséance et d'humilité. Par la prière collective, il ne s'agit pas de se perdre en Dieu, mais de se retrouver en Dieu, ce qui est fort différent. En rappelant aux Corinthiens que « l'esprit des prophètes est soumis aux prophètes », Paul nous avertit que Dieu n'est pas un Dieu de confusion qui nous mette hors de nous-mêmes, nous exposant ainsi à être de bonne foi et le jouet de notre imagination, de notre tempérament, ou même de la puissance démoniaque déguisée en ange de lumière. L'aberration où tombèrent au temps des Camisards certains inspirés des Cévennes doit nous mettre en garde contre tous les ordres d'exaltés qui se prétendent poussés irrésistiblement par l'Esprit et qui cherchent dans leurs pratiques à nous faire partager leur exaltation. « Tout esprit n'est pas l'Esprit du Seigneur. »
LES MODES DE LA PRIÈRE
La prière liturgique.
«Un jour dans tes parvis vaut mieux que mille ailleurs... » (Ps 84). « Venez, prosternons-nous, inclinons-nous; ployons les genoux devant l'Eternel, notre Créateur ! » (Ps. 95). «Esdras bénit l'Eternel, le grand Dieu, et tout le peuple répondit, en levant les mains : Amen ! Amen ! et ils s'inclinèrent et se prosternèrent devant l'Eternel, le visage contre terre. » (Néh. 8 : 6).
Ne la négligeons pas : une grâce est en elle. Ne la sous-estimons pas sous prétexte qu'elle revient tous les dimanches et que souvent, hélas ! elle est mal lue. La prière liturgique n'est pas une survivance du ritualisme dans le culte en esprit. Elle n'est pas une béquille tendue à qui serait incapable d'une prière de coeur. Elle est le coeur de l'Eglise qui prie. Nous sommes si ombrageux dans notre individualisme, qu'il nous semble qu'une prière n'a de prix devant Dieu que lorsqu'elle porte notre marque ; comme si l'affirmation du moi était une garantie de sincérité, de spiritualité. « Il y a un temps pour tout », a dit l'Ecclésiaste : un temps pour la prière personnelle dans le secret de la chambre fermée ; un temps pour l'intercession où deux s'accordent, exaucés par Jésus 2 ; un temps où, par la prière liturgique du culte, s'affirme l'âme du corps de Christ qui est l'Eglise. La prière liturgique parlant au nom de tous, fondant toutes les âmes en une prière qui leur est proposée, met chacun au bénéfice de l'oraison de tous, et met l'oraison de chacun au service de tous. Sa voix qui revient, immuable, rappelle aux fidèles les bénédictions qu'ils ont déjà reçues dans le sanctuaire. Elle évoque les générations qu'ils y ont connues, aimées et qui les attendent dans la gloire. Elle réveille dans le coeur de chacun des échos oubliés ; elle prolonge, par l'effort de tous, la visite de Dieu en l'homme. Elle fournit une expression à la « communauté d'esprit » dont parle saint Paul aux Philippiens 3, un langage à la « communion des saints » que déclare le Symbole des apôtres. « Ce n'est pas du passé qu'elle s'inspire, mais de l'éternel. e Elle nous élève dans ses formules jusqu'aux paroles sacramentelles de la Sainte Cène. Par son « nous », où s'accomplissent l'humilité individuelle et la force collective, elle dispose à prier le « Notre Père qui es aux cieux », sommaire et sommet de la prière liturgique par Jésus lui-même donnés. 1 Mat. 6 : 6 ; 2 Mat. 18 : 19 ; 3 Phil. 2 :1.
Prière et providence.
« Priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver ! » (Mat. 24 : 20).
« Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai... Tout est possible en faveur de celui qui croit 1. » Ces deux déclarations de Jésus nous apprennent que la puissance de la prière n'est limitée ni par le pouvoir ni par le vouloir de Dieu ni par la nature des choses, mais seulement par notre propre insuffisance. « Priez pour que votre fuite n'arrive pas en hiver », dit encore Jésus 2. Voilà une parole de miséricorde qui ouvre à la prière tout le champ du monde physique. Elle réduit à néant l'opinion d'après laquelle Dieu, toujours prêt à exaucer les requêtes de l'ordre moral ou spirituel, n'intervient pas dans le domaine matériel parce qu'il a fixé des lois dont la science a découvert le jeu et le caractère immuable. Sur ce dernier point, on pourrait discuter. Mais si la raison humaine n'était pas aussi orgueilleuse dans ses prétentions que limitée dans ses moyens, il ne viendrait à l'idée d'aucune personne raisonnable, après avoir affirmé Dieu, de nier qu'Il puisse intervenir quand Il veut et où Il veut, au gré de Son amour et de Sa pédagogie. S'imagine-t-on qu'Il s'est emprisonné dans le réseau de ses lois naturelles comme le ver qui tisse autour de lui les fils de son cocon ? Avons-nous fait le tour de la personnalité divine, pour être à même de savoir ce qui est, oui ou non, dans ses possibilités ? Un seul a connu Dieu, parce qu'il venait de Lui et qu'il vivait en Lui : Jésus-Christ. Or, c'est Jésus-Christ lui-même qui nous informe ici de l'action de la prière sur la marche des événements et sur les dispensations providentielles. Si Dieu a donné des lois à la nature, ce n'est pas seulement par souci d'ordre, mais aussi pour qu'elles servent de point d'appui à la liberté. Cette liberté, Il la conserve entière, et nous y fait participer par la prière ; en sorte qu'on peut appliquer ici la déclaration de l'apôtre Paul : « Tout est à vous, et vous êtes à Christ, et Christ est à Dieu 3. » Que les croyants qui ont la pieuse habitude de parler à Dieu de toutes les circonstances de leur vie, même les plus extérieures et les plus matérielles, continuent de prier avec une filiale confiance. La pauvre femme qui balaie sa maison pour retrouver sa drachme perdue, le berger qui explore le désert à la recherche de sa brebis égarée sont aussi fondés à compter sur l'aide du Tout-Puissant que le père du fils prodigue lorsqu'il demande à Dieu de ramener à lui le coeur de son enfant. 1 Jean 14 : 13 Luc 9 : 23 ; 2 Mat. 24 : 20, cf. Jac. 5:17 ; 3 1 Cor. 3 : 22.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
Mettre Dieu à l'épreuve.
« Qui demande reçoit. » (Luc 11 :10). « Mettez-moi de la sorte à l'épreuve et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux. » (Mal. 3 : 10).
Chaque nouvelle année est un sillon qui s'offre à notre labeur. Le laboureur des pays envahis, après la guerre, retournait son champ dans le péril des obus non éclatés ; aujourd'hui, nous traçons nos sillons en des jours où le péril des crises politiques, économiques et sociales ôte à l'Eglise toute sécurité. Jamais le brouillard n'a pesé plus épais sur la mêlée humaine. Comment obtenir que la lumière d'en haut perce toute cette obscurité ? L'histoire nous apprend que, partout et toujours, les interventions libératrices de Dieu sont des exaucements. Quand les Hébreux, par la prière messianique, quand les païens par la religion des mystères ont demandé à Dieu d'envoyer à la terre un Germe de vie éternelle, Dieu a envoyé son Fils, Jésus-Christ. Toute révélation, tout secours a pour condition la parole du psalmiste : « Approchez-vous de Dieu, alors il s'approchera de vous », et pour la triple affirmation de Jésus : « Qui demande, reçoit ; qui cherche, trouve, et l'on ouvre à celui qui heurte. » « Celui qui heurte », c'est l'homme en prière. « On ouvre » : c'est la délivrance de Dieu. L'appel divin par lequel Malachie stimule chez les Juifs de la Restauration l'esprit de sacrifice s'applique avant tout, et dans tous les temps, à la prière de la foi : « Mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit Jéhovah, et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux ! »
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
Le remède à l'inquiétude.
« Ne vous inquiétez de rien, mais priez. » (Phil. 4 : 6).
Dans sa lettre aux Philippiens, écrite à une heure où les pires angoisses assaillaient le coeur de saint Paul, prisonnier à Rome, l'apôtre oppose la prière à l'esprit d'inquiétude. « ...Priez en rendant grâces et en exposant vos besoins à Dieu, alors la paix de Dieu, qui surpasse toute compréhension, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ 1. » Ceci est d'une grande vérité psychologique. Réfléchissez, et vous verrez que l'inquiétude peut être ramenée à deux sources : une sensation d'isolement et un sentiment d'incertitude. Isolement et incertitude disparaissent devant l'attitude de celui qui prie avec ferveur. L'isolement, parce que la prière est un tête-à-tête avec Dieu. Celui qui prie n'est jamais seul. L'incertitude, parce que Jésus, au nom de qui nous prions, a dit : « Votre Père connaît vos besoins avant que vous les formuliez 2. Sentez-vous bien tout ce qu'il y a de rassurant dans cette affirmation du Sauveur ? Ce qui nous trouble, c'est que nous ne savons pas toujours si notre demande est conforme à notre véritable bien. Ce que nous appelons « nos besoins », c'est quelquefois « nos préférences s. Dieu, lui, ne confond pas « préférence » et « besoin s. Dans son amour paternel, Il refuse la préférence si elle est contraire à notre intérêt spirituel, et Il accorde dans sa puissance ce qui est conforme à nos besoins. Approchons-nous de Lui par la prière ; remettons-nous-en à Lui, qui sait ce qu'il nous faut et veut nous le donner ; acceptons filialement le choix divin qu'Il fait dans nos demandes où se confondent nos préférences avec nos besoins... et l'inquiétude qui nous a fait tomber à genoux se résoudra, pendant notre prière, en adoration. 1 Phi 4 : 6-7 ; 2 Mat. 6 : 8.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
Prière et influence.
« Je vous le déclare, au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront dite. » (Mat. 12 : 36).
Voilà un texte troublant. Parole vaine signifie ici parole qui ne porte pas de fruit. Encore si ces paroles vaines n'étaient qu'inutiles ! Mais leur intempestivité même peut les rendre nuisibles. Et que dire des paroles légères, malséantes, hypocrites, blasphématoires ! N'alléguons pas pour excuse que la plupart du temps ces propos sont badinage sans conséquence. Leur action est plus grande que nous ne pensons, Ils sont aussi révélateurs, car, a dit Jésus, « c'est de l'abondance du coeur que la bouche parle ». « Dès lors », écrit Louis Bonnet, « nos paroles sont, comme manifestation de l'intérieur, le protocole de notre procès devant Dieu ». « Par tes paroles, conclut Jésus, tu seras justifié et par tes paroles tu seras condamné. » Prions pour que Dieu nous apprenne à veiller sur notre langue ; nous apprendrons ainsi à veiller sur notre coeur. Revenons maintenant à la déclaration de Jésus sur les paroles vaines, c'est-à-dire inutiles et oiseuses. Il y a là de quoi faire réfléchir les chrétiens qui ont une tendance trop marquée à sermonner, surtout en matière d'éducation. Combien de parents ont éloigné leurs enfants de la foi en les saturant de versets de la Bible, d'histoires pieuses, de cultes qui ne leur étaient point appropriés ! Comme un parfum s'évente quand il est constamment exposé à l'air, l'influence se perd quand elle est exercée sans discrétion. L'enfant blasé sur les choses de Dieu par des exhortations incontinentes devient imperméable à l'action de l'Esprit. Parents, c'est à genoux que vous ferez pour Dieu la conquête de vos enfants. Vous les gagnerez, même « sans le secours de la parole » 2 quand ils pourront reconnaître dans votre exemple les marques de la communion divine, et qu'ils verront briller dans vos yeux la clarté qui resplendissait sur le visage de Moïse lorsqu'il descendait de ses entretiens avec Dieu 3. 1 Cf. Jacques 3 :2-10 ; Eph. 5 :4 Col. 3 : 2 1 Pierre 3 :1 ; 3 Exode 34 : 29 ; — voir : La prière et la volonté.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
L'action de la prière.
« Si vous aviez de la foi..., même si vous disiez â cette montagne ; Soulève-toi et jette-toi dans la mer..., cela se ferait. Et tout ce que voue demanderez avec foi, vous le recevrez. » (Mat. 21 : 21-22).
Une lettre m'est arrivée des environs de New-York, d'une Eglise petite, mais où l'esprit de prière entretient la ferveur. On m'y raconte que le pasteur, à la fin d'une réunion pour les Missions, tenue le mois dernier, a dit à ses paroissiens : « La station de X a besoin d'un missionnaire. Dans sa pauvreté, elle le demande à Dieu. L'homme est trouvé, mais la Société en déficit ne peut accepter ses services. Qui donc se lèvera pour permettre à Dieu d'exaucer la prière de ses enfants ?... » Après un moment de recueillement, un membre fortuné de l'Eglise se dressa, et de son banc : « Monsieur le pasteur, je me charge de ce missionnaire ; son équipement, son voyage, son entretien, je les prends entièrement à ma charge. ». Et le missionnaire a été envoyé. Heureuses les Eglises où ceux qui le peuvent font des gestes comme celui-là. Quant à ceux qui ne le peuvent pas, — et ils sont le grand nombre, — qu'ils se souviennent que les gestes de cette nature sont des exaucements. C'est la prière qui les provoque. La prière de celui qui n'a pas peut ouvrir la bourse de celui qui a. Tout se tient dans le Royaume de Dieu, et le point de départ de tout, c'est la prière. Mais une prière vaut ce que vaut l'attitude morale de celui qui la fait. Mettre son corps à genoux, c'est bien. Mettre son âme à genoux, voilà l'essentiel. Une âme à genoux, c'est une âme ployée devant Dieu, une volonté qui se plie à la volonté divine, qui veut le programme évangélique et qui, dans la mesure où elle le peut, le vit. Celui qui parle avec cette attitude d'âme, prie d'accord avec Dieu et selon Jésus-Christ. Il exauce Dieu : Dieu l'exaucera.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière et la lecture de la Bible.
« Si quelqu'un de vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu... et elle lui sera donnée. » (Jacq. 1 : 5).
L'Eglise de Jésus-Christ n'est pas seulement la « Société des fidèles », elle est aussi la « Mère des fidèles ». Comme Mère, elle a le devoir d'instruire et d'éduquer. A ce titre, elle ne saurait se désintéresser un seul instant de l'enseignement que donnent, en son nom, ses pasteurs et ses théologiens. Mais elle ne saurait oublier, au risque de s'engager dans une voie où elle multiplierait ses erreurs, qu'aucune autorité humaine n'a reçu le droit de s'interposer entre les consciences et la Parole de Dieu. Christ seul, parce que seul il régénère, a le pouvoir d' ouvrir l'esprit » 1 et d' expliquer » aux croyants, à travers toutes les Ecritures, ce qui le « concerne » 2. C'est donc à Lui qu'avant d'aborder le Saint Livre il faut avoir recours. Avant de lire, il faut prier. Le pieux réformateur Capiton rappelle aux Bernois, dans son Synodus 3 « L'ordre que nous devons suivre, c'est, avant de prendre en main la Bible, de commencer par la prière ; prière qui doit être sincère et selon l'Esprit. Ce qui caractérise cette prière de l'Esprit, c'est que le Saint-Esprit pousse celui qui prie, tout d'abord,à rendre grâces à Dieu avec un grand amour pour les bienfaits reçus. Puis l'Esprit pousse à demander que le Seigneur veuille bien nous délivrer des défauts et de l'ignorance qui pèsent encore si malignement sur nous. La prière permet au coeur de se répandre et le prépare à saisir et à retenir le sens et le conseil de Dieu, qui est caché dans la lettre. Autrement, on lit la sainte Ecriture sans dévotion comme une histoire profane et la raison seule s'y exerce. Aussi n'en sort-il rien d'autre qu'une sagesse charnelle, tout enflée, qu'on répète ensuite... C'est pourquoi il est fort bien dit dans l'épître de Jacques : « Si quelqu'un parmi vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu ». « Après que la prière a été ainsi faite d'un coeur repentant et altéré de grâce, on doit ouvrir le livre et le lire comme Parole de Dieu..., en gardant le désir instant qu'a suscité la prière, jusqu'à ce que l'on sente couler d'en haut, dans son coeur, quelque chose de cette intelligence divine que le lecteur doit nécessairement recevoir. » Le fait que tant de nos lectures bibliques restent sans effet sur notre âme ne viendrait-il pas de ce que nous avons négligé « l'ordre » et que nous avons lu avant d'avoir prié ? 1 Luc 24:45 ; 2 Luc 24:25. 3 L'Alsacien Capiton, a le plus individualiste et le plus spiritualiste des réformateurs du XVe siècle (1478-1541), qui seconda Bucer à Strasbourg, vint au secours de Berne dans une heure troublée et rédigée pour ses pasteurs le Synodus (1532), traité de théologie pastorale plein de saveur et que les protestants d'aujourd'hui auraient, chez nous, grand profit à méditer.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière et le coeur.
« Tu aimeras l'Eternel de tout ton cœur...» (Deut. 6 : 5).
« Le coeur de l'homme délibère sur sa voie », lit-on dans les Proverbes ; « Prie le Seigneur pour que la pensée de ton coeur te soit pardonnée », dit Simon-Pierre à Simon le Magicien. Ainsi, pour la Bible, le coeur pense. Ceci répond bien à nos expériences. Qu'est-ce que la convoitise ? Un élan de notre être où idée et sentiment collaborent dans une union qui défie toute analyse. Dans la convoitise, l'idée est sentiment, et le sentiment idée. Quand la convoitise naît des instincts de la chair, elle met tout le coeur en péril. Comment sauver le coeur de cette attaque combinée et souvent brusquée ? Par la prière. Les pieux solitaires de l'Eglise primitive et du Moyen Age — que leur situation contre nature exposait à tous les refoulements, à toutes les exaltations intérieures et surtout à la vie de l'imagination qui est la plus dangereuse de toutes — nous ont laissé le récit de leurs luttes tragiques. Nous y voyons qu'à l'heure où le désert se peuplait pour des fantômes de la tentation mondaine, à l'heure où leur méditation prolongée devenait défaillante, une seule arme demeurait efficace pour éteindre ce que l'apôtre Paul appelle « les traits enflammés du Malin », c'était la prière. Pourquoi ? Parce que la prière, qui prosterne le corps, élève le coeur dans l'atmosphère des altitudes spirituelles. Or, c'est dans l'atmosphère de l'altitude que meurent les fleurs d'en bas et que naissent les fleurs d'en haut. Vous ne cueillerez pas un edelweiss dans la plaine. Vous ne ferez pas non plus fleurir les vertus chrétiennes dans une vie sans prière Pour que le coeur puisse atteindre aux régions supérieures où avortent naturellement les pensées de la chair et où mûrissent naturellement les fruits de l'Esprit, il faut qu'il monte. Prier, c'est monter.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière et la pensée.
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de toute ta pensée. » (Mat. 22 : 37).
« Tu aimeras l'Eternel ton Dieu de toute ta pensée », a dit Moïse au peuple élu. La philosophie humaine divise notre personnalité en intelligence, coeur, conscience, volonté... La Bible, qui connaît bien l'homme, ne connaît pas tous ces compartiments. Pour elle, la pensée aime. Ceci est de grande portée. Si la pensée était une lumière froide qui se borne à éclairer, il serait moins urgent de la surveiller, mais la pensée est une flamme ; à l'occasion, elle jaillit de nos passions et elle échauffe nos instincts. Par elle, nous pouvons être amenés à vivre deux vies : l'une, celle qu'on voit, obéit aux bienséances, bridée par la morale et par la religion ; l'autre. dans les replis obscurs de notre être, caresse notre imagination et la dévergonde, car, comme dit Philippe de Commines, « la nuit n'a pas de honte ». Malheur à qui s'abandonne à cette dualité : la vie vécue et la vie pensée. C'est elle qui fait marcher dans l'hypocrisie, elle qui entretient, — et pour cause, — la peur de la mort. Pour abolir cette dualité, je ne sais qu'un remède efficace : la prière. La prière est une attitude qui nous met dans la lumière de Dieu. La lumière écarte tous les oiseaux de nuit. La prière est une lutte où tout notre être tend vers Dieu. Elle coordonne ainsi nos énergies psychiques, empêchant nos pensées de descendre en maraude vers les mauvaises suggestions. La prière est une adoration. Comment contempler le Dieu d'amour dans sa miséricorde en Christ, sans éprouver le désir d'aimer, de pardonner, de nous unir à Lui avec tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes ? Ainsi se réalise, par la prière habituelle, l'unité de notre personne morale ; ainsi sera exaucée dans un sens profond la prière de Jésus : « Père, qu'ils soient un comme nous sommes un. » Réfléchissez : si Jésus a pu dire : « Moi et le Père nous sommes un », c'est parce qu'il avait d'abord affirmé : « Le Prince de ce monde vient, mais il n'a rien en moi. »
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière et la volonté.
« Tu aimeras l'Eternel, ton Dieu..., de toute ta force. » (Deut. 6 :5).
Plus que jamais, à notre époque de fièvre et de nervosité, le chrétien a besoin d'acquérir la maîtrise de lui-même. Cette maîtrise, condition de la paix de l'âme, ne s'obtient que par l'éducation de la volonté. Comment faire l'éducation de sa volonté ? Par la prière. Un homme veut s'engager dans une entreprise. Pour s'éclairer, il en parle à tout le monde et bientôt, à force de conseils, il ne sait plus quel parti prendre. S'il en avait parlé à Dieu, son Père céleste lui aurait donné les directions cardinales propres à éclairer sa volonté et à l'empêcher, tout au moins, de s'arrêter à une décision nuisible pour lui et pour les autres. Une femme voulait amener son fils au Seigneur et ses exhortations n'aboutissaient à rien. Elle s'en ouvrit à Fénelon. « Je vous conseillerais, répondit celui-ci, de parler à Dieu de votre fils, plutôt que de parler de Dieu à votre fils. » L'expérience donne raison à Fénelon. Seul, l'apport d'énergie spirituelle obtenu par la prière permet aux pauvres créatures que nous sommes d'éprouver qu'en effet : vouloir c'est pouvoir. Que si une personne, étrangère encore à l'expérience religieuse, me disait : « Le manque d'orientation, le manque d'énergie dont je souffre porte précisément sur le fait de la prière ; la prière ne m'attire pas ; Dieu reste insensible à ma prière ; je ne sais comment il faut prier »... je lui répondrais : « Surmontez vos hésitations, vos répugnances même, parlez à Dieu avec confiance, humblement, sans avoir peur du silence qui d'abord régnera dans votre âme, et peu à peu, dans ce silence, vous entendrez monter la voix de Dieu ; vous percevrez Sa présence et le monde supérieur vous pénétrera. Mais mettez-y le temps. Le temps est la force des faibles.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière et la conscience.
« Je rends grâces à Dieu... avec une conscience pure, faisant mention de toi sans cesse, nuit et jour, dans mes prières. » (2 Tim. 1 : 3).
« Ce qui fait notre gloire, c'est le témoignage de notre conscience », écrit saint Paul aux chrétiens de Corinthe. Cette gloire ne rapporte aucun honneur sur la terre, elle impose des sacrifices à celui qui la recherche ; mais elle lui donne en échange une grâce ineffable : la liberté dans la prière. Si l'apôtre parlait à Dieu avec une joyeuse assurance, c'est qu'il pouvait dire aux hommes : « Dieu sait que je ne mens pas. » Il y a des gens qui se préoccupent toujours de la franchise des autres et qui la suspectent. C'est un fâcheux son de cloche. L'expérience ne nous a-t-elle pas appris que l'homme, de façon générale, prête à son semblable les qualités dont lui-même jouit, et suppose chez autrui les défauts dont, en secret, il souffre ? Il n'y a point de secret pour Dieu. Un regard qui se dérobe ne dérobe rien à Dieu, et quand il se lève vers Dieu, il se trouble. Comment accorder avec cela la liberté du témoignage et le désir de la prière ? Au lieu d'attribuer aux autres les causes de notre malaise quand c'est le moment de prier, demandons-nous plutôt si les ombres que nous leur reprochons ne sont pas projetées sur eux par notre mauvaise conscience. Comme la fumée bleue du chalet a besoin, pour monter vers le ciel, que l'air de la vallée soit tranquille, la prière, pour s'élever vers Dieu, a besoin que l'atmosphère intérieure soit paisible. Un trouble, même léger, la détourne ; le doute brise son élan et la dissout. Une bonne conscience est un sanctuaire où il fait clair et que la paix habite. La confiance y naît et en rayonne : elle décuple les puissances du coeur et l'élan de l'intercession. Quand on croit pouvoir obtenir et quand on aime celui pour qui on demande, la prière ne jaillit-elle pas comme une flamme ? Lorsque les habitants de la Côte d'Ivoire vont trouver un évangéliste et lui demandent de prier pour eux, à l'occasion d'une maladie, d'un accident ou d'une épreuve quelconque, l'humble prédicateur noir refuse de prier avant que le demandeur ait confessé ses péchés, c'est-à-dire se soit mis en règle avec sa conscience. Voilà qui est bien sorti de nos moeurs. Ces habitudes des jeunes communautés africaines nous ramènent tout simplement aux usages de l'Eglise primitive dont saint Jacques nous parle quand il dit : « Confessez vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres. » Rome a essayé de justifier par ces paroles l'institution du confessionnal. Le seul fait de mettre ensemble prière et confession montre assez qu'il ne s'agit pas pour le frère du Seigneur d'une fonction sacerdotale, mais d'une entraide fraternelle permettant au chrétien qui va prier de se présenter devant Dieu avec « une conscience pure ».
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière révélatrice.
« Crie vers moi et je te répondrai ; je te révélerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas. » (Jér. 33 : 3).
Un père cruellement tourmenté par la conduite de son fils me disait un jour : Par la tendresse, par les remontrances, par les mesures disciplinaires, je ne suis arrivé à rien ; humainement, j'ai perdu toute espérance. Mais j'ai confiance quand même, car je parle de lui à Dieu, et voici que lorsque j'ai prié et pleuré longtemps à genoux et que je reste là, abîmé dans ma douleur, il m'arrive d'entendre distinctement une voix qui nie dit « Il reviendra ». Et, en effet, il est revenu. C'est que la prière n'a pas seulement pour but d'exercer la piété, elle est, pour la piété même, révélatrice, parce que Dieu nous y parle. C'est dans la prière que Moïse apprend qu'il ne passera pas le Jourdain ; dans la prière, Anne connut qu'elle devait donner à Dieu le fils qu'elle demandait pour elle ; dans la prière, Simon-Pierre eut la révélation que l'Evangile était aussi pour les païens ; dans la prière, l'apôtre Paul entendit la parole : « Ma grâce te suffit, car ma force s'accomplit dans la faiblesse » ; partout dans la Bible, nous rencontrons les directions de Dieu données pendant le recueillement de la prière. L'histoire de l'Eglise est toute pleine d'expériences analogues. Ces expériences sont à la portée du plus humble d'entre nous, pourvu que nous sachions veiller à ce que nos prières ne soient pas des redites et qu'elles ne soient pas encombrées de désirs personnels. Et puis, il n'y faut point de hâte ! Pour nous réchauffer, il ne suffit pas que nous nous mettions au soleil : il nous y faut rester assez longtemps pour que le rayon nous pénètre. Ainsi, quand nous nous présentons devant Dieu dans le recueillement de la prière, donnons à Dieu le temps de nous parler.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière inspiratrice.
« Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent ! » (Luc 11 :13). « Quand lui, l'Esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité. » (Jean 16 : 13).
Nous avons vu que Dieu peut nous révéler, pendant le recueillement de la prière, des vérités à la hauteur desquelles notre intelligence n'aurait pu, d'elle-même, s'élever. L'expérience chrétienne montre aussi que, dans la prière, Dieu peut nous inspirer des actes vers lesquels notre bonne volonté seule n'aurait pas suffi à nous guider. Le centenier Corneille « priait Dieu continuellement ». C'est dans un de ces moments consacrés à la prière (neuvième heure) que Dieu lui inspira l'idée de faire venir de Joppé l'apôtre Pierre ; inspiration qui a eu polir conséquence la première Pentecôte parmi les païens. C'est pendant un de ces moments d'adoration où les premiers chrétiens se disposaient, par le jeûne, à la prière, que Dieu inspira à l'Eglise d'Antioche le désir de mettre à part Barnabas et Saul pour la Mission. Les choses n'ont pas changé depuis les temps primitifs du christianisme. Il y a quelques années, un missionnaire nous racontait ce fait qui venait de se passer dans un de nos plus grands champs africains : Les Eglises indigènes d'un district éloigné s'étaient tellement multipliées que la Conférence missionnaire envoya de la métropole un homme autorisé pour dire à ces Eglises : « Il est impossible à notre Société de se charger de vous. Rattachez-vous à l'oeuvre anglaise qui touche à votre contrée. a — « Attends », dit le premier groupe chrétien auquel s'adressa le messager, attends d'avoir visité notre pays, puis tu verras ce que Dieu t'inspirera de faire. » Le messager continua sa tournée. A X..., il tombe dans une réunion de prière qui durait déjà depuis une heure, et qui se prolongea devant lui durant deux heures encore, fervente, implorante, exposant au Père céleste le désir de tous de n'être point séparés du tronc aimé de la Société de Paris. Le messager retourna à la capitale : Dieu lui avait mis au coeur de plaider la cause des indigènes qui furent incorporés à notre Mission. Il y a deux choses, je crois, dont nous ne nous doutons pas : la première, c'est que, faute d'avoir assez prié, nous menons les affaires de Dieu avec des pensées humaines, en enlisant en mille petites routines qui ligotent notre pensée et immobilisent notre action ; la seconde, c'est que la puissance inspiratrice que Dieu a mise dans la prière persévérante, peut nous débarrasser de ces routines et orienter nos pas libérés dans le chemin des victoires spirituelles.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière transformatrice.
« Dieu ! écoute mon cri ; sois attentif à ma prière ; conduis-moi sur la roche trop haute pour moi. » (Ps. 61 : 3).
En vérité, l'homme est fou qui s'imagine pouvoir atteindre au bonheur et au bien par ses seules forces, ou par sa propre vertu. L'expérience a tôt fait de nous apprendre qu'il est, dans cette vie, des roches trop hautes pour notre élan. Mais ce qui est inaccessible à l'homme est accessible à Dieu. Où nous ne pouvons monter, Dieu nous porte. Encore faut-il le lui demander. L'enfant, pour être porté, tend les bras à sa mère... Par la prière, nous tendons les bras à Dieu. Dieu n'attend que ce geste pour nous élever au-dessus de nous-mêmes, c'est-à-dire pour nous accorder dans le domaine de l'action ou du sentiment des possibilités qui ne sont pas en nous. Une jeune femme de pasteur me disait un jour : « Il y avait dans notre Eglise deux vieilles dames pour lesquelles j'éprouvais une aversion insurmontable ; je m'efforçais en vain de découvrir en elles quelque chose qui me parût digne d'être aimé. Aller les visiter était pour moi une corvée que j'éloignais toujours. A bout de luttes, je me jetai à genoux et je dis à Dieu : « Montre-moi les qualités de ces deux paroissiennes, libère-moi de l'antipathie qui paralyse mon ministère ». Après quelque temps de prière assidue, je sentis qu'un rayon d'en haut avait fondu ce qui glaçait mon coeur. Depuis lors, rien ne résiste en moi quand je vais voir mes deux pauvres vieilles dames. C'est même avec plaisir que je les rencontre et que je fais avec elles un bout de causette sur le chemin ». Pour les petites choses aussi bien que pour les grandes, la prière ouvre notre coeur à l'action divine. Si nous pouvions seulement soupçonner toutes les miraculeuses transformations que Dieu ne demande qu'à opérer en nous, nos prières s'élèveraient plus variées, plus intimes, plus continues, et leur exaucement serait notre sanctification.
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
Demander le Saint-Esprit.
« Si vous qui êtes mauvais savez donner de bonnes choses â vos enfants, combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit â ceux qui Le lui demandent. » (Luc 11 : 13).
« Si nous n'avions pas le Saint-Esprit, il vaudrait mieux fermer nos Eglises, en clouer les portes, mettre une croix noire .au-dessus, et dire : « O Dieu, aie pitié de nous ! » Si vous, les pasteurs, vous ne possédez pas cet Esprit, ne prêchez pas, et vous, les auditeurs, restez chez vous... La mort et la condamnation pèsent sur une Eglise qui ne soupire pas après l'Esprit. » A qui pensait Spurgeon en écrivant ces lignes ? Aux habitués des temples qui suivent les sermons sans se les appliquer, qui voient la misère sans s'en émouvoir, qui entendent les appels sans s'offrir. Leur christianisme correct, mais inanimé, semble reposer sur un lit de parade, Tu as la réputation d'être vivant, mais tu es mort 1 ». Que te manque-t-il ? La pulsation de l'Esprit. Pulsation du sang attestant la vie du corps, pulsation de l'Esprit manifestant la vie de l'âme... L'une est aussi nécessaire que l'autre et la seconde a plus de prix que la première, puisque la vie du corps ne porte que sur une brève durée, tandis que la vie de l'âme engage l'éternité. Or, voyez la folie où nous sommes : quand la pulsation du sang devient anormale ou faiblit, tout le monde s'inquiète. Combien s'alarment, quand ne bat pas le pouls de l'âme ? Pourtant de cette pulsation-là dépendent pour ici-bas nos énergies spirituelles et pour là-haut notre bonheur éternel. Voilà pourquoi Jésus mettant en balance la sollicitude humaine et la sollicitude divine dit à ses disciples : « Si vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le Lui demandent ». Combien plus ! Quel amour et quel gage... O Père, que je sente en moi cette pulsation salutaire ! Que ton Esprit qui est l'animateur de toute vie depuis la Création jusqu'à la Pentecôte et qui le sera pour les hommes jusqu'à la fin des siècles s'empare de mon âme, y régénère mes affections naturelles, y crée des mouvements surnaturels, et qu'il fasse de moi sa réponse vivante en face des incroyants. 1 Apo 3 : 2
LA PUISSANCE DE LA PRIÈRE
La prière pour les dons spirituels.
« Recherchez avec ardeur les dons spirituels... Que celui qui parle en langues prie, afin de pouvoir interpréter. » (1 Cor. 14:12-13).
De même qu'un arbre manifeste sa prospérité par ses fruits, le chrétien montre sa santé spirituelle par ses vertus, que saint Paul appelle : « Les fruits de l'Esprit 1 ». La santé pousse à l'action. Ainsi, la possession des fruits de l'Esprit pousse à l'acquisition de la puissance. C'est pourquoi Paul dit aux Corinthiens : Recherchez avec ardeur les dons spirituels 2 ». Il ne s'agit donc pas ici de privilèges réservés à quelques initiés, et destinés à établir dans l'Eglise une caste hors pair, la caste des super chrétiens. Paul ne prétend pas non plus dans 1 Cor. 12 et 14 inventorier les dons spirituels dans un catalogue achevé ; il n'entend point les distribuer séparément ; lui-même les a possédés tous, et il exhorte ses fidèles à les rechercher, sans poser telle ou telle limite aux ambitions de leur foi. Il sait d'ailleurs que les tempéraments étant divers, les possibilités et les situations aussi, tel chrétien accédera à tel don et le fera valoir plus aisément qu'un autre. Ce qu'il veut, c'est que tout chrétien qui prie pour être baptisé de puissance par l'obtention d'un don spirituel, prie aussi pour que ce don soit à l'édification de l'Eglise, et que, bien loin de tout orgueil, ceux qui a recherchent avec ardeur les dons spirituels », le fassent dans a la voie par excellence : la charité ». Aucun don de l'Esprit, qu'il soit de science, de foi, de prophétie, d'héroïsme ou d'extase, n'a de valeur durable s'il n'est animé de l'amour dont 1 Cor. 13 nous indique les traits. Cet amour, qui rend humble, compréhensif, nous retiendra de tout jugement par lequel nous nous permettrions de refuser le sceau de l'Esprit à un frère qui ne manifesterait pas, selon nos conceptions, les dons de l'Esprit. Il nous gardera aussi de toute pratique où, en voulant imposer nos méthodes pour procurer aux autres les dons de l'Esprit, nous risquerions de mettre notre volonté, notre psychisme à la place de l'action divine et de faire des ravages dans les âmes. C'est à Dieu, non à nous, qu'il appartient de définir l'oeuvre de la Pentecôte, d'en choisir les moyens, d'en apprécier les résultats. Ce qui nous appartient, c'est de proclamer la permanence des effets de la Pentecôte ; d'éveiller nos Eglises d'un moralisme sans puissance et d'un intellectualisme où se dissout l'autorité de la révélation ; de maintenir avec saint Paul la nécessité des dons spirituels pour qui veut être ouvrier avec Dieu, et de nous souvenir que Jésus a fait du don de l'Esprit l'exaucement de la prière. 1 Gal. 5 : 22-23 ; 2 1 Co 14 : 12.
« Je ne sais, Dieu le sait ».
« Il me dit : Fils d'homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? Je répondis : Seigneur Eternel, c'est toi qui le sais » (Eze 37 : 3).
« Nous ne savons pas ce que nous devons demander pour prier comme il faut », dit humblement saint Paul 1. Les difficultés de la prière ont bien des origines : l'ignorance où nous sommes de nos véritables intérêts, les déficiences de notre nature, les mystères qui nous troublent, la pédagogie divine qui nous déconcerte... et les offensives du Malin.<< Je ne sais, Dieu le sait ». Ainsi s'exprime l'apôtre au sujet d'une extase qu'il avait eue et qu'il essayait de décrire à ses amis de Corinthe 2. Ainsi aurait pu s'exprimer le Fils de l'Homme lorsque ses disciples lui demandèrent quand viendrait la fin du monde : « Pour ce qui est de ce jour et de cette heure, leur dit-il, personne n'en sait rien, pas même le Fils, mais le Père seul. » Quand l'apôtre des Gentils, convaincu que l'écharde qu'il portait dans la chair paralysait son ministère, implore par trois fois le Seigneur de le délivrer, Jésus lui répond : « Ma force s'accomplit dans la faiblesse. » Paul avait cru, mais Dieu savait ! Et quand le Christ inexaucé se prosterne au jardin des Oliviers et, dans ses larmes et sa sueur sanglante, prie : « Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi, toutefois que Ta volonté soit faite », le s'il est possible signifie « je ne sais », et cette incertitude introduit l'agonie ; mais le toutefois signifie « tu le sais », et la certitude que la volonté de son Père est bonne, et qu'elle triomphera, refoule l'agonie et permet à Jésus de marcher en vainqueur vers la mort et la résurrection. Tous les chemins de la prière traversent un jour ou l'autre Gethsémané. Quand on a prié avec ardeur pour un objet dont on ne peut douter à vues humaines qu'il soit bon et désirable et susceptible d'être accordé, et que tout à coup on se heurte à l'inexaucement, la foi est décontenancée, il semble qu'on ne comprenne plus rien à rien, et, silencieusement, l'âme pleure. C'est le moment de prendre pour soi la parole : « Je ne sais, Dieu le sait ». Celui qui dit : « Je ne sais, et qui le sait ? s'enfonce dans la nuit de l'abîme. Celui qui dit : « Je ne sais, Dieu le sait » traverse l'obscurité d'un tunnel. Quelle que soit la longueur du tunnel, chacun de ses pas le rapproche de la lumière. Jamais nous ne nous ferons assez petits, jamais nous ne ferons Dieu assez grand. Dire : « je ne sais », c'est renoncer à marcher par la vue, et, comme un enfant qui a senti ses limites, se jeter humblement dans les bras du Père céleste. Dire : « Dieu le sait » c'est accepter la marche par la foi et retrouver la paix dans cette triple certitude : Dieu est tout-puissant, Dieu aura le dernier mot en tout. Dieu nous aime, 1 Rom. 8 : 26 ; 2 2 Cor. 12 : 2
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Question troublante.
« Votre Père commit vos besoins avant que vous les formuliez. » (Mt. 6 : 8).
Il peut arriver que des chrétiens soient troublés par la parole de Jésus que j'ai citée ailleurs comme une affirmation rassurante : « Votre Père connaît vos besoins avant que vous les formuliez. » Si Dieu connaît vos besoins, disent-ils, et nous accorde lui-même dans son amour ce qui nous est utile, à quoi bon prier ? Ses bénédictions descendent sur notre vie comme les rayons du soleil sur la nature : il n'y a qu'à laisser faire. — Pardon ! le rayon de soleil ne nous atteint que si nous nous mettons au soleil. L'astre du jour aura beau rayonner sur votre demeure, si vous restez dans la cave, vous n'en serez pas réchauffé. Dieu forme pour nous des plans d'amour. Il ne demande qu'à nous enrichir de ses trésors, mais Il ne nous donne ses trésors que si nous désirons les posséder, si nous nous sommes préparés à les recevoir, si nous sommes allés au-devant d'eux par notre attitude filiale. Ce désir, cette préparation, cette attitude, se manifestent précisément dans notre prière. C'est ici la divine moralité des bénédictions accordées par le Père céleste, qu'elles sont toujours des exaucements. S'il en était autrement, nous seraient-elles vraiment utiles ? Supposez que, pour des motifs estimables, une Université confère à un homme d'instruction sommaire le doctorat honoris causa. Cet honneur donnera-t-il au nouveau docteur la compétence ? Non. Tout au plus y trouvera-t-il la tentation de se prendre pour un savant et de trancher sur les questions scientifiques sans les avoir approfondies. Dieu est meilleur pédagogue que les hommes. Dans le domaine moral et spirituel il ne donne rien honoris causa. Il sait ce qu'il faut à chacun, mais il sait aussi que quiconque reçoit une grâce avant d'en avoir mesuré la valeur en abuse, et c'est pourquoi, avant de donner, Il attend que son enfant ait compris la nécessité de cette grâce, qu'il l'ait souhaitée pour lui-même, qu'il se soit mis en état de l'accueillir et qu'il l'ait implorée au nom de Jésus, bien décidé à la faire valoir pour la gloire de son Maître. Demandez et vous recevrez.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Les refus de Dieu.
« Seigneur Eternel..., laisse-moi passer, je te prie, laisse-moi voir ce bon pays de l'autre côté du Jourdain ! » « L'Eternel répondit : C'est assez ! ne me parle plus de cette affaire... Tu ne passeras pas ce Jourdain. » (Deut. 3 : 23-28).
Dans nos heures de méditation nous récapitulons les lumières et les ombres, les joies et les épreuves, les acquiescements et les refus de Dieu... Les refus ? Ces mots font froid au coeur. Et pourtant, qui dira toutes les miséricordes qu'ils renferment ! Dieu exauce toujours, mais il n'accorde pas toujours. Reconnaître cette distinction, en bénir Dieu, c'est être chrétien. Dieu nous aime, il veut notre bien, il connaît ce bien mieux que nous, donc ses refus sont des grâces. Nul ne l'a mieux compris que l'auteur du Betbüchlein, le réformateur Luther : « Celui qui sait prier, dit-il, ne doute jamais que sa prière est exaucée, quand bien même Dieu lui accorderait tout autre chose que ce qu'il a demandé... Il ne faut pas prescrire à Dieu ce qu'il doit faire ; il faut lui laisser le soin de nous donner quelque chose de meilleur que ce que nous envisagions... Il faut laisser à Dieu la liberté de choisir les heures, les lieux, les mesures, le but, et croire que ce qu'il fera sera bien fait... » Croire au besoin « qu'il mène à la perfection en ayant l'air de tout détruire... et qu'il exauce en contrecarrant nos désirs ». Cet exaucement-là, Jésus avait prédit à Pierre qu'il en ferait l'expérience 1; l'apôtre Paul l'a bien connu : c'est d'un refus que lui est venue la force dont il se glorifie 2. Si la crainte des refus de Dieu nous trouble, c'est qu'en nous la tyrannie du Moi n'est pas brisée. Si au contraire, nous servons Dieu avec confiance et « sans calcul intéressé », les refus de Dieu nous enseigneront « l'acceptation joyeuse » dont parle l'épître aux Hébreux 3, et l'assurance paisible qui faisait dire à l'apôtre : « Nous savons que toutes choses travaillent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu 4. » 1 Jean 21 : 18 ; 2 Cor. 12 : 9 ; 3 Héb. 10 : 34 ; 4 Rom. 8 :28.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
De peur que...
« Il m'est bon d'avoir été humilié, afin de connaître tes statuts. » (Ps. 119 : 71). « Il n'y a point de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui doit être manifestée en nous. (Rom. 8 : 18). Saint Paul souffrait d'une écharde 1 qui entravait ses forces, humiliait son apparence, affligeait son apostolat. Trois fois, il a demandé au Seigneur de l'en délivrer. Le Seigneur la lui a laissée. Pourquoi ? « De peur que je ne m'enorgueillisse », dit le grand missionnaire des Gentils. De peur que... Qui sait ? Si Paul avait pu ajouter aux dons merveilleux qu'il avait reçus de l'Esprit les satisfactions de la santé et du succès, peut-être l'ange de Satan, déguisé en ange de lumière, se serait-il glissé jusqu'à son coeur, y tarissant peu à peu les sources de la vie. « Mais le Seigneur m'a dit : « Ma grâce te suffit, car c'est dans la faiblesse que ma puissance se déploie. » Je me glorifierai donc de mon impuissance, afin que la puissance de Christ habite en moi. » Que ceux qui regrettent que Dieu n'exauce pas leur désir méditent cette parole. Il n'est pas d'épreuve, il n'est pas de déception, il n'est pas d’inexaucement qui nous fasse acheter trop cher la bienheureuse expérience que Satan nous soufflette du dehors, et que la puissance de Christ habite au dedans de nous. Car c'est cette puissance habitant en nous qui nous donne la vie sanctifiée, le rayonnement spirituel, le pouvoir conquérant et « l'espérance de la gloire » dans la félicité du ciel. « Si nous souffrons avec Lui, nous régnerons avec Lui. » La croix, c'est une heure ; la couronne, c'est l'éternité.
1 Lire 2 Cor. 12 : 7-10.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Prière et distraction.
« Marthe était distraite par divers soins. , (Luc 10 :40). « Pour moi..., je fais une chose : je cours vers le but. » (Phil. 3 : 14). « Soyez persévérants et vigilants dans la prière. » (Col. 4 : 2).
Tout est organisé, dans le monde où nous vivons, pour nous distraire des choses qui assurent la vie de notre âme. C'est comme si nous séjournions dans les terres marécageuses dont le climat est une perpétuelle menace. Pour nous prémunir contre les miasmes, il faut nous entourer d'une atmosphère spirituelle. Cette atmosphère, c'est la prière qui la crée. Qui parle à Dieu se recentre en Dieu, se place au carrefour où toutes les oeuvres de Dieu se rejoignent et d'où elles partent ; il en voit la grandeur, la beauté, l'urgence ; il en entend l'appel, il leur voue ses forces. Ainsi se trouve-t-il détaché des distractions qui ne l'attiraient que parce qu'il était spirituellement désœuvré. La prière le libère aussi du penchant qu'a l'homme de se complaire en soi-même, de s'analyser, d'étaler ses mérites, de se regarder passer même sur le chemin de Dieu, et de se préoccuper de l'effet qu'il y produit. Par l'exercice de la prière, il devient peu à peu comme le bon frère Laurent que Duperrut nous décrit : Frère Laurent, ferme dans le chemin de la foi, qui ne change jamais, était toujours égal à lui-même, parce qu'il ne s'étudiait qu'à remplir les devoirs de la place où Dieu le mettait. Au lieu d'être attentif à ses dispositions et à examiner le chemin par où il marchait, il ne regardait que Dieu, la fin de ce chemin, et allait à grands pas vers Lui par la pratique de la justice, de la charité et de l'humilité, plus appliqué à faire qu'à considérer ce qu'il faisait. »
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Prière et vigilance.
« Soyez sobres, veillez ! Votre adversaire, le diable, rode autour de vous, comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. » (1 Pierre 5 :8). « Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l'esprit est prompt, mais la chair est faible. » (Marc 14 :38).
La tentation pour Pierre, Jacques et Jean était de céder à la fatigue et de s'abandonner au sommeil. La tentation pour nous est de céder à la lâcheté et de laisser notre conscience s'assoupir. La vie courante trahit bien des symptômes de cet assoupissement. Pour n'en relever qu'un, observons avec quelle facilité nous tolérons, dans le milieu chrétien dont nous faisons partie, des actes que l'honnêteté pure et simple condamne. Parce que ces actes ont été drapés dans de grands mots du langage spirituel, on demeure comme paralysé ; on réprouve, certes, mais l'on s'abstient d'agir et l'on couvre du nom de charité chrétienne une complaisance qui touche à la complicité. On pense moins aux victimes que ces écarts de la morale ont faites dans le cercle où ils se sont produits qu'au retentissement que pourrait avoir au dehors leur répudiation. Or, c'est par cette répudiation que Dieu serait glorifié. En travaillant â « sauver la face », on a ouvert des chemins secrets au scandale. Que de chrétiens se sont ainsi perdus dans l'estime de ceux qui les voyaient vivre ! Que de chrétiens qui n'ont pas cherché pour eux-mêmes, dans la prière, un secours contre la tentation, ont connu des chutes que le monde ignore peut-être mais que Dieu sait ! Prions pour être sauvés de la tentation d'oublier ce qu'exige l'honneur de Dieu en nous et autour de nous. Prions pour que Dieu nous donne la force de savoir dire : Non ! Quand un corps cesse de réagir, c'est que la mort le guette.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Prière et perplexité.
« O Dieu, montre-moi la voie Qui seule conduit à toi ! » (Ps. 25).
Les chemins vont à travers la campagne, reliant villes et villages ; la moindre ferme a son sentier. Petits et grands, les chemins sont la trame où se brode, en va-et-vient, l'activité des hommes. Si par miracle, une nuit, tous les chemins pouvaient disparaître, la terre retournerait au chaos. Mais voici qu'au contraire, avec le temps, les chemins se multiplient. Viennent alors les carrefours où plusieurs chemins se rencontrent ; lequel choisir ? Puis, il y a les voies ferrées qui coupent les chemins d'un trait de vapeur et de feu... Passant, veille sur tes pas ! Et toi aussi, voyageur sur les chemins de la vie, sois vigilant. Méfie-toi des carrefours où plusieurs possibilités se présentent ! Observe les signaux des gardes-barrières qui te préviennent qu'un train va passer en bourrasque : une de ces passions soudaines qui font irruption à travers notre vie et menacent de tout emporter... Ah ! la terrible aventure ! Qui n'a pas connu, au moins une fois dans la vie, l'angoisse de l'hésitation, la tragédie du choix ? L'illustre savant juif Maimonide a écrit, au XII° siècle, un traité intitulé : Guide des perplexes, en somme un traité de casuistique. Je ne l'ai pas lu, mais j'imagine qu'en maint endroit de son ouvrage, Maimonide a été lui-même saisi par la perplexité. Pour indiquer à un homme son chemin, il faut connaître ses capacités et savoir où se trouve le but de son voyage. Nul ne connaît ses capacités et ce but que Dieu seul. Voilà pourquoi, dans la perplexité, il n'est qu'une ressource : ta prière. Tu te demandes lequel tu dois prendre des chemins qui s'ouvrent devant toi ? Mets-toi à genoux et prie ton Père qui est dans les cieux. Dis-lui tout, remets-lui la direction de ta vie. Peu à peu, tu sentiras en toi comme un frémissement d'ondes qui s'ordonnent : un courant s'établira et, tout à coup, tu te trouveras à l'amorce d'un Chemin entres-y : c'est le chemin de Dieu.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Prière et fardeau.
« O Dieu, prête l'oreille à ma prière ! Ecoute-moi et réponds-moi... La crainte et l'épouvante m'assaillent. » « Décharge-toi de ton fardeau sur l'Eternel et il te soutiendra. » (Ps. 55 : 1, 2, 6, 23).
« Décharge-toi... » n'est-ce pas bien hardi ? — Non, puisque c'est la Bible qui le propose. — De quel fardeau ? — « Chargez-vous de mon joug », a dit Jésus, « mon fardeau est léger. » Le fardeau qui accable, c'est celui que nous chargeons nous-mêmes sur nos épaules, imitant Marthe qui s'agitait pour une foule de choses, alors qu'une seule était nécessaire. On va, se plaignant du poids de la vie, et l'on ne prend pas garde que ce qui pèse, ce n'est pas ce que Dieu commande, c'est ce dont nous charge le monde ou notre fantaisie. Certes, dans le fardeau que Dieu nous dispense, il y a des épreuves, des tribulations, des vocations qui nous débordent, il y a le poids de la croix... La foi est mise de nos jours à une rude épreuve. Appliquons-nous à la développer par la prière, en laissant Dieu fortifier notre foi par les moyens dont Il dispose : les difficultés, les obstacles, les dépouillements, les obscurités, les exercices de patience qui sont l'aliment propre de la foi. Tout ce qui rétrécit le champ de la vue étend le domaine de la foi; tout ce qui fait grandir en nous l'homme intérieur besogne pour notre vie éternelle ; c'est pourquoi Bacon disait justement : « Les prospérités sont les bénédictions de l'Ancien Testament, et les adversités celles du Nouveau. » « Décharge-toi sur l'Eternel » disait déjà le psalmiste, de la part de Dieu. Il avait fait l'expérience que, lorsqu'il s'était remis entièrement à Dieu, Dieu était intervenu, s'était substitué à lui et l'avait relevé de son accablement. C'est cette même expérience qui fit dire un jour à saint Paul : « Je puis tout par Celui qui me fortifie. » Parce qu'il avait éprouvé le soutien de l'Eternel, Duplessis-Mornay, trahi par son roi et destitué de son gouvernement de Saumur, écrit dans une méditation inédite : « Si Dieu, dans le chemin où il te conduit, te charge de ce que tu ne peux porter, c'est pour que tu ressentes ton infirmité, réclames son secours, t'humilies en ta nature, te fortifies en sa grâce. » « En tant que sa grâce se parfait en ton infirmité, ta charge se fait sienne, ses forces, par conséquent, t'abondent lorsque les tiennes défaillent... Forces qui ne manquent jamais, qu'il promet, qu'il offre, qu'il prend mesme plaisir d'entre appelées nostre force...» « A ceux à qui Dieu a desparti leur charge, il s'allège (s'oblige) de garantir : Je serai avec toi. Et là où il est, que peut manquer ?... » Prions dans l'attitude de Jésus, en n'ayant, comme lui, d'autre ambition que de faire nôtre, jusqu'au bout, la cause de Dieu sur la terre... Alors, nous sentirons la main paternelle se glisser sous notre fardeau. Dieu donne tout à qui ne lui refuse rien.
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Métier ou vocation.
...« Ils le contraignirent à porter la croix. » (Marc 15 :20-21). « Dieu me garde de me glorifier en autre chose qu'en la croix de notre Seigneur Jésus‑Christ. (Gal. 6 : 14).
Quand l'ouvrier sort de sa journée d'usine, il soupe, et va au cinéma. Quand le savant, que sa recherche passionne, est interrompu par la sonnette du repas, il se fait attendre, et au dernier morceau, retourne à son laboratoire. Le premier s'évade avec joie du labeur de métier. Le second évite comme une corvée ce qui l'éloignerait de sa vocation. Il y a aussi des chrétiens de métier et des Chrétiens de vocation. Les premiers, une fois la tâche pour le Seigneur accomplie, vont se distraire, sans se demander : « Que ferait Jésus à ma place ? » Ils ont bien gagné de s'ébrouer un peu. Les seconds, même à l'heure du délassement, ne sortent pas de l'atmosphère de Jésus. Ce n'est pas un mérite, ils le préfèrent : le monde les met mal à l'aise. Ceux-là s'ennuient parfois terriblement au métier, même quand il ne les fatigue pas outre mesure. Ceux-ci se fatiguent parfois durement à l'effort, mais la vocation ne les ennuie jamais. D'où vient cette différence d'attitude ? De ce que les uns sont les ouvriers d'un patron qui est au ciel, tandis que les autres sont les co-ouvriers d'un ami qui est sur la terre : ils travaillent dans la compagnie de Jésus, qui les a appelés à collaborer avec Lui. Par cette vocation, Jésus s'est installé dans leur vie, au centre de leurs forces vives ; il en a changé toutes les perspectives, toutes les impulsions. Servir est devenu leur joie ; prier, la respiration de leur âme. D'instinct, ils ne vont plus où l'âme ne peut respirer. « Pour moi, vivre c'est Christ », dit l'apôtre ; c'est pourquoi il peut ajouter : « Soyez toujours joyeux, priez sans cesse. »
LES DIFFICULTÉS DE LA PRIÈRE
Une prière difficile.
« Priez pour ceux qui vous persécutent. » (Mat. 5 : 44).
Prier pour ceux qui nous veulent du mal et qui nous en font, voilà qui est au-dessus du coeur naturel. Prier contre : oui, prier pour : non. Et c'est pourtant ce que Jésus demande à ceux qui veulent être « les fils du Père qui est dans les cieux ». Mais quelles sont les conditions à remplir pour être « fils du Père » ? Jésus répond : être nés « d'eau et d'Esprit » ; c'est-à-dire : avoir accepté pour soi le baptême de repentance, avoir prié pour que Dieu nous révèle « la noirceur de notre âme et l'immensité de son amour », puis avoir prié pour que Dieu nous accorde, par la grâce de Christ, son Saint-Esprit. Alors seulement, ayant tout reçu en réponse à notre prière, nous pourrons en arriver, comme dit Calvin, à désirer « le bien et le profit » de ceux qui nous persécutent. Calvin confesse que c'est « une chose bien difficile et tout contraire à la nature de la chair » ; pourtant, dit-il, c'est « ce que la loi de charité requiert ». Ne regardons point seulement à la difficulté de cette loi. Constatons plutôt qu'elle nous force à reconnaître que toute notre destinée d'enfants de Dieu est suspendue à la prière. C'est en réponse à notre prière que Dieu prépare nos coeurs à recevoir le Saint-Esprit et c'est en réponse à notre prière qu'il nous l'accorde. Or, cet Esprit régénérateur, seul, peut nous rendre capables de demander le bien pour ceux qui nous veulent du mal. Ensuite, méditons sur les avantages que notre sanctification retire du fait de nos persécuteurs. Une sainte femme qui, par la prière, a obtenu des guérisons miraculeuses et qui a été à cause de cela persécutée, calomniée, traînée devant la justice dans un procès scandaleux par la jalousie de quelques membres du corps médical, a exposé cet ordre de bénédiction dans un enseignement que suivirent des chrétiens venus de partout et que résume ainsi l'un de ses auditeurs : « Ses appels à la conscience frappaient comme des boulets contre un mur..., mais quand elle poursuivait les délicates exigences de la conscience chrétienne, quand elle peignait l'austère suavité des joies que le chrétien sait extraire de l'amertume ; quand elle disait le profit à tirer des ennemis, par exemple, la douceur de prier pour eux, et comment ceux qui exercent notre support et notre pardon nous font contre leur gré le plus grand bien possible, et comment nous leur en devons une reconnaissance infinie, et comment nous pouvons la leur témoigner, il semblait la musique d'un autre monde, il semblait une colombe qui sûre de sa route se perdait à nos yeux dans l'azur. » Ces lignes ont été écrites par le philosophe Charles Secretan 1, l'un des géants de la pensée du XIX° siècle. Elles ne doivent pas tomber dans l'oubli. 1 Notice nécrologique de Dorothée Truâel de Maennedorf dans le Chrétien Évangélique, nécrologique 1862, p 541.
La prière du soliloque.
« Je veillais pour voir ce que l'Eternel me dirait. » (Hab. 2 : 1)
Quand Simon-Pierre dit à Simon le Magicien : « Prie le Seigneur pour qu'il te pardonne », le Magicien lui répliqua : « Priez vous-même pour moi ! » Trop d'obstacles encombraient son âme superstitieuse et -vénale pour qu'une prière à Dieu pût s'en dégager. Il est plus surprenant de voir des chrétiens dresser par leurs erreurs, leurs fautes, ou simplement par leurs mauvaises habitudes, des obstacles sur le chemin de la prière. Parlant du tête-à-tête avec Dieu dans la prière individuelle, le grand théologien antipiétiste Albert Ritschl disait un jour devant sept cents futurs pasteurs parmi lesquels je me trouvais et qui pour la plupart l'écoutaient comme un oracle : « Ce duo, qui n'est en réalité qu'un solo... » Il y a cinquante ans de cela. L'impression du scandale m'est restée. J'ai compris depuis, pourquoi cet homme, qui a formé une foule de maîtres pour la théologie, n'a guère laissé d'héritage spirituel à l'Eglise. Mais l'expérience m'a appris aussi qu'il y a, en effet, beaucoup de prières qui ne sont que des solos. Et voici la raison : tandis que Samuel disait : « Parle, Seigneur,» «ton serviteur écoute » beaucoup de chrétiens disent en se mettant à genoux : Ecoute, Seigneur, ton serviteur parle ». Ils exposent à Dieu leurs désirs, leurs besoins, leurs douleurs, leurs espoirs, puis, quand ils ont fini de parler, ils coupent la communication, se relèvent et retournent à leurs affaires. Que penserait un grand de ce monde si, après avoir imploré une faveur de sa bonté, nous prenions aussitôt congé de lui sans même attendre sa réponse ? Ne serait-il pas en droit d'estimer que nous ne tenons guère à ce que nous avons demandé, et que nous avons parlé par acquit de conscience plutôt que dans la confiance qu'il pouvait nous accorder l'objet de notre requête ? Ainsi, chaque jour, des milliers de prières, même ferventes, restent inexaucées. On n'a pas attendu la réponse de Dieu. La vraie prière est celle qui nous met dans les conditions d'entendre ce que Dieu a â nous dire. Tout n'est pas de parler, il faut écouter. Il faut se ménager des moments de silence, dans le recueillement de l'attente. Après s'être tenu devant Dieu pour le prier, il faut rester devant lui et se taire. « Je veillais pour voir ce que l'Eternel me dirait... » C'est alors que la « voix de silence » 1 par laquelle Jéhovah répondit à l'attente d'Elie nous révélera Sa divine volonté. « Je crie à l'Eternel... et il me répond 2. » 1 1 Rois 19 : 12 ; 2 Ps. 3 : 5.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Prière et souvenir.
« Eternel, si lu tiens compte des iniquités, O Seigneur, qui subsistera ? » (Ps. 130 : 3). « Je ne me souviendrai plus de tes péchés. » (Esa 43 :25).
« Je ne me souviendrai plus... » La volonté de Dieu d'oublier nos fautes, de faire comme si elles n'avaient point existé, nous donne tout l'espoir de notre salut, toute notre certitude de pardon et de vie éternelle. En reconnaissance de cette miséricorde, efforçons-nous d'abolir ce qui retient notre pensée captive aux régions insalubres du doute et des souvenirs de la chair. Ces souvenirs qui, lorsqu'ils reviennent, ravivent nos instincts, réveillent nos convoitises et troublent l'atmosphère où notre âme respire. Nous qui sommes habiles à profiter de la fuite des années pour oublier les expériences qui instruisent, les promesses qui lient, les services qui obligent, les douleurs qui sanctifient, nous ne savons pas nous en servir lorqu'elle pourrait nous être secourable. C'est une des facultés du temps, destructeur de tant de belles choses, que de pouvoir dissoudre les souvenirs qui empoisonnent notre vie. Demandons à Dieu de nous en délivrer, car leur présence seule est déjà en nous une souillure. Prions-le instamment de nous apprendre, comme il fit pour Saul de Tarse après sa conversion, à oublier ce qui est derrière nous et â nous porter vers ce qui est devant nous, vers le prix de notre vocation céleste ; afin que notre esprit, notre âme et notre corps puissent être conservés irrépréhensibles pour le jour de l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ. « Dieu est fidèle, c'est lui qui le fera 1. 1 Phil. 3 : 14 1 Thess. 5 : 23.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Prier et ne pas croire.
« Ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez obtenu et cela vous sera accordé. » (Marc 11 :21).
La prière toujours exaucée est celle qui est faite « au nom de Jésus », c'est-à-dire dans l'esprit de soumission du « non pas ce que je veux , de Gethsémané. Mais, dans l'ordre des choses que Dieu peut et veut nous accorder, que de prières inexaucées uniquement parce que celui qui prie souhaite en priant, mais ne croit pas à l'exaucement. « Ce serait trop beau ! » murmure Satan au fond du coeur, et le coeur se laisse aller à ne plus compter sur la réponse divine au moment même où il implore. Tels les disciples de la chambre haute, réunis en prières' pour obtenir la délivrance de Simon-Pierre 1. Dieu, par un miracle, accomplit leur désir ; voilà Pierre devant la porte. Il frappe..., lui ouvre-t-on ? Non. « Tu es folle ! » disent les intercesseurs à la servante qui assure qu'elle a reconnu sa voix. Pierre continue à frapper. Ils se décident enfin à ouvrir, le reconnaissent et sont tout stupéfaits. Stupéfaits de quoi ? De ce que Dieu leur a accordé précisément l'objet de leur intercession. Voilà qui est très humain. Prions pour que Dieu nous délivre des deux aberrations qui consistent, lorsque le monde promet, à prendre des fantômes pour des réalités, et lorsque Dieu promet, à prendre des réalités pour des fantômes. Acceptons, en ployant les genoux, que Dieu nous refuse ce qui pourrait dans nos demandes â courte vue nous amener à une épreuve trop forte, ou nous distraire de notre véritable bien. Cela fait, cette discipline consentie, refoulons tous les doutes, prions avec la foi filiale et triomphante que Jésus mettait à ses oraisons et qui lui faisait dire devant le tombeau de Lazare encore endormi au linceul : « Père, je savais bien que tu m'exauces toujours 2 » « Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu 3 » 1 Ac 12 2 Jean 11 : 42 ; 3 Jean 11 : 40.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
La prière qui congédie.
« Les habitants de la contrée des Géraséniens se mirent à prier Jésus de quitter leur territoire... » (Marc 5 : 17).
Jésus vient d'opérer une guérison miraculeuse sur terre païenne. Un malheureux, un forcené, un homme qui terrifiait les autres et qui se martyrisait lui-même, se trouve, par la puissance de Jésus, rendu à la santé, à l'honnêteté, au bonheur. Mais l'événement a occasionné la perte d'un troupeau de pourceaux. Les Géraséniens, au lieu de se réjouir de la guérison d'un de leurs semblables, de la régénération d'un homme, n'ont d'yeux que pour la disparition du gain qu'ils escomptaient de leurs pourceaux. Et ils prient Jésus de quitter leur territoire. Laisse-nous avec nos porcs. Transposons le fait dans le monde juif. Les Pharisiens avaient du zèle pour Dieu, mais ils aimaient l'argent, le pouvoir, les honneurs. Jésus paraît. 11 guérit, il console, il ressuscite, il sauve, il fonde le Royaume de Dieu sur la terre. Mais en même temps, il parle d'humilité, de repentance, de pauvreté, de sacrifice. Au lieu d'acclamer en lui le Messie et d'entrer dans son oeuvre, les Pharisiens le combattent ; ils voudraient l'expulser de leur territoire ; n'y réussissant pas, ils le crucifient. Traduisons maintenant en langage chrétien. Voici un homme que Jésus a appelé. Il est troublé, il comprend que la vérité est vivante. Mais il faut qu'il vive, lui aussi ! il a des charges, des habitudes, des ambitions, des passions... Il pressent que tout va être bouleversé dans son existence par l'irruption du Christ. Terrifié, il esquisse le geste qui dit à Jésus : Laisse-moi. Voici un milieu où l'on se dépense avec éclat pour le Christ qui confond les sages de ce monde, qui opère des miracles, qui soulage des misères et qui subjugue des nations. Mais sitôt que Jésus s'incarne lui-même dans le pauvre, l'affamé, le malade, le prisonnier, on s'esquive. S'agit-il de porter son opprobre devant les hommes, on ne le connaît plus. Trop d'intérêts à ménager. Sans doute la prière des Géraséniens n'est pas prononcée avec les lèvres, mais elle est vécue dans les attitudes, elle est entrée dans les mœurs où l'égoïsme, la propre justice, la soif de l'autorité, la vanité sociale, l'amour des louanges se sont installés. L'air a été rendu irrespirable à la colombe de l'Esprit, et la colombe s'est envolée. Beaucoup de paroles, des administrations hautaines, un grand déploiement de zèle et de ressources... Pas de puissance spirituelle. Jésus a quitté le territoire. N'allons pas chercher ailleurs la cause pour laquelle le monde s'est détourné de l'Eglise.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
La prière et le sport.
« Un coeur calme est la vie du corps. » (Prov. 14 : 30). « Le calme prévient de grands péchés. » (Eccl. 10 : 4).
Une des caractéristiques de notre temps est que le calme lui est de plus en plus insupportable. A tous les motifs d'agitation que lui donnaient la lutte pour la vie et les rapports multipliés entre les hommes, il a ajouté le sport. Le sport est à la fois un sursaut de l'instinct guerrier avec sa morale du risque, et un réveil de l'esprit féodal avec sa morale de l'honneur, ses tournois. Il peut être une chose excellente pour le corps et rendre même à l'occasion des services à l'âme, pourvu qu'on n'oublie pas l'avertissement de l'apôtre : « L'exercice corporel est d'une utilité limitée, tandis que la piété est utile à toutes choses, ayant la promesse de la vie présente et de celle qui est à venir 1. » Mais le sport est le dieu du jour, il est le maître des dimanches, il remplit les colonnes des journaux, il défraie toutes les conversations. Ainsi exalté, le sport rend difficiles la vie de famille, le devoir dominical et le recueillement personnel où l'on rejoint Dieu. Qui ne voit ici le danger ? Il est des cristallisations chimiques que les laboratoires n'obtiennent que dans leur profondeur isolée et secrète où rien, pas même la parole humaine, ne vient troubler de vibrations les mystérieuses réactions qui s'opèrent. De même, les réactions spirituelles de l'âme en contact avec Dieu ont besoin de silence, d'abandon et de solitude pour rendre possible en nous la germination surnaturelle. Nous pouvons voir par là combien folle est notre vie, toute enfiévrée d'activité, soit pour nous distraire, soit pour travailler, soit pour multiplier les oeuvres d'Eglises. On y trouve tout, sauf le calme qui seul peut donner aux âmes le loisir de s'ouvrir aux bienfaits de la création divine. Ainsi, nous pouvons nous épuiser à faire sans Dieu même ce que nous faisons pour Dieu. Demandons â notre Père céleste, avant toute chose, qu'Il nous apprenne à ramener en nous le calme, condition première de toute prière féconde, le calme qui permet â l'homme de se retrouver pour se ressaisir, et de se ressaisir pour se remettre à Dieu ; car, comme l'a fort bien dit Vinet : « Pour se donner, il faut s'appartenir. » 1 1 Tim. 4 : 8.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Torrents de montagne.
« Toute grâce excellente et tout don parfait viennent d'en haut et descendent du Père des lumières. » (Jacq. 1 : 17).
Dans une vallée des Alpes, où j'étais en séjour, je voyais, de mon étroite fenêtre, le lit de cinq torrents qui sillonnent les parois de la montagne. Deux d'entre eux roulent vers la plaine des eaux blanches et chantantes. Les trois autres « coulent à sec » comme diraient les frères Reclus. Pourquoi ? Parce qu'ils prennent leur source dans les névés de l'alpage, à l'altitude inférieure où l'été ramènera le gazon, les fleurs, les pâtres et les sonnailles des troupeaux. Le soleil fond la neige et les trois torrents meurent jusqu'au printemps prochain. Les deux autres torrents, au contraire, remontent jusqu'aux solitudes recueillies qui n'ont à faire qu'avec Dieu. C'est la région d'en haut où se rencontrent face à face, dans l'étendue immense, le glacier bleu et le ciel bleu. L'été peut venir, le soleil fondre la neige de l'alpage : l'immuable glacier, avec ses réserves infinies, alimente leurs sources : les deux torrents coulent toujours. Le cours de nos prières ressemble à ces cours d'eau. Quand il est intermittent, c'est qu'il vient d'une spiritualité d'altitude moyenne où les intérêts de Dieu et les intérêts du monde sont encore indifférenciés. Pour qu'il soit permanent, il faut qu'il s'alimente plus haut, dans une vie consacrée à Dieu, et qu'il s'amorce aux sources éternelles.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Prier mal.
« Vous demandez et vous n'obtenez pas, parce que vous priez mal.., pour satisfaire vos passions. » (Jacq. 4 : 3).
La prière n'est pas une affaire de zèle, mais une affaire d'attitude morale. « Je reconnais qu'ils ont du zèle pour Dieu », disait saint Paul des Juifs, « mais leur zèle est sans discernement 1. » L'orgueil, une des plus redoutables passions contre laquelle les croyants aient à lutter, ôtait toute valeur à leur prière. La bonne prière est celle de l'humilité, qui rend le cœur charitable. Elle est plus rare qu'on ne pense. De même qu'il existe, dans le monde de la nature, des atmosphères lumineuses où flottent des miasmes mortels, il existe, dans le monde de l'Eglise, des atmosphères de ferveur où flottent des interdits. Les chrétiens au caractère entier, à l'humeur hautaine, qui ne supportent pas la contradiction, qui ne reconnaissent pas leurs torts, qui ne pardonnent pas les offenses, tombent sous le coup de la parole de Jacques : « Vous demandez et vous n'obtenez pas, parce que vous demandez mal. » Seraient-ils zélés jusqu'au martyre, ils n'obtiendront pas : « Quand je livrerais mon corps pour être brûlé», écrivait saint Paul aux Corinthiens, « si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien 2. » Dieu ne dirige pas dans des voies qui ont besoin d'être redressées, il ne sanctionne pas les œuvres, même faites pour lui, qui ne sont pas conduites selon l'esprit d'humilité et d'amour que son Fils a apporté sur la terre. Si nos prières restent inexaucées, ne disons pas : « Dieu ne prend pas garde à moi », disons plutôt : « Dieu me voit tel que je suis », et prions avec le psalmiste: « O Dieu, crée en moi un coeur pur 3 » 1 Rom 10 : 2 ; 2 1 Cor. 13 : 3 ; 3 Ps. 51 : 12.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Prière et amateurisme.
« Epaphras, votre compatriote, serviteur de Jésus-Christ, ne cesse de combattre pour vous dans ses prières. » (Col, 4 : 12). « Un athlète n'est couronné que s'il a combattu selon les règles. » (2 Tim. 2 : 5).
Jésus a dit à ses disciples : « Quand vous priez, dites : Que ton règne vienne 1.» Pour que cette prière soit efficace, il faut que la déclaration du Maître : « Dieu a tellement aimé le monde qu'Il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point 2 », ait pour réplique la déclaration du serviteur : Le racheté de Jésus-Christ aime tellement Dieu qu'il se donne lui-même pour le salut du monde. « A ceci, dit saint Jean, nous avons connu l'amour, qu'il a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères 3. » Ainsi l'avait compris Jean Calvin qui, pour pouvoir accomplir la Réforme, formula sa devise : « O Dieu, je t'apporte mon coeur comme immolé. » Ainsi l'avait compris David Livingstone qui, pour pouvoir libérer les esclaves, s'était enfoncé dans le coeur de l'Afrique et fut trouvé par ses noirs, mort au pied de son lit dans l'attitude de la prière. Ainsi l'avait compris le P. Charles de Foucauld qui s'en alla bâtir, en plein Sahara, une « centraie de prières », poussa jusque chez les Touareg, ouvrit leur terre jusque là fermée à l'influence de l'Evangile et périt de la main d'un traître tandis qu'il s'entretenait avec Dieu. Ainsi l'avait compris la « grande nuée de témoins », héros, martyrs ou simples confesseurs dont parle l'épître aux Hébreux 4. Ainsi le comprend cette autre nuée qui, depuis dix-neuf siècles, par un chemin de sacrifices et de miracles bien souvent ignorés, relie les temps du Christ à nos jours. En présence de tels exemples, « dans la carrière qui nous est ouverte », ne nous faisons-nous pas à nous-mêmes l’impression, avec notre morale accommodante et notre religion velléitaire, de marcher en amateurs à la suite de Jésus-Christ ? 1 Luc 2 : 2 ; 2 Jean 3:16 ; 3 1 Jean 3 : 16 ; 4 Héb.12:1 à Luc 3.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
Prière et loyauté.
« Eternel, tu m'as sondé..., lit me connais parfaitement... Avant que la parole soit sur ma langue, tu la connais entièrement... Regarde si je suis sur une voie funeste et conduis-moi sur le chemin de l'éternité. » (Ps. 139).
Dans notre siècle de réclame, de propagande et de bluff, les milieux chrétiens ne savent pas toujours se mettre en garde contre la contagion de l' « insincérité ». Que nous sommes loin du scrupule de vérité et de la rude franchise de nos aïeux ! Pour justifier un acte, pour accréditer une cause ou pour louer une oeuvre, on hésite moins qu'autrefois à présenter au public des photographies retouchées. On lui montre les choses comme il importe qu'il les voie plutôt que comme elles sont. Les succès obtenus par ce procédé moderne peuvent être rapides : ils ne sont pas durables. La vérité, plus encore que le temps se moque de ce qu'on fait sans elle, et l'on s'expose, en cette pratique, à poursuivre l'oeuvre de Dieu sans la bénédiction de Dieu. Car Dieu, lui, ne s'arrête pas à la façade ; les habiles coups d'estompe ne voilent rien aux yeux de Celui qui est lumière. La chose dont on parle, Il la connaît en sa réalité, et si les paroles déguisent cette réalité, Dieu s'en détourne. On est étonné parfois de voir des prières ferventes se perdre dans le silence des cieux. La chose demandée n'était-elle pas excellente, urgente ? Sans doute, mais la question est de savoir si la demande a été faite dans une atmosphère de vérité, je veux dire si celui qui prie a tenu aux hommes le même langage qu'à Dieu. C'est ici le lieu de rappeler l'affirmation de Paul : « Nos armes ne sont pas charnelles », et de méditer la parole de Jacques : « Que l'homme au coeur double ne s'attende pas à recevoir quelque chose de la part du Seigneur. Puisque le Dieu Saint nous « connaît parfaitement », le seul moyen de lui plaire est la parfaite sincérité 1. La « voie funeste » est celle qui nous amène à dire ce qui est opportun plutôt que ce qui est. Eternel, rends-moi conscient de mes défaillances. Apprends-moi à résister à l'esprit de mon siècle et « conduis-moi sur le chemin de l'éternité ». 1 Ce n'est pas un des moindres mérites de la méthode des Groupes d'Oxford que d'avoir remis l'accent sur ce principe où réside, pour une bonne part, l'explication de son succès.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
« Donne-moi quelque chose ».
« Je ne t'ai pas caché mon iniquité. » (Ps. 32 : 5). « O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis pécheur. » « Celui qui s'abaisse sera élevé. » (Luc 18 : 13-19).
Quand tu pries, de quoi parles-tu à Dieu ? — De mes besoins, de mes craintes, de mes aspirations, des intérêts de son règne, des ennemis dont il doit me délivrer, des êtres chers que je lui demande de bénir... Je lui parle de tout, avec La liberté d'un enfant devant son père. — De tout ? Es-tu bien sûr de ne rien oublier ? Saint Jérôme entendit un jour cet appel du Seigneur : « Jérôme, Jérôme, donne-moi quelque chose. » « Mais, Seigneur, ne t'ai-je pas tout donné ?... Ma vie, elle est à toi... Mes biens, je te les ai livrés... Mes forces, mon honneur... Prends tout, Seigneur, tout est à toi ! » — « Jérôme, donne-moi quelque chose ! » — « Eh ! mon Dieu, y aurait-il dans mon coeur quelque mouvement secret qui ne serait pas pour toi ? » — « Jérôme, Jérôme, tu gardes quelque chose, tu ne me donnes pas ce que je veux » — « Que veux-tu donc, Seigneur ? » — « Jérôme, donne-moi tes péchés. » Ici se révèle tout le sens des paroles bibliques : « Il a été meurtri à cause de nos péchés... Il a donné sa vie en rançon... Traité à notre place comme s'il avait commis le péché... Fait malédiction pour nous.. Il a porté dans son corps nos péchés sur le bois 1. » C'est parce que Jésus a accepté d'être cela, de faire cela pour nous, que nous pouvons aller à Dieu en confiance et lui parler de tout le reste. Présentons-nous d'abord à lui dans la pleine conscience de ce que Jésus a accompli pour nous, et de ce qu'il nous demande d'accomplir pour lui. La prière victorieuse « au nom de Jésus-Christ » ne peut être faite que par le chrétien qui a, d'abord, « donné ses péchés à Jésus-Christ ». Pour celui-là, la prière ne sera jamais assez humble, assez repentante, assez reconnaissante, assez adorante. 1 Esa 53 : 5 ; Mat. 20 : 28 ; 2 Cor. 5 : 21, gr. Il l'a fait péché ; Gal 3 : 13 ; 1 Pierre 2 : 24.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
La prière et les dons.
« Qui veut encore présenter aujourd'hui, volontairement, ses offrandes à l'Eternel ! » (1 Chr. 29 : 5). « Dieu aime celui qui donne gaîment. » (2 Cor. 9 : 7).
L'avare de la fable avait, dans son armoire, de belles pommes. Il ne se décidait à les en sortir que lorsque la pourriture les avait dépréciées. Ainsi, au lieu de se régaler de pommes fraîches, il ne mangeait en soupirant que des pommes gâtées. Je ne sais pourquoi cet homme me fait penser aux contribuables d'Eglise qui ne se décident à verser leur argent que quand il a perdu une partie de sa valeur. Quoi ? Dix francs ne valent-ils pas toujours 10 francs ? Non. Il en est de l'argent comme des remèdes, il faut le donner à temps. Quand une entreprise chrétienne — qu'elle soit oeuvre ou paroisses — a vainement sollicité, pendant les trois quarts de l'année, le concours financier des chrétiens, quand elle a dû, faute de fonds, renoncer à des créations utiles, réduire son personnel, végéter dans ses activités essentielles, faire la sourde oreille à des appels venus de Dieu ; quand elle a dû, pour obtenir des secours tardifs, multiplier à ses frais des tournées de conférenciers et de collecteurs, des expositions, des ventes, des annonces dans les journaux et des brochures de propagande, quand elle a dû pour vivre emprunter à des taux élevés, s'imagine-t-on que ses recettes de la dernière heure lui sont un pur profit ? Ne dit-on pas que le pauvre paye plus cher que le riche parce qu'il n'a pas de crédit ? Ne sait-on pas qu'un don qui sert à couvrir une dette est sans rendement effectif ? Par surcroît, ces retardataires, qui compliquent et qui enrayent le travail des ouvriers de Dieu, sont les premiers à gémir : « Toujours des déficits, toujours des quêtes, toujours la question d'argent dans les cultes... » Ils mangent, en soupirant, les pommes gâtées, alors qu'ils pourraient, avec un peu d'empressement, se réjouir de ce qu'ils ont contribué à une oeuvre saine. Au lieu de nous faire prier, prions Dieu de nous faire comprendre qu'un argent versé en retard est un argent dévalué, et que tout disciple de Christ doit donner avec entrain et avec promptitude. L'exaucement de cette oraison pratique changerait bien des choses pour les ouvriers du Seigneur, il nous rétablirait dans notre rôle d'enfants de Dieu, et pour tout dire, nous rendrait notre dignité. Pourquoi manquer d'empressement, quand ceux qui appellent donnent leur vie ? Pourquoi laisser passer l'heure, quand il s'agit de l'heure de Dieu ? Pourquoi ramper, quand on a des ailes ?
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
La prière et les fautes cachées.
« Seigneur, tu mets devant la lumière de ta face nos fautes cachées... Aie pitié de tes serviteurs ! » (Ps. 90 : 8).
Il y a des fautes cachées. Les unes sont dissimulées par l'hypocrisie d'habiles manoeuvriers. D'autres sont couvertes par la pudeur de coupables qui n'osent pas avouer. Quelques-unes sont telles, qu'il résulterait à les confesser plus de mal que de bien. Qu'on ne les livre pas en pâture à la curiosité humaine : on n'en doit compte qu'à Dieu. Mais celles-ci sont l'exception. De façon générale, la faute cachée est dans l'âme comme un abcès sous la peau. Elle travaille, elle infecte, elle entretient une fièvre maligne qui, du jour au lendemain, peut devenir mortelle. Pour que le corps guérisse, il faut que l'abcès soit ouvert, le bourbillon expulsé de la plaie. Pour que l'âme retrouve la santé, il faut que le mal vienne à la lumière. « Confessez vos péchés les uns aux autres », a dit le frère du Seigneur 1. Il ne s'agit point ici de s'abandonner aux mains d'un prêtre et de chercher l'absolution dans l'ombre d'un confessionnal. Il s'agit de l'acte loyal par lequel, librement, après avoir été trouver celui à qui on a fait tort, on s'avoue coupable et prêt à réparer, dans la mesure du possible. Il faut du courage pour cela ; un courage dont les âmes basses sont incapables, et qui ne vient aux âmes hautes que sous l'impulsion de l'Esprit ; aussi devons-nous prier pour que Dieu nous aide. Confessons-lui nos fautes à lui d'abord, sans rien cacher, et il nous donnera la force de les confesser aux hommes. Hâtons-nous, car le jour vient où le Seigneur mettra toutes nos fautes, confessées ou non, « devant la lumière de sa face ». 1 Jacq. 5 : 16 ; cf. Mat. 5 : 2.3 ; 1 Jean 1 : 9.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
« Nous sommes bien décidés ».
« Par la grâce qui m'a été donnée, je dis à chacun de vous de n'avoir point de lui-même une plus haute opinion qu'il ne doit...» (Rom. 12 : 3). « Jean prit la parole et dit : «Maître, nous avons vu quelqu'un qui chassait les démons en ton nom et nous l'en avons empêché, parce qu'il ne te suit pas avec nous. Mais Jésus lui dit : Ne l'en empêchez point... » (Luc 9 : 49).
Quand j'étais jeune pasteur, on parlait encore d'un Anglais qui, envoyé par un Comité d'Outre-Manche pour fonder une oeuvre d'évangélisation parmi les protestants du Gard, aurait dit dans une réunion de prières : « O Dieu ! fais que nous ayons raison, parce que nous sommes bien décidés. » J'ai toujours pensé que cette parole avait été mal rapportée, ou que le pieux Anglo-Saxon maniait gauchement la langue française. Mais dans le fond, soyons francs : ne nous arrive-t-il pas de prier pour communiquer à Dieu notre intention, plutôt que pour lui demander son inspiration ? Ne connaissons-nous pas ces oraisons où tout est mis en oeuvre pour que Dieu sanctionne un projet que nous avons résolu et auquel nous nous attachons obstinément ? Par ailleurs, n'arrive-t-il pas que l'on rencontre de ces chrétiens tellement convaincus d'être seuls dans la vérité qu'ils prennent l'Evangile en tutelle et font la police du Royaume de Dieu ? En vain, l'Esprit de Christ démontre tous les jours l'inanité de leur prétention en multipliant, sur d'autres terrains que le leur, les fruits de la vie spirituelle. Ils s'opposent à tout, rompent avec tout ce qui ne peut entrer dans le cadre étroit de leurs conceptions particulières. Ceux-là aussi sont « bien décidés ». Ils ressemblent â ces chrétiens judaïsants qui, dans leur zèle, poursuivaient saint Paul d'Eglise en Eglise, le réfutaient, le calomniaient, l'accusant de détruire la foi traditionnelle, et qui se glorifièrent certainement d'avoir remporté un triomphe pour l'Evangile, quand ils surent que Paul, mis aux fers à Césarée, avait enfin cessé de nuire. Cet exemple, venu de l'âge apostolique, est de nature à calmer nos velléités d'intransigeance. Prions Dieu tous les jours qu'Il nous apprenne à ne pas avoir de nous-mêmes une trop haute opinion, à ne pas juger, à nous souvenir de la méthode du Seigneur : « C'est aux fruits qu'on connaît l'arbre 1 », et à comprendre qu'il n'est ici-bas pire hérésie que de repousser la main d'un frère dont l'autre main est dans la main de Jésus-Christ. 1 Mat. 7 : 16-20.
LES OBSTACLES A LA PRIÈRE
« Seigneur, ôte la paille ! »
« Ote premièrement la poutre qui est dans ton oeil et alors tu verras à ôter la paille de l'oeil de ton frère. » (Mat. 7 :5).
Lors de la Conférence Universelle de Stockholm, le Pape, tout en interdisant à la chrétienté catholique romaine d'y participer, avait fait savoir qu'il prierait en faveur de cette Assemblée. Il y a là une pensée touchante dont on ne doit pas sous-estimer la valeur. On se demande, toutefois, ce qu'a bien pu être cette prière. Si le Pape approuvait l'Assemblée, pourquoi ne s'y est-il pas associé ? S'il la condamnait, a-t-il bien pesé la valeur morale et les oeuvres spirituelles de ceux pour qui il demandait à Dieu qu'Il les retirât de l'erreur et de l'infidélité ? Je suppose qu'au temple de Jérusalem le Pharisien, après avoir jeté un regard méprisant sur le péager et l'avoir condamné devant Dieu, ait fait tomber de ses lèvres hautaines une prière condescendante en faveur de ce pauvre frère égaré. Il s'en serait suivi cette situation originale que celui que Dieu ne justifiait point aurait intercédé pour celui que Dieu renvoyait justifié dans sa maison. Voilà qui mérite réflexion. Car je ne veux m'occuper ici ni de Rome ni de Jérusalem, mais bien de notre façon d'intercéder, où Dieu, qui voit et qui sait toutes choses, peut démêler parfois une satisfaction de nous-mêmes et une sous-estimation du prochain qui rendent notre prière irrecevable. Jésus condamnait celui qui dit à son frère : « Permets que j'ôte la paille de ton oeil », alors qu'il a lui-même une poutre dans le sien. Il est des prières qui ne signifient pas autre chose que ceci : « Seigneur, ôte la paille qui est dans l'oeil de mon frère ! » Mais la poutre ? La poutre qui empêche l'oeil de notre conscience de mesurer notre petitesse et de rendre justice à notre prochain, la poutre ne se met-elle pas en travers du chemin quand notre prière monte vers Dieu ? La prière d'intercession est le plus haut des sacerdoces, à condition qu'elle ait pris sa source dans l'humilité.
La grâce de la solitude.
« Je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur. » (Osée 2 :14).
« Toutes nos pensées et toutes nos actions sont ligotées ; Elles ne peuvent d'elles-mêmes frayer le chemin vers Dieu. Mais Lui nous a donné le don divin de la prière. » « C'est ce don qui met tout notre effort dans la lumière de sa grâce. Au-dessus de la vie, au-dessus de la mort, par delà les étoiles, » « Il y a une voie céleste pour la prière, — Dieu l'a voulu ainsi, —Et cette voie, franchissant tous les lointains, l'atteint, Lui 1. » Comme nous ne saurions nous offrir méthodiquement au soleil sans que la vertu de ses rayons pénètre notre corps d'énergies salutaires, nous ne saurions atteindre Dieu sans que son Esprit pénètre notre âme d'effluves régénératrices. C'est ainsi que la prière, qui est en elle-même une grâce, nous ouvre le chemin de toutes les grâces. Indiquons-en ici quelques-unes. Et d'abord, la grâce de la solitude. « La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps », a écrit Vauvenargues. Il montre par là qu'il ignore les sources spirituelles et qu'il méconnaît les trésors apportés au patrimoine de la foi par les grands solitaires, depuis ceux de l'Eglise des premiers siècles jusqu'à ceux de Port-Royal. La solitude n'est pas l'isolement. C'est l'isolement qui anéantit et qui tue. C'est à l'isolement que se rapporte le cri désespéré de Maine de Biran : « Vae soli ! » malheur à l'homme seul 2 ! La solitude, au contraire, est une grâce ; elle est bienfaisante à qui la recherche, comme Jésus, pour se recueillir et se refaire. Les temps de fièvre où nous sommes nous condamnent à une agitation, à une activité de surface qui nous enlèvent tout contrôle de nous-mêmes. Nous vivons d'imitation et d'entraînement ; cette perpétuelle mise en dehors nous épuise, nous dénature ; elle nous empêche de nous centrer en Dieu. Remarquons le rôle qu'a joué le désert dans la formation des hommes de la Bible : Abraham, Moïse, Elie, Amos, Osée, Jérémie, Jean-Baptiste 3... C'est dans son séjour au désert que Jésus démasque le tentateur 4. C'est dans la nuit solitaire de Gethsémané qu'il accepte la coupe expiatoire 5. Agissons, luttons, dépensons-nous sans compter pour les autres ; mais si nous voulons que notre passage féconde les âmes autour de nous comme le cours d'eau en coulant fertilise ses bords, n'oublions pas que les fleuves, mêmes les plus tumultueux, ont pris leur source dans la solitude des sommets. 1 TRYGVE GULBRANSSEN : Les vents soufflent sur les rochers 2 Cf. Eccl. 4:10 ; 3 Gen. 12:6 Ex. 3 1 Rois 19:4 ; Am 1 :1 ; Os. 2 : 16 ; Jér. 2 : 2, etc. ; Marc 1 :4 ; 4 Mat 4:10 ; 5 Marc 14 : 36,
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de bien compter nos jours.
« Seigneur enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que nous en ayons un coeur sage ! » (Ps. 90 : 12).
Nous allons vers une échéance. Que l'homme, suivant le génie de sa race, se la représente sous la forme d'une balance, du Karma ou du Pont Cinvat, ou autrement encore, il sait qu'il doit mourir, et qu'il n'est pas en son pouvoir d'éluder les conséquences de ses actes. La fanfaronnade : « Quand on est mort tout est mort », ne rassure personne, car le fait de ne pouvoir éviter, ni retarder d'une seconde l'événement qu'il redoute le plus, montre au mortel qui réfléchit son impuissance à disposer de sa vie et à pénétrer le secret de ce qui l'attend. Chacun, nous dit la Parole de Dieu, sera jugé selon ses oeuvres 1... Un poète chrétien a comparé nos années à des corbeilles où s'entassent les événements de notre vie. Chaque 31 décembre, notre ange passe et les emporte à Dieu. Que va-t-il emporter le 31 décembre prochain ? Chacun de nous a devant lui trois corbeilles : celle de ses joies, celle de ses douleurs, celle de ses devoirs. Voici la corbeille de nos joies... Que de choses heureuses nous n'avons pas comptées au nombre des bénédictions, que de grâces pour lesquelles nous n'avons pas dit merci, que d'exaucements obtenus et oubliés : la corbeille de nos joies serait-elle la corbeille de nos ingratitudes ? Voici la corbeille de nos douleurs... Elle est trempée de nos larmes ; mais que d'occasions où, par une soumission filiale, telle maladie, tel chagrin, tel revers auraient pu être transformés en leçon qui profite, en discipline qui corrige, en épreuve qui sanctifie : la corbeille de nos douleurs serait-elle la corbeille de nos endurcissements ? Voici enfin la corbeille de nos devoirs... Comme elle est grande et moins remplie que les autres ! Que de circonstances qui nous poussaient à l'action par amour pour Dieu, pour les frères, et où nous sommes demeurés passif ! La corbeille de nos devoirs serait-elle la corbeille de nos trahisons ? Avant que soit consommé l'irréparable, avant que je paraisse devant Toi non tel que je voudrais être, mais tel que je serai, ô Eternel, accorde â ma prière la grâce qu'implorait le Psalmiste : Enseigne-moi à bien compter mes jours afin que j'en aie un coeur sage ! 1 Rom. 14 : 12 ; 1 Pierre 1:17, etc...
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce du sommeil.
« Je n'ai plus de sommeil, « Et je suis comme l'oiseau solitaire sur un toit. » (Ps. 102 : 8). « Mon lit est baigné de mes pleurs, « Mon oeil est consumé par le chagrin. » (Ps. 6 : 7). « Quand je pense à toi sur ma couche, « Passant mes veilles à méditer sur toi, « Tu me viens en aide, « Et je chante de joie à l'ombre de tes ailes. » (Ps. 63 : 7).
L'insomnie ! Tourment des nuits. C'est l'insomnie qui aggrave les souffrances du malade et qui alourdit les infirmités du vieillard. Elle isole pour martyriser. Privés de distractions, énervés par l'inaction, l'imagination s'affole ; la mémoire acquiert une lucidité maladive ; le coeur est livré en pâture à des craintes sans fondement ; la pensée dévergondée se laisse envahir par tous les oiseaux noirs du souci. Harcelé par lui-même, le veilleur sombre dans l'océan de son cauchemar. Il agonise. « Là où est le corps mort, a dit Jésus, là s'assemblent les vautours. » « La nuit, quand je ne puis dormir », confessait une chrétienne âgée, « je prie pour mes enfants. » Parole touchante qui, dans sa simplicité, met en clarté la sollicitude et la piété d'une mère. Elle livre aussi le seul remède à l'insomnie. Les fantômes s'en vont quand les anges s'approchent. Monter à Dieu par l'oraison, lui parler à l'heure où rien ne sollicite du dehors et où tout facilite le recueillement, lui parler des bien-aimés ou des oeuvres qui ouvrent à nos intérêts les plus élevées des perspectives infinies, c'est maintenir le contrôle sur nous-mêmes, remplir le vide de notre insomnie, la purifier des miasmes qui l'enfièvrent, l'orienter vers un exercice qui la délivre de l'excitation et ramener le veilleur qui s'alarme dans les bras de son Père céleste. Tandis qu'il prie, tout en lui se rythme et s'harmonise. Il ne se sent plus seul. A mesure que son intercession se prolonge, son imagination se calme, sa mémoire se discipline, son coeur se soulage, sa pensée, appuyée sur Dieu, retrouve sa sécurité. Il émerge sur un paisible rivage. Et Dieu, qui compatit, fait descendre sur l'âme qui prie le bienfait du sommeil.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de l'offrande.
« Jésus, levant les yeux, vit les riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc. Il vit aussi une pauvre veuve qui y mettait deux pites. Et il dit : En vérité, je vous le déclare, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres. Car tous ceux-là, pour offrandes, ont donné de leur superflu ; mais celle-ci a donné de son indigence, tout ce qu'elle avait pour vivre. » (Luc 21 : 1-4).
Une personne s'est approchée de moi, une chrétienne dont les ressources sont loin de suffire à sa vie bienfaisante. Elle m'apportait une petite somme destinée à l'Union de prières pour les Missions. J'objectai que cet argent ne pouvait être distrait de son budget sans y faire un trou à combler. « Non, répondit-elle en souriant, il s'est amassé tout seul ! Je me suis confectionné une tirelire, et j'ai pris l'habitude d'y mettre régulièrement un sou toutes les fois que je m'agenouille pour implorer Dieu. Un sou, ça va et ça vient, sans jamais faire un trou considérable. Et je vous apporte le produit de mon année de prière. » Une tirelire pour l'intercession ! Voilà bien la première fois que je me trouvais en présence d'un objet concrétisant cette réalité spirituelle que l'oraison stimule le sacrifice et que le sacrifice stimule l'oraison. Et j'entrevis dans une éclair l'action triomphante qu'aurait, pour user la pierre des déficits de nos oeuvres, cette goutte de charité tombant tous les jours, de tous les coeurs, dans toutes les intercessions. Un sou, ça va et ça vient... Elle trouvait cela très simple, très naturel ; elle n'en aurait pas parlé et tout le monde aurait ignoré, si je n'avais hésité à accepter la somme. Comme elle prenait congé en s'excusant, je remarquai l'angélique clarté que mettent dans un regard ces deux signes jumeaux de consécration : l'offrande et la prière.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de l'adoration.
« Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Mat. 4 : 10). « Tous les anges autour du trône se prosternèrent et adorèrent Dieu en disant : Amen ! Louange, gloire, sagesse, actions de grâces, honneur, puissance et force soient à notre Dieu au siècle des siècles ! » (Apoc 7 : 1 2). L'esprit de prière est un esprit d'adoration. Demander n'est pas prier. Quand tu te mets à prier, qui donc est au centre de ta prière ? Est-ce Dieu est-ce toi ? Ta prière te met-elle au service de Dieu, ou cherches-tu par elle à mettre Dieu à ton service ? L'esprit d'adoration est celui qui nous tient dans une humilité telle que nous reconnaissons à Dieu tous les droits avant de lui parler et que nous renonçons d'avance, dans ce que nous appelons parfois, fort égoïstement, « nos besoins », à tout objet qui pourrait, dans notre vie, faire obstacle au plan de Dieu, à sa gloire, à son honneur. C'est d'ailleurs en prenant cette attitude que nous arrivons à satisfaire nos véritables besoins, nos besoins profonds, dont le principal est de nous savoir assurés de notre salut. L'esprit d'adoration, en exerçant notre foi, nous fera même apparaître les droits de Dieu avec une majesté telle, les élèvera à ce point au-dessus des préoccupations de nos intérêts les plus hauts, que nous serions prêts à préférer, si l'opposition était possible, la gloire de Dieu à notre propre salut. C'est dans cet esprit que Moïse priait : « Pardonne à ce peuple ; sinon, efface-moi de ton livre 1 » ; que saint Paul disait : « Je voudrais être anathème, pour mes frères 2 » ; que Calvin écrivait â la reine de Navarre : « Nous avons soin de votre salut, voire d'une chose plus digne et plus précieuse : c'est de la gloire de Dieu et de l'avènement du règne de Jésus-Christ où consiste le salut de vous et de tout le monde » ; enfin, que Luther notait dans son Commentaire des Romains : « La vie chrétienne consiste en ceci : vouloir en toute chose ce que Dieu veut, vouloir sa gloire et ne rien désirer pour soi-même, ni ici-bas, ni dans l'au-delà. » L'Eglise est bien déchue de ces sommets de l'amour et du désintéressement ; aussi a-t-elle perdu la puissance que donne le souffle des hauteurs. Demandons à Dieu de lui rendre, par l'exercice de la prière, l'esprit d'adoration ; elle apprendra ainsi qu'elle doit se mettre à part des agitations du monde, et s'organiser dans l'obéissance en vue du Royaume de Dieu. 1 Ex. 32 : 32 ; 2 Rom. 9 : 3.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de l'acceptation.
«Je reconnais que tu peux tout et que rien ne s'oppose â tes pensées... J'ai parlé sans les comprendre de merveilles qui me dépassent... Mais maintenant, mon oeil t'a vu c'est pourquoi je me condamne et me repens. » (Job. 42 : 2-6). « O profondeur de la richesse et de la sagesse et de la science de Dieu, que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! » (Rom. 11 : 33). « Souffre avec moi pour l'Evangile par la force que Dieu donne. » (2 Tim. 1 :8, cf. Ac 9 : 16)
Le livre de Job met en scène un croyant, frappé sans l'avoir mérité, condamné par les courtes vues de ses amis, et qui, sans cesser de clamer son innocence, après sa rencontre avec l'Eternel, s'humilie, reconnaît que les pensées de Dieu lui sont incompréhensibles mais s'y soumet, et se repent d'avoir desservi par son attitude les desseins impénétrables du Tout-Puissant. Le drame en vers est encadré par deux chapitres en prose de saveur très antique et qui sont là pour nous révéler : 1° qu'il peut y avoir, en effet, aux dispensations divines à notre égard, une raison très haute qui nous échappe ; 2° que la victoire de la foi sur l'épreuve entraîne une récompense hors de proportion avec les malheurs endurés. Voilà qui trouve une application directe dans la vie de bien des affligés. Es-tu croyant ? Souviens-toi que la souffrance est fille de la chute et mère de la rédemption. Quelle qu'elle soit, la souffrance ici-bas renferme une part de mystère. Dans la coupe présentée à Jésus à Gethsémané, il y avait une part de mystère. C'est pourquoi il prie : « Père, s'il est possible...1 » « Vous boirez ma coupe s, a dit Jésus à ses disciples. Et l'histoire de l'Eglise est toute remplie de larmes de la souffrance mystérieuse, inexplicable et qui pourtant doit être acceptée. Si Jésus a besoin de ta douleur, donne-la-Lui. S'il t'associe à son agonie, c'est pour te solidariser avec son effort. Aime assez sa venue pour prendre ta part des afflictions qui la préparent. Dans la milice de Dieu, il n'y a pas de héros sacrifiés, il y a des martyrs consentants. Dussé-je verser mon sang pour le service de votre foi, écrit saint Paul aux Philippiens, je m'en réjouirai, et vous tous avec moi 2. » Quelle sera la récompense d'un tel amour ? « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui 3. » Toi qui souffres sans comprendre, comprends du moins que le Juste a souffert avant toi, pour toi, et que, par ta douleur, tu l'aides â remporter le prix de Sa douleur : la Rédemption de l'humanité. Ouvrier avec Christ, prie, et Dieu te donnera la grâce de l'acceptation. 1 Rapprocher cette demande et celle de saint Paul, relative à son écharde (2 Cor. 12 :7). Dans les deux cas, la prière et la grâce de l'acceptation sont indissolublement liées. 2 Grec : «Servir de libation pour le sacrifice et pour l’offrande de votre foi ». Phil. 2 : 17 ; cf. 2 Tim. 4 : 6. 3 Tim. 2 : 12 ; cf. 2 Cor. 4 : 17 ; Luc 22 :28-29.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce des miracles.
« Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé ! Je savais bien que tu m'exauces toujours »... Quand il eut dit cela, il cria d'une voix forte : Lazare, sors !... et le mort sortit. » (Jean 11 :41-43).
Par la prière, Jésus obtient la résurrection de Lazare. Mais qu'avons-nous besoin d'invoquer un des miracles les plus sensationnels du ministère de Jésus ? Dans toute son activité, le miracle et la prière sont liés. La prière appelle le miracle. Le miracle, d'ailleurs, est partout. Dans la création, qui nous a donné la vie, dans la rédemption, qui nous l'a rendue, clans la Pentecôte, qui met le Saint-Esprit en nous ; l'Esprit qui « nous aide dans notre faiblesse » intercède pour nous « par d'ineffables soupirs » et nous enseigne à « prier comme il faut » 1. Par la prière, le croyant peut obtenir des miracles ; c'est ce que Jésus nous enseigne quand, il dit à ses disciples que, par la prière de la foi, ils pourraient transporter des montagnes et triompher des pires démons 2. Dans l'Ancien Testament déjà, des prophètes comme Moïse et Elie obtenaient, par la prière, des interventions surnaturelles 3. Depuis les temps apostoliques, les miracles consécutifs à la prière ne se comptent pas, qu'ils soient matériels ou moraux. Il y a ceux que l'on sait et que l'on célèbre dans la vie d'une Jeanne d'Arc ou d'un François d'Assise, comme dans l'expérience d'un Georges Muller ou d'un lord Radstock. Il y a ceux que l'on ignore et qui, tous les jours, changent le cours des événements, parce que la prière de la foi transforme les énergies spirituelles en forces agissantes dans la société des humains. « Le monde où nous vivons, a dit Duclaux, est peuplé d'influences que nous subissons sans les connaître. ) Les plus subtiles parmi elles sont les voix de silence, voix pénétrantes, ondes hertziennes des âmes dont les vibrations font et défont en nous, à notre insu, les directives auxquelles notre vie solidaire est soumise. De toutes ces ondes la plus puissante est la prière. Car Dieu qui agit sur nous quand il le veut par des interventions dont il a seul l'initiative a donné à l'âme humaine la vertu de produire des impulsions psychiques susceptibles de créer, dans les autres âmes, des courants parfois irrésistibles. Que ces impulsions soient portées jusqu'à Dieu par une invocation intense, et que Dieu les actionne : elles produiront des miracles. Quand la prière de Monique obtint la conversion d'Augustin, elle produisit un miracle qui devait engendrer d'autres miracles. Si nous pouvons mesurer un instant le rôle de la prière ici-bas dans la marche du Royaume de Dieu, et l'arme de victoire que Dieu nous a confiée en nous permettant de prier, nous resterons confondus, et du pouvoir qui a été donné aux enfants de Dieu et de la responsabilité qu'ils encourent en priant si peu et si mal. 1 Rom 8:26 2 Mat 21 : 21-22; Marc 9 : 29 ; 3 Nomb, 11 :2 ; 21 :7 1Ro 17 :20 18 :36 Jas 5 :17, etc.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce des guérisons.
« La prière de la foi sauvera le malade et le Seigneur le relèvera. » (Jacq. 5 : 15). « Tous ont-ils le don de guérison ? » (1 Cor. 12 : 30).
La guérison par la prière est, pour beaucoup de chrétiens, une pierre d'achoppement. Les uns n'y croient pas et se privent ainsi d'une grâce. D'autres y croient au point de refuser le médecin et méprisent ainsi les secours que Dieu lui-même donne dans la nature. D'autres enfin voient, dans la puissance de guérir, une marque de piété supérieure et faussent ainsi leur jugement sur les valeurs spirituelles. Où donc la parole de Dieu établit-elle une hiérarchie des vertus chrétiennes en mettant au sommet la puissance de guérir ? Ne nous montre-t-elle pas plutôt que, dans ce monde plongé dans le mal 1, où le ministère de la souffrance prépare ceux qu'il exerce à une gloire éternelle 2, Dieu se sert, tantôt de la santé et tantôt de la maladie pour l'accomplissement de ses desseins ? Jésus est venu sur la terre, non pour accomplir le rétablissement de toutes choses en détruisant le mal physique, mais pour rendre ce rétablissement possible par la guérison du mal moral. Dans cette préparation du Royaume à venir à laquelle tous les fidèles du Christ sont employés, il y a une vocation pour ceux qui se portent bien et une vocation pour ceux qui se portent mal. La guérison des malades n'était pas pour Jésus le but essentiel, c'était, sur son passage, une aumône divine. Le pouvoir de guérir qu'il a légué à ses rachetés n'est pas une vertu, mais un don 3, et ce don n'appartient pas toujours aux chrétiens dont l'action spirituelle est la plus grande. Il en est qui l'exercent sans y joindre un effort positif pour convertir les âmes : tel fut Vignes 4, le Cévenol. D'autres chrétiens obtiennent des réveils qui transforment la vie religieuse d'une contrée et n'ont aucune puissance pour guérir les malades : tel Spurgeon. D'autres enfin ont accompli les plus belles oeuvres de l'Esprit dans le martyre de leur chair : tel Calvin. Par ailleurs, que de guérisons physiques ont été obtenues sur le plan spirituel comme fruit direct de la régénération morale 5 ! Telle fut l'expérience qu'on faisait chez les Blumhardt. Laissons à Dieu le choix de ses moyens. L'Esprit souffle où il veut. Prenons pour règle la prière de Gethsémané : « S'il est possible... toutefois que ta volonté soit faite. » Que le malade à qui Dieu ôte son écharde Le glorifie dans la délivrance, comme le démoniaque guéri 6 ; que le malade à qui Dieu maintient son écharde Le glorifie dans la souffrance comme l'apôtre Paul 7, et que tous, attentifs au service dans l'état où ils se trouvent, manifestent par une foi sereine que a soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur » 8. 1 1Jean 5 : 19 ; 2 2 Cor. 4 : 17 3 1 Cor. 12:4-11 ; 4 Paysan de Vialas (Lozère), appelé communément a le père Vignes s. Il exerçait encore en 1907, âgé de 83 ans. Il ne priait pas avec ses malades, mais leur reprochait leur manque de foi en rappelant les promesses de jésus, spécialement celles de l'évangile de saint Jean. Il procédait par ordres impératifs. Par son don de guérir, de soulager à distance et de lire dans les coeurs, il était devenu célèbre jusque chez les piétistes d'Allemagne ; 5 Méditer le rapport établi par saint Paul entre l'état de péché, la maladie et la mort, 1 Cor. 11:30; 6 Marc 5 : 20 ; 7 2 Cor. 12 : 9 ; 8 Rom. 14 :8.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de l'amour.
« L'a-t-on regardé, on est illuminé...» (Ps. 34 : 6).
Il est impossible d'approcher Dieu sans participer aux vertus divines. Le regard qui se tourne vers lui s'illumine, le coeur qui s'ouvre à lui s'embrase. C'est ainsi que la prière devient génératrice d'amour. Si, après l'oraison, nous restons froids c'est que nous avons prié de trop loin ou que nous avons laissé subsister entre Dieu et nous l'écran du péché. Connaissons-nous donc nous-mêmes, et mettons-nous dans les conditions voulues pour obtenir la grâce de l'amour. Le coeur qui l'aime, c'est celui que Dieu exauce. Le curé d'Ars était une âme simple et de pauvre culture ; s'il a pu accomplir des merveilles dans son ministère de campagne, c'est que tout en cet homme de prière exprimait l'amour pour Dieu : « Je vous aime, ô mon Dieu, et mon seul désir est de vous aimer jusqu'au dernier soupir de ma vie. Je vous aime, ô Dieu infiniment aimable, et j'aime mieux mourir en vous aimant que de vivre un seul instant sans vous aimer. Je vous aime, ô mon Dieu, et je ne désire le ciel que pour avoir le bonheur de vous aimer parfaitement. Je vous aime, ô mon Dieu, et je n'appréhende l'enfer que parce qu'on n'y aura jamais la douce consolation de vous aimer. » « O mon Dieu, si ma langue ne peut dire à tout « moment que je vous aime, du moins je veux que mon « coeur vous le répète autant de fois que je respire. Ah ! Faites-moi la grâce de souffrir en vous aimant, de vous aimer en souffrant et d'expirer un jour en vous aimant et en sentant que je vous aime. Et plus j'approche de ma fin, plus je vous conjure d'accroître mon amour et de le perfectionner. Ainsi soit-il. » Méditons cette prière ; comparons-là aux nôtres, et nous connaîtrons l'origine de notre stérilité. Ce qui fait la grandeur du curé d'Ars, ce n'est pas qu'il ait été béatifié, puis canonisé par Rome, c'est qu'il a aimé Dieu comme nous devons tous l'aimer.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de la liberté.
« Approchez-vous de Dieu et il s'approchera de vous. » (Jacq. 4 : 8). « Si le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres. » (Jean 8 : 36).
Dans les religions naturelles, qui mettent les adorateurs à la discrétion de l'arbitraire des dieux, la prière rabaisse l'homme au rang d'esclave. Dans la religion biblique, fondée sur un contrat, la prière élève l'homme au rang de créature libre. Le Dieu saint qui a fait l'homme à son image provoque ses initiatives et les respecte. Sans doute, l'homme reçoit tout de Dieu, — « Qu'as-tu, que tu ne l'aies reçu 1 ? » — mais Dieu a voulu, dans son paternel amour, que l'homme ne reçût rien qu'il n'ait demandé : « Demandez, et l'on vous donnera 2. » Il y a donc un chemin qui va de l'homme à Dieu ; c'est le chemin de la libre prière. On peut même dire, en un sens : tant que ce chemin-là est désert, le chemin qui va de Dieu à l'homme l'est aussi. Ou plutôt, Dieu n'y descend que pour solliciter de l'homme la prière qui rend possible la bénédiction d'en haut. C'est au point que, dans un renversement où se marque tout le respect de Dieu pour la liberté de l'homme, la Bible nous montre Jéhovah dans une attitude implorante : « J'ai tendu les mains tout le jour vers un peuple rebelle » 3, et Jésus comme une solliciteur qui se tient à la porte et qui frappe: « Si quelqu'un m'ouvre la porte, j'entrerai 4. » Le coeur qui prie, c'est le coeur qui ouvre. Quand Jésus entre, il apporte avec lui toutes les grâces de la nouvelle créature. L'homme passe de la mort à la vie. Mais entre cette mort et cette vie, il y a la porte. Et cette porte, nul ne l'ouvre que l'homme libre. C'est ici que nous apprenons à comprendre la condescendance de Dieu, la responsabilité de l'homme, et le sens du mot de saint Paul : Nous sommes ouvriers avec Dieu 5. » 1 1 Cor. 4 : 7 ; 2 Luc 11 : 9 ; 3 Esa 65 : 2 ; 4 Apo 3 : 20 ; 5 1 Cor. 3 : 9.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de la joie.
« Demeurez en moi... dans mon amour... » « Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. » (Jean 15). « Je prie pour eux.., et je dis ces choses, afin qu'ils aient ma joie accomplie en eux. » (Jean 17).
Ces deux textes nous présentent la prière comme génératrice de joie. Jésus prie pour ses disciples à haute voix, devant eux, afin que, comme dit Luther, « ils puissent s'appuyer sur ses paroles avec une joyeuse assurance en se disant : voilà ce qu'à dit mon Seigneur et comment il a prié pour moi de tout son coeur. » D'autre part, puisque Dieu accorde son Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent et que la prière est notre organe de communion avec le Sauveur, n'est-il pas vrai de dire que la prière, avec les grâces qu'elle obtient, est à l'origine de la joie parfaite ? Joie d'être couverts par la prière de Jésus, joie de nous épancher dans le coeur de Jésus qui nous comprend parfaitement et qui dispose pour nous de toutes les grâces du support 1, joie de pouvoir prier « au nom de Jésus », c'est-à-dire en bénéficiant de la puissance de Jésus. Amis affligés, troublés, délaissés, passés au crible, avez-vous pensé à cette triple source de joie que la prière ouvre dans notre vie ? Et si nous restons accablés, cela ne viendrait-il pas de ce que nous faisons trop cas de nous-mêmes et de la vie terrestre, de ce que nous ne veillons pas assez à « demeurer » dans l'amour du Christ, le divin supportant 2 ? C'est de cela que, dans sa vie de prières, François d'Assise avertissait le frère Léon quand il lui disait, un jour, en chemin, par le froid le plus cruel : « O mon frère Léon si nous savions, tout trempés de pluie et gelés de froid, souillés de boue et tourmentés de faim, supporter les injures de bon coeur et subir avec patience les peines que nous inflige le Christ bienheureux, alors, nous connaîtrions la joie parfaite. Car, entre toutes les grâces du Saint-Esprit que le Christ a accordées et données à ses amis, il n'y en a point de plus précieuse que de se vaincre soi-même et de supporter volontiers toutes les opprobres pour le Christ et pour l'amour de Dieu. » Aussi vrai que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » 3, là où la prière abonde, la joie surabonde. 1 Jésus nous apprend à supporter comme nous avons été supportés. Rapprocher Rom. 2 : 4 et 1 Cor. 13 : 7 ; 2 Cf. Mat. 17 : 17 ; Hébr. 12 : 3 ; 3 Rom. 5 : 20.
LES GRÂCES DE LA PRIÈRE
La grâce de la reconnaissance.
« Rendez grâces en tout temps pour toutes choses à Dieu, notre Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ. » (Eph. 5 : 20).
Rendre grâces ! c'est ce que les anciens Hébreux appelaient : « Se réjouir devant l'Eternel. » Il est plus facile de pleurer avec ceux qui pleurent que de se réjouir avec ceux qui se réjouissent ; il est plus facile de pleurer devant l'Eternel que de se réjouir devant l'Eternel. C'est qu'il y a plus de désintéressement dans la reconnaissance que dans les larmes. Si nous comptions les bienfaits de Dieu, notre prière, au lieu de gémir, chanterait. Plus que la douleur, l'action de grâces à fait les Psaumes. A compter les bienfaits de Dieu, nous verrions vite qu'ils sont innombrables ; cette constatation nous rendrait plus humbles et l'action de grâces, même aux heures les plus desséchantes, ouvrirait en nous les sources de la prière. La pratique journalière du « Merci à Dieu » a encore d'autres effets. Elle nous habitue à découvrir, dans chacune de nos journées, les sujets de reconnaissance, à y voir moins ce qui nous manque que ce qui nous est donné. Et cela déjà dans les mille riens qui sont la menue monnaie de notre vie. Devant un bouquet sur la table, nous ne dirons plus : « Il y a déjà des fleurs fanées ! » mais : « Il y a encore des fleurs fraîches ! » Devant une carafe à demi remplie, nous ne dirons plus : « Elle est à moitié vide ! » mais : « Elle est à moitié pleine ! » Savez-vous que c'est toute une révolution cela ? Et dans les grandes choses !... Aux heures où la tâche parait ingrate parce qu'elle coûte plus qu'elle ne rapporte, seul le souvenir de ce que nous devons à Dieu nous rappellera ce que nos devons aux hommes et nous donnera la force de vaincre notre lassitude, de sacrifier notre préférence à notre devoir. Relisez le récit de la Chute : ce que vous verrez tout au fond, c'est l'ingratitude. Informez-vous, par contre, de ce que donnent aujourd'hui les anciens païens dans nos champs de mission, vous verrez qu'ils donnent déjà pour l'oeuvre missionnaire plus que l'Eglise qui est censée les évangéliser. Les païens convertis rendent grâces. Si nous voulons aller au bon combat avec le sain optimisme et l'enthousiasme chrétien nécessaires à la fondation du Royaume de Dieu ici-bas, si nous voulons affermir notre âme en vue de l'épreuve qui, tôt ou tard, fondra sur elle, et des glorieuses perspectives ouvertes â la fi lité, ne négligeons pas la grâce de la reconnaissance que donne la prière, et redisons chaque matin avec le psalmiste : « Mon âme, bénis l'Eternel !
La prière espérante.
« O Eternel, nous espérons en toi ! » (Jér. 14 : 22). « Mon âme attend le Seigneur, « Plus que les gardes n'attendent le matin, « Oui, plus que les gardes n'attendent le matin. » (Ps. 130: 6).
Le pire état est celui de l'homme qui n'attend rien. Attendre est la raison de vivre. Celui-là est heureux qui vit de ce qu'il attend. La Bible, dans toutes ses pages, présente le croyant comme un homme qui attend : sentinelle qui guette le matin de Dieu. Ne jamais se contenter de ce qu'on est, ne jamais se replier sur soi-même, se vouer à une attente qui élargit nos facultés d'aimer, de vouloir, et qui nous élève vers un idéal auquel, par avance, nos âmes se sont livrées, voilà la vocation du chrétien et sa noblesse, voilà qui l'oriente vers les célestes perspectives. « Oh ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais 1 ! » Ce qui est vécu est mort. C'est ce qui nous reste à vivre qui détient toute notre espérance et quand cette espérance est une promesse de Dieu, quand elle est attestée à nos coeurs par des arrhes divines, quelle puissance illuminatrice sur le chemin de la terre enténébrée par notre péché et encombrée de nos illusions perdues ! Mais le chrétien ne doit pas se résigner à attendre, de peur d'oublier ce qu'il attend. Sans cesse par la prière il doit demander à Dieu de réaliser sa promesse, d'accomplir en nous ce que Jésus, sur la croix, a accompli pour nous, de hâter la venue de nouveaux cieux et d'une nouvelle terre où la justice habitera 2. Que dis-je : la prière ne se contente pas de demander ; par la foi, « vive représentation de l'invisible a 3, elle va au-devant de ce qu'elle demande, elle s'y implique, elle s'y installe, et le prieur s'avance dans un halo qui met sa clarté sur tout ce qui l'entoure. Tel l'oeil qui a fixé le soleil pose partout des taches blondes. C'est là le propre de la prière que de nous tenir le front levé, le coeur aux aguets, l'âme lumineuse, et, dès ici-bas, de nous faire vivre dans le climat de Dieu. 1 Esa 63 : 19 ; 2 Esa 65 : 17, cf. 1 Pierre 3 : 13 ; 3 Héb. 11 : 22.
LES PERSPECTIVES ÉTERNELLES
Communion avec l'au-delà.
« Soit la vie, soit la mort..., toutes choses sont à vous et vous êtes à Christ et Christ est à Dieu. » (1 Cor. 3 :22). « Quelqu'un est-il dans l'affliction ? Qu'il prie. » (Jacq. 5 : 13).
Les portières sont fermées. Penché hors de la fenêtre, le partant aspire les suprêmes tendresses qui montent du groupe aimé massé devant le 'wagon. Le signal est donné. Dans un sourd gémissement, le monstre d'acier tend ses muscles. Et soudain, sur l'écran du mur blanc, le groupe aimé vacille. Est-ce lui qui se dérobe ? Est-ce moi qui pars ?... Gestes désordonnés, cris d'adieu perdus dans le fracas d'une plaque tournante. Plus rien. Partir, c'est mourir un peu. Le voyageur en détresse s'est rejeté au fond de son compartiment ; il ferme les yeux et se met à prier pour ceux qu'il a quittés. Il prie.., et voici, ô miracle, qu'ils reviennent ! Il les voit, il les entend, il les emporte avec lui... Dans le pays lointain, ils l'aideront à vivre. Vient le moment du grand voyage ; celui dont nul n'est revenu. Dieu vous a repris un être aimé. Cette fois, partir, c'est bien mourir. Vous retournez au lieu où il a vécu : tout est vide. Vous vous entourez de ses objets familiers : leur âme s'est envolée. Vous parcourriez le monde entier pour revoir ce qu'il a vu, ce qu'il a fait, le monde entier vous crierait : il n'est pas ici, tu l'as perdu ! Alors, dans votre affliction, vous fermez les yeux et vous cherchez l'être aimé dans la prière. Vous parlez de lui à Dieu.., et voici que le monde matériel disparaît ; dans la sphère supérieure où vous êtes entré, l'être aimé revient. Il est proche, combien plus proche Il vous pénètre, il est en vous ! Disparue, la dualité corporelle qui limite la communion de deux âmes sur la terre ; dissipées, les ombres qui passent ici-bas dans le ciel des intimités les plus claires. Compréhension, paix, certitude, ondes spirituelle révélant à votre cœur la présence du vivant que vous pleurez et qui, délivré, attend votre délivrance. « O sépulcre, où est ta victoire ? » Pour l'affligé qui prie, il n'y a plus d'absents, il n'y a que des invisibles.
LES PERSPECTIVES ÉTERNELLES
Le ciel qui s'ouvre.
« Pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit. » (Luc 3 :21).
Du recueillement à l'extase, de la prière à la vision céleste, le passage est moins grand qu'on ne pense. Le monde spirituel est tout près de nous, et notre âme, sans s'en douter, le côtoie. Mais pour qu'il la pénètre, il faut qu'elle s'abandonne à Dieu sans hésitation, sans distraction, avec une foi sans fêlure. Une fêlure suffit pour que la cloche ne vibre pas sous le coup du battant ; une fêlure suffit, qu'elle vienne des sens, de la raison ou des agitations de la vie, pour que l'âme ne réagisse pas au choc de l'Esprit. Voilà pourquoi sont rares, dans la société chrétienne, les contacts avec l'invisible : ravissements, révélations, intuitions soudaines toutes chargées de directives divines, visions des mourants à qui l'au-delà se dévoile avant qu'ils aient quitté la terre. Que le monde les ignore ou qu'il les bafoue, ces mouvements de l'Esprit sont les lames de fond qui portent en avant le vaisseau de l'Eglise. Pour avoir été soulevés par elles, certains enfants de Dieu, parfois fort modestes et ignorants, possèdent un rayonnement, exercent une contagion spirituelle auxquels d'autres chrétiens, malgré leur science et leur zèle, ne pourront jamais prétendre. Ouvrez l'Evangile, interrogez l'expérience, et vous rencontrerez les miracles de la prière qui ouvrent l'âme aux réalités divines, depuis Jésus lors de son baptême et de sa transfiguration, Etienne au moment de son martyre, Pierre sur la terrasse de Jaffa, Paul dans ses ravissements, Jean exilé à Patmos jusqu'à Jeanne d'Arc oyant des voix aux champs de Domrémy, François d'Assise qui vivait dans la société des anges, Frédéric Fabri 2 à qui Dieu répondait dans ses promenades solitaires, et Charles Secretan, le visage inondé de larmes, s'écriant aux pieds de Mutterli 3 : > C'est le ciel qui s'ouvre ! » 1 Luc 3 : 21 ; 9 : 29-36 ; Ac 7 : 54-60 ; 10 : 9-16 ; 2 Cor. 12 :1-10; Apo 1 : 9 2 Fabri, disciple de Jacob Boehme, fut au siècle dernier directeur de pressaient 3 Voir Dédicace. Riches et pauvres, savant et ignorants se pressaient confondus autour de la modeste chaire de Dorothée Trudel, pour avoir part à ses prières et aux messages prophétiques qu'elle délivrait avec douceur et simplicité.
LES PERSPECTIVES ÉTERNELLES
La prière cessera.
« Je reviendrai et je vous prendrai avec moi. » (Jean 14 : 3). « En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien. » (Jean 16 :23).
« Je reviendrai. » Il reviendra ! Il reviendra dans sa gloire à l'heure du rétablissement de toutes choses 1. Il reviendra dans son intimité vers chacun de nous, quand l'heure sera venue pour nous « de passer de ce monde au Père » 2 ; alors, comme Etienne 3, nous le verrons. Tant que nous luttons et que nous souffrons sur cette terre dans l'infirmité de notre corps de chair, nous ne voyons Jésus que par les yeux de la foi, dans un miroir, confusément 4, et nous faisons monter vers lui, du fond de notre trouble, nos intercessions, nos interrogations, nos supplications. « Je vous prendrai avec moi. » Quand il reviendra, il nous prendra avec lui, « alors ce qui est imparfait sera aboli » 5 ; là où il est, nous serons 6 ; nous le verrons tel qu'il est, nous verrons sa gloire 7 ; son moi s'emparant de tout notre être nous deviendra plus réel que notre moi : nous connaîtrons comme nous avons été connus 8. La contemplation immédiate de Jésus « nous rendra semblables à lui » 9. Et ce sera l'aboutissement, l'exauce ment de cette lente transformation à son image qui, nous dit saint Paul, s'accomplit dès ici-bas « de gloire en gloire par l'action de l'Esprit du Seigneur » 10. Nous étions dans le combat, nous serons dans la paix. Nous étions dans l'ombre, nous serons dans la lumière. Nous étions dans l'espérance, nous serons dans la possession. Qu'aurons-nous encore à demander, puisque Dieu nous aura tout donné pleinement en Lui 11 ? La mort aura été engloutie dans la vie 12, et la prière dans l'adoration. Vivant dans la gloire de cette attente qui est certaine et qui est prochaine, n'est-ce pas une aberration folle que de nous laisser distraire par des choses qui pourraient la compromettre et d'attacher du prix à ce qui ne la prépare pas ? Ah ! plutôt, comme dit Quesnel : « Commençons dès maintenant à former les traits de cette ressemblance qui nous est promise, si nous voulons la porter dans le ciel. » 1 Mat. 25 : 31 ; 2 Jean 13 :1 ; 3 Ac 7:56 ; 4 1Cor. 13 :12 5 1Cor. 13:10 ; 6 Jean 14 : 3 ; 7 1 Jean 3 :2 ; Jean 17 :24 ; 8 1 Cor. 13 : 12 ; 9 1 Jean 3 : 2 ; 10 2 Cor. 3 18 ; 11 Rom. 8 :22 et Col 2 : 10 12 1 Cor. 15 :54.
DEDICACE INTRODUCTION PREMIÈRE PARTIE Les Prières de la Bible Ancien Testament : La prière de Caïn La prière d'Abraham La prière d'Eliézer La prière de Jacob Encore Jacob La prière de Moïse Moïse et Amalek Moïse, homme de prière La prière de Josué La prière de Manoah La prière de Samson La prière d'Anne La prière de Samuel La prière de David La prière de Salomon La prière pour l'étranger La prière d'Elie La prière d'Elisée La prière d'Ezéchias A propos d'Ezéchias La prière d'Habacuc La prière d'Agur La prière d'Esaïe La prière de Jérémie La prière de Baruc La prière d'Ezéchiel La prière d'Esdras La prière de Néhémie Prière des survivants de Sion La prière d'un rescapé Prières de psalmistes 1. La prière de l'égaré 2. La prière de repentance 3. La prière d'action de grâces 4. La prière du pèlerin La prière de Daniel Nouveau Testament : La prière de Marie La prière de Siméon L'entrée en charge de Jésus La prière de Jean-Baptiste « Comme il faisait encore obscur » La prière du démoniaque La prière sans paroles La prière d'une mère La prière d'un soldat Le tressaillement de Jésus L'Oraison dominicale 1. Le plan 2. L'invocation 3. La prière pour Dieu 4. La prière et le devoir présent 5. Terre et ciel 6. La prière et le pain 7. La prière et le pardon 8. Prière et tentation 9. Prière et délivrance 10. La Doxologie 11. Amen
Prier au nom de Jésus La prière à Jésus La prière de la mère de Jésus La prière des Scribes Péager et Pharisien Une prière qui s'égare La prière de Salomé Prière et renoncement La prière de Philippe L'intercession royale La prière de Gethsémané La prière et les anges Le pourquoi de Jésus La prière du brigand crucifié La prière du Christ mourant La prière des disciples d'Emmaüs L'invocation de Thomas La prière de l'Eglise avant la Pentecôte Ames embrasées La prière de la Chambre haute La prière d'Etienne La prière de Paul La prière des adieux Le suprême appel DEUXIÈME PARTIE « Seigneur, enseigne-nous à prier ! » L'invitation à la prière L'invisible présence L'attitude de la prière : Prier à genoux Prier les mains jointes Prier les yeux fermés Les modes de la prière : La prière personnelle Ferme ta porte » La prière matinale La prière mêlée â toute la vie L'ornière Prière et patience Un esprit doux et paisible » La prière perpétuelle L'état de prière Prière et paroles Le quatrième compagnon Un homme de prière La prière d'intercession Un ordre de Jésus La cloche L'encensoir d'or Ouvriers avec Dieu « Il y a encore de la place La prière en commun Réunions de prières La grande trahison Les disciplines de la prière collective La prière liturgique La puissance de la prière : Prière et Providence Mettre Dieu à l'épreuve Le remède à l'inquiétude Prière et influence L'action de la prière La prière et la lecture de la Bible La prière et le cœur La prière et la pensée La prière et la volonté La prière et la conscience La prière révélatrice La prière inspiratrice La prière transformatrice Demander le Saint-Esprit La prière pour les dons spirituels Les difficultés de la prière : « Je ne sais, Dieu le sait » Question troublante Les refus de Dieu « De peur que. » Prière et distraction Prière et vigilance Prière et perplexité Prière et fardeau Métier ou vocation Une prière difficile Les obstacles à la prière : La prière du soliloque Prière et souvenir Prier et ne pas croire La prière qui congédie La prière et le sport Torrents de montagne Prier mal Prière et amateurisme Prière et loyauté « Donne-moi quelque chose La prière et les dons La prière et les fautes cachées « Nous sommes bien décidés » « Seigneur, ôte la paille » Les grâces de la prière : La grâce de la solitude La grâce de bien compter nos jours La grâce du sommeil La grâce de l'offrande La grâce de l'adoration La grâce de l'acceptation La grâce des miracles La grâce des guérisons La grâce de l'amour La grâce de la liberté La grâce de la joie La grâce de la reconnaissance Les perspectives éternelles : La prière espérante Communion avec l'au-delà Le Ciel qui s'ouvre La prière cessera
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